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    Quelques notes sur la rforme de la dtermination de la peine au Canada Jean-Paul BrodeurCriminologie, vol. 24, n 2, 1991, p. 81-98.

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  • QUELQUES NOTES SUR LA RFORME DE LA DTERMINATIONDE LA PEINE AU CANADA

    Jean-Paul Brodeur*

    This review of recent developments in the field of sentencing inCanada begins by observing that none of the recommendations ofthe Canadian Sentencing Commission were implemented, since thecommission issued its report in 1987. This amounts to a prolongationof the status quo. We propose elements of explanation as to whythere was no follow up to the Commission's proposals. Second, wepresent a critical analysis of the latest consultation package on sen-tencing and parole, that was put together by the federal Departmentof Justice in 1990. We argue that the proposed statement of purposesand principles of sentencing should priorize the different sentencinggoals that it enumerates. We also point out that there is an unbalancebetween the sentencing and parole components of the permanentcommission proposed by the Department of Justice. The sentencingcomponent is required to make sentencing policy, whereas the parolecomponent acts as an advisor to the National Parole Board.

    INTRODUCTION

    Pour des raisons de commodit, nous dsignerons le processus de dter-mination de la peine par l'appellation de sentencing. Comme nous venonstout juste de l'indiquer, le sentencing est un processus. En lui-mme, il rsidedans l'imposition d'une sentence par les tribunaux. L'imposition de la sentenceest nanmoins prcde par une tape o le ministre public dtermine lanature des accusations qui sont portes ainsi que leur nombre. On nommefrquemment cette tape ngociation du plaidoyer (cette dsignation n'est pasla seule possible: on peut aussi se rfrer ce processus sous l'appellationde communication de la preuve). Le sentencing proprement dit est galementsuivi d'une tape d'application de la sentence dtermine par le juge. Ce sontles services correctionnels qui sont responsables de l'application des peines.Le sentencing est donc un processus qui est prcd d'une tape et qui estsuivi d'une autre.

    Mme lorsque l'on considre le sentencing dans toutes ses tapes, onne saurait nier qu'il a fait l'objet d'un travail considrable effectu par diverses

    * Directeur, Centre international de criminologie compare (CICC), Universit deMontral, C.P 6128, Suce. A, Montral (Qubec) H3C 3J7.Criminologie, XXIV, 2, 1991

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    commissions d'enqute et par d'autres organismes. numrons rapidementles principaux travaux. La Commission canadienne sur la dtermination dela peine (CCDP) a remis son rapport en fvrier 1987. Ce rapport contient desrecommandations sur tous les aspects du sentencing. Le rapport de la CCDPa t suivi par les travaux du Comit permanent de la justice et du Solliciteurgnral sur la dtermination de la peine, la mise en libert sous condition etd'autres aspects du systme correctionnel (CJSG). Ce comit a remis son rap-port en aot 1988. Ce rapport portait trs exactement sur les mmes questionsque celles dbattues dans le rapport de la CCDP.

    En outre, la Commission de rforme du droit du Canada (CRDP) a publien 1989 un important document qui s'intitule Les Discussions et ententes surle plaidoyer. Comme son titre l'indique, ce document de travail porte surl'tape prliminaire au sentencing. En 1987, la CRDP avait galement publiun rapport intitul Pour une nouvelle codification du droit pnal. Ce rapportn'est rien de moins qu'une recodification de la Partie gnrale et de la Partiespciale du Code criminel du Canada.

    On peut affirmer de faon gnrale que ces travaux n'ont t suivis d'au-cune application, si ce n'est quelques rformes administratives qui ont teffectues dans le domaine correctionnel et dans celui des librations condi-tionnelles. En effet, le ministre de la Justice du Canada a publi en 1990deux documents de consultation qui portent un mme titre (Vers une rforme).Le premier de ces documents porte sur le sentencing (la dtermination de lapeine). Le second porte quant lui sur les affaires correctionnelles et la miseen libert sous condition. Il importe de souligner que ces deux documentsne contiennent pas des propositions finales. Ils sont soumis aux divers inter-venants qui uvrent tant dans le domaine public qu' titre priv pour recueillirleur avis sur des propositions ouvertes. Ces propositions sont en effet expri-mes sous forme d'alternatives. On doit donc conclure qu'en dpit de tousles travaux conduits par les diverses commissions et comits que nous avonsnumrs plus haut, le gouvernement fdral en est toujours une tape deconsultation. La dernire consultation entreprise en 1990 est loin d'tre ter-mine. On peut prvoir qu'elle donnera lieu la rdaction d'un rapport quidiscutera nouveau des questions abordes par la CCDP en 1987, par le CJSGen 1988 et par la CRDP depuis 1970. On ne saurait donc esprer que desrformes soient effectues dans un proche avenir.

    Les remarques qui prcdent valent surtout au niveau des rformes duprocessus de dtermination de la peine qui auraient pu tre effectues par legouvernement fdral. Comme nous le verrons, les commissions canadiennesdes librations conditionnelles, ainsi que les services correctionnels fdrauxont dj procd l'implantation d'un certain nombre de mesures rforma-

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    trices. En outre, il n'est pas douteux que des rformes et des expriences ontt effectues par les provinces. Par exemple, la Colombie-Britannique a djralis des projets pilotes dans le domaine de l'assignation domicile soussurveillance lectronique. Ces projets ont fait l'objet d'valuations qui ontrvl qu'ils entranaient des frais en personnel considrables. Nous n'avonspu effectuer une recension complte des initiatives pnales provinciales dansle cadre de la prparation de ce texte, qui n'est qu'une simple note.

    Dans les pages qui vont suivre, nous allons d'abord nous interroger surles raisons de la prsente inertie du gouvernement fdral. En second lieu,nous prsenterons quelques commentaires sur les deux documents de consul-tation distribus en 1990 par le ministre de la Justice et celui du Solliciteurgnral du Canada.

    1. UN CERTAIN PITINEMENTAvant d'avancer un certain nombre de raisons pour expliquer que le pro-

    cessus de rforme semble s'tre embourb, il importe de rappeler, par soucid'quit, que les rformes d'importance prennent un temps considrable.Ainsi, la rforme de la lgislation sur les jeunes contrevenants est un processusqui s'est tendu sur quelque vingt-trois ans (de 1961 1984). Lors de nosconversations avec des fonctionnaires du gouvernement fdral, nous avonspu constater que la rforme du sentencing tait souvent compare celle dela justice des mineurs. On s'attendait donc que le processus s'tale sur plu-sieurs annes. Ceci tant dit, nous pouvons tout de mme faire quelques consi-drations sur les facteurs qui ont constitu des obstacles aux rformes. Qu'ilsoit toutefois bien entendu que nos remarques ne sont pas dictes par l'im-patience, ni mme par le dpit, car nous sommes bien conscient que lesrformes proposes par la CCDP impliquent des changements majeurs danstout le systme pnal.

    1.1 LA QUESTION POLITIQUEII importe d'abord de discuter une question rarement aborde dans le

    domaine de la rforme du sentencing, sauf aux tats-Unis. La justice pnalea fait l'objet d'une intense politisation, depuis le dbut des annes 1980. cet gard, nous remarquerons que les commissaires qui ont sig la CCDPont tous t nomms en mai 1984 par un gouvernement, lequel tait form l'poque par le Parti libral. Ce gouvernement tait alors en fin de mandatet s'apprtait affronter une lection. Le Parti libral perdit cette lectionaux mains du Parti conservateur et de son candidat, monsieur Brian Mulroney,qui devint donc Premier ministre du Canada. Il est, croyons-nous, inutilede se demander quelle tait vritablement l'appartenance politique des

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    commissaires de la CCDP. Certains de ces commissaires taient identifiscomme des libraux, d'autres pas du tout. Quoi qu'il en soit, il est difficiled'chapper la conclusion que le nouveau gouvernement ne pouvait accueillirdans l'enthousiasme le rapport d'une commission d'enqute qui avait t crepar le gouvernement libral prcdent. En effet, les positions du Parti libralet du Parti conservateur en matire de justice pnale diffrent notablement.Il faut en effet se souvenir qu'au moment mme o la CCDP prparait sonrapport sur la dsescalade des sanctions, le gouvernement conservateur donnaitsuite sa promesse de tenir un dbat sur le rtablissement de la peine de mortau Canada. Le rapport de la CCDP fut publi dans les semaines qui prcdrentle vote sur le rtablissement de la peine de mort au Canada. Sa publicationpassa relativement inaperue dans les mdias cause du dbat passionn quesuscitait le rtablissement de la peine de mort. Or, on sait que la pressionexerce par les mdias sur le gouvernement est l'un des atouts les plus dcisifsdont puisse jouir une commission d'enqute. La CCDP ne put vritablementdisposer de cet atout.

    Lors de la confrence de presse qui fut tenue par les membres de la CCDPau moment de la publication de son rapport, l'ancien Solliciteur gnral duCanada, monsieur Bob Kaplan, reprocha publiquement cette commissionde provoquer un durcissement de l'opinion publique en faveur du rtablis-sement de la peine de mort. La CCDP proposait en effet que la peine obli-gatoire de 25 ans d'incarcration pour meurtre au premier degr soit diminueet qu'un dtenu puisse bnficier d'une libration conditionnelle aprs 15 ansd'incarcration. Suivant le raisonnement de monsieur Kaplan, cette recom-mandation quivalait jeter de l'huile sur le feu.

    Il est difficile de produire des conclusions dfinitives sur l'influence desfacteurs de nature politique sur le manque de volont du gouvernement dedonner une suite aux recommandations de la CCDP. On peut nanmoins voirdans le mandat qui fut donn au Comit permanent de la justice et duSolliciteur gnral sur la dtermination de la peine, la mise en libert souscondition et d'autres aspects du systme correctionnel (CJSG), prsid parmonsieur David Daubney, un dput conservateur, un indice du fait que legouvernement voulait recevoir des propositions d'un comit en majorit com-pos de membres du Parti conservateur. En effet, il est sinon difficile de s'ex-pliquer pourquoi le gouvernement conservateur allait donner au CJSG le man-dat de se pencher exactement sur les mmes questions qui avaient t abordesen dtail par la CCDP. Pourquoi donc avoir dpens quelques millions dedollars pour dfrayer les travaux d'une commission d'enqute et dcider dansles semaines suivant le dpt du rapport de cette commission que le travaildevait tre repris?

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    Monsieur Daubney dposa son rapport en aot 1988. Ce rapport fut gn-ralement bien accueilli et sa prise de position en faveur des librations condi-tionnelles fut retenue par le gouvernement fdral. Il importe de soulignerque monsieur Daubney ne fut pas rlu aux lections fdrales subsquentes.Il fut donc mis dans l'impossibilit de militer l'intrieur du gouvernementpour l'application des recommandations les plus novatrices de son rapport.En effet, le gouvernement ne retint du rapport Daubney que les recomman-dations qui consolidaient le statu quo.

    1.2 LES GROUPES DE PRESSION

    La CCDP recommanda l'abolition des librations conditionnelles tellesqu'elles taient accordes cette poque. Cette recommandation fut de loinla plus controverse de son rapport et elle suscita une opposition farouchede toutes les instances qui taient impliques dans l'application des diversesmesures de libration conditionnelle. Ces instances taient nombreuses et com-prenaient, entre autres, la Commission nationale des librations condition-nelles rattache au ministre fdral du Solliciteur gnral et les trois com-missions provinciales des librations conditionnelles. En outre, diversorganismes privs, comme la Socit John-Howard, taient impliqus dansl'application des programmes de libration conditionnelle. On comprendrasans peine que toutes les personnes composant ces organismes allaient rsisterde faon opinitre l'abolition de leur chasse-garde.

    Il apparut rapidement que le gouvernement tait sensible aux argumentsdploys par les partisans de la libration conditionnelle. En effet, le ministrede la Justice chargea un ancien directeur de la Commission nationale des lib-rations conditionnelles d'organiser une consultation d'experts sur les propo-sitions de la CCDP. Comme il fallait peut-tre s'y attendre, cette consultationdboucha sur une raffirmation de la ncessit des librations conditionnelles.

    Nous n'aimerions pas laisser l'impression que le dbat entre partisanset adversaires des librations conditionnelles peut tre rduit une simplepreuve de force o les premiers dfendent leur territoire. Les avocats de lapratique des librations conditionnelles disposaient d'arguments trs srieuxqu'on ne saurait d'aucune faon rduire une rhtorique bureaucratiquedfensive.

    1.3 LE DSASTRE AMRICAINDepuis le dbut des annes 1970, plusieurs tats des tats-Unis avaient

    aboli les librations conditionnelles sous l'impulsion d'un mouvement deretour vers le rtributivisme. Dans sa version contemporaine, ce mouvementavait pris l'appellation de Just deserts (juste d), et il tait caractris, entre

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    autres aspects, par son scepticisme l'gard de la possibilit d'utiliser l'in-carcration pour rhabiliter les dtenus. Ce scepticisme se traduisit par unecritique impitoyable des sentences indtermines, o c'taient des commis-sions de libration conditionnelle qui dterminaient en pratique la dure dessentences d'incarcration. Par voie de consquence, le retour vers les sentencesdtermines s'accompagna aux tats-Unis de propositions pour abolir la pra-tique des librations conditionnelles.

    Dans sa conception initiale, le modle du juste d impliquait que l'abo-lition des librations conditionnelles devait ncessairement tre compensepar une diminution marque de la longueur des sentences d'incarcrationimposes par les juges. Or, dans beaucoup d'tats amricains, on se contentad'abolir les librations conditionnelles sans compenser cette mesure par unerforme du sentencing. Ce dsquilibre provoqua une augmentation effarantede la population carcrale aux tats-Unis. D'aprs les statistiques les plusrcentes, cette population est passe de 270 000, au dbut des annes 1970 1,2 million aujourd'hui. L'abolition des librations conditionnelles n'estvidemment pas le seul facteur qui rende compte de la croissance exponentiellede la population incarcre aux tats-Unis. La croisade dclenche contrele trafic des stupfiants par le prsident Bush a srement dtermin une aug-mentation de la population carcrale. Cependant, la proportion prcise de cetteaugmentation n'a pas encore t dtermine, alors que l'on a russi calculerl'effet de l'abolition des librations conditionnelles, qui est la cause la plusfrquemment cite par les chercheurs du problme de la surpopulationcarcrale.

    On oublia que les rformateurs qui s'inspiraient du rtributivisme (justed) avaient exig que l'abolition des librations conditionnelles dclencheune rforme la baisse de la svrit des sentences. En bons stratges, lespartisans des librations conditionnelles affirmrent que le mouvement du justed conduisait ncessairement une croissance cancreuse des populationsincarcres. Comme le rapport de la CCDP manifestait de la sympathie pourla version moderne du rtributivisme, on prtendit que l'application de sesrecommandations conduirait invitablement une augmentation dmesuredu nombre des personnes incarcres. Cet argument se rvla un puissant sou-tien pour disqualifier auprs de certains les propositions de la CCDP.

    Rptons en conclusion qu'on aurait tort de voir dans l'argument prcitun pur artifice. Les craintes que l'abolition des librations conditionnellesne conduise une progression exponentielle de la population carcrale taienttrs certainement en partie fondes. Le modle propos par la CCDP demeure notre avis viable. Il ne faudrait toutefois pas s'en dissimuler les risques.Toute mesure qui restreint l'accession des dtenus une libration anticipe

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    doit tre compense par une rforme du sentencing qui procde une dses-calade des sanctions. L'instrument premier de cette rforme doit tre la cra-tion d'une commission de sentencing qui labore des lignes directrices l'in-tention des juges.1.4 LES RELATIONS FDRALES-PROVINCIALES

    Les facteurs que nous avons jusqu'ici invoqus sont de nature expliquerqu'aucune des propositions de la CCDP n'ait t jusqu'ici applique. Le gou-vernement s'est jusqu'ici content de donner au rapport de la CCDP le suivibureaucratique rituel. Nous allons maintenant largir le dbat en identifiantun facteur qui constitue nos yeux un obstacle toute rforme pnale auCanada.

    Commenons par rappeler que le gouvernement fdral n'a juridictionque sur les tablissements carcraux o des dtenus servent des sentences deplus de deux ans. Les gouvernements provinciaux ont juridiction sur les pri-sons o les gens sont incarcrs pour une dure de moins de deux ans. Ladtermination de cette frontire de deux ans est le fruit adventice d'une con-joncture historique qui s'est dveloppe au cours du xixe sicle (voir le chapitreii du rapport de la CCDP).

    Cette rpartition des comptences juridictionnelles a maintenant pris unesignification qui dpasse de beaucoup la simple question de l'incarcration.Notons d'abord que le nombre des personnes incarcres dans destablissements provinciaux est environ trois fois plus lev que celui des per-sonnes incarcres dans des pnitenciers fdraux. Les problmes de surpo-pulation carcrale sont sans doute encore plus aigus dans les prisons provin-ciales que dans les tablissements fdraux. On doit en conclure que toutemesure susceptible d'accrotre la pression dmographique sur les tablis-sements provinciaux intresse au premier chef le gouvernement des provinces.

    Depuis 1987, la question primordiale au niveau du sentencing a consi-drablement volu. Tout ce que nous avons prcdemment dit dmontre queles propositions de la CCDP ont t parfaitement trangres cette volution.Pour l'essentiel, le facteur dterminant dans cette volution est l'ampleur trsconsidrable que commencent prendre les sanctions dites intermdiaires auxtats-Unis et au Royaume-Uni. En effet, lors des travaux de la CCDP, lesquestions controverses concernaient avant tout l'abolition des librationsconditionnelles et les mesures substitutives l'incarcration (les alternatives l'incarcration). l'heure prsente, ce sont les sanctions dites interm-diaires, par exemple l'assignation domicile sous surveillance lectronique,qui constituent les mesures les plus chaudement discutes (voir Petersilia,1987, et surtout Morris et Tonry, 1990). Les sanctions intermdiaires

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    s'inscrivent, comme leur nom l'indique, entre la privation complte de libert(incarcration) et la sentence qui n'implique aucune privation de la libertau sens physique du terme (par exemple l'amende). Dans cette mesure, lasanction intermdiaire est diffrente de la peine substitutive l'emprisonne-ment. Cette dernire est une mesure alternative l'incarcration. Cependant,la sanction intermdiaire est moins une mesure qui se substitue l'incarc-ration qu'une variante moins rigoureuse et moins coteuse de la privation delibert. Les sanctions intermdiaires partagent toutefois un trait commun extr-mement important avec les mesures substitutives l'incarcration. Tant lessentences alternatives que les sanctions intermdiaires ne peuvent pas treimposes, l'heure prsente, la place de sanctions lourdes d'incarcration.Pour le dire autrement, ces mesures ne peuvent remplacer que des peinesd'incarcration de moins de deux ans. En consquence, tout le champ dessanctions intermdiaires tombe en thorie sous la juridiction des provinces,comme le reconnat explicitement le document de consultation de 1990 dis-tribu par le ministre de la Justice (voir le document portant sur la dter-mination de la peine, p. 22).

    La conclusion ultime de la discussion qui prcde est que les principauxenjeux de la rforme pnale concernent avant tout les provinces. Le partagedes comptences entre le fdral et le provincial s'effectue, nous l'avons vu,essentiellement en fonction de la dure des sentences d'incarcration. Laconsquence ruineuse de cet accident de l'histoire canadienne est que le gou-vernement fdral n'est directement concern que par les mesures d'incar-cration et de remise en libert anticipes. Cette consquence se prolongeelle-mme d'un puissant effet de renforcement de l'incarcration au Canada.En effet, la comptence fdrale en matire correctionnelle se dfinit enti-rement par rapport aux peines d'incarcration les plus lourdes.

    En d'autres termes, le gouvernement fdral est hors du coup en cequi concerne les principales proccupations qui animent les rformateurs dusystme pnal. Ceux-ci accordent de plus en plus d'importance aux sanctionsintermdiaires.

    Or, le moins que l'on puisse dire l'heure actuelle, c'est que les relationsfdrales-provinciales ne baignent pas dans l'huile et qu'elles sont mmeempreintes d'une certaine humeur chafouine. Conclure que les enjeux de larforme pnale concernent en droit d'abord les provinces quivaut re-connatre qu'il sera trs difficile de procder cette rforme. Il est d'une partdouteux que les provinces disposent par elles-mmes de la volont politiqued'entreprendre cette rforme. C'est plutt le gouvernement fdral qui aexerc, tout le moins au niveau des propositions de rforme, un leadership.

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    Or, le leadership du gouvernement fdral est prsentement remis en questiondans tous les domaines.

    Pour que la rforme pnale ait quelque chance d'advenir, il est imprieuxque le gouvernement fdral retrouve une comptence fondamentale dans toutle champ de la pnologie. Ce rsultat ne pourra tre atteint que lorsque l'onaura redfini la ligne de partage entre les comptences correctionnelles fd-rales et les comptences correctionnelles provinciales. Autrement dit, le gou-vernement fdral doit sortir du ghetto juridictionnel carcral o l'histoirecanadienne l'a circonvenu.

    1.5 LA CONSULTATION INFINIE

    Nous empruntons ce dernier titre un ouvrage clbre de MauriceBlanchot intitul L'Entretien infini. Il semble en effet que les gouvernementstentent de pallier le prsent blocage par l'institution de palabres dont on esprequ'elles auront un rsultat magique. On semble en effet croire qu'en empilantrapports de consultation par-dessus rapports de commissions d'enqute, toutcet entassement de mots se mtamorphosera en une montagne de ralits. Lestravaux que nous avons nous-mme conduits sur les commissions d'enquteont montr que cette stratgie tait effectivement poursuivie et qu'elle ne man-quait pas d'efficacit (Brodeur, 1984). Les passions que soulvent les matirespnales contrastent de faon singulire avec le manque de volont politiqueet populaire pour rsoudre les questions urgentes qu'elles soulvent.

    2. LA PRSENTE CONSULTATION CONDUITE PAR LE MINISTREDE LA JUSTICE

    Comme nous l'avons dj dit dans notre introduction, le ministre fdralde la Justice a publi deux documents intituls Vers une rforme. Le premierde ces documents porte sur La Dtermination de la peine et le deuxime surLes Affaires correctionnelles et la mise en libert sous condition. Nous aime-rions commenter brivement ces deux documents dans la seconde partie denos remarques. Nous commenterons la suite les deux documents et nousleur accorderons une place sensiblement gale. Nous nous rfrerons cesdeux documents de consultation en usant des sigles DC-1, pour le documentsur la dtermination de la peine, et DC-2, pour celui qui porte sur les affairescorrectionnelles et la mise en libert sous condition.

    2.1 LE DOCUMENT SUR LA DTERMINATION DE LA PEINECe premier document comporte six propositions de rforme, que nous

    citerons textuellement :

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    a. l'incorporation dans la loi d'un nonc des objectifs et des principesde la dtermination de la peine;

    b. la cration d'une commission permanente sur la dtermination de lapeine et les librations conditionnelles;

    c. l'adoption d'un code de preuve et de procdure aux fins de l'audiencerelative la dtermination de la peine;

    d. l'laboration d'un nouveau mode d'infliction et de perception desamendes;

    e. la rorganisation de la Partie XXIII du Code criminel;f. l'adoption de sanctions intermdiaires.(DC-l.p. 4.)Nous commenterons les recommandations a, b, d et f. Les recomman-

    dations c et e concernent des aspects plus formels de la dtermination de lapeine qui sont d'un intrt plus immdiat pour les juristes. L'effort de cla-rification impliqu par ces recommandations nous apparat toutefoisncessaire.

    Les questions qui sont poses dans le document de consultation sont per-tinentes et, pour la plupart, elles sont galement judicieuses. Elles sont tou-tefois rptitives et soulvent nouveau des points qu'on pouvait esprer avoirrgls. En outre, le document de consultation mme est dict par une volontde conciliation. Or, il n'est pas sr que cette volont de conciliation produiseautre chose qu'un rsultat relativement superficiel selon lequel les contradic-tions qui sont rsolues sur papier reviendront avec insistance dans la pratique.

    2.1. L'NONC DES OBJECTIFS ET DES PRINCIPESLes remarques que nous venons de faire s'appliquent de faon particulire

    l'nonc des objectifs et des principes.En effet, cet nonc reprend des positions nonces en 1982 dans un

    document intitul Le Droit pnal dans la socit canadienne et en 1984 dansle Livre blanc sur la dtermination de la peine. Ces deux documents avaientdonn lieu une premire formulation d'un nonc des objectifs et des prin-cipes de la dtermination de la peine qui fut soumis au Parlement dans leprojet de loi C-19. Bien que ce projet mourt au feuilleton de la Chambre,il n'en fut pas moins largement discut au Canada. Il sembla se dgager l'poque un consensus pour qu'un ordre de priorit ft dtermin parmi lesprincipes formuls dans l'nonc (le projet de loi C-19 fut prcisment critiquparce qu'il ne dterminait pas un tel ordre de priorit). Or, l'on constate quele document de consultation (DC-1, p. 9) hsite encore hirarchiser ces prin-

  • QUELQUES NOTES SUR LA RFORME 91

    cipes et qu'il sollicite des avis sur l'opportunit d'tablir un ordre de priorit.On pensait cette question rsolue.

    Le modle adopt dans DC-1 pour la formulation des objectifs de la dter-mination de la peine constitue un retour en arrire vers les propositions duprojet de loi C-19, cautionnes nouveau en 1988 par le CJSG prsid parmonsieur David Daubney. Ce modle tient dans l'nonc d'un objectif fon-damental la protection de la socit qui peut tre diversement atteintpar l'adoption de toute une srie de sous-objectifs. Ces objectifs subordonnsne sont rien d'autre que la liste des fins traditionnelles de la dterminationde la peine la dnonciation, la prvention gnrale, la prvention spciale,la neutralisation et la radaptation agrmente d'un nouvel objectif de rpa-ration. Le problme, mille fois dnonc, que soulve cette liste ouverte estqu'elle autorise tout, mme et surtout des pratiques contradictoires, et qu'elleinstitutionnalise en droit l'exercice compltement dbrid de la discrtion desmagistrats.

    2.1.2 LA COMMISSION SUR LA DTERMINATION DE LA PEINE ET LESLIBRATIONS CONDITIONNELLES

    Si l'on dcide de prserver les librations conditionnelles dans leur formeactuelle, il est souhaitable que le sentencing et les pratiques de libration anti-cipe fassent l'objet d'une approche concerte. Le document de consultationdclare cet gard qu' il faut absolument que les questions de la dterminationde la peine et de la libration conditionnelle soient traites conjointement sil'on veut que le systme atteigne les objectifs de l'intelligibilit et de l'ac-cessibilit (DC-1, p. 10).

    Rien n'assure toutefois que la nouvelle commission puisse orchestrer cetteconcertation. Mentionnons d'abord que cette commission serait constituede deux comits distincts dont les mandats porteraient respectivement sur ladtermination de la peine et sur les librations conditionnelles. Cette subdi-vision ne serait pas ncessairement prjudiciable la concertation, mais ellepourrait le devenir.

    Il y a toutefois plus grave. Les deux premiers objectifs de la commissionsont formuls comme suit:

    a. mettre au point les lignes directrices proposes par la Commissioncanadienne sur la dtermination de la peine;

    b. fournir des conseils en ce qui a trait l'orientation gnrale des poli-tiques, des critres et des lignes directrices applicables aux librationsconditionnelles.(DC-1, p. 12.)

  • 92 CRIMINOLOGIE

    II importe de voir que ces deux premiers objectifs sont profondmentasymtriques. En effet, l'objectif premier de la composante sentencielle dela Commission est de mettre elle-mme au point (le texte anglais dit develop)les lignes directrices proposes par la CCDP en 1987. Or, ces lignes directricesne tiennent pas dans des principes abstraits et relativement vagues : elles dfi-nissent des prsomptions relatives la nature des mesures imposer (incarcrerou pas) et au quantum de ces mesures (la dure de l'incarcration).

    Par contre, le mandat de la composante de la commission qui s'occuperades librations conditionnelles est beaucoup moins prcisment dfini : cettecomposante n'labore pas par elle-mme des lignes directrices sur les lib-rations conditionnelles. Elle se contente de fournir des conseils en ce quia trait l'orientation gnrale de politiques, critres et lignes directrices appli-cables aux librations conditionnelles (le texte anglais utilise l'expression toadvise au lieu de to develop). En d'autres termes, la commission labore despolitiques en ce qui a trait la dtermination des peines, alors qu'elle est confi-ne dans un rle de conseiller s'agissant des librations conditionnelles.

    Cette interprtation n'est pas la seule possible. Le texte du documentpropose le commentaire suivant sur la nature des lignes directrices en matirede sentencing : Ces lignes directrices traiteraient des carts injustifis eu gard la race et au sexe des contrevenants. (DC-1, p. 11.) Si tel est le contenudes lignes directrices en matire de dtermination des peines, elles se rap-prochent des orientations gnrales qui seront proposes par la commissionaux organismes qui grent les librations conditionnelles. Ce progrs dansla symtrie n'est toutefois acquis qu'au profit d'une liquidation de la concep-tion des lignes directrices en matire de sentencing que la CCDP a laboredans son rapport de 1987.

    De deux choses l'une. Ou bien le mandat de la nouvelle commission pr-sente un srieux dsquilibre, auquel cas il est douteux qu'elle puisse travaillerde faon concerte, ou bien son mandat est homogne et relativement similairepour les deux comits qui la composent, auquel cas la notion de lignes direc-trices en matire de dtermination de la peine est vide de contenu.

    2.1.3 LES RFORMES EN MATIRE D'INFLICTION ET DE PERCEPTION DESAMENDES

    Pour la plupart d'entre elles, ces rformes constitueraient un progrs signi-ficatif sur la situation actuelle, o l'on abuse de l'incarcration pour dfautde paiement d'amende. Ces rformes s'inspirent largement des propositionsde la CCDP.

    Ces rformes constituent nanmoins une rgression sur un point impor-tant. Le rapport de la CCDP prsentait une table d'quivalences entre le mon-

  • QUELQUES NOTES SUR LA RFORME 93

    tant des amendes et les peines d'incarcration qui devaient tre purges dansle cas d'un dfaut de paiement d'amende (section 12.26 du rapport de laCCDP). L'tablissement de cette table d'quivalences reposait sur le prsup-pos que le contrevenant incarcr pour dfaut de paiement d'amende liquidaitle montant de sa dette montaire envers l'tat en purgeant sa sentenced'incarcration.

    Or, le document de consultation adopte une position contraire en cettematire :

    En outre, tenant pour acquis que l'emprisonnement en pareilles circons-tances est une mesure d'excution et non une autre forme de peine, nousproposons que l'incarcration du contrevenant ne remplace pas l'amendeordonne initialement et que le contrevenant en question soit toujourstenu de payer l'amende mme aprs avoir t incarcr.(DC-2, p. 16; c'est nous qui soulignons.)

    Nous estimons que cette recommandation est rtrograde et qu'elle rap-pelle fcheusement la fameuse disposition sur le remanet selon laquelle uncontrevenant ne se voyait pas reconnatre le temps qu'il avait pass en libertsurveille si sa libration conditionnelle tait rvoque avec l'expiration desa sentence (le temps pass en libert surveille comptait pour rien). Une sen-tence ne doit jamais fournir l'amorce d'un processus d'escalade pnale, quisuperpose les peines.

    2.1.4 LES SANCTIONS INTERMDIAIRESCette partie du document de consultation constitue une innovation par

    rapport aux travaux des commissions prcdentes et ses propositions sont int-ressantes. Elles se butent toutefois l'obstacle des juridictions partages entrele gouvernement fdral et les provinces que nous avons dcrit prcdemment.Au lieu de rpter ce que nous avons dj dit ce sujet, nous citerons unpassage du document de consultation, qui confirme nos apprhensions:

    Le gouvernement fdral ne peut pas prendre de mesures dfinitives dansle domaine des sanctions intermdiaires. L'laboration d'une srie demesures qui serviront la fois les intrts des provinces et ceux du gou-vernement fdral est d'une importance capitale. Nous ne pouvons impo-ser aux provinces des exigences qui auront pour effet d'entraner desdpenses considrables sur le plan des programmes sans mener desconsultations exhaustives. D'un autre ct, nous ne pouvons prendre desengagements qui obligeraient le gouvernement fdral consacrer dessommes importantes ces programmes et maintenir en mme tempsnotre position sur le plan fiscal. Nous devons mener des consultations

  • 94 CRIMINOLOGIE

    exhaustives auprs des administrations concernes afin de trouver dessolutions qui conviennent d'une part et d'autre.(DC-2, p. 22; c'est nous qui soulignons.)

    Ce passage appelle trois remarques.

    (a) II semble bien que la difficult juridictionnelle que nous avons iden-tifie par rapport aux sanctions intermdiaires soit relle.

    (b) L'objectif premier des sanctions intermdiaires est de punir unmoindre cot que l'incarcration. On doit s'tonner que ce passagene discute que des cots nouveaux que susciteront les sanctions inter-mdiaires sans mme mentionner les conomies qu'elles provoque-ront. Se pourrait-il que ces sanctions soient moins conomiquesqu'on ne l'a d'abord cru? Les expriences menes en Colombie-Britannique avec l'assignation domicile sous surveillancelectronique semblent suggrer que oui.

    (c) La rptition de l'expression consultations exhaustives noussemble tmoigner de la pense magique dont nous avons dcrit l'op-ration plus haut. Le mot exhaustif est peut tre associ l'aspectcomprhensif de ces ngociations ventuelles. Il peut galementsignifier leur caractre puisant, dont on pensa jadis qu'il suscitaitdes compromis heureux.

    2.2 LE DOCUMENT SUR LES AFFAIRES CORRECTIONNELLES ET LA MISE ENLIBERT SOUS CONDITIONDe faon relativement inattendue, ce second document (DC-2) est beau-

    coup plus dtaill dans ses propositions que le premier. Le processus derforme ayant eu pour objet premier la dtermination des peines, on se seraitattendu que le document portant sur cette partie de la rforme soit plus expliciteque le second. Il n'en est pas ainsi. L'une des raisons en est que les rformesen matire correctionnelle sont moins tributaires de changements lgislatifsque les premires et qu'on peut y procder sur le plan administratif. C'estpourquoi le second document ne se borne pas seulement prsenter desrformes futures. Il dcrit un processus de changement qui fonctionne depuisplus de cinq ans.

    Un nombre important de ces changements constitue d'importants progrs,comme la clarification des missions des divers services correctionnels.L'espace nous manque pour rendre pleine justice cet intressant document.Nous nous bornerons trois remarques, o l'on reconnatra des proccupationsqui nous sont propres.

  • QUELQUES NOTES SUR LA RFORME 95

    2.2.1 INCARCRATION ET RINSERTION SOCIALE

    Les deux documents de consultation ne sont pas pleinement convergentsen ce qui concerne les vertus rformatrices de l'incarcration. Le documentde consultation sur la dtermination de la peine contient le passage suivant :

    L'emprisonnement cote cher et il ne sert pas grand-chose, si ce n'est garder les contrevenants l'cart de la socit pendant un certain temps.(DC-1, p. 19.)Le second document sur les affaires correctionnelles comporte un nonc

    de l'objet et des principes de l'administration des services correctionnels fd-raux. Une partie de cet nonc affirme que l'administration correctionnellea pour objet de protger le public,

    [...] en contribuant la radaptation des dlinquants dans la collectivit titre de citoyens respectueux de la loi, en leur fournissant des pro-grammes dans les pnitenciers et dans la collectivit.(DC-2, p. 32; c'est nous qui soulignons.)

    Bien que nous comprenions qu'il est peut-tre impossible pour un service dereconnatre qu'il ne poursuit pas le bien de sa clientle, nous pensons quecette compulsion raffirmer l'existence de programmes qui favorisent laradaptation des dtenus incarcrs dans les pnitenciers ne fait que perptuerune illusion nocive tout effort soutenu pour faire reculer l'incarcration.Tout se passe comme si l'incarcration tait considre comme un mal nces-saire l'tape de la sentence et comme un mal suspendu aprs l'emprison-nement du contrevenant.

    2.2.2 LA CROISADE CONTRE LA DROGUE

    Le document prvoit que certains contrevenants devront purger l'entiretde leur sentence d'emprisonnement. Actuellement, seuls les contrevenantsqui prsentent un risque lev de commettre un dlit violent une fois remisen libert peuvent tre bloqus en prison jusqu' l'expiration complte de leursentence.

    Le document de consultation propose d'ajouter la catgorie des contre-venants susceptibles d'tre bloqus ceux qui ont t reconnus coupables d'undlit grave li la drogue et dont la sentence, telle que dtermine par le juge,prvoit explicitement qu'ils ne seront pas admissibles une libration con-ditionnelle avant d'avoir purg la moiti de leur peine d'emprisonnement.

    L'une des causes de l'accroissement dmesur de la population carcraleaux tats-Unis est la douteuse croisade entreprise contre la drogue ( l'ex-clusion de l'alcool et de la nicotine). La tendance canadienne ne retenir que

  • 96 CRIMINOLOGIE

    ce qu'il y a de pire dans l'exprience pnale amricaine est difficile expli-quer. Elle est tout fait fcheuse.

    2.2.3 LIBRATION CONDITIONNELLE ET PROTECTION DE LA SOCITLe rapport de la CCDP soutient, selon nous avec raison, que la protection

    de la socit est fondamentalement un moyen de lgitimer l'incarcration.Il devrait s'ensuivre, si cet aperu est juste, qu'il est jusqu' un certain pointcontradictoire de prtendre que l'objectif des librations conditionnelles rsidedans la protection de la socit. L'interprtation la plus immdiate et la plusrpandue de l'impratif de protger la socit conduit la sgrgation descontrevenants, et non leur remise en libert.

    Dans son nonc de mission et de valeurs de 1986, la Commission natio-nale des librations conditionnelles a tent de justifier la remise en libertanticipe par la contribution de cette mesure la protection de la socit. Seloncet nonc, la Commission nationale des librations conditionnelles

    [...] contribue la protection de la socit en facilitant la rintgrationopportune des dlinquants comme citoyens respectueux de la loi.(Cit dans DC-2, p. 6.)Dans un article rcent (Brodeur, 1990), nous avons tent de montrer que

    cette position tait intenable et que seule la pratique systmatique de l'am-bigut permettait de s'y retrancher. Les recommandations du second docu-ment de consultation (DC-2) lvent dfinitivement le paradoxe de fonder unepratique de remise en libert sur un objectif qui pactise essentiellement avecl'incarcration. Ce document prsente un nonc de l'objet et des principesgnraux de la libration conditionnelle au Canada. Il commence d'abordpar proposer que la protection du public soit le principal facteur considrerau moment de dcider de remettre un prisonnier en libert avant l'expirationde sa sentence d'incarcration. Puis, dans le droit fil de la logique de la pro-tection du public, le document reprend les critres sur lesquels devrait trefonde la dcision de remettre un prisonnier en libert (ces critres furent ini-tialement proposs par les quatre commissions de librations conditionnellesdans le cadre de la rforme du droit correctionnel) :

    La mise en libert du dtenu :(a) ne reprsente pas un risque trop grand, c'est--dire que le dtenu ne

    rcidivera pas, avant l'expiration de sa peine actuelle telle que prvuepar la loi, en commettant un acte criminel risquant de gravement por-ter atteinte au public;

    (b) contribuera la protection de la socit en favorisant la rintgrationdu dtenu en tant que citoyen respectueux de la loi ou en rendant

  • QUELQUES NOTES SUR LA RFORME 97

    possible la continuation de cette rintgration, ce qui aura du mmecoup pour effet de satisfaire aux objectifs du systme de justice.(DC-2, p. 9.)

    Pour lever tout malentendu par rapport l'ordre de priorit selon lequel cescritres doivent tre appliqus, le document apporte la prcision suivante,dont l'importance est cruciale:

    Ces critres sont conformes l'nonc propos de l'objet et des principeset l'esprit des recommandations formules par le Comit permanent[note: il s'agit du CJSG, prsid par D. Daubney]. Le gouvernementconsidre comme essentielle l'inclusion, dans toute rforme de la miseen libert sous condition, de critres fonds spcifiquement sur le risque.S'ils sont accepts, ces critres seront appliqus par l'ensemble des com-missions des librations conditionnelles au Canada.(CD-2, p. 9; c'est nous qui soulignons.)Le document de consultation poursuit en recommandant de prciser le

    texte lgislatif de manire manifester sans quivoque que la mission descommissions des librations conditionnelles consiste dans l'valuation desrisques que prsente la libration anticipe du dtenu :

    Pour chacun de ces programmes [de remise en libert anticipe], l'accentserait mis sur le risque de rcidive aprs la mise en libert.(CD-2, p. 10.)

    En termes clairs, la logique de la protection de la socit et du public fournitune structure de lgitimation du refus plutt que de l'acceptation de la remiseen libert.

    Il importe de rappeler le sens de nos remarques. Elles ne sont aucunementdiriges contre la libration conditionnelle mais contre l'inconsquence qu'ily a justifier cette pratique dans le cadre d'une logique qui l'empche pluttqu'elle ne la favorise.

    3. CONCLUSION

    Ce texte s'est dj trop allong et nous conclurons en quelques phrases.Le principal reproche que nous faisons aux propositions contenues dans lesdeux documents de consultations de 1990 est de dissoudre le contenu desrformes envisages en tentant de les rendre acceptables toutes les parties.Il faudrait user de principes de rigueur et de parcimonie dans la volont derformer le systme pnal en prenant garde de ne pas multiplier les tentativesqui sont manifestement d'effets pervers. Pour insatisfaisant qu'il soit, le statu

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    quo est prfrable une rforme cosmtique, car il constitue un rappel inces-sant de la ncessit de le faire clater en posant des choix clairs.

    BIBLIOGRAPHIE

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