Les moulins à eau - Université de Caen Normandie · LES MOULINS DES SEIGNEURS Bacon du Molay Avec...

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Maison de la Recherche en Sciences Humaines de Caen (Pôle Rural, OUEN) exposition itinérante Les moulins à eau autour de la forêt de Cerisy Commissariat de l’exposition : Conception, recherches et textes : Élisabeth RIDEL, CNRS, MRSH de Caen. Mise en page des posters : Anne LACHEREZ, MRSH de Caen (Service infographie). Cartographie : Michel DAEFFLER, CNRS, MRSH de Caen. Crédits photos : Carola BERNARD, Michel DAEFFLER, Agnès MARIE, Élisabeth RIDEL. Merci à Agnès MARIE et Jean-Marc DUPONT, agents du patrimoine au Molay-Littry pour leur participation. Cette exposition est organisée dans le cadre du Projet Collectif de Recherche De bois, de terre et d’eau (programme de mise en valeur du patrimoine de la région Balleroy – Le Molay-Littry. Site : http://www.foret-otballeroylml.fr/ De bois, de terre et d’eau NORMANDIE - CAEN Maison de la Recherche en Sciences Humaines CNRS - UNIVERSITÉ DE CAEN M R SH PÔLE RURAL M R S H

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Maison de la Recherche en Sciences Humaines de Caen(Pôle Rural, OUEN)

exposition itinérante

Les moulins à eau autour de la forêt de Cerisy

Commissariat de l’exposition :Conception, recherches et textes : Élisabeth RIDEL, CNRS, MRSH de Caen.

Mise en page des posters : Anne LACHEREZ, MRSH de Caen (Service infographie). Cartographie : Michel DAEFFLER, CNRS, MRSH de Caen.

Crédits photos : Carola BERNARD, Michel DAEFFLER, Agnès MARIE, Élisabeth RIDEL.

Merci à Agnès MARIE et Jean-Marc DUPONT, agents du patrimoine au Molay-Littry pour leur participation.

Cette exposition est organisée dans le cadre du Projet Collectif de Recherche De bois, de terre et d’eau (programme de mise en valeur du patrimoine de la région Balleroy – Le Molay-Littry. Site : http://www.foret-otballeroylml.fr/

De bois, de terre et d’eau

NORMANDIE - CAENMaison de la Recherche e n S c i e n c e s H u m a i n e sCNRS - UNIVERSITÉ DE CAEN

M R S H P Ô L E R U R A LM R S H

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Les moulins à eauautour de la forêt de Cerisy

C E R I S Y - L A - F O R ê T – L E M O L AY - L I T T R Y – B A L L E R O Y

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Le Molay-LittryBur

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Bois duMolay

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Bois duTronquay

Bois duMont-au-Bœuf

Bois duVernay

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0 2 4 6 8 10 km

Élisabeth Ridel, Michel Daeffler© 21/04/2016 MRSH de Caen - Pôle maritime et Pôle rural

Abbaye

Château médiévalimportant

Moulin en activitéaux 18e - 19e s.Moulin ayant appartenuaux Bacon du MolayB

Une histoire d’eau et de bois…

Le moulin à eau est une invention qui remonte à la lointaine Antiquité, mais sa diffusion est médiévale. En Normandie, la densité de mou-lins à eau depuis le Moyen Âge jusqu’au milieu du 19e siècle n’est plus à démontrer : elle fut considérable. Au début de l’ère industrielle, cette région pos-sédait sur ses multiples cours d’eau de très nombreux moulins qui ont autant façonné le pay-sage que les églises et les châ-teaux. Le Calvados comptait à lui seul pas moins de 980 mou-lins en activité en 1806.

Venez donc découvrir dans le sud du Bessin, une petite région située autour de la forêt de Cerisy, où les conditions environnementales et politiques ont particulière-ment favorisé le développement des moulins à eau. Limité, au

nord, par les marais du Bessin et, à l’ouest et à l’est, par les rivières de l’Elle et de l’Aurette, ce territoire boisé s’est longtemps appelé « forêts de Bur-le-Roy », du temps où les ducs de normandie puis les rois de France venaient y chasser…

Élément paysager i n c o n t o u r n a b l e mais aussi moteur économique essentiel, le moulin à eau a pro-fondément marqué la société rurale nor-mande parce que, dès le Moyen Âge, il a jeté les bases d’une proto-industrie. On relève en Normandie de ma-nière précoce des formes particulière-ment innovantes de moulins.

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Les moulins à eauautour de la forêt de Cerisy

C E R I S Y - L A - F O R ê T – L E M O L AY - L I T T R Y – B A L L E R O Y

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Le Molay-LittryBur

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Bois duVernay

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Élisabeth Ridel, Michel Daeffler© 21/04/2016 MRSH de Caen - Pôle maritime et Pôle rural

Abbaye

Château médiévalimportant

Moulin en activitéaux 18e - 19e s.Moulin ayant appartenuaux Bacon du MolayB

Une histoire d’eau et de bois…

Le moulin à eau est une invention qui remonte à la lointaine Antiquité, mais sa diffusion est médiévale. En Normandie, la densité de mou-lins à eau depuis le Moyen Âge jusqu’au milieu du 19e siècle n’est plus à démontrer : elle fut considérable. Au début de l’ère industrielle, cette région pos-sédait sur ses multiples cours d’eau de très nombreux moulins qui ont autant façonné le pay-sage que les églises et les châ-teaux. Le Calvados comptait à lui seul pas moins de 980 mou-lins en activité en 1806.

Venez donc découvrir dans le sud du Bessin, une petite région située autour de la forêt de Cerisy, où les conditions environnementales et politiques ont particulière-ment favorisé le développement des moulins à eau. Limité, au

nord, par les marais du Bessin et, à l’ouest et à l’est, par les rivières de l’Elle et de l’Aurette, ce territoire boisé s’est longtemps appelé « forêts de Bur-le-Roy », du temps où les ducs de normandie puis les rois de France venaient y chasser…

Élément paysager i n c o n t o u r n a b l e mais aussi moteur économique essentiel, le moulin à eau a pro-fondément marqué la société rurale nor-mande parce que, dès le Moyen Âge, il a jeté les bases d’une proto-industrie. On relève en Normandie de ma-nière précoce des formes particulière-ment innovantes de moulins.

Des conditions favorables à l’implantation des moulins

La zone d’étude considérée est une région « d’eau et de bois », ces deux éléments conjugués ayant large-ment contribué à l’implantation de nombreux moulins. Entre le 18e et le début du 19e siècle, ce sont près de 80 moulins qui étaient en activité autour de la forêt de Cerisy.

L’eauLa forte densité de moulins en Normandie est due aux données avantageuses du climat et du relief (Arnoux 2009) :

1) Un climat océanique caractérisé par des pluies régulières mais peu abondantes et bien réparties dans l’année ;

2) Un relief peu accentué constitué de plateaux et petites collines qui ont donné naissance à un réseau hydrographique dense, où les rivières peu encaissées et stables ont favorisé un aménagement serré (on compte environ une roue tous les 1 000 mètres).

La région autour de la forêt de Cerisy est parcourue par un réseau secondaire particulièrement dense de grandes (l’Elle et l’Aure, af-fluents de la Vire) et de petites rivières qui ont permis l’implan-tation de moulins. Quelques-uns de ces cours d’eau prennent nais-sance au cœur même de la forêt.

Aure

Esque Tortonne

La Siette Le Grill Soquence Bindoure Ruisseau dela Commune

Le VesbireL’Orbec Le MoulinOuf

Ruisseau dela Poterie

Drôme Aurette

Le boisSi les historiens ont parfaitement défini les conditions naturelles qui ont favorisé l’érec-tion et le développement de moulins à eau en Normandie, les archéologues, de leur côté, ont mis en évidence la nécessité de s’appuyer sur des réseaux de distribution en bois que consommaient en abondance les moulins pour leurs fréquentes réfec-tions. Les charpentiers de moulin avaient besoin, en particulier, de grandes quantités d’arbres de taillis ainsi que d’arbres émondés (Bernard 2009). Chêne, hêtre mais aussi pommier entraient dans la confection des roues et des engrenages.

Jusqu’au 17e siècle, la couverture forestière était assez importante, formée des forêts dite « de Bur-le-Roy », dénomination qui vient du nom de l’ancienne résidence de chasse des ducs de Normandie, le « château de Bur », situé à Noron. Le massif le plus important était celui de l’actuelle forêt de Cerisy ou « Grande forêt », dont les limites sont demeurées quasi intactes depuis le Moyen Âge. Viennent ensuite les forêts du Tronquay et du Vernay, qui subirent de gros défrichements à partir du 17e siècle, le bois du Molay, largement défriché par la communauté des potiers entre le 11e et le 18e siècle, les bois de Guerquesalles (à Vaubadon), et de Courteil (à Bal-leroy), tous deux disparus, celui du Mont-au-Bœuf (à Sallen) et, enfin, le bois du Parc de Semilly.

Les affluents de L’Aure

La Drôme au pont de Sully, entre Vaubadon et Castillon

La Siette au pont des Louveaux, au Molay-Littry

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LES MOULINS des abbés de Cerisy

Le contexte politique a également joué un rôle important dans le développement des installations hydrau-liques. L’émergence de puissantes seigneuries mais aussi la fondation de nouvelles abbayes ont largement contribué à leur diffusion.

Les moulins de LittryDepuis la donation du duc Guillaume, tous les moulins de l’ancienne paroisse de Littry ont appartenu jusqu’à la Révolution française à l’abbaye de Cerisy. Il s’agis-sait des moulins de Marcy, Cannebert, Creveuil et de la Rocquette. Ces moulins dé-pendaient de fermes-ma-noirs qui étaient fieffées par l’abbaye. Le tabellionnage de Bayeux a conservé un contrat du moulin de Creveuil, daté du 10 janvier 1642, établi entre l’abbé de Cerisy et un certain Charles de Monfréard qui détermine les clauses de location du moulin et de ses « heritaiges ».

Le moulin de Marcy devait dépendre de la fiefferme de Marcy (qui correspond à l’actuelle ferme du Grand Marcy), qui est mentionnée dans une charte de l’ab-baye de Cerisy en 1481. En 1771, les droits des reli-gieux sur la possession de cette fiefferme sont main-tenus par un arrêt du Conseil.

Les ducs de Normandie et l’abbaye de CerisyLes plus anciens textes montrent que les cours d’eau étaient déjà équi-pés avant l’installation des seigneuries à partir du milieu du 11e siècle. La période carolingienne est loin d’avoir ignoré les moulins et les grandes abbayes en possédaient déjà aux 9e et 10e siècles. On le voit bien à la lecture de la charte de fondation de l’abbaye de Cerisy en 1032 quand Robert le Magnifique, duc de Normandie, effectue en sa faveur di-verses donations dont des moulins. Même si les indications géogra-phiques sont peu précises, la charte montre qu’il y avait déjà des mou-lins sur une portion de l’Esque et sur la Drôme, avant que ne soit édifiée l’abbaye.

Il n’est pas impossible que le duc ait cherché à restituer d’an-ciennes possessions de la première abbaye érigée par saint Vigor au 6e siècle et détruite par les vikings au 9e siècle. Plus tard, en 1032,

guillaume le batard, le futur conquérant de l’Angleterre, augmente le patrimoine de l’ab-baye de Cerisy par de nouvelles donations, dont la paroisse de Littry et ses moulins. Il y avait donc à cette époque des moulins dont les roues tour-naient sur la Siette…

D’autres abbayes…Dans une charte datée vers 1175, Richard du Hommet, sei-gneur d’Aunay et connétable du roi d’Angleterre, confirme les possessions de l’abbaye d’Aunay-sur-Odon, constituées, entre autres, de l’église de balleroy, avec toute sa dîme et la dîme du moulin. Vers 1200, Jourdain du Hommet, évêque de Lisieux, fonde l’abbaye de Mondaye et lui offre le moulin de Héville. La mémoire de ce moulin médiéval est conservée dans un recueil de chartes relatives à son fonctionnement.

Cartulaire du moulin de Héville, AD 14.

Contrat du moulin de Creveuil, AD 14.

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LES MOULINS DES SEIGNEURSBacon du Molay

Avec l’installation des seigneuries à partir du milieu du 11e siècle, va se mettre en place un droit sur l’utilisation des installations techniques. Moulins, fours et pressoirs sont mis à la disposition des habitants de la seigneurie. En contrepartie, le seigneur est dans l’obligation de les entretenir et les habitants ne peu-vent utiliser que ces installations seigneuriales, moyennant une redevance.

Les moulins de Jeanne BaconLorsque Jeanne, dernière descendante en ligne directe des Bacon du Molay, décédait en 1376, elle laissait à ses héritiers un patrimoine foncier important localisé au cœur du Bessin. Le texte de la succession de Jeanne, rédigé en 1377, nous apprend qu’elle possédait plus d’une dizaine de moulins.

Plusieurs d’entre eux peuvent être encore identifiés de nos jours : le moulin de la Porte de l’ancien château du Molay (sur Saon, disparu), le mou-lin de Blay, le moulin de Ber-nesq (disparu), le moulin de la Quièze (le fief de la Quièze avec son manoir et son étang appartenait au Bacon du Mo-lay depuis 1126 et était situé sur Notre-Dame-de-Blagny, actuellement sur Ste-Margue-rite-d’Elle), le moulin Bacon de Blagny (qui correspond au

moulin Pignot à St-Martin-de-Blagny et qui dépendait de la Motte-Blagny, château appartenant aux Bacon du Molay), le moulin de Saonnet, le mou-lin des Louveaux au Molay-Littry (disparu), le moulin de Saon, le moulin de Rubercy.

Non mentionné dans le texte de la succesion, un moulin Bacon a fonction-né sur le ruisseau de la Branche, affluent de l’Elle, à Saint-Jean-de-Savi-gny, tout près de Couvains. Or, Jeanne Bacon du Molay possédait le fief de Couvains.

Les seigneurs Bacon du MolayUne seigneurie a particulièrement marqué le territoire autour de la forêt de Cerisy, celle des Bacon du Molay. Jusqu’au 14e siècle, les Bacon du Molay ont constitué l’une des plus puissantes familles nobles

du Bessin. Le fief primitif des Bacon du Molay se situait sur l’ancienne paroisse du Molay, où ils avaient établi un château (dont il ne reste plus que la chapelle), mais aussi sur Saon et Blay.

Au 12e siècle, les Bacon du Molay avait étendu leur pouvoir sur d’autres paroisses et en particulier à Planquery. Roger Bacon y fonda en 1148 la commanderie des templiers de Baugy. Parmis les diverses dona-tions figure une rente en orge sur son moulin de Saon. Plus tard, en 1222, un charte de l’abbaye de Cerisy nous apprend que guillaume Bacon du Molay échangea avec l’abbé 97 perches de la rivière de la Drôme pour faire un étang à Planquery. Cet étang, qui préfigure les étangs modernes de Planquery, s’appellait « Étang Bacon » sur lequel tournait la roue d’un moulin, sans doute celui nommé Moulin Bacon , comme le montre le nom du lieu qui a perduré jusqu’à nos jours.Blason des Bacon du Molay, photo

éric Broine, CRAHAM.

La chapelle du château du Molay.

Plan du moulin de la Porte de l’ancien château du Molay, sur Saon, 1860, AD 14.

Bief et pont du moulin de la Quièze

Plan du moulin de Saon, 1881-1882, AD 14.

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FONCTION ET TYPOLOGIE des moulins

Dès le 11e siècle, le duché de Normandie se distingue par sa capacité à innover dans l’installation de moulins industriels tels que les moulins à tan et les moulins à fouler les draps. Plus tard, ce sont dans les techniques que cette région devient pionnière en inventant le moulin actionné par une roue à augets.

La fonctionComme ailleurs en Normandie, on trouve autour de la forêt de Cerisy trois grandes catégories de moulins.

Les moulins à écraser les grains étaient les plus nombreux, car il s’agissait de fournir de la farine pour toute une population. Depuis le Moyen Âge, les meuniers ont moulu plusieurs sortes de grains : l’orge, le sarrasin, le seigle et le blé. En 1148, on entrevoit à Saon le moulin seigneurial écraser de l’orge…

Les moulins à presser étaient destinés à produire de l’huile. Ces moulins sont tardifs autour de la forêt de Cerisy et remontent au 19e siècle, avec l’apparition de la culture du colza introduite dans le Calvados vers 1800, grâce à un Caennais spécialisé dans le com-merce des huiles. On relève des moulins à huile à Saonnet, Littry, la Bazoque, Sainte-Honorine-de-Ducy et Sallen.

Les moulins à piler ou à frapper sont des moulins industriels. Munis d’énormes masses de bois levées par des cames, ces moulins servaient à fouler les draps (ce sont les moulins à foulon), à piler les chiffons en vue d’en faire du papier (ce sont les moulins à papier), à broyer les écorces riches en tanin utilisé pour travailler le cuir (ce sont les moulins à tan), à frapper le fer (ce sont les forges). Le moulin à tan est attesté en Normandie dès 1055-1070 tandis que le moulin foulon apparaît en 1087 (Arnoux 2009). Des moulins à foulon ont fonctionné jusqu’au 18e siècle à Castillon, Balleroy et Sallen ; des moulins à papier à Noron et Planquery. Le souvenir de moulins à tan se perpétue dans les noms de lieux comme à Littry, Cahagnolles et Sallen, où le cadastre napoléonien représente parfois leur seul témoin.

Les types de roueDeux types de roue ont fonctionné dans les villages autour de la forêt de Cerisy, dont cer-taines sont encore en mouvement : la roue à aube et la roue à augets. La roue à aube est mu-

nie de palles entraînées par le cou-rant, elle est essentiellement utili-sée sur des rivières à pente faible mais à fort débit. La roue à augets est constituée d’une succession de compartiments cloisonnés en forme d’auges, elle convient plutôt aux ri-vières et ruisseaux à fort dénivelé, avec des débits pouvant être rela-tivement faibles. Alimentée en eau par le haut au moyen d’un canal en bois, cette roue permet d’obtenir un excellent rendement. Les mou-lins munis d’une roue à augets font leur apparition en Normandie au Moyen Âge, où ils étaient appelés moulins à coisel.

Moulin muni d’une roue à augets figurant dans The Lutrell Psalter, 1325-1340, British Library.

Installation de la roue à aube au moulin de Rubercy

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FONCTION ET TYPOLOGIE des moulins

Dès le 11e siècle, le duché de Normandie se distingue par sa capacité à innover dans l’installation de moulins industriels tels que les moulins à tan et les moulins à fouler les draps. Plus tard, ce sont dans les techniques que cette région devient pionnière en inventant le moulin actionné par une roue à augets.

La fonctionComme ailleurs en Normandie, on trouve autour de la forêt de Cerisy trois grandes catégories de moulins.

Les moulins à écraser les grains étaient les plus nombreux, car il s’agissait de fournir de la farine pour toute une population. Depuis le Moyen Âge, les meuniers ont moulu plusieurs sortes de grains : l’orge, le sarrasin, le seigle et le blé. En 1148, on entrevoit à Saon le moulin seigneurial écraser de l’orge…

Les moulins à presser étaient destinés à produire de l’huile. Ces moulins sont tardifs autour de la forêt de Cerisy et remontent au 19e siècle, avec l’apparition de la culture du colza introduite dans le Calvados vers 1800, grâce à un Caennais spécialisé dans le com-merce des huiles. On relève des moulins à huile à Saonnet, Littry, la Bazoque, Sainte-Honorine-de-Ducy et Sallen.

Les moulins à piler ou à frapper sont des moulins industriels. Munis d’énormes masses de bois levées par des cames, ces moulins servaient à fouler les draps (ce sont les moulins à foulon), à piler les chiffons en vue d’en faire du papier (ce sont les moulins à papier), à broyer les écorces riches en tanin utilisé pour travailler le cuir (ce sont les moulins à tan), à frapper le fer (ce sont les forges). Le moulin à tan est attesté en Normandie dès 1055-1070 tandis que le moulin foulon apparaît en 1087 (Arnoux 2009). Des moulins à foulon ont fonctionné jusqu’au 18e siècle à Castillon, Balleroy et Sallen ; des moulins à papier à Noron et Planquery. Le souvenir de moulins à tan se perpétue dans les noms de lieux comme à Littry, Cahagnolles et Sallen, où le cadastre napoléonien représente parfois leur seul témoin.

Les types de roueDeux types de roue ont fonctionné dans les villages autour de la forêt de Cerisy, dont cer-taines sont encore en mouvement : la roue à aube et la roue à augets. La roue à aube est mu-

nie de palles entraînées par le cou-rant, elle est essentiellement utili-sée sur des rivières à pente faible mais à fort débit. La roue à augets est constituée d’une succession de compartiments cloisonnés en forme d’auges, elle convient plutôt aux ri-vières et ruisseaux à fort dénivelé, avec des débits pouvant être rela-tivement faibles. Alimentée en eau par le haut au moyen d’un canal en bois, cette roue permet d’obtenir un excellent rendement. Les mou-lins munis d’une roue à augets font leur apparition en Normandie au Moyen Âge, où ils étaient appelés moulins à coisel.

Moulin muni d’une roue à augets figurant dans The Lutrell Psalter, 1325-1340, British Library.

Installation de la roue à aube au moulin de Rubercy

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LES CHARPENTIERS de moulin

Vers 1400, le Coutumier des forêts nous apprend que des artisans tenaient des ateliers de menuiserie au hameau de Saint-Quentin à Bérigny. Parmi eux, certains étaient tenus de réparer le « no » du moulin de la fiefferme de Saint-Quentin, c’est-à-dire le conduit qui amène l’eau à la roue motrice…

La fabrication de la roue du Moulin de MarcyEn 2009, le Moulin de Marcy, au Molay-Littry, recevait une roue toute neuve qui a nécessité le savoir faire de deux tra-vailleurs du bois reconvertis pour l’occasion en véritables charpentiers de moulin : Rémy Lebosquin, menuisier employé à la commune du Molay-Littry, et Lucien Deslande, ébéniste chez Jean Mombrun. Tous deux ont entièrement fabriqué, monté et installé la roue du Moulin de Marcy, qui en fait l’un des rares moulins en état de fonctionnement actuellement. Un petit reportage photographique avait été réalisé à l’époque par Agnès Marie, agent du patrimoine au Molay-Littry et meunière au Moulin de Marcy, rare personne capable d’écraser les grains à l’ancienne…

Des charpentiers de moulin à Sallen et BérignyLa brève allusion du Coutumier des forêts sur la présence d’artisans spécialisés dans la ré-paration de moulin au Moyen Âge préfigure un métier d’une grande importance dans nos campagnes jusqu’au milieu du 20e siècle : le charpentier de moulin. Il semble qu’au fil des siècles, ce métier ait acquit ses lettres de noblesse et ait été pleinement reconnu avec toutes ses particularités et sa technicité, comme le suggère la publication aux 18e et 19e siècles de traités et manuels de constructeur de moulin.

Plus proche de nous, autour de la forêt de Cerisy, deux charpentiers de moulin ont marqué leur temps. En décembre 1936, Pierre Fouin, constructeur et réparateur de moulins à Sallen, partait en retraite pour raison de santé et laissait sa clientèle au bon soin de Maurice Pannier, de Bérigny. Ce dernier nous a laissé des documents qui témoignent de son activité : quatre agen-das datés entre 1936 et 1947, où l’on peut découvrir sa tour-née et un cahier avec quelques croquis techniques.

AM Le Molay-Littry – Moulin de Marcy.

AM Le Molay-Littry – Moulin de Marcy.AM Le Molay-Littry – Moulin de Marcy.

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LES forgES de Balleroy

Alors que le bourg de Balleroy se construit progressivement au pied du château édifié entre 1623 et 1631, le roi de France octroie en 1654 une mine de fer au seigneur de Balleroy, Jean de Choisy. L’année suivante, le 30 octobre 1655, en récompense de services rendus, le roi permet à Jean de Choisy de construire des forges à Balleroy.

Le fonctionnement d’une forgeLes forges de fer étaient en fait de véritables usines. Elles com-prenaient un fourneau, une fenderie (atelier où l’on fend le fer en barres) et la forge proprement dite, c’est-à-dire un moulin à piler mû par une roue à aube et actionnant des marteaux hydrauliques qui frappaient les loupes de fer issues des fourneaux. Ce type de mou-lin est ancien et a existé dès le Moyen Âge. L’une des plus vieilles usines métallurgiques d’Europe se trouve à l’abbaye de Fontenay, en Bourgogne, et date de la fin du 12e siècle.

Le fer contre le boisAfin d’alimenter ses forges, Jean de Choisy bénéficiait chaque année de 70 arpents de bois dans la forêt de Cerisy (environ 36 hectares). Mais cela ne suffisait pas. Aussi le sei-gneur de Balleroy acquit-il, au sein des forêts de Bur-le-Roy, les forêts du Tronquay et du Vernay ainsi que le bois de Courteil. C’est ainsi que les forêts du Tronquay et du Ver-nay subirent d’importants défrichements, au point qu’au 18e siècle de nouvelles paroisses virent le jour : les paroisses du Tronquay et du Vernay.

L’emplacement des forges de BalleroyBalleroy garde le souvenir des forges construites par Jean de Choisy en 1655 à tra-vers le nom La rue des Forges. Les bâtiments des forges sont en partie conservés et cor-respondent à ceux de l’actuel Moulin de la Drôme. Un plan exceptionnel daté de 1774 nous en offre une description sommaire : on peut apercevoir d’importants bâtiments qui regroupaient le logis du maître des forges et les ateliers, le moulin muni de trois roues, le fourneau qui était dans la cour du moulin.

Faute de bois, les forges cesse-ront de fonctionner à partir de 1740 et seront remplacées par un moulin à blé. Le plan cadas-tral ancien de Balleroy montre que l’organisation spatiale des anciennes forges était encore bien conservée en 1831 : subsis-tent les grands bâtiments et le moulin, auquel on a ajouté une roue supplémentaire. Plan des forges datant de 1774, AD 14.

Plan cadastral de Balleroy, 1831, AD 14

Château de Balleroy

Retenue d’eau du moulin.

Marteau de la forge de l’abbaye de Fontenay.

Moulin entraînant le marteau.