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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : [email protected] Article Nonna Mayer Lien social et Politiques, n° 49, 2003, p. 101-111. Pour citer cet article, utiliser l'adresse suivante : http://id.erudit.org/iderudit/007908ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 22 January 2012 01:00 « Que reste-t-il du vote de classe ? Le cas français »

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Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents

scientifiques depuis 1998.

Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : [email protected]

Article

Nonna MayerLien social et Politiques, n° 49, 2003, p. 101-111.

Pour citer cet article, utiliser l'adresse suivante :http://id.erudit.org/iderudit/007908ar

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Depuis les enquêtes pionnièresde l’école de Columbia, résuméespar la formule lapidaire deLazarsfeld, «†Les gens pensentpolitiquement comme ils sontsocialement. Les caractéristiquessociales déterminent les caractéris-tiques politiques†» (Lazarsfeld etal., 1944†: 27), d’innombrables tra-vaux de sociologie électorale ontmis en lumière l’effet décisif de lasituation socioprofessionnelle surle vote 1. En Europe plus encorequ’aux États Unis, les clivages par-tisans se sont constitués sur unebase de classe, les ouvriers portantplus volontiers leurs suffrages auxpartis de gauche et les classesmoyennes et supérieures aux partisde droite (Lipset et Rokkan, 1967).L’enquête comparative dirigéealors par Richard Rose dans douzepays confirme que la classe socialeest la première variable explicativedu vote dans cinq des pays étudiés

(Finlande, Norvège, Suède,Australie, Grande Bretagne) etqu’elle vient juste après la religiondans quatre autres (Allemagne,Irlande, Italie, Pays-Bas) (Rose,1974). En France l’enquête pion-nière de Guy Michelat et MichelSimon (1977) souligne le rôlestructurant de la classe sociale et dela religion. Le clivage électoralmajeur oppose le monde ouvrier,majoritairement déchristianisé, quivoit dans le Parti communiste ledéfenseur naturel de la classeouvrière, et vote en majorité pourla gauche, à celui des catholiquesdéclarés, principalement issu desclasses moyennes rurales ouurbaines, acquis aux valeurs et auxpartis de droite 2.

Ce modèle explicatif «†sociolo-gique†» est remis en cause dès la findes années 1970. Sur la base del’indice d’Alford, qui offre une

mesure simple de la relation puis-qu’il est calculé par une simplesoustraction entre la proportiond’ouvriers ou de «†manuels†» quivotent pour la gauche et celle desnon-ouvriers qui votent à gauche,nombre d’auteurs (Lipset 1981;Dalton, Flanagan et Beck, 1984;Crewe et Denver, 1985; et surtoutClark et Lipset, 1991, et Clark,Lipset et Rempel, 1993) concluentà un affaiblissement graduel de larelation entre classe sociale et vote,généré par le passage à la sociétépostindustrielle. La tertiarisationde l’économie, la montée des colsblancs et la «†moyennisation†» de lasociété viendraient brouiller lesfrontières de classe. La hausse duniveau d’études et la montée desvaleurs hédonistes et permissivesdu «†post-matérialisme†» théorisépar Ronald Inglehart rendraient lescitoyens plus autonomes et cri-tiques. Elles favoriseraient l’émer-

Que reste-t-il du vote de classe ? Le cas français

Nonna Mayer

Lien social et Politiques – RIAC, 49, Des sociétés sans classes? Printemps 2003, pages 101-111.

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gence d’une nouvelle gauche (éco-logistes, alternatifs), défendant desenjeux non pris en charge par lespartis traditionnels. Ces transfor-mations éroderaient les clivagesanciens, et rendraient les électeursplus sensibles à la conjoncture etaux paramètres de l’offre électo-rale. Lors des élections législativesfrançaises de 1988, Alain Lancelotet Philippe Habert en tracent leportrait suivant†: «†Moins contraintpar le jeu des pesanteurs partisaneset idéologiques, rendu à son librearbitre par la disparition progres-sive de structures d’encadrementtraditionnelles, accédant auxlogiques de l’individualisme élec-toral par le recours aux normes per-sonnelles, le nouvel électeuraffirme une autonomie croissantedans la prise de décision électoraleet module ses choix à partir d’uneadaptation stratégique aux varia-tions de l’offre électorale†» (Habert,1996†: 56). Au «†vote de clivage†»,façonné par les variables lourdes,se substituerait progressivement le«†vote sur enjeux†», au coup parcoup (Franklin, Mackie, Valen etal., 1992). Et la crise économiquequi frappe l’Europe à partir dumilieu des années 1970 renforce-

rait le phénomène, en favorisantdes processus de désafffiliation etd’exclusion sociale et l’apparitionde nouveaux partis à l’extrêmedroite (Kitschelt, 1995; Betz, 1994).

La controverse n’est pas close.À partir de méthodes statistiquesplus sophistiquées et de décou-pages socioprofessionnels et poli-tiques plus fins, tenant compte plusque le classique indice d’Alford dela complexité des sociétés postin-dustrielles et des recompositionspartisanes, d’autres travaux relati-visent le déclin du vote de classe etdiscernent de nouveaux clivages(Heath, Jowell et Curtice, 1985;Hout, Brooks et Manza, 1995;Cautrès et Heath, 1996; pour unétat à jour du débat, voir Evans,1999). En prenant l’exemple de laFrance, on tentera de montrer queles clivages de classe n’ont pas dis-paru, ils se sont transformés.

Le cas français

On s’appuiera pour cela surquatre enquêtes post-électoralesmenées en 1978, 1988, 1995 et2002, auprès d’échantillons natio-naux représentatifs de la popula-tion française inscrite sur les listesélectorales (voir l’annexe 1). Aucours de cette période, la structuresocioprofessionnelle a profondé-ment évolué 3. Le niveau global dediplôme s’est élevé. Trente pourcent des jeunes avaient au moins lebac à la sortie du système scolaireen 1978, aujourd’hui ils sont deuxsur trois. Les ouvriers, qui repré-sentaient près de 40†% des actifsaux recensements de 1962 et 1975,ne pèsent plus qu’un gros quart en1998. Ils sont aujourd’hui dépasséspar les employés (30†%). Dans le

même temps les agriculteurs ontpratiquement disparu, passés de15,9†% à 2,7†% des actifs, et lepoids des artisans, commerçants etchefs d’entreprise a fortementdécliné (de 10,9 en 1962 à 6,5†% en1998). Au total les travailleursindépendants ne représentent plusque 10†% environ du total. Quantaux cadres et professions intellec-tuelles, ils ont vu leurs effectifsmultipliés par quatre, et les profes-sions intermédiaires par deux.Ensemble, les salariés moyens ousupérieurs forment aujourd’hui untiers des actifs. Un chômage demasse enfin s’est installé à partir de1974, variant entre 8†% et 12†% aulong de la période étudiée, contremoins de 2†% dans les années 1960,et touchant en priorité les employéset les ouvriers (Dayan, 1996, etCézard, 1996).

Pour repérer la situation profes-sionnelle des personnes interro-gées, on se servira de la nouvellenomenclature des catégoriessocioprofessionnelles de l’INSEE.Élaborée en 1954, elle a été refon-due en 1982 avec le code desmétiers pour devenir la nomencla-ture des professions et des catégo-ries socioprofessionnelles, quidistingue 489 professions, 39catégories socioprofessionnelles(CSP) et 6 groupes socioprofes-sionnels (GSP) (Desrosières etThévenot, 1988) 4. Elle a le méritede concilier les deux grandesapproches des classes, celle deMarx, qui en fait des acteurs collec-tifs, définis par leurs places dans leprocessus de production, et celle deMax Weber en termes de stratifica-tion sociale, constatant l’inégalaccès des individus aux ressourceséconomiques, sociales et politiques,

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sans que nécessairement ces inéga-lités se cumulent. Le classement del’INSEE permet une approche plusfine que la classique distinctionentre manuels et non-manuels. Ildistingue les patrons propriétairesde leur outil de travail des salariéssous les ordres d’un patron, et parmiles salariés ceux du secteur public,dont l’employeur est l’État, et ceuxdu secteur privé. Il permet aussi deranger les salariés selon leur posi-tion sociale, depuis la catégoriesocioprofessionnelle des ouvriers,qui ont les plus bas niveaux derevenu et d’instruction, jusqu’à celledes cadres d’administration et d’en-treprise et des professions intellec-tuelles supérieures, qui ont les plusélevés. La population retenue ici, àla différence de la plupart desenquêtes, ne se limite pas aux actifsoccupés au moment de l’enquête.Les chômeurs, les retraités et lesfemmes ayant arrêté de travaillersont reclassés en fonction de la der-nière profession exercée.

Parallèlement, le paysage poli-tique s’est profondément trans-formé et fragmenté. La gauche,déjà majoritaire aux élections légis-latives de 1978 (50,2†% des suf-frages exprimés), est arrivée aupouvoir en 1981, après 23 ans dedomination par la droite. Elle l’aperdu, après sa double défaite auxlégislatives de 1993 et à la prési-dentielle de 1995. Et si la dissolu-tion malencontreuse de 1997redonne la majorité aux socialistes,le scrutin présidentiel de 2002 signeleur déroute, leur candidat sevoyant devancé par celui du Frontnational au premier tour. Les écolo-gistes ont fait leur percée à partirdes élections européennes de 1989(plus de 10†%) et des régionales de

1992 (plus de 14†%), l’extrêmegauche également, dont la porte-parole Arlette Laguiller réalise unscore de 5†% au premier tour prési-dentiel de 1995, tandis que celui del’ensemble des candidats trotskistesau premier tour présidentiel 2002dépasse 10†%. L’extrême droite,enfin, s’est imposée dans le champpolitique. Son décollage électoralse fait aux élections européennes de1989, où le leader du Front nationalrecueille 11†% des suffrages. À par-tir de l’élection présidentielle de1988, son score se stabilise auxalentours de 15†%. Et la scission dedécembre 1998 en deux formationsrivales, le FN de Jean-Marie Le Penet le MNR (Mouvement nationalrépublicain) de Bruno Mégret, nestoppe que temporairement sadynamique. Au soir du 21 avril2002, Jean-Marie Le Pen devanceLionel Jospin de près de 200 000voix et se qualifie pour le secondtour, où il rassemble cinq millionset demi d’électeurs et 17,8†% desuffrages. Si on ajoute les scores deLe Pen et de Mégret, le niveau élec-toral de l’extrême droite au premiertour avoisine celui du président sor-tant Jacques Chirac (respective-ment 19,6†% et 19,9†%).

Pour analyser les choix électo-raux des personnes interrogées, ona pris en compte la nouvelle tripar-tition de l’espace politique françaiset la spécificité du vote lepéniste(Grunberg et Schweisguth, 1997),en regroupant votes pour la gaucheou pour les écologistes, votes pourla droite modérée et votes pourl’extrême droite (FN et MNR) 5.

Les tableaux présentés portentsur les suffrages exprimés à l’ex-clusion des abstentions, votes

blancs ou nuls et refus de répondre.Ils laissent donc de côté une pro-portion croissante du corps électo-ral, puisque le taux d’abstention aatteint un niveau record de 28†% aupremier tour présidentiel 2002, enparticulier dans les catégoriessocioprofessionnelles populaires,les plus abstentionnistes. Ils sontredressés sur la base des résultatsréels des élections considérées,compte tenu de la très forte sous-déclaration des votes pour les can-didats d’extrême droite 6.

Le recul du clivage entreouvriers et non-ouvriers

Si l’on se contente d’opposer levote pour la gauche au vote pour ladroite, extrême droite comprise,trois clivages se dessinent (tableau1). Au début de la période étudiée,les ouvriers se distinguent nette-ment des autres électeurs par unvote beaucoup plus fréquent pourla gauche. Il atteint 70†% au pre-mier tour des élections législativesde 1978, soit un niveau supérieurde 17 points au score national de lagauche à ces élections. Mais pro-gressivement cet écart va s’atté-nuer. À l’élection présidentielle de1988 il tombe à 14 points, en 1995à 8 points et en 2002 il n’y a plusde différence. L’indice d’Alfordcalculé sur ce premier tour prési-dentiel serait égal à zéro†: 43†%(vote ouvrier pour la gauche) –43†% (vote des non-ouvriers pour lagauche). Et c’est chez les ouvriersque le recul de la gauche est le plusmarqué, puisque de 1978 à 2002elle y perd 27 points, contre 10dans l’ensemble de l’électorat; lesouvriers sont suivis par lesemployés (– 15 points).

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Le phénomène traduit le désarroid’une classe sociale particulière-ment touchée par les restructura-tions industrielles et le chômage,qui ne fait plus confiance à lagauche pour la défendre quand sapolitique économique change, dès1983. Il reflète aussi les transfor-mations de la condition ouvrière(Cézard, 1996). Hier la catégoriecomprenait essentiellement des tra-vailleurs manuels du secteur pro-ductif. Aujourd’hui deux ouvrierssur cinq travaillent dans le secteurtertiaire, comme chauffeurs, manu-tentionnaires ou magasiniers, oudans les services marchandscomme l’intérim ou le nettoyage,dans des situations profession-nelles caractérisées par un isole-ment et une précarité accrus, sanstraditions de lutte syndicale etd’action collective et donc moinsréceptives aux valeurs de gauche.Surtout, le Front national a su cap-ter ce ressentiment. C’est essentiel-lement à son profit que se fait lerecul de la gauche chez les ouvriers(tableau 2). Dès 1995, Jean-MarieLe Pen arrive en tête chez eux aupremier tour. À la faveur desdéceptions suscitées par la gauche,le président du FN fait figure de

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Tableau 1. Évolution du vote de gauche par GSP et par statut (†%)

Législ. Prés. Prés. Prés. 1978 1988 1995 2002

GSP

26 29 20 18Agriculteurs

31 32 19 20PCA

45 41 46 43Cadres

57 48 45 50Prof. intermédiaires

54 52 38 39Employés

70 63 49 43Ouvriers

53 (3867) 49 (3091) 41 (3149) 43 (2826)Total

Statut

28 30 22 21Indépendants

60 54 44 44Salariés

+ 32 + 24 + 22 + 23Écart

58 52 40 39Salariés du privé

64 58 52 51Salariés du public

+ 6 + 6 + 12 + 12Écart

Tableau 2. Évolution du vote des ouvriers (1978-2002) (†%)

Législ. Prés. Prés. Prés. 1978 1988 1995 2002

70 63 49 43Gauche

30 20 31 31Droite

Extrême droite

1 17 21 26(Le Pen + Mégret)

Tableau 3. Vote le Pen 1er tour en fonction du nombre d’attachesouvrières (†%) a

0 attache 1 attache 2 attaches

13 (1777) 16 (963) 17 (361)Prés. 1988

12 (1780) 18 (991) 22 (377)Prés. 1995

16 (1589) 18 (936) 26 (305)Prés. 2002 Le Pen

16 (1589) 22 (936) 29 (305)Prés. 2002 Le Pen+Mégret

a. Attache†: ouvrier soi-même, père ouvrier.

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défenseur privilégié des petitscontre les gros, du peuple contre«†l’établissement†», de ceux d’enbas contre ceux d’en haut. Et c’estchez les ouvriers hier les plus inté-grés au milieu, ceux qui hierauraient voté pour le Parti commu-niste, que Le Pen fait aujourd’huises meilleurs scores, atteignantplus du quart des suffrages en 2002chez les ouvriers fils ou filles d’ou-vriers (tableau 3) (voir aussiPerrineau et Rey, 2002, et Chicheet Mayer, 2002).

Le clivage indépendants-salariés

Si au cours de la période étudiéela gauche décline chez les ouvrierset les employés, elle résiste mieuxchez les professions dites «†inter-médiaires†», que le parti socialisteavait conquises dans les années1970, après sa rénovation lors ducongrès d’Épinay (Grunberg etSchweisguth, 1981 et 1983). Qu’ilssoient techniciens, enseignants outravailleurs des services médicauxet sociaux, leur condition de sala-riés, leur origine sociale à domi-nante populaire, leur appartenancefréquente au secteur public ou auxgrandes entreprises, où les tradi-tions de lutte syndicale et d’actioncollective sont particulièrementvivaces, les y inclinent. Catégoriesjeunes, citadines, instruites, déta-chées de la pratique religieuse,elles sont également particulière-ment sensibles aux valeurs hédo-nistes et permissives des années1960 (Grunberg et Schweisguth,1981 et 1983) 7. En 2002, c’est chezelles que la gauche fait sonmeilleur score (50†%). Si bienqu’au total, un second clivage semaintient tout au long de lapériode, qui oppose globalement

les salariés aux travailleurs indé-pendants, beaucoup moins enclinsà voter pour la gauche (tableau 1).

Qu’ils soient médecins ou épi-ciers, agriculteurs ou chefs d’entre-prise, ces derniers sont propriétairesde leurs moyens de travail, attachésà la libre entreprise et à l’initiativeindividuelle. Ils se sentent menacéspar une gauche qui leur paraît tou-jours défendre les droits des sala-riés contre les patrons et renforcerl’intervention de l’État dans la vieéconomique et sociale. Ce clivagen’est pas nouveau. On l’observelors des législatives de 1962, 14points séparant déjà le niveau duvote pour la droite des indépen-dants et des salariés. Il s’est accen-tué dans les années 1970, enréaction contre la dynamique élec-torale amorcée par la signature duprogramme commun et une éven-tuelle victoire des «†socialo-com-munistes†». Et l’évolution même deces milieux favorise leur ancrage àdroite. L’agriculture traditionnellerecule au profit d’une nouvellegénération d’entrepreneurs, jeunes,diplômés et à la tête de grandesexploitations. Au déclin desmétiers traditionnels du commerceet de l’artisanat (épicerie, artisansdu textile et du cuir, gros œuvre dubâtiment) répond l’essor des bou-tiques de centre-ville, des presta-taires de services et de l’artisanatd’art. Ces nouveaux commerçantset artisans sont d’un niveau socialet culturel plus élevé, à l’image deleur clientèle, et leur relatifembourgeoisement explique aussileur vote plus fréquent pour ladroite. Déjà très élevé au début dela période étudiée, puisque, au pre-mier tour des élections législativesde 1978, plus des deux tiers des

agriculteurs et des patrons donnentleurs suffrages aux candidats dedroite (l’extrême droite est alorsinexistante), leur soutien à la droites’accentue encore à l’élection pré-sidentielle de 1995, qui consacre lerejet des socialistes et la fin de l’èreMitterrand. Les indépendants sontdésormais quatre sur cinq à préfé-rer la droite à la gauche (tableau 1).

Le résultat de ces chassés-croisésest le maintien d’un écart impor-tant, de l’ordre de 20 points, entre leniveau du vote pour la droite desindépendants et des salariés, mêmes’il décline par rapport à celuiqu’on observe aux législatives de1978 (32 points) (tableau 1).

Gens du public, gens du privé 8

Un troisième clivage oppose lessalariés du secteur privé à ceux dusecteur public, défini ici au senslarge (fonction publique et agentsdes entreprises publiques†: RATP,EDF, France Télécom, la Poste) 9.Ces derniers votent plus souventpour la gauche, qui y reste majori-taire tout au long de la périodeconsidérée, alors qu’elle reculechez les salariés du privé, plusréceptifs au discours lepéniste(ouvriers, employés) ou à celui dela droite modérée (cadres, ingé-nieurs). La persistance du chô-mage, qui touche de plein fouet lessalariés du privé, leur fait appa-raître les salariés du public commedes privilégiés, assurés de la sécu-rité de l’emploi et d’une meilleureretraite, tandis que les salariés dupublic craignent le libéralisme éco-nomique de la droite et les risquesde déréglementation associés à laconstruction de l’Union euro-péenne, susceptibles de remettre en

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cause le service public à la fran-çaise. Dans ce contexte, loin des’atténuer, le clivage entre public etprivé s’est accentué depuis 1995.L’écart entre le niveau respectif devote pour la gauche en 1978 et en1988 est de 6 points, il passe à 12points à partir de 1995 (tableau 1).

Les principaux clivages declasse mis en lumière par lesenquêtes de 1978 et de 1988 n’ontdonc pas disparu, ils se sont dépla-cés, sous l’effet du changementsocioprofessionnel et politique.L’opposition principale ne passeplus entre ouvriers et non-ouvriersmais entre travailleurs indépendantset salariés, la résistance de la gauchechez les salariés moyens et supé-rieurs venant compenser son reculchez les ouvriers. Ces résultats vontdans le sens d’autres travaux menésen Grande-Bretagne (Heath, Jowellet Curtice, 1991; Cautrès et Heath,1996) et aux États-Unis (Hout,Brooks et Manza, 1995). Sur le longterme, réalignements et déaligne-ments de classe se compensent. Iln’y a pas un modèle unique et inva-riant du «†vote de classe†», qui seraitcelui des ouvriers votant pour lagauche, et l’orientation à gauche deplus en plus marquée des salariés

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Tableau 4. Vote Le Pen 1er tour par groupe socioprofessionnel (†%)a

Agricul-teur

Patron Cadre,profess.intellect.

Profess.intermé-

diaire

Employé Ouvrier

10 19 14 15 14 17Prés. 198810 19 4 14 18 21Prés. 1995

22 22 13 11 22 23Prés. 2002+ 12 + 3 – 1 – 4 + 8 + 6Écart

a. Chômeurs, retraités, inactifs inclus, reclassés dans leur profession d’origine.

Tableau 5. Régression logistique sur le vote de gauche au 1er tour pré-sidentiel 2002a

B Signif. Exp (B)

Statut– 0,663 0,000 0,515Indépendant

RéférenceSalarié du privé

0,513 0,000 1,671Salarié du public

0,268 0,127 1,307Chômeur

Classe– 0,220 0,017 0,8020 attache ouvrière

Référence1 attache

0,095 0,494 1,0992 attaches

Patrimoine0,118 0,222 1,1250 ou 1 élément

Référence2 éléments

– 0,296 0,004 0,7443 ou +

Revenu– 0,039 0,723 0,962Moins de 10 000 francs mensuels

Référence10 000-15 000 francs

– 0,074 0,467 0,929Plus de 15 000 francs

SexeRéférenceHomme

– 0,076 0,355 0,927Femme

Âge, diplôme– 0,030 0,832 1,031Moins de 40 ans sans bac

0,570 0,000 1,769Moins de 40 ans avec bac

– 0,158 0,235 0,85440 et + sans bac

Référence40 et + avec bac

a. La valeur absolue du coefficient B mesure le pouvoir prédictif des modalités de chaque variableune fois contrôlé l’effet des autres variables de la régression. Plus il est élevé plus la relation estforte. Le coefficient de la seconde colonne indique si la relation est significative sur le plan sta-tistique. Plus il est faible, plus elle est significative.

0,014 0,934 1,014Constante

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non ouvriers et notamment ceux dusecteur public rentre aussi dans lacatégorie des «†réalignements†» declasse.

L’exception Front national

Le statut professionnel tel quenous l’avons défini, en distinguantles travailleurs indépendants dessalariés du secteur privé et du sec-teur public, exerce toujours sur leschoix électoraux des Français uneinfluence déterminante. La probabi-lité de voter pour la gauche ou pourla droite dépend encore très large-ment du rapport des individus auxmoyens de production et d’échange.Seul le vote pour le FN semble faireexception. Pendant plus d’un sièclele conflit patrons-ouvriers a struc-turé le débat politique français etincliné les premiers vers les partisde droite, les seconds vers les partisde gauche, communiste et socia-liste. Le vote FN échappe à cettelogique, associant les ennemis declasse d’hier dans un même rejetdes immigrés. Cette conjonction de«†l’atelier et de la boutique†»,constante à toutes les électionsnationales depuis 1986, est un desleviers de sa dynamique électorale(Perrineau, 1998; Mayer, 2002). Etce brouillage s’est encore accru àl’élection présidentielle de 2002, oùpour la première fois le leader duFN fait une percée dans le monderural et agricole (tableau 4).Aujourd’hui, le niveau du vote lepé-niste est identique chez les agricul-teurs, les patrons, les employés etles ouvriers, seuls résistent à soninfluence les salariés moyens etsupérieurs.

Sa spécificité se confirme si oncherche à faire la part des différents

paramètres liés à la profession etsusceptibles d’expliquer le vote,pour dégager l’effet propre du statutsocioprofessionnel. C’est ce quepermet l’analyse de régressionlogistique (voir l’annexe 2). Lesvariables à expliquer sont tour à tourles votes de gauche au premier tourde l’élection présidentielle de 2002,les votes de droite modérée et les

votes pour l’extrême droite, opposésà tous les autres. Les variablesexplicatives, outre le statut socio-professionnel, sont le nombre d’at-taches avec le monde ouvrier, lerevenu et le patrimoine, le diplômecontrôlé par l’âge, et le sexe. Lacatégorie de référence de notremodèle est un homme, salarié dansle privé, âgé de plus de 40 ans et

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Tableau 6. Régression logistique sur le vote de droite au 1er tour pré-sidentiel 2002 a

B Signif. Exp (B)

Statut0,518 0,000 1,679Indépendant

RéférenceSalarié du privé

– 0,438 0,000 0,645Salarié du public

– 0,407 0,035 0,665Chômeur

Classe0,264 0,006 1,3020 attache ouvrière

Référence1 attache

– 0,145 0,339 0,8652 attaches

Patrimoine– 0,136 0,179 0,8730 ou 1 élément

Référence2 éléments

0,233 0,026 1,2623 ou +

Revenu0,028 0,805 1,029Moins de 10 000 francs mensuels

Référence10 000-15 000 francs

0,167 0,112 1,182Plus de 15 000 francs

SexeRéférenceHomme

0,277 0,001 1,319Femme

Âge, diplôme– 0,412 0,005 0,662Moins de 40 ans sans bac

– 0,577 0,000 0,562Moins de 40 ans avec bac

– 0,066 0,618 0,93640 et + sans bac

Référence40 et + avec bac

a. La valeur absolue du coefficient B mesure le pouvoir prédictif des modalités de chaque variableune fois contrôlé l’effet des autres variables de la régression. Plus il est élevé plus la relation estforte. Le coefficient de la seconde colonne indique si la relation est significative sur le plan sta-tistique. Plus il est faible, plus elle est significative.

– 523 0,002 0,593Constante

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titulaire du bac, possédant deux élé-ments de patrimoine mobilier ouimmobilier, gagnant entre 10 000 et15 000 francs par mois, et une seuleattache avec le monde ouvrier.

Les résultats confirment l’effetdéterminant du statut socioprofes-sionnel quand il s’agit de choisirentre la gauche et la droite modérée,quels que soient par ailleurs lerevenu, le patrimoine, l’âge et lediplôme, le sexe ou les liens del’électeur avec le monde ouvrier. Laprobabilité de voter pour un candi-dat de gauche est trois fois plus éle-vée pour les salariés du public quepour les travailleurs indépendants(tableau 5). Inversement, la probabi-lité de voter pour un candidat dedroite non extrême est trois foismoins élevée (tableau 6). On noteégalement un effet significatif del’âge et du diplôme. C’est chez lesjeunes diplômés que la gauche faitses meilleurs scores, une foiscontrôlé l’effet de toutes les autresvariables, tandis que la droite modé-rée, elle, fait ses plus mauvais scoreschez les jeunes, qu’ils aient ou nonle bac. Enfin, le patrimoine détenu,l’appartenance au milieu ouvrier etle sexe exercent une moindreinfluence.

Les probabilités de voter pour lagauche sont un peu plus faibles,celles de voter pour la droite modé-rée un peu plus fortes, chez les élec-teurs qui ont du patrimoine (aumoins trois éléments) ou qui n’ontaucune attache ouvrière. Quant ausexe, il n’a d’influence que sur levote pour la droite modérée, plusfréquent chez les femmes, qui se

distinguent notamment par un sou-tien plus marqué à Jacques Chirac.Mais de toutes ces variables, cellequi exerce le plus d’influence sur ladécision électorale est le statutsocioprofessionnel, le fait de tra-vailler à son compte, dans le privéou dans le public.

Il n’en va pas de même pour levote d’extrême droite. Là ce n’est

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Que reste-t-il du vote de classe ? Le casfrançais

Tableau 7. Régression logistique sur le vote d’extrême droite au 1er

tour présidentiel 2002 a

B Signif. Exp (B)

Statut0,162 0,420 1,176Indépendant

RéférenceSalarié du privé

– 0,291 0,041 0,747Salarié du public

0,185 0,448 1,203Chômeur

Classe– 0,071 0,614 0,9320 attache ouvrière

Référence1 attache

0,016 0,930 1,0172 attaches

Patrimoine0,015 0,917 1,0150 ou 1 élément

Référence2 éléments

0,145 0,361 1,1563 ou +

Revenu0,016 0,917 1,017Moins de 10 000 francs mensuels

Référence10 000-15 000 francs

– 0,188 0,225 0,829Plus de 15 000 francs

SexeRéférenceHomme

– 0,415 0,001 0,660Femme

Âge, diplôme0,800 0,000 0,2226Moins de 40 ans sans bac

– 0,090 0,694 0,914Moins de 40 ans avec bac

0,566 0,009 1,76240 et + sans bac

Référence40 et + avec bac

a. La valeur absolue du coefficient B mesure le pouvoir prédictif des modalités de chaque variableune fois contrôlé l’effet des autres variables de la régression. Plus il est élevé plus la relation estforte. Le coefficient de la seconde colonne indique si la relation est significative sur le plan sta-tistique. Plus il est faible, plus elle est significative.

– 2,058 0,000 0,128Constante

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plus le statut socioprofessionnel quicompte, mais le niveau de diplômeet le sexe (tableau 7). Quel que soitleur âge, les électeurs moins ins-truits ont plus souvent donné leurvoix à Jean-Marie Le Pen ou àBruno Mégret le 21 avril, et leshommes beaucoup plus volontiersque les femmes. Si les électricesavaient été les seules à voter cejour-là, Le Pen serait arrivé troi-sième, après Jospin et Chirac (res-pectivement 22†%, 16†% et 14†% deleurs suffrages). Si seuls les élec-teurs avaient voté, Le Pen seraitarrivé premier, avant Chirac etJospin (respectivement 20†%, 17†%et 16†%). Le discours simplificateurdu Front national, qui fait desimmigrés la cause unique de tousles problèmes de la France, et de la«†préférence nationale†» le remèdemiracle au chômage, a plus de réso-nances chez les personnes peu ins-truites. Et la violence physique etverbale qui l’entoure rebute lesélectrices tout autant que l’imagetraditionnelle de la femme au foyerqu’il véhicule. Le vote de classe nedisparaît donc pas, il évolue. Seul leFront national fait exceptionaujourd’hui dans le paysage poli-tique français. Lui seul apparaîteffectivement comme un vote trans-classiste et transclivages, sur l’en-jeu qui rassemble ses électeurs parailleurs si divers†: l’immigration.

Nonna Mayer CNRS

Centre d’étude de la vie politiquefrançaise-Sciences Po, Paris

Notes

1 Pour un bilan détaillé voir Dalton etWattenberg, 1993.

2 Leur enquête date de 1966. Voir aussil’enquête réalisée en 1970 sur«†L’ouvrier français†» (Adam et al.,1970), et plus particulièrement la contri-bution de René Mouriaux.

3 On s’appuie ici sur le bilan des muta-tions sociales et politiques de la sociétéfrançaise dressé par Gérard Le Gall etPhilippe Méchet à la veille des scrutinsde 2002 (Le Gall et Méchet, 2002). Voiraussi Chauvel, 2002.

4 La profession des enquêtés a été deman-dée par une question ouverte, dont laréponse a été notée en clair puis pré-codée par l’enquêteur selon les critèresde la nomenclature de l’INSEE (sansdétailler entre petits, moyens et grosexploitants agricoles ni entre ouvriers del’artisanat et ouvriers d’industrie). Pourles quatre enquêtes, on a regroupé lesGSP selon les grilles de la nouvellenomenclature.

5 Compte tenu des réponses des personnesinterrogées aux questions sur leur posi-tionnement de droite ou de gauche, on aclassé à gauche les votes pour les troiscandidats trotskistes, Arlette Laguiller,Daniel Glückstein et OlivierBesancenot, le candidat des Verts NoëlMamère, le candidat communisteRobert Hue et le candidat socialisteLionel Jospin, la candidate des radicauxde gauche Christiane Taubira, ainsi quele candidat du Pole républicain, JeanPierre Chevènement. À droite on aclassé les votes pour les candidats RPR,UDF et DL, Jacques Chirac, FrançoisBayrou et Alain Madelin, ainsi que pourla candidate écologiste Corinne Lepageet pour Christine Boutin (droite traditio-naliste), et celui des Chasseurs, JeanSaint Josse, et à l’extrême droite BrunoMégret et Jean-Marie Le Pen.

6 Environ 4 points au premier tour prési-dentiel de 1988, 1,5 à celui de 1995, 7points à celui de 2002. Seuls les résul-tats des élections de 1978 n’ont pas étéredressés, l’extrême droite est alorsinexistante et il n’y a quasiment pas dedécalages.

7 Sur l’évolution symétrique des classesmoyennes salariées américaines, passantdu soutien aux républicains au soutienaux démocrates, à partir de 1968, voir

l’intéressante étude de Hout, Brooks etManza (1995).

8 Pour reprendre le terme employé parFrançois de Singly et Claude Thélot(1988).

9 La définition que l’INSEE donne dusecteur public est plus restrictive, limi-tée à la fonction publique statutaire.

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Annexe 1. Les données

Cet article s’appuie sur le «†Panel électo-ral français 2002†», essentiellement laseconde vague effectuée après le secondtour présidentiel au téléphone auprès d’unéchantillon national représentatif de lapopulation électorale française de métro-pole (15-31 mai 2002, N = 4017), et surtrois enquêtes post-électorales du CEVI-POF (Centre d’étude de la vie politiquefrançaise), administrées par la SOFRES enface à face après le deuxième tour des élec-tions législatives de 1978 (20-30 mars1978, N = 4507) et des deux dernières élec-tions présidentielles (9-20 mai 1988, N =4032, et 9-24 mai 1995, N = 4078). Leséchantillons sont construits selon laméthode des quotas (âge, sexe, professiondu chef de ménage, stratification par régionet catégorie d’agglomération), et sontreprésentatifs de la population inscrite surles listes électorales, sauf celui de l’enquêtede 1988, qui porte sur l’électorat potentiel

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(Français âgés de 18 ans et plus), dont nousavons exclu les non-inscrits. Les principauxrésultats ont été publiés dans France degauche, vote à droite (Capdevielle et al.,1981), L’électeur français en questions(CEVIPOF, 1990) et L’électeur a ses rai-sons (Boy et Mayer, 1997). Les donnéesdes enquêtes 1978-1995 sont disponibles àla Banque de données socio-politiques(BDSP) du Centre d’informatisation desdonnées socio-politiques de Grenoble(CIDSP), et celles du panel électoral leseront en juillet 2003.

Annexe 2. Régression logistique

L’analyse de régression logistique per-met de mesurer l’effet spécifique du statutprofessionnel sur le vote, toutes choseségales par ailleurs, en contrôlant l’effet desautres variables susceptibles de l’influen-cer. Le champ est celui des actifs augmentédes anciens actifs reclassés selon leur der-nière profession et ayant déclaré leur voteau premier tour de l’élection présidentiellede 2002 (N = 2805). On travaille ici sur leseffectifs non pondérés. Les trois variables àexpliquer ou variables «†dépendantes†»,codées 0 ou 1, sont la proportion de suf-frages exprimés pour les candidats degauche ou écologistes, pour les candidatsde droite, et pour les deux candidats d’ex-trême droite, Bruno Mégret et Jean-MarieLe Pen. Les variables explicatives ou«†indépendantes†» sont le sexe, le nombred’attributs ouvriers, variant de 0 à 2(ouvrier soi-même et [ou] père ouvrier), lestatut professionnel de la personne interro-gée (indépendants, salariés du privé, sala-riés du public, chômeurs), le revenumensuel déclaré (moins de 10 000 francspar mois, entre 10 000 et 15 000 francs etplus de 15 000 francs), le nombre d’élé-ments de patrimoine mobilier (livret decaisse d’épargne, valeurs mobilières) ouimmobilier (propriété de la résidence prin-cipale, de la résidence secondaire, fonds decommerce, terres, entreprise, biens immo-biliers de rapport) et une variable compo-site combinant l’âge (plus ou moins de 40ans) et le niveau de diplôme (n’a pas le bac,bac ou plus) à cause des effets d’interactionentre ces deux variables. La valeur absoluedu coefficient B mesure le pouvoir prédictifdes modalités de chaque variable une foiscontrôlé l’effet des autres variables de larégression. Le coefficient de la secondecolonne indique si la relation est significa-

tive sur le plan statistique. Plus il est faible,plus elle est significative. Au dessus duseuil de 0,05, on considère qu’elle ne l’estplus du tout. La troisième colonne présenteles odds ratio ou rapports de chances, ici lesprobabilités de voter pour l’un ou l’autrecamp.

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