Atopie et stress

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1008 Ann Dermatol Venereol 2004;131:1008-11 Formation médicale continue Clinique Atopie et stress L. MISERY, A.-M. ROGUEDAS topie et stress sont des notions souvent associées. Les Alle- mands emploient même le ter- me de « Neurodermatis » pour désigner la dermatite atopique. Toutefois, les mé- canismes immunologiques de la der- matite atopique, ainsi que de l’asthme, de la rhinite spasmodique et de la con- jonctivite saisonnière, sont tellement bien connus depuis quelques années que le rôle du stress dans l’atopie est oublié, voire dénié. Nous allons donc tenter de répondre aux questions suivantes : Y a-t-il vraiment un rôle du stress dans l’atopie ? Si oui, comment peut-on l’expliquer ? Enfin, que peut-on faire ? Le stress Le terme de stress est tellement galvau- dé qu’il paraît très utile de définir ce ter- me. En français, le mot « stress » signifie à la fois sa cause (une épreuve, une con- trainte, une pression ; « stressor » en an- glais), ses effets sur l’organisme et la personne qui y est confrontée, et la ré- ponse à ces facteurs d’agression [1]. Ces facteurs d’agression ne sont pas obliga- toirement psychologiques et peuvent être physiques (opération chirurgicale par exemple). Ils ne sont pas forcément liés à un événement précis, mais peu- vent aussi être liés à une absence de changement. Le stress est donc à la fois l’événement produisant des effets sur l’organisme et l’ensemble des effets pro- duits sur l’organisme. Le stress peut être aigu ou chronique. Un stress aigu a un retentissement plus important s’il sur- vient sur un stress chronique. D’une manière générale, le stress ne peut pas se définir comme une situa- tion identique pour tout le monde. Un événement sera plus ou moins stres- sant selon les individus et selon les mo- ments de la vie de ces individus. Quel que soit cet événement, les mécanis- mes physiopathologiques du stress sont identiques. Seuls varient l’intensi- té et le terrain. Les conséquences physi- ques et psychologiques d’un stress sont liées au terrain, inné (génétique) et ac- quis (vécu). Elles ne sont pas liées au stress lui-même. Ainsi, si la survenue d’un stress chez un patient est suivie de la poussée d’une dermatose [2], quelle qu’elle soit, cela n’est pas lié à la nature du stress (licenciement, rupture senti- mentale, surmenage), ni à son caractè- re aigu ou chronique, mais au terrain génétique et aux cofacteurs associés à cette dermatose. Quel que soit le facteur stressant, quel- les que soient ses conséquences favora- bles ou défavorables, la réaction d’adaptation consiste en une activation de l’axe neuro-endocrinien du stress [3]. Le stress active l’axe corticotrope : libéra- tion de CRH (Corticotrophic Releasing Hormone) par l’hypothalamus puis d’ACTH (Adreno-Cortico-Trophic Hor- mone) par l’hypophyse puis de gluco- corticoïdes par les cortico-surrénales. Il bloque tous les autres axes hypothala- mo-hypophysaires. Il active le système nerveux sympathique et les médullo- surrénales : libération de catécholami- nes (adrénaline, noradrénaline) [3, 4]. En parallèle avec le système neuro-en- docrinien et grâce au sytème nerveux autonome sympathique et parasympa- thique, l’hypothalamus est en relation avec tous les organes endocriniens ou immunitaires. Les terminaisons ner- veuses libèrent directement dans tous les organes, dont la peau et les gan- glions lymphatiques, des neurotrans- metteurs [3]. La libération de ces neurotransmetteurs (ou neuromédia- teurs) en cas de stress chronique ou aigu n’est pas clairement démontrée. Elle est très probable, mais ces méca- nismes demeurent méconnus [3, 5]. En revanche, les effets de ces neuromédia- teurs sur les cellules cutanées et immu- nitaires sont bien connus, multiples et jouent un rôle très important dans la peau saine ou malade, en particulier au cours des dermatoses inflammatoires comme la dermatite atopique, au cours de laquelle l’innervation cutanée est augmentée [5-8]. Il est désormais ac- quis que le stress influence toutes les fonctions de l’organisme, et en particu- lier la fonction immunitaire, tant les liens anatomiques (innervation des or- ganes immunitaires, connexions entre cellules nerveuses et immunes) et fonctionnels (présence de récepteurs activables par les neuromédiateurs sur les cellules immunitaires) sont nom- breux [9]. Influence du stress sur la dermatite atopique ? La dermatite atopique est une maladie multifactorielle. Le stress est souvent in- criminé comme étant un des facteurs déclenchants de poussées. Est-ce une réalité ? La mise en évidence d’une rela- tion entre des événements stressants et l’évolution d’une maladie est loin d’être simple car l’évaluation du stress est dif- ficile et soumise à de nombreux biais méthodologiques [10]. Par exemple, il est clair que les sujets présentant une maladie vont probablement se remémo- rer plus facilement des événements ayant précédé la survenue d’un épisode que des témoins interrogés dans des Service de Dermatologie, CHU Morvan, 5, avenue Foch, 29200 Brest. Tirés à part : L. MISERY, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected] A

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1008

Ann Dermatol Venereol2004;131:1008-11Formation médicale continue

CliniqueAtopie et stressL. MISERY, A.-M. ROGUEDAS

topie et stress sont des notions

souvent associées. Les Alle-

mands emploient même le ter-

me de « Neurodermatis » pour désigner

la dermatite atopique. Toutefois, les mé-

canismes immunologiques de la der-

matite atopique, ainsi que de l’asthme,

de la rhinite spasmodique et de la con-

jonctivite saisonnière, sont tellement

bien connus depuis quelques années

que le rôle du stress dans l’atopie est

oublié, voire dénié. Nous allons donc

tenter de répondre aux questions

suivantes : Y a-t-il vraiment un rôle du

stress dans l’atopie ? Si oui, comment

peut-on l’expliquer ? Enfin, que peut-on

faire ?

Le stress

Le terme de stress est tellement galvau-

dé qu’il paraît très utile de définir ce ter-

me. En français, le mot « stress » signifie

à la fois sa cause (une épreuve, une con-

trainte, une pression ; « stressor » en an-

glais), ses effets sur l’organisme et la

personne qui y est confrontée, et la ré-

ponse à ces facteurs d’agression [1]. Ces

facteurs d’agression ne sont pas obliga-

toirement psychologiques et peuvent

être physiques (opération chirurgicale

par exemple). Ils ne sont pas forcément

liés à un événement précis, mais peu-

vent aussi être liés à une absence de

changement. Le stress est donc à la fois

l’événement produisant des effets sur

l’organisme et l’ensemble des effets pro-

duits sur l’organisme. Le stress peut être

aigu ou chronique. Un stress aigu a un

retentissement plus important s’il sur-

vient sur un stress chronique.

D’une manière générale, le stress ne

peut pas se définir comme une situa-

tion identique pour tout le monde. Un

événement sera plus ou moins stres-

sant selon les individus et selon les mo-

ments de la vie de ces individus. Quel

que soit cet événement, les mécanis-

mes physiopathologiques du stress

sont identiques. Seuls varient l’intensi-

té et le terrain. Les conséquences physi-

ques et psychologiques d’un stress sont

liées au terrain, inné (génétique) et ac-

quis (vécu). Elles ne sont pas liées au

stress lui-même. Ainsi, si la survenue

d’un stress chez un patient est suivie de

la poussée d’une dermatose [2], quelle

qu’elle soit, cela n’est pas lié à la nature

du stress (licenciement, rupture senti-

mentale, surmenage), ni à son caractè-

re aigu ou chronique, mais au terrain

génétique et aux cofacteurs associés à

cette dermatose.

Quel que soit le facteur stressant, quel-

les que soient ses conséquences favora-

bles ou défavorables, la réaction

d’adaptation consiste en une activation

de l’axe neuro-endocrinien du stress [3].

Le stress active l’axe corticotrope : libéra-

tion de CRH (Corticotrophic Releasing

Hormone) par l’hypothalamus puis

d’ACTH (Adreno-Cortico-Trophic Hor-

mone) par l’hypophyse puis de gluco-

corticoïdes par les cortico-surrénales. Il

bloque tous les autres axes hypothala-

mo-hypophysaires. Il active le système

nerveux sympathique et les médullo-

surrénales : libération de catécholami-

nes (adrénaline, noradrénaline) [3, 4].

En parallèle avec le système neuro-en-

docrinien et grâce au sytème nerveux

autonome sympathique et parasympa-

thique, l’hypothalamus est en relation

avec tous les organes endocriniens ou

immunitaires. Les terminaisons ner-

veuses libèrent directement dans tous

les organes, dont la peau et les gan-

glions lymphatiques, des neurotrans-

metteurs [3]. La libération de ces

neurotransmetteurs (ou neuromédia-

teurs) en cas de stress chronique ou

aigu n’est pas clairement démontrée.

Elle est très probable, mais ces méca-

nismes demeurent méconnus [3, 5]. En

revanche, les effets de ces neuromédia-

teurs sur les cellules cutanées et immu-

nitaires sont bien connus, multiples et

jouent un rôle très important dans la

peau saine ou malade, en particulier au

cours des dermatoses inflammatoires

comme la dermatite atopique, au cours

de laquelle l’innervation cutanée est

augmentée [5-8]. Il est désormais ac-

quis que le stress influence toutes les

fonctions de l’organisme, et en particu-

lier la fonction immunitaire, tant les

liens anatomiques (innervation des or-

ganes immunitaires, connexions entre

cellules nerveuses et immunes) et

fonctionnels (présence de récepteurs

activables par les neuromédiateurs sur

les cellules immunitaires) sont nom-

breux [9].

Influence du stress sur la dermatite atopique ?

La dermatite atopique est une maladie

multifactorielle. Le stress est souvent in-

criminé comme étant un des facteurs

déclenchants de poussées. Est-ce une

réalité ? La mise en évidence d’une rela-

tion entre des événements stressants et

l’évolution d’une maladie est loin d’être

simple car l’évaluation du stress est dif-

ficile et soumise à de nombreux biais

méthodologiques [10]. Par exemple, il

est clair que les sujets présentant une

maladie vont probablement se remémo-

rer plus facilement des événements

ayant précédé la survenue d’un épisode

que des témoins interrogés dans des

Service de Dermatologie, CHU Morvan, 5, avenue Foch, 29200 Brest.

Tirés à part : L. MISERY, à l’adresse ci-dessus.E-mail : [email protected]

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conditions différentes [10]. Il faut donc

aller au-delà de l’étude à la recherche

d’un lien temporel entre stress et pous-

sée, en analysant aussi l’ampleur de

l’impact sur l’événement et le contexte

dans lequel celui-ci est survenu [11].

C’est dans le domaine cardio-vasculaire

que le plus grand nombre d’études a été

réalisé. À propos de l’atopie, il existe

plus de travaux sur l’asthme que sur la

dermatite atopique.

Quatre-vingt dix enfants présentant un

asthme ont fait l’objet d’une étude pros-

pective sur 18 mois [12]. Les événe-

ments de vie négatifs sévères étaient

significativement associés à de nouvel-

les poussées d’asthme, par eux-mêmes

et associés au stress chronique. Ceci

était objectivé par la mesure quotidien-

ne du « peak-flow ». Un délai était noté :

les poussées ne survenaient pas pen-

dant les deux premières semaines, mais

pendant les 4 semaines suivantes. En

cas de stress chronique, les poussées

survenaient dès la fin des deux semai-

nes initiales. Des facteurs associés aug-

mentaient le risque de survenue de

poussées déclenchées par les événe-

ments stressants : le sexe féminin, la sé-

vérité de l’asthme, la saison automne-

hiver et le tabagisme des parents. Cette

étude est la plus démonstrative, mais les

effets du stress sur l’asthme sont recon-

nus et confirmés depuis une bonne di-

zaine d’années [13].

Un tremblement de terre à Hanshin, au

Japon, a montré le rôle du stress dans

l’évolution de la dermatite atopique sur

une population [14]. Mille quatre cent

cinquante-sept patients porteurs de der-

matite atopique ont été inclus. Trois zo-

nes ont été définies : destructions

sévères (plus de 20 p. 100 des

habitations ; zone A), destructions

moyennes (moins de 20 p. 100 d’habi-

tations détruites ; zone B) et absence de

destruction (zone C). Un mois après le

traumatisme, les sujets devaient répon-

dre à un certain nombre de questions et

étaient examinés par des médecins.

Une exacerbation de la dermatite atopi-

que a été notée chez 38 p. 100 des pa-

tients en zone A, 34 p. 100 en zone B et

7 p. 100 en zone C. Le stress a été objec-

tivé par une échelle chez 63 p. 100 des

sujets en zone A, 48 p. 100 en zone B et

19 p. 100 en zone C. L’analyse de régres-

sion logistique multiple a montré que la

détresse subjective était le facteur le plus

responsable de l’exacerbation des signes

cutanés, plus que l’exposition à un envi-

ronnement poussiéreux.

Au cours d’une étude sur 240 patients [15],

le stress (évalué par l’échelle Life Events

Scale) apparaissait comme un phénomène

déclenchant (5,83 p. 100 des patients) des

poussées de dermatite atopique, après les

infections (17,08 p. 100) ou les irritants

(7,08 p. 100), mais devant l’exposition aux

aéroallergènes (2,92 p. 100) ou aux allergè-

nes alimentaires (2,50 p. 100). On voit

donc que ce qui apparaît évident au cli-

nicien – le rôle du stress dans la derma-

tite atopique – est confirmé par

plusieurs études [16], mais que le travail

sur ce sujet mériterait d’être affiné. Plu-

sieurs formes de dermatite atopique

coexistent [17]. Il est possible que le

stress joue un rôle ou soit plus détermi-

nant uniquement chez certaines d’entre

elles. On peut en particulier penser aux

dermatites atopiques à taux d’IgE nor-

mal. Les stress mineurs peuvent aussi

être suivis de poussées de dermatite ato-

pique. Une étude a ainsi montré que

ceux-ci, relevés à l’aide d’un journal,

étaient souvent suivis d’une poussée

dans les 24 heures [18].

Physiopathologie

La dermatite atopique est une maladie

multifactorielle. Le stress est un des fac-

teurs déclenchants des poussées sans

être le seul. Il s’agit probablement d’un

facteur très important chez certains pa-

tients alors qu’il est négligeable chez

d’autres. Ceci est peut-être lié à une hé-

térogénéité génétique, concernant par

exemple des récepteurs des catéchola-

mines [19] ou des corticoïdes. On peut

aussi supposer que le rôle du stress est

plus important au cours de la dermatite

atopique intrinsèque, où l’intervention

d’allergènes parait marginale. En revan-

che, les tentatives de relier la plus gran-

de sensibilité physique au stress des

atopiques à un type de personnalité

n’ont pas abouti à des résultats con-

cluants et généralisables [16].

Le stress maternel pourrait jouer un rô-

le. Avant l’accouchement, il modulerait

l’immunité maternelle et donc celle du

fœtus [20]. Un stress maternel prolongé

est à l’origine d’une sécrétion de caté-

cholamines, qui orientent l’immunité

dans le sens Th2. Après l’accouche-

ment, l’anxiété maternelle pourrait être

transmise à l’enfant, représentant alors

un stress pour lui.

Chez les atopiques eux-mêmes, le stress

aigu (épreuve de mathématiques en la-

boratoire) modifie de manière différen-

te l’immunité des atopiques et des

sujets sains [21]. Il augmente le nombre

d’éosinophiles circulants et le taux d’IgE

uniquement chez les atopiques. Chez

les atopiques, l’axe hypothalamo-hypo-

physo-adrénergique a des dysfonction-

nements, responsables d’une

orientation exagérée de l’immunité

dans le sens Th2 et de réponses aber-

rantes et/ou exagérées du système im-

munitaire en cas de stress [22].

En particulier, la sécrétion de cortisol

est moins importante chez les atopiques

en cas de stress [22-24]. Ceci est vrai

pour les patients atteints de dermatite

[22, 23] ou d’asthme [24] atopique. Cette

caractéristique des atopiques préexiste à

la survenue des poussées. Une moindre

quantité de cortisol sécrétée après un

stress serait moins anti-inflammatoire,

alors que l’immunité serait justement

orientée plus clairement dans le sens

Th2, donc atopique, après un stress.

Il existe aussi un système cutané de ré-

ponse au stress, stress local mais peut-

être aussi général, produisant les mê-

mes peptides (CRH, POMC [Proopio-

melanocortia], MSH [Melanin

Stimulating Hormona], ACTH) [25]. Ce

système pourrait être altéré au cours des

dermatoses inflammatoires. Le stress,

par la médiation des catécholamines,

oriente l’immunité dans un sens Th2

[26], ce qui peut expliquer comment il

induirait des poussées de dermatite ato-

pique sur un terrain prédisposé [27]. Le

stress augmente la réaction d’hypersen-

sibilité de contact à des haptènes, par ac-

tivation des cellules dendritiques par la

noradrénaline libérée par les fibres ner-

veuses périphériques [28].

À ces effets du stress sur l’immunité, il

faut ajouter des effets sur l’inflamma-

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L. MISERY, A.-M. ROGUEDAS Ann Dermatol Venereol2004;131:1008-11

tion. En effet, même si les mécanismes

intimes sont encore mal connus, le

stress est capable d’augmenter l’inflam-

mation cutanée en déclenchant l’in-

flammation neurogène [5, 29, 30]. Il

induit ainsi la dégranulation des masto-

cytes, libérant alors de l’histamine [29].

Ceci est médié par des neuropeptides

relargués par les fibres nerveuses

cutanées : CRH [29], neurotensine [29],

substance P [29, 30] et autres tachykini-

nes [30]. Les mastocytes sont activés en

cas de stress par le CRH libéré dans la

peau puis relarguent ensuite des média-

teurs à l’origine du prurit et de la vasodi-

latation [31]. Ce sont donc des cellules-

clés dans l’aggravation de la dermatite

atopique par le stress.

Enfin, le stress altère la barrière cutanée

[32] ou la réparation de cette barrière

[33]. Quand on sait l’importance des mo-

difications de cette barrière au cours de

la dermatite atopique, on voit bien une

autre voie expliquant l’action du stress

sur la dermatite atopique [27].

Commentaires et perspectives

Le rôle du stress dans la dermatite atopi-

que est désormais reconnu et de mieux

en mieux compris. Il ne faut pas en faire

le principal et encore moins l’unique

facteur étiologique de cette maladie.

Néanmoins, il est fondamental de dé-

pister son éventuelle intervention chez

certains patients afin de leur offrir une

nécessaire prise en charge complète et

adaptée.

Il n’est pas possible de modifier une

éventuelle susceptibilité génétique ni

de changer la vie des patients. En revan-

che, il est possible de les aider à réagir

au stress autrement. Les b-bloqueurs

ou les b-mimétiques n’ont fait l’objet

d’aucune étude contrôlée mais pour-

raient avoir un intérêt. Ceci reste à dé-

montrer. Les corticoïdes, largement

employés, corrigent probablement les

déficiences de l’axe hypothalamo-hypo-

physaire. Les anxiolytiques peuvent être

utiles à condition d’être prescrits de

manière limitée dans le temps. Les anti-

dépresseurs ont des effets multiples

(sur la dépression, l’anxiété, les trou-

bles obsessionnels compulsifs, la dou-

leur) et peuvent donc être intéressants.

Mais le traitement médicamenteux du

stress ou de ses effets n’est pas claire-

ment codifié [34]. Les effets des anti-dé-

presseurs et des anxiolytiques sur la

dermatite atopique n’ont, à notre con-

naissance, fait l’objet d’aucune étude

permettant de valider leur intérêt pour

cette indication de manière certaine.

L’hygiène de vie permet une meilleure

réponse au stress : pratique de sport, en-

tourage agréable, éviction des produits

addictifs, sommeil régulier. Bien que

faisant l’objet de peu d’études du fait de

grandes difficultés méthodologiques et

du caractère particulier de chaque pa-

tient, les psychothérapies semblent avoir

une place dans le traitement des derma-

toses inflammatoires [27, 35]. D’une ma-

nière générale, les interventions

psychosociales ont des effets démontrés

sur l’immunité [36]. Pour apprendre à

mieux gérer le stress, les thérapies cogni-

tivo-comportementales [35, 37, 38] com-

me la relaxation ou le « biofeedback » ou

le « training » autogène de Schulz peu-

vent être utiles. On peut aussi aider les

patients à développer des comporte-

ments réducteurs de stress ou à modifier

ses mécanismes perceptifs : ce sont les

techniques de gestion du stress, comme

les techniques d’affirmation de soi ou

d’exposition ou de reconstruction cogni-

tive ou de résolution de problèmes [35].

La psychanalyse et ses dérivés ou l’hyp-

nose ont aussi probablement une place.

Le but est d’obtenir un meilleur

« coping », c’est-à-dire une meilleure ca-

pacité à faire face. Rappelons toutefois

que l’intérêt de toutes ces techniques

pour la dermatite atopique elle-même

n’est pas démontré.

Si le stress peut favoriser la survenue de

poussées de dermatite atopique, il est

probable que la dermatite atopique est

en elle-même une cause de stress. Il y a

donc vraisemblablement un « cercle

vicieux ». En traitant la dermatite atopi-

que, on diminue probablement le stress

et on améliore probablement le pronos-

tic de la maladie. Ceci reste à prouver,

mais il semble utile de l’avoir à l’esprit.

La notion de lien entre stress et derma-

tite atopique est répandue dans la popu-

lation générale. Cela peut avoir des

conséquences positives, en incitant les

patients ou leurs parents à prendre en

compte cet aspect de leur maladie. Cela

peut avoir des effets négatifs en créant

un sentiment de culpabilité ou en

ouvrant la voie à des comportements ou

des traitements inadaptés. Le médecin

doit tenir compte des connaissances an-

térieures des patients et de l’idée qu’ils

se font de leur maladie. Mais il doit aus-

si savoir corriger des connaissances er-

ronées, expliquer que le stress n’est pas

la cause de toute maladie mais qu’il faut

savoir repérer ses effets néfastes et ten-

ter d’agir en conséquence. Le médecin

ne doit donc pas se limiter au simple

traitement de lésions.

Conclusion

La recherche de corrélations entre des

variables très différentes dans leur natu-

re (biologiques, médicales, psycho-so-

ciales, temporelles) est complexe [39].

Nous manquons encore probablement

d’outils pour le faire. Même si des étu-

des complémentaires sont nécessaires,

le lien entre stress et dermatite atopique

parait devoir être retenu. Il est moins

évident qu’avec le psoriasis [40], mais

plus net qu’avec la pelade [41]. Rappe-

lons enfin que les effets négatifs du

stress ne se limitent pas aux dermatoses

[27]. Par exemple, ils ont été décrits sur

les maladies cardio-vasculaires [42], pul-

monaires comme l’asthme [12, 13], im-

munitaires comme le SIDA [43],

infectieuses comme la leishmaniose

[44] ou neurologiques comme la scléro-

se en plaques [45].

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