Le sultanat d'Oman en quête d'un second souffle · Les Etudes du CERI - n° 122 - décembre 2005 2...

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Les Études du CERI N° 122 - décembre 2005 Le sultanat d'Oman en quête d'un second souffle Un régime aux prises avec la nécessaire diversification de son économie et l'émergence de revendications identitaires Marc Valeri Centre d'études et de recherches internationales Sciences Po

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LesÉtudesduCERI

N°122-décembre2005

Lesultanatd'Omanenquêted'unsecondsouffle

Unrégimeauxprisesaveclanécessairediversificationdesonéconomie

etl'émergencederevendicationsidentitaires

MarcValeri

Centred'étudesetderecherchesinternationales

SciencesPo

Les Etudes du CERI - n° 122 - décembre 2005

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MarcValeri

Lesultanatd'Omanenquêted'unsecondsouffleUnrégimeauxprisesaveclanécessairediversificationdesonéconomie

etl'émergencederevendicationsidentitairesRésuméLebrusquefléchissementdelaproductionpétrolièredepuis2001n’afaitquerendrepluscrucialelaquestiondel’alternativeàunmodèleéconomiquefondésurlarentepétrolière,alorsquelepaysaconnuundéveloppementfulgurant ces trois dernières décennies. Dans cette perspective, la politique de nationalisation de la force detravail conditionne tous les autres enjeux, car, au-delàdu seulproblèmeéconomique, ellebouleverse le tissusocial épargné durant l’ère de prospérité, et donc la légitimité même du modèle. La société omanaise vitactuellementunemontéedes frustrations,quise traduitparunerésurgencedespréjugésetdesrevendicationsparticularistes.Cephénomènes’accompagned’uneaggravationdes inégalités,sous la formenotammentd’uneconfusion des pouvoirs économique et décisionnel dans les mains d’une oligarchie bénéficiaire de la rentedepuis1970.Onpeutsedemanderdansquellemesurelesmutationsaujourd’huiàl’œuvreenOmanrecèlentunemenacepourlastabilitéd’unrégimeconsidérécommel’undesplusstablesdelazone.

MarcValeri

OmanSeeksaSecondWindAregimecaughtbetweentheneedforeconomicdiversification

andtheemergenceofidentitariandemands

AbstractThesuddenslumpinoilproductionsince2001hasonlyheightenedthequestionofanalternativetoaneconomybasedonoilrevenues,whereasthesultanatehadundergoneexponentialdevelopmentoverthethreeprecedingdecades.Fromthisstandpoint, thepolicyofOmanizing the labor forceconditionsallother issues,as it is notmerely an economicmatter, but instead deeply alters the social fabric that remained intact during the era ofprosperity, thereby questioning the very legitimacy of Oman’s economic model. Omani society is currentlyexperiencingariseinfrustrationsreflectedinaresurgenceofparticularistprejudicesanddemands.Alongsidethisphenomenon is anexacerbationof inequality, particularlydue to theenmeshmentof economic anddecision-makingpowersinthehandsoftheoligarchythathasbenefitedfromtheserevenuessince1970.TowhatextentdothechangesOmanisgoingthroughtodayharborathreatforthestabilityofaregimeconsideredtobeoneofthemoststableintheregion?

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Lesultanatd'Omanenquêted'unsecondsouffleUnrégimeauxprisesaveclanécessairediversificationdesonéconomie

etl'émergencederevendicationsidentitaires

MarcValeriJeanMonnetFellow,RobertSchumanCenterforAdvancedStudies,IUE

Lorsque Qabous bin Sa‘îd, âgé de trente ans, renverse son père avec l’appui desBritanniquesetprendletitrede«sultandeMascateetOman»àl’été1970,prèsdequinzeannéesdeguerrescivilesont révélé ladivisionsocialeetpolitiqued’un territoireprivédestructureétatique etmarquépar sonextrême isolement international.Assignéà résidencedanslesuddupaysparsonpèredepuislafindesesétudesenEurope,Qabousnedisposequed’unemargedemanœuvreminimalevis-à-visdesconseillersbritanniqueslorsqu’ilfaitsonentréeàMascate,pourlapremièrefoisdesavie,le30juillet1970.A l’aune de cet héritage délicat ainsi que de sa position géostratégique sensible,l’étonnante stabilitédu sultanatd’Oman, régulièrementprésentécomme «l’exceptionquiconfirme la règle»1dansungolfePersique tourmenté,n’en estqueplus remarquable. Laredistribution de la rente pétrolière, contrôlée par le nouvel Etat, a constitué d’embléel’instrumentnécessaireàlamiseenœuvred’unepolitiqued’unificationnationale,aucœurdelalégitimationdunouveaupouvoir.Ceprocessuss’estrévéléd’autantplusefficacequ’ils’estaccompagnéd’uneexplosiondesoffresd’emploietdespossibilitésderevenusauseindes secteurs public et parapublic, dans une contrée vouée depuis plusieurs décennies àl’émigration. Le bouleversement des structures traditionnelles qui s’est ensuivi va faciliterune réécriture des cadres de référence autour de la personne de Qabous, assimilé dansl’historiographie à l’Etat et, par suite, à l’Oman moderne tout entier. Depuis la fin desannées1970,nonseulementchaqueOmanaisesttributairedel’Etatpoursasécuritéetsasubsistance,maistoutealternativepolitiqueausultan–incarnéeparleschaykhstribauxetlestenantsd’uneautoritéspirituellecommel’imamat–estdécrédibilisée.

1TheEconomist(Londres),18novembre2000.

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Pourtant, loin de provoquer la disparition des légitimités infra-étatiques (tribu, groupeethnolinguistique, etc.), le sultanQabous va chercher à les intégrer dans le nouvel ordrepolitique afin de renforcer la stabilité du système, associant subtilement mécanismes decooptation et de coercition. Une telle instrumentalisation du registre «tribal» ou«ethnique»accréditeauseindelapopulationl’idéequelesystèmeobéitàunprincipededémocratie authentique «à l’omanaise», «le sultan [ayant] donné des positions à chaquetribu,pourquetoutlemondesoitcontent»2.Enseprésentantàl’inversecommeceluiquin’appartient à aucungroupe,quinedéfendaucun intérêtparticulier, le sultanapparaît leseulàpouvoirprétendreincarnerl’ensembledelacommunautépolitique.C’estensommepar la double construction d’un Etat omanais et d’une nation omanaise que Qabous vaérigerlalégitimitédesonautorité.Aunomdelapréservationdel’uniténationalederrièrelesouverain et de la menace brandie de «fitna», les autorités auront le souci constantd’empêcherl’émergenced’unequelconquealternativeàl’ordreenplace.Derrière la façadequ’aréussiàpréserver le régimesur lascène internationale, forceestpourtantdeconstaterquel’étatdegrâcen’estplusd’actualité.Depuisunedécennie,deuxdespiliersmajeursdelalégitimitédusultanQabous–lacapacitéredistributricedel’Etatetl’identité nationale construite autour du Prince– se trouvent fragilisés par de nouvellescontraintes socio-économiques, au premier rang desquelles une nette érosion de la rentepétrolière,quicontribuentà révéler lesvulnérabilitésdumodèle.En l’espacedequelquesannées, Oman a dû repenser l’ensemble de sa structure socio-économique afin derestreindre sa dépendance à l’égard du pétrole. Au cœur de ses objectifs figurentl’accélérationdeladiversificationdessourcesderevenusdupayset,plusgénéralement,ledésengagementéconomiquedel’Etatauprofitdusecteurprivé.Maisledéfimajeurauquelsont confrontées les autorités demeure celui de l’emploi, avec l’arrivée sur lemarché dutravail d’une population jeune3 de plus en plus éduquée, instigatrice de nouvellesdynamiques sociales,àquisont refusés lesprivilègesaccordésà lagénérationprécédentedurant l’âged’orde l’Etat rentier.Un tel contexte de raréfactiondes ressourcesconduit àunecrispationduclimatsocial,quiprendlaformed’unerésurgencedespréjugésmutuelsetentraîne une repolarisation de l’ensemble de la société sur la base d’identités locales oucommunautaires.Uneétudeapprofondiedecesbouleversementséconomiquesetsociauxvanouspermettred’établirdansquellemesureilsconstituentunemenacepourlastabilitédupaysetdesonrégime.Réaliséeàprèsde85%parlacompagniePetroleumDevelopmentOman(PDO),dontlegouvernement possède 60% des parts, la production pétrolière omanaise a accusé unebaisse importante depuis 2000, de l’ordre de 18,5% sur les trois dernières années4. Al’originedecettechute,unerentabilitédesnouveauxsitesexploitésinférieurede21%auxprévisions,mais,par-dessustout,lacriseprofondevécueparPDO. 2Entretien,8février2003.

3Selon le recensementde2003,40,6%desnationauxontmoinsde15anset55%moinsde20ans (enl’absenced’autresmentions, lesstatistiquesdémographiques et économiquescitées icisont tiréesduministèreomanaisdel’Economienationale,notammentdusitehttp://www.moneoman.gov.om).

4Enmoyenne,779700barilsparjour(b/j)en2004,contre955700en2001,condensatsinclus.Pourleshuitpremiers mois de 2005, la production atteint 774400b/j, avec une moyenne sur l’année estimée autour de750000b/j.Les réservesprouvéesà la finde l’année2003s’élèventà5,6milliardsdebarils, soit18,5ansdeproductionaurythmeactuel.VoirOmanObserver (Mascate),29octobre2005,etTheMiddleEastandNorthAfrica2005,Londres,EuropaPublications,2004,51eéd.,p.910.

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Ennovembre2002,ilesteneffetavéréquelacompagnieShell–actionnairedePDOàhauteur de 34%– a surestimé d’environ 40% ses réserves de pétrole en Oman5. LeministèreduPétroleetduGazannoncealorslelimogeageduprésidentdePDO,enplacedepuis 1999 et secrétaire d’Etat au ministère depuis trenteans. Le ministre en personne,Mohammed al-Romhi, assure à partir demai 2003 la présidence de la compagnie.CetterepriseenmaindelasituationdePDOparlegouvernementcoïncideavecunechutedelaproduction de 900000 à 650000barils par jour (b/j) en l’espace de deux ans, pour desraisonsquetentedejustifierainsileministre: «Nousproduisonsenvirontroisbarilsd’eaupourchaquebarildepétrolepompédansleSud[…].Sur

l’ensembled’Oman,nousproduisonsquasiment4millionsdebarilsd’eauparjour.Legrosproblèmequenousavonsestdel’évacuer,cequicoûtetrèscher[…].Danslefutur,nousallonsdevoirforerdes

puitstrèsprofondsavecd’énormespompesafindenousdébarrasserdel’excédentd’eau.Vouspouvezimaginerl’étenduedenotreproblème»6.

L’ironie est que les techniques d’extraction dans les puits du nord du pays nécessitentl’injectiond’uneimportantequantitéd’eau,quipourraitêtretransféréeparpipelineduSudvers leNord.Mais lecoûtélevéd’un telprojeta repoussé jusqu’àmaintenant ladécisiond’entreprendreces travauxetlesprévisionsoptimistesdesdirigeantsdePDOderetrouveruneproductionde800000b/jen2007paraissentbienloin7.En décembre 2004, un pas symbolique est franchi pour ramener la confiance desinvestisseurs: la concession de PDO, qui couvre la majorité du territoire et couraitinitialement jusqu’en 2012, est reconduite jusqu’en 2044. Néanmoins, le soutien desautorités à PDO n’est que relatif: en juin 2005, le développement et l’exploitation duchampprometteurdeMukhayzna,dontlaproductionestestiméeà150000b/jàpartirde2011, sont confiés à un consortium étranger dominé par la compagnie américaineOccidental, tandis qu’en août le gouvernement annonce pour la première fois depuisdixans que l’exploitation de blocs situés sur des concessions PDO va faire l’objet d’unappeld’offresauprèsdecompagniesétrangères.C’estunvéritablecamoufletàl’égardd’uneinstitutionqui incarnait jusque-là lavitrineéconomiqueetsocialedupays,notammententermesd’«omanisation»desemplois.

5Entretien,23mars2003.VoiraussiInternationalHeraldTribune(Paris),9avril2004.

6MiddleEastEconomicDigest(MEED,Londres),2mai2003,p.26.

7LaproductiondePDOs’eststabiliséedébut2005à660000b/j.

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L’ACCESAL’EMPLOIDESJEUNESAUCŒURDESDEBATSSOCIO-ECONOMIQUESDepuisunedécennie,touslesregardsseconcentrentsurl’emploi,etplusspécifiquementsurlaquestiondurenforcementdelaplacedesnationauxsurlemarchédutravail,undéficentralencequ’ilapartieliéeavectous lesautresdébatséconomiquesetsociauxquinemanquent pas de se poser au gouvernement: l’arrivée à l’âge adulte de générationsnombreusesetporteusesdenouvellesdynamiquessocioculturelles,maisaussilanécessairediversificationdel’économienationaleetdesressourcesdel’Etatqui,en2004,dépendenttoujoursà70%dupétrole.La prise de conscience par le gouvernement de la place des travailleurs étrangers dansl’économien’estpasrécente.UnConseild’éducationetdeformationdestinéàcoordonnerl’orientationprofessionnelledes jeunesaccédantaumarchédu travailavec lesbesoinsdel’économienationaleaétéinstaurédès1981.Enavril1987,leministreduTravailainterditl’embauche des étrangers dans onze catégories d’emploi (parmi lesquelles officier derelationspubliques,agentdesécurité,chauffeur,conducteurdebusoudetaxi,pêcheurouberger…) par un décret qui constitue la première mesure d’envergure visant à ralentirl’augmentation du nombre d’expatriés travaillant au sultanat. Dès le quatrième planquinquennal(1991-1995),unaccentparticulieraétémissurlesecteurbancaireainsiquesurleremplacementdesprofesseursetdesinstituteursétrangerspardesOmanais.LesultanQabouslui-mêmes’impliquetrèstôtdansledébat,commelorsqu’ilenappelleauxchaykhsetauxnotables,àquiilestdemandéde«pousserlajeunesseàs’engagerdanslemonde du travail. Cet encouragement est leur devoir le plus important». Le souveraintempèrecependantlesinquiétudesen1995,expliquantque«toutdiscourssurlechômageestundiscoursquiportesurunchômageartificieletnonsurunchômageréel.Lesrésultatsdurecensement[de1993]leprouvent,puisqu’ilsmontrentl’existenced’undemi-milliondetravailleurs expatriés, alors que les personnes à la recherche d’un emploi n’excèdent pas30000.Oùestlechômagedanscecas-là[…],silecitoyensouhaiteréellementtravailler?Maiss’ilcherchedesexcuses,alorsc’estuneautreaffaire»8.Lesous-emploidesjeunesneserait donc qu’un problème individuel, sans lien avec la structure socio-économiqueomanaise. Jusqu’au milieu des années 1990, l’absorption par le secteur public (civil etmilitaire) d’un grand nombre d’Omanais arrivant sur le marché du travail permettra demasquerleslenteursdel’omanisationdanslesentreprises,quiprennentpeuausérieuxcetteinjonctionofficielle.Parallèlementaucinquièmeplan(1996-2000),quiinsistesur lapromotionde lapartdusecteurprivédansl’économieetsurlapoursuitedeseffortsd’omanisation,unprogrammeàlongterme,intituléVisionpourl’économied’Oman:Oman2020,estdécidéenjuin1995àlasuitedelaconférencehomonyme.Ilétablitdeuxsériesd’objectifssurunepériodedevingt-cinqans:–lapremièreconcerneladiversificationéconomique.Laconférenceconsidèreainsiquelapartdusecteurpétrolierdansleproduitintérieurbrut(PIB)omanaisvachuterde41%en1996 à 9% en 2020, quand celle du gaz passera demoins de 1% à 10%, et celle del’industrienonpétrolièrede7,5%en1996à29%en2020;

8Discoursdu31janvier1995,reproduitdansTheRoyalSpeechesofH.M.SultanQaboosbinSaid,1970-2000,sultanatd’Oman,ministèredel’Information,2001,p.176.

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–lasecondeatraitauxressourceshumainesetàl’emploi.Ilestprévud’augmenterlapartdes femmes dans la population active de 6% en 1995 à 12% en 2020; dans lemêmetemps,lestauxdenationauxdanslessecteurspublicetprivédoiventrespectivementpasserde68à95%,etde7,5à75%.FaceàlarépugnancedesjeunesOmanaispourlesemploisdu secteur privé, moins bien payés et, surtout, perçus comme réservés aux expatriésasiatiques, le sultan Qabous rappelle en novembre 1998 qu’il existe «de nombreusesopportunités pour trouver un emploi honorable dans le secteur privé. Tous les jeunesOmanais doivent accepter un tel travail sans hésitation et sans fausse fierté»9. Mais levéritabletournantdelapolitiquegouvernementaleenlamatièresurvienttroisansplustard.Enmatièred’emploi,lesixièmeplan(2001-2005)prévoitaucoursdelapériodel’entréesur le marché du travail de 134000Omanais, estimant en retour à 110000 le nombred’opportunitésd’emploisdisponibles,dont92%dans le secteurprivé10. Est alorsdécidéel’omanisation intégrale, sur cinq ans, de vingt-quatreprofessions peu qualifiées, commecelles de conducteur de camion de fruits et légumes (effective à partir de mai 2002),d’employédepetitmagasinetdestation-service,devendeurdedétail(cybercafé,épicerie,prêt-à-porter, photo, alimentation, fourrage, etc.), de bateaux ou encore de servicesinformatiquesettéléphoniques.Enoctobre2001,lesultanconvoqueunsymposiumsurlerecrutementdelamain-d’œuvrenationale,auquelparticipentàlafoisdesministresetdesreprésentants du secteur privé. Ces derniers sont une nouvelle fois invités à s’impliquerdavantagedansce«définational»enappliquantavecplusderigueurlesprescriptionsenmatière d’embauche d’expatriés et les quotas d’omanisation à atteindre. Deux mois plustard,unministèrede laMain-d’œuvreestcréépar fissionduministèreduTravailetde laFormationprofessionnelle.AsatêteestnomméJuma‘abin‘Alî,hommed’affairesfondateurdugroupeAlAnsari.Un second symposium, en février 2003, est précédé d’un très remarqué mea-culpamédiatiquedesautorités,quireconnaissentlesincohérencesetleséchecsdesprogrammesmisenplacejusque-làainsiquel’impossibilitééconomiquedesepasserdesexpatriésdansun futur proche11. Un Plan quinquennal de l’omanisation (2003-2007) définit despourcentages ambitieux à atteindre à la fin de la période selon les différents secteurséconomiques, insistant tout particulièrement sur la délicate question de la formationtechnique, talon d’Achille de la main-d’œuvre omanaise. A cette occasion sont promusdeuxprogrammesd’aideàlacréationd’entreprises,Sanad(«soutien»)etIntilâqa(«essor»),qui permettent à un Omanais d’être formé aux frais de l’Etat dans un institut ou uneentreprise, puis de s’installer à son compte en bénéficiant de la franchise de l’entreprisedanslaquelleils’estformé(oud’uneaidefinancièredel’Etatdanslecadred’Intilâqa),quiluifournit toutlematérielgratuitement12.Legouvernementdécideenoutredeprendreencharge les frais d’étude de nombreux jeunes Omanais inscrits dans des instituts privés,contre l’assurance d’une embauche dans une entreprise à la sortie. L’aide publique àl’enseignement supérieur privé ne s’arrête pas là: l’Etat cède gratuitement aux

9Discoursdu18novembre1998,inTheRoyalSpeeches…,op.cit,p.208.

10MEED,4mai2001,p.24.

11TimesofOman(Mascate),20janvier2003.

12LeprogrammeIntilâqaexistedepuisnovembre1995,tandisqueSanadesttotalementnouveau.

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établissements le terrain, finance jusqu’à50%ducapital et leur accordependantdixansuneexemptiondetouteslestaxessurlescompagnies.Enmaidelamêmeannée,alorsquelemarchédutravailreprésenteen2003untotalde750000postes,leministèredel’Economienationaleannoncepour2020unobjectifd’unmilliond’emploisoccupéspardesOmanais,quidoits’accompagnerdelaréductionde20à 15% de la part des expatriés dans la population totale pour 200813. Les deux annéessuivantespermettentde tenir lecapencequiconcerne lebannissementdesexpatriésdecertaines professions, avec l’omanisation complète de postes peu qualifiés, tels ceux deconducteurs et chauffeurs (bus, engins, ambulances...), avant ceux d’employés de petitsmagasinsd’alimentationenmai200614.En février 2005, lors de la tournée annuelle du sultan à travers le pays, un troisièmesymposium sur l’omanisation regroupe une nouvelle fois la plupart des membres dugouvernement.Lesouverainnelaisseàpersonned’autrelesoinderépéterl’importancedelaquestiondel’emploidesjeunesnationaux: «Lesjeunesdoivents’impliquerdansleuremploilorsqu’ilsenobtiennentun,etdoiventymontrerun

comportementexemplaire.Ilsnedoiventpassauterde-cide-làcarl’engagementdansletravailestundevoir, et si l’emploi est disponible aujourd’hui, ce peut ne plus être le cas demain; ils doivents’impliquer dans la vie active, que ce soit dans le pays ou à l’étranger[...] la famille assume laresponsabilitédesidéesetdescomportementsdesenfants[...].Quandlafamillecomporteunnombreraisonnabledepersonnes,ellepeutremplirsesdevoirsd’unefaçonplusefficace[…].C’estàlafamille

d’instillerchezlesenfantsl’espritdutravail.Silafamilles’étendau-delàdeslimitesduraisonnable,ellen’entireraaucunbénéfice».

Enfin, il précise qu’«il est important de choisir le mot qui transmet le sens précis:“chômage” (batâla) est unmot terribleet personne n’y comprend quoi quece soit. Il estpréférable d’utiliser le terme de “personne à la recherche d’un emploi”(bâhath ‘an‘amal)»15.Lapolitiquedesautoritésenmatièred’immigrationamorceuntournantsignificatifàpartirde l’an2000.Unmoratoire officieux sur le retour desOmanais de l’étranger ou sur leurregroupementfamilialentrealorsenvigueur:detouteévidence,legouvernementsouhaiterestreindre les régularisations d’Omanais installés en Afrique, considérés comme plusqualifiés et, par conséquent, susceptibles de concurrencer les jeunes Omanais à larecherche d’un travail dans un climat socio-économique déjà délicat. La traque desimmigrantsillégauxs’estparailleursnettementdurcie,commeentémoignelerenforcementdescontrôlespolicierssurlaroutedesÉmiratsdepuis2003oulelongdescôtes16.Untraitéd’extradition a en outre été signé avec l’Inde en septembre 2005, tandis qu’Oman vientd’étendreau31décembreledélaiaccordéauxétrangerssanstitredeséjourpourquitterle

13‘Umân(Mascate),19mai2003.

14TimesofOman,28mai2005.

15al-Watan(Mascate),9et21février2005.

16 Plusde40000 immigrants illégauxpakistanaisont été reconduits sansménagement àKarachidepuis ledébutdel’année2004.

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pays–maisleslourdespénalitésfinancièresinfligéesàleursortieduterritoireplacentdansune situation insolubleces travailleurs irréguliersqui se sont vuconfisquer leurpasseportparlesponsoromanaisàleurarrivéeetseretrouventdanslaclandestinitéàl’expirationdeleurpermisdetravail.Omanisation:unbilanprovisoiremitigéLes années 2000 ont été marquées par une accélération drastique de la politiqued’omanisationdesemplois.S’ilesttroptôtpourtirerunbilandéfinitif,onpeutnoterqu’auregard des politiques jumelles menées dans les pays voisins, le sultanat peut se targuerd’indéniablesréussites,aupremierrangdesquellesseplacelesecteurgouvernemental.Alafindel’année2004,lafonctionpubliqueafficheeneffetuntauxde81,6%d’omanisation,en progression constante (voir tableau117). Le nombre d’expatriés décroît lui-même envaleurabsolue,cequinefaitqu’accentuerlarapiditédecetteévolution.Si laplupartdesdépartementsministériels affichentdes tauxd’omanisation trèsélevés:99,8% à l’Intérieur, 97,7% au Pétrole ou encore 99,5% à laCulture, les ministères del’EducationetdelaSantéensontencoreloin(84,3%et61%respectivement),toutcommeleDîwânetlaCourroyale(61,6et74,4%),oùl’emprisedesexpatriésdévouésausultancontinueindubitablementdesefairesentir.Or,àeuxquatre,cesdépartementsreprésententprèsdesdeuxtiersdesemployésdelafonctionpubliquecivile.Danslesecteurprivé,laprincipaleréussiteconcerneleprogrammeSanad,quiapermisentre 2002 et 2005 à plus de 8700Omanais de créer leur petit commerce sous leparrainaged’uneplusgrandestructure18.Decepointdevue,lesmesuresinterventionnistesprisesparlegouvernementpourremplacerlesexpatriésgérantcetyped’établissementpardesnationauxcommencentàporter leurs fruits:en2004, lesstatistiquesrévèlentpour lapremièrefoisunebaissedunombred’expatriésemployésdanslesecteurdelavente;ilestainsideplusenplusrarederencontrerdes IndiensoudesBangladeshià la têtedepetitscommercesàl’extérieurdelacapitale.Quantausecteurbancaireprivé,ilfigureentêtedelisteavecprèsde91%denationauxàlafinde2003.Iln’enrestepasmoinsqueletauxbrutd’omanisationdusecteurprivédemeurefaibleen2005.Lesautoritésnesepriventpasd’entreteniruncertain floucomptableen lamatière,reconnu implicitement à l’issue du recensement de 2003 lorsque des représentants desministères de l’Economie nationale et de la Main-d’œuvre se sont réunis pour tenterd’harmoniser leurs modes de calcul. Comme le déplore, sous couvert d’anonymat, unhommed’affaires:

17Lestableauxsontprésentésenannexeàlafindel'Etude.

18Entretien,7septembre2005.

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«Les chiffres qui sortent périodiquement sont contradictoires et incompréhensibles. Il est doncimpossibled’avoirunevued’ensembledecequisepasse»19.

Le changement du mode de comptabilisation de la main-d’œuvre employée dans lesecteurprivéopéréfin2003,quiapermisderayerdestableauxplusde160000expatriés,n’apascontribuéàfaciliterunelecturecomparativeduproblème(voirtableau2)20.Lefaitquelesobjectifsdusixièmeplan,établisen2000,aientétédéjàallègrementdépassésen…2001 n’est certainement pas étranger à cette habilemanipulation comptable: à la fin del’année2004, lenombrede salariésexpatriésdans les secteurspublicetprivéconfondusdépasseainside14,5%lechiffreprévupour2005.D’autrepart,entolérantlapratiquedunépotismeetenfacilitantlerenouvellementrapidedes positions, avec des départs à la retraite à taux plein au bout d’un faible nombred’années, le secteur public a longtemps permis d’absorber les nouveaux arrivants sur lemarchédu travail.Or,malgré lavolontéaffichéecesderniers tempsdeconfierausecteurprivé une place centrale dans l’embauche des jeunes, les soldes annuels de nationauxemployésdans lepublicet leprivé restent comparablesdepuis1999.Actuellement,bienquelenombredepersonnes travaillantdansl’administrationomanaisenesoitabsolumentpasenrapportaveclaquantitédetravailàeffectuer,lesecteurpubliccontinueàgrossir.Ycontribuelargementlaperceptiond’unEtatpaternalisteetdépositairedelarente,àquil’onattribueplusoumoinsexplicitementl’obligationdefournirdutravailàlapopulation.Lemarchéprivéestdoncencorebien loinde s’être substituéau secteurpublic commesoupape de sécurité en matière d’emploi, et ce en raison de problèmes structurelsimportants. L’un des plus sensibles a trait à la formation des nationaux, et plusspécifiquement à son adéquation au besoin des entreprises. Si les progrès réalisés depuisune décennie, avec l’ouverture de plusieurs instituts techniques et de formationprofessionnelle,nepeuventêtreniés,cesstructuresn’accueillentqu’entre8000et10000Omanaisau totalparan,quandplusde45000 jeunesOmanais sortantannuellementdusystème scolaire et universitaire (diplômés ou non) arrivent sur le marché du travail.Nombreuxsontlesemployeursquiseplaignentd’uneformationtropéloignéedelaréalitéconcrètedutravail.D’autres,habituésàlaflexibilitéetàlamalléabilitéextrêmesdelamain-d’œuvreexpatriée,déplorentlafaiblemotivationdesOmanais,leurmanqued’implicationainsi que leur pauvre maîtrise de l’anglais ou encore leur difficulté d’adaptation et leurtendanceàchanger fréquemmentd’emploi.Leministrede laMain-d’œuvrearécemmentadmisqueplusde48300Omanaisontquittéleuremploidanslesecteurprivéentre2001et 2004, soit de leur propre initiative, soit par décision de leur compagnie. Les causesprincipalement évoquées par les individus sont la faiblesse des salaires et le peu deperspectivesdecarrière.UnequestionplusfondamentaleencorerenvoieàlaprofondeasymétriedestatutentrelesOmanaiset lesexpatriés, enparticulier asiatiques: eneffet, lespremiersbénéficientd’unensemble de dispositions sociales spécifiques, comme un salaire minimal de 120rials

19Entretien,6septembre2005.

20Cesnouvellesstatistiquesnecomptabilisentofficiellementquelesemployésétrangersenpossessiond’unecartedetravailàjouretdélivréeparleministèredelaMain-d’œuvre.Leflouestd’autantmieuxentretenuqu’undesjournauxn’apashésitéàtitrerrécemment:«24,4pcfallinnumberofexpatsworkers»,encomparantdeschiffresissusdesdeuxmodesdecalcul!VoirTimesofOman,25septembre2005.

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omanais (RO) pour un contrat à temps plein pour un salarié non qualifié21 ou encorel’impossibilité d’être licencié autrement que pour faute grave. Si ces mesures visentlégitimementàprotégerlessalariés,ellesentraînentunedistinctionentredeuxcatégoriesdemain-d’œuvre et contribuent à pénaliser defacto l’accès à l’emploi des nationaux. Unancienhautfonctionnairepassédansleprivélerésumed’uneformulelapidaire: «AucungouvernementnepourrajamaisforcerlesentreprisesàprendredesOmanaismalformésplutôt

quedesIndiensexpérimentésettroisàcinqfoismoinschers»22.De manière plus explicite encore, le directeur d’une compagnie de services pétroliersexposecommentilachoisidepalliercettedistorsion: «A emploi équivalent, un Omanais représente une charge financière 50% plus importante qu’un

Indien, et ce en comptant lespénalités financières liées à l’attributiond’unecartede travail pourunexpatrié.RemplacerunIndienparunOmanaisposteàposteestimpossible.Vouspouvezdemanderàunsalariéindienderesterdeuxansnuitetjoursurlesitepétrolierdansledésertpour35ROparmoisetvouscontenterdeluipayerunbilletd’avionpourprendredesvacancestouslesdeuxans.AvecunOmanais, ce n’est pas possible parce qu’il a une famille: il va demander à rentrer à Mascate dumercredisoirausamedimatin,ourentrerunesemainesurquatre.Enoutre,sonsalaireserade120RO.JepréfèredoncpayerunOmanaisetluidemanderderesterchezlui,etgarderl’Indienenposte»23.

Le doublement des postes n’est pas le seul moyen de contourner les exigences desautorités en matière d’omanisation, comme l’explique le directeur d’une compagnie deformationprofessionnelledusecteurpétrolier: «Actuellement,toutlemondetrafiqueleschiffresdesoncôtéettoutlemondefaitcommesiderien

n’était.C’estunénormemarchédedupes.Ilyaplusieurstechniquespourtricher,toutlemondelefait,et nous les premiers; nous pouvons par exemple intégrer nos stagiaires omanais, qui sont enapprentissage chez les clients, dans nos bilans d’omanisation, ce qui gonfle les chiffres demanièreartificielle[…].Uneautretechniqueconsisteàbienpayerlesemployésomanais,cequilesfaitmonter

d’un ou plusieurs niveaux de qualification. Par exemple, un ouvrier bien payé peut être enregistrécommetechnicien,sibienquelenombredetechniciensoud’employésqualifiésomanaisaugmente.LeministèredelaMain-d’œuvreestcontentetfermealorslesyeuxsurlesautreschiffresd’omanisationdelacompagnie,quinesontpastrèsbons»24.

21Cemontantsedécomposeen100ROdesalairebrut,auxquelss’ajoutent20ROdefraisdetransportetdelogement. Le salaire minimal légal s’élève à 150RO pour les Omanais détenteurs d’un diplôme d’étudessupérieures(finoctobre2005,1RO=1000baisas=2euros).

22Entretien,16septembre2003.

23Entretien,26janvier2003.Cemêmetypedepratiquesnousaétérapportédansledomainedel’hôtellerie.

24Entretien,29août2005.

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De nombreux employeurs considèrent donc ouvertement l’omanisation comme unhandicap, prétextant un abaissement des marges du fait de l’augmentation des coûtssalariaux et de l’exiguïté dumarché local. Certains parlent mêmedu processus en courscommed’une«taxe sur lesaffaires»25.Cepointest évidemmentcontestépar lesautoritésomanaises, qui reconnaissent néanmoins que les nationaux ont encore de gros progrès àaccomplir: «Le salaire payé aux Omanais peut être plus élevé, mais si l’on considère les dépenses globales

nécessairespouremployerunexpatrié,c’estcertainementplusquecequ’unOmanaisreçoit.Outrelesalaire, un expatrié requiert des frais d’avion, pour le travailleur et pour sa famille, un loyer, desdépensesmédicales, une assurance, etc. Si l’on additionne tout cela, unOmanais revient beaucoupmoinscher[…].Levraiproblèmesesituesurlesplansdelaproductivitéetdelaponctualité[…].Ce

sont les deux domaines dans lesquels la main-d’œuvre expatriée est meilleure et c’est là que lesOmanaisontbesoindelesrattraper»26.

Enfin,ilsemblequelesennuisrencontrésparPDOcesdernièresannéesaientcontribuéàdémythifierlesrésultatsdelacompagnieenmatièred’omanisation(82%en2003).Celle-ciauraitainsigonflésestauxd’omanisationensous-traitantlesactivitésgourmandesenmain-d’œuvre expatriée (assistance technique, construction, etc.) à une multitude de petitescompagniescontractantes.UnresponsableduministèredelaMain-d’œuvren’hésitepasàgloser: «Une majorité des emplois chez PDO sont devenus des postes administratifs. Est-ce que vous

connaissezuncadredu siège socialquiprend sa voiture et va sur le terrain voir comment le travailavance dans le désert? […]Quand un employé arrive à entrer à PDO, c’est gagné, il a atteint son

objectifentermesdecarrièreprofessionnelle»27.Acetterésistancedesemployeursfaceauremplacementdesexpatriéspardesnationauxs’estlongtempsajoutéelapréventiondesjeunesOmanaisàremplirdestâchessubalternesou/et non qualifiées, souvent jugées honteuses parce qu’assimilées à un domaine réservéaux expatriés asiatiques. Or, à l’heure de la saturation du secteur gouvernemental et del’omanisationduprivé,lesOmanaisetlesexpatriésseretrouventcôteàcôtesurlemarchéde l’emploi, luttant pour le même poste ou mis en demeure de coopérer plutôt que desimplement cohabiter. Les employés omanais acceptent mal d’être placés sur un piedd’égalité professionnelle avec des expatriés qu’ils ont pris l’habitude de considérer auservicedeleurpays.Enoutre,lesdifficultéséconomiquesontgénéralisélesentimentquelepaysesttenuparles«Indiens»,qu’unegrandepartdelarichesses’envaàl’étranger,sousformederevenus,etqu’une«mafia»28–leplussouventqualifiéed’«indienne»–atissésesliensautourdusultanatpourl’étouffer: 25http://meionline.com/backcover/print256.shtml(consultéle11février2005).

26Khalîl al-Khonji, secrétaireduConseil deshommesd’affaires, nommépar leDîwân, inTimesofOman,2février2003.

27Entretien,30août2005.

28Entretien,15septembre2003.

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« Si l’onnenommepasun IndienmaisunOmanais commepatron, les Indiens lui posent les pires

problèmes.Ilsluimettentdesbâtonsdanslesroues,ilvituncauchemar.Etlegrandpatron,ilregardesesrésultats.Siçanevapas,illelicencietoutdesuite.Pasdesentiments:lesaffaires,c’estlesaffaires!La semaine dernière,ma compagnie a embauché huit personnes: sept Indiens, un seulOmanais…

Danscepays,cen’estpasl’omanisation,c’estl’indianisation»29.LeméprisamuséetcondescendantdesOmanais,aucoursdesannéesfastes,àl’égarddestravailleursétrangerssous-payésalaissélaplaceàunerancœurcollectiveteintéedecraintevis-à-visd’expatriésdesquelsilsnesetrouventplusséparésparaucunebarrièresymbolique.Detouteévidence, laquestiondel’omanisationdelamain-d’œuvreneserésumepasàunremplacementpostepourpostedetravailleursétrangerspardesOmanais,commecelaapuêtreévoquéilyaunedécennieavecl’oppositionvirtuelleentrechômage«artificiel»etchômage«réel».Pourtant,alorsqu’elleconcerneenmajoritédespostestrèspeuoupasdutoutqualifiés,cettedémarcheconstitueaujourd’huiencore l’essentieldespolitiquesmisesenœuvre.Ce n’est que ces derniers mois que les autorités semblent avoir pris la pleinemesured’unchantierquidépasse lasimplequestioncomptabledunombrede travailleursexpatriésdanslesecteurprivéetengage ladéfinitiondel’ensembledelastructuresocialedupayspourplusieursdécennies.Lapolitiquedenationalisationdesemploisrévèleeneffetaugrandjourl’existenced’unepauvreté structurelle dans de nombreux quartiers de la capitale, comme dans le vieuxMascate, à Wâdî‘Aday, à al-‘Âmrât ou encore à al-Khûd. Comme nous le confie unOmanais originaire d’Afrique, l’augmentation de la précarité touche désormais même lesclassesmoyennes: «Gagner250-300ROmaintenant,c’estconsidérécommetrèsbien […].Mamèreenseignedansune

école d’al-Ghubra. Il y a deux jours, un enfant est tombé d’inanition en plein cours: il n’avait pasmangédepuistroisjours»30.

En2003,58,7%desOmanaissalariésdusecteurprivégagnaientofficiellementmoinsde120ROparmois, une proportion en augmentation constante. Si les conditions de travailacceptées par les expatriés asiatiques étaient perçues par les nationaux commeinadmissiblespoureux-mêmesilyaencoreunedécennie,lesdifficultéséconomiquesdelafindesannées1990ontentraînéunnivellementparlebas,dûenpartieàl’impossibilitédesepasserd’unrevenufamilialsupplémentaire.Lecasdupetitcommerceestédifiant:bienque l’arrivéedesOmanaisy soitunphénomène récent,onynotedéjàun tauxélevéderotation, liéà ladifficultédevivreavecunrevenuquinedépassesouventpas90ROparmois. L’omanisation provoque dans ce cas-là un dumping salarial, la loi fixant le salaireminimaldesnationauxà120RO.Lesautoritésnepeuventplusdésormaisfermerlesyeuxsurl’augmentationdel’inactivitéparmi les jeunes. Si aucunemesureofficielle régulièren’estpubliée, les raresestimationsdisponibles laissent transparaître un phénomène d’ampleur majeur: ainsi, le premier

29Entretien,3septembre2005.

30Entretien,11mai2003.Lequartierd’al-Ghubraestsituéà25kmàl’ouestdeMascate.

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recensement de 1993 établissait à 11,9% le taux de chômage des nationaux31. En mai2003,selonlesous-secrétaireàl’Economie,«plusde60000Omanaisdemoinsde24anssont au chômage»32, soit 23% des15-24ans non scolarisés. Un an plus tard, desestimationsofficieuses tablerontsuruntauxdechômageentre12et15%,«alorsqueceschiffres masquent un niveau probablement considérable de sous-emploi, particulièrementdanslesrégionsruralesoùl’agriculturerestelepilieréconomique»33.Al’heureactuelle,desofficiels du ministère de la Main-d’œuvre évoquent en privé le chiffre de300000demandeursd’emploi34,soituntauxdechômageapprochantleseuildes30%.La morosité dumarché de l’emploi explique le renouveau de l’expatriation des jeunesOmanaisdans les autrespaysduConseildecoopérationduGolfe (CCEAG)audébutduXXIesiècle. Depuis peu, des représentants de compagnies koweïtiennes vont directementrecruterdesOmanaissurplace.Dansl’impossibilitédepourvoirdesemploisdechauffeuroudevendeurauKoweït,ilsproposentauxOmanaisunsalairemensuelde200RO,assortid’un logement gratuit durant six mois et d’une voiture –des conditions de travailinimaginablesenOman,àqualificationéquivalente.Enmars2003,lesultanataouvertauQatarunbureaud’emploidépendantduministèrede laFonctionpubliqueafind’orienterlesOmanaisdansleurrecherche.Mais,làencore,ceséchangesmigratoiresnepeuventtenirlieudepolitiquedel’emploiàlongterme,commenousl’expliqueunhommed’affaires: «Omann’aaucuneplus-valueàoffriràsesvoisins[…].Ilestencoredifficile,danslesautrespaysdu

Golfe,de sedépartir de l’image répandueque lesOmanais sontpeu qualifiés etpeu intéressés à latâche, surtout en comparaison avec les travailleurs du sous-continent indien. Il ne sera possibled’exporter de la main-d’œuvre omanaise qu’à partir du moment où Oman sera géré par desOmanais…»35.

Il n’est donc pas étonnant que la réévaluation spectaculaire des salaires de la fonctionpubliqueannoncéecetétéparl’ArabieSaouditeetlesEmiratsàlasuitedesdividendesdesprixélevésdupétroleaitétéamèrementcommentéeparlapopulationomanaise,alorsquele pays, comme ses voisins, doit faire face, pour la première fois en quinze ans, à uneinflation brutale et sensible causée par la hausse du prix du fioul ainsi que des biens deconsommation,dontunegrandepartieest importée.Alorsque lesultansemblait résoluàutiliserl’énormemannefinancière,évaluéeà724millionsdeROen200536,pourrenflouer

31 O. Winckler, «Gulf monarchies as rentier States: the nationalization policies of the labor force», inJ.Kostiner(ed.),Middle EastMonarchies: the Challenge ofModernity, Londres/Boulder (CO), Lynne RiennerPublishers,2000,p.41.

32 MEED, 2 mai 2003, p.23. Quand nous évoquons directement la question avec l’intéressé, sa réponsesurprenantetraduitl’embarrasgénéral:«Jen’aipasdechiffres.Maisjepensequec’estassezélevé…»(entretien,31août2005).

33EconomistIntelligenceUnit,CountryReportOman,mars2004,p.17.

34Entretien,30août2005.

35Entretien,30août2005.

36OmanObserver,21septembre2005.

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les comptes publics –réduction de la dette et alimentation de la caisse de réserves del’Etat–, ila finalementannoncé le18novembre,à l’occasionde la fêtenationale, l’octroid’unbonusàtouslesfonctionnaires,souslaformed’unmoisdesalairepourlescadresetde deux mois pour les employés dont le revenu est inférieur à 300RO37. Si ce nouveaugeste témoignantde la«bienfaisanceroyale»estdenatureàapaisermomentanément lesmécontentements, ilnepermetpasde faire l’impassesur leschoixnécessairesenmatièremacroéconomique.Unobstaclestructurelsupplémentaireàl’omanisationrésidecertainementdansleconflitd’intérêtpolitico-économiqueà la têtedusultanatd’Oman.Lepayssecaractériseeneffetpar la confusion des positions politiques et économiques occupées par un petit nombred’acteurs–aupremierrangdesquelslesgrandesfamillesmarchandesdelacapitale–ayantimmensémentprofitédesretombéesfinancièresdelarentepétrolièredepuis1970.Ainsi,denombreux membres du gouvernement sont impliqués de manière concomitante,directementouindirectement,danslesecteuréconomique,contraintsdeconcilierl’intérêtgénéraldelanation–etdoncdesuivrelapolitiqueofficielled’omanisation,qu’ilsontpourmission de promouvoir en tant que décideurs étatiques– et leurs intérêts particuliersd’hommes d’affaires. Cela est d’autant plus vrai que les actifs détenus par ces élites seconcentrent essentiellement dans les agglomérations de Mascate et Salalah, où sontimplantées les branches du secteur privé les plus gourmandes en main-d’œuvre(construction, industriemanufacturière, etc.) etoù viventet travaillentprèsdesdeux tiersdes expatriés. De ce point de vue, le défi national que représente l’omanisation desprofessionsdépassedeloinlasimplequestiondel’emploietengagelastructuremêmedel’économieomanaisedestrentedernièresannées.Lescritiquesd’unsupposéimmobilismese font d’ailleurs de plus en plus ouvertement entendre, stigmatisant un ordre établiqu’aucun membre de l’élite n’a intérêt à réformer, sous peine de remettre en cause saproprepositionsocio-économique.Unhautfonctionnaires’exprimeainsisansdétour: «Lesministresnes’intéressentqu’àleurspropresressources,cen’estplusl’intérêtgénéral,c’estl’intérêt

personnel […].Chaqueadministrationpoursuitsaproprepolitiquesansaucunecoopérationavec lesautres[…].Lesministressonttousmultimillionnaires[…].Enplus,beaucoupn’ontpaslebaccalauréat,

ilssontissusdelagénérationarrivéeen1972.C’estnormalqueçanefonctionnepascarilsneveulentpasdemodernisationetd’ouverture.Ilsfreinentledéveloppement»38.

Iln’estpasexagérédepenserquec’estdanslarésolutiondecedilemmequerésideunegrande part du succès du processus de transition vers une double substitution destravailleurs nationaux à la main-d’œuvre étrangère d’une part, et d’une économie d’Etatfondéesurlarentepétrolièreversunediversificationdesrevenusnationauxd’autrepart.Ces deux défis –augmentation du taux d’activité des nationaux et diversificationéconomique–sonteneffetintrinsèquementliés,uneréalitédontlesautoritésn’ontmesurélesenjeuxquerécemment,commenousl’expliqueunmembreduMajlisal-Chûrâ:

37 ‘Umân, 1er novembre 2005. Parmi les autres mesures annoncées, l’amnistie accordée à plus de400prisonniers de droit commun, ainsi que l’attribution gratuite de terrains à 16000familles dépendant del’aidedel’Etat.

38Entretien,30août2003.

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«Legouvernementapoussé,souslacontrainte,lesecteurprivéàprendredesOmanais.Avecletemps,ilcomprendqu’ila tort […]. Ilne fautpas raisonnerendisantqu’il fautpousser lesétrangersdehors.L’omanisation n’est pas juste un processus de remplacement. Non, il faut se demander commenttrouverdesemploispourlesOmanais!Nousauronstoujoursbesoind’étrangers[…].Toutcelaprenddu temps, nousdevonsêtre patients.De toute façon, les patrons finirontpas embaucher l’Omanais,même s’il coûte 50RO de plus parmois, parce que leurs propres fils vont connaître rapidement lemêmeproblèmed’emploi.C’estunequestionderesponsabiliténationale»39.

Plusalarmiste,uncadreduministèredelaMain-d’œuvreavouesansdétourenprivé: «Pourquel’omanisationsoitunsuccès,ilfautquetoutlemonde–legouvernement,lesentrepriseset

la population– y trouve son intérêt. Or, actuellement, le mot “omanisation” revêt une significationdifférente pour chacun. Malheureusement, elle reste dans l’esprit des autorités un processus desubstitution.Cen’estpas encoreperçucommeunequestionde compétence,d’avantage comparatif,mais ça reste seulement une affaire de nationalité. Les autorités ne poussent pas lesOmanais parcequ’ils sont compétents,mais parce qu’ils sont omanais […]. La politique d’omanisation ne peut pasréussir pour lemoment, le gouvernement a choisi lamauvaisedirection.C’estunepolitiqueà longterme,quenousaurionsdûdéciderdès1970ennousdemandant:“Nousavonsdupétrolepourtrenteou cinquante ans,mais qu’allons-nous faire s’il arrive un problème entre temps?” Cela n’a pas étépenséetnoussommesentraindefairefaceauxconséquences.Acemoment-là,lesgensnepensaientqu’àgagnerdel’argentetencoredel’argent.Jecroisquelegouvernementestentraindecomprendrequel’omanisationsignifielacréationdenouveauxemplois,denouveauxsecteursd’activité.Maistoutcelanepeutpasêtredécidéencinqans»40.

Dans l’obligation d’accélérer de manière drastique les objectifs de la diversificationéconomique,annoncéepourtantdèslesecondplanquinquennal(1981-1985)commeuneprioriténationale,lesultanatadécidédemenerdefronttroischantiersmajeurs,àsavoirlavalorisation du secteur gazier, le développement du tourisme et la promotion du secteurindustrielnonliéauxhydrocarbures.Legazetletourisme,moteursdeladiversificationéconomiqueLegaznaturelfocaliselesvéritablesespoirsdesautoritésenmatièredediversificationdesrevenus. En septembre 1985, PDO annonce les premières découvertes de quantitésindustriellesdegaznatureldanslecentredupays.En1992,desplansprévoientlacréationd’uncomplexedeproductiondegaznaturelliquéfié(GNL)prèsdeSûr.LaproductiondeGNLdébuteenfévrier2000,lesexportationsverslaCoréeduSuddémarrentenavrildelamêmeannée.Actuellement, les réservesomanaises totalesdegazsontestiméesàprèsde900milliards de mètres cubes (0,5% des réserves mondiales), tandis que sa productions’élèveà12milliardsdemètrescubespour lesseptpremiersmoisde2005,enhaussede2,5%parrapportàl’annéeprécédente. 39Entretien,4septembre2005.

40Entretien,30août2005.

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Pourvaloriserlaressourcegazière,lesultanatd’Omanalancéplusieursprojetsindustrielsd’envergure. Le plus important concerne le port industriel de Suhâr, où vont s’organiserdiverses activités pour un montant total de 12milliards de dollars d’investissements41. Al’ouverture d’une raffinerie, opérationnelle fin 2006, s’ajouteront celles d'usines depolypropylène, de méthanol, d'une fonderie d’aluminium et d'une usine de productiond’engrais(uréeetammoniac).LazoneindustrielledeSuhâraccueilleraenoutreuneusinede dessalement de l’eau de mer, deux centrales électriques ainsi qu’un complexemétallurgique qui comprendra la première aciérie du sultanat, opérationnelle en2007.L’ensembledelazoneindustriellepourraitselonlesautoritésgénéreràtermeprèsde2000emplois stables, sanscompterquelque30000autres,demanière indirecte,dans toute larégiondelaBâtina.Autreprojetliéaugaznaturel,laconstruction,surlesitedeSûr,d’uneusined’engraisenpartenariatentrelesultanatetl’Inde,dontl’achèvementestprévupourledébutdel’année2006.Enfin,unprojetdeconstructionàSalalahd’uneusinedeméthanol,opérationnellefin2008,aétésignéenfévrierdernier.L’exploitation du gaz naturel en Oman semble avoir fait l’objet d’un plan réfléchi etambitieux.Quecesoitsous la formed’unproduitbrutd’exportation–vers laCoréeet leJapon, mais aussi vers les Emirats ou l’Inde–, d’une matière première pour l’industrie(fertilisants,polypropylène,méthanol)ouencored’unesourced’énergie(usined’aluminiumoucentrale thermique), lesmultiplesdébouchésdugazpermettentd’envisager l’avenirdesonextractionavecsérénité.Pourtant,plusieursincertitudespèsentsurleschoixstratégiquesquiontprévalu,notammententermesdeconcurrencerégionaleetdedébouchés.Eneffet,lesultanatdoitfairefaceàlaprésencedanslazoneduQataretdel’Iran,quiconcentrentàeuxdeux30%desréservesmondialesdegazetdontlescoûtsd’extractionsontnettementplusavantageux.Lemêmeproblèmeseposepourl’aluminium,puisqueleBahreïnsesituedéjàaucinquièmerangmondial,tandisqueDubaïestaussitrèsactifdanslesecteur.Certes,legaznaturelneserajamaisenmesurederemplacerlepétroledupointdevuedesrevenusdel’Etat,cequereconnaissentàdemi-motlesautoritésenévaluantà10%lapart espérée du gaz dans le PIB en2020. Si les revenus liés au gaz naturel ont atteint480millionsdeROen2004, ilsne représententencoreque5%deceuxdupétrole. Lemarchédugazn’aenoutrerienencommunavecceluidel’ornoir,puisquelesclausesdescontrats, déterminées à long terme, avant même la production, ne permettent pas sonajustement en fonction des évolutions du contexte politique ou économique. Enfin, lesactivitésenrelationavecleGNLneconstituentpasuneréponseauprocessusd’omanisationdesemplois:ellessecaractérisenteneffetparleurhautniveautechniqueet leurintensitéencapitalfinancieretmatériel,maisnécessitentenretourunetrèsfaiblequantitédemain-d’œuvre,leplussouventhautementqualifiée.Le sultanat a décidé de miser en parallèle sur d’autres secteurs économiques, et toutparticulièrement sur le tourisme. Le sixièmeplana identifié ledéveloppement touristiquecomme l’une des branches à forte potentialité d’emploi de nationaux, prévoyant de fairepasserde1à3%lapartdecesecteurdanslePIBentre2001et2005.SiOmanbénéficied’évidentsatoutshumains(hospitalitédeseshabitants),politiques(stabilitéinégaléedanslarégion) et environnementaux (grande variété de paysages, facilité d’accès, héritagehistoriqueméconnu…),l’ouvertureautourismeya toujoursétéprudente,commel’attestelavolontédesautoritésdeprivilégierun«tourismesélectifdequalité»,réservéàdesélitesoccidentales fortunées et aisément contrôlables. Les formalités de visas touristiques ont 41Entretiens,août-septembre2005.

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néanmoinsétéallégéescesdernièresannées.Quantauxvolscharters,ilsnesonttoujourspasautorisés,lesultanatcraignantleseffetssociauxetenvironnementauxd’untourismedemassemalmaîtrisé.Levolontarismedesautoritéss’estconcrétiséenjuin2004parlacréationd’unministèreduTourismeàpartentière,unepremièreauseinduCCEAG,puisparl’adhésiondusultanatà l’Organisation mondiale du tourisme. Depuis novembre 2004, un décret ministérielautorisemêmeunnon-Omanaisàposséderunterrainouunlogementdanslecadred’airesgéographiquesvouéesau tourismeetdésignéespréalablementpar la loi.Plusieursprojetsd’envergureontétémissurpieddepuisl’an2000,commelescomplexesal-Sawadi,surlacôte entre Suhâr etMascate42, et Bahr al-Jissa, au sud de la capitale, dont l’ouverture estprévue à l’automne 2005. D’autre part, l’Etat a lancé en mai la première phase de laconstruction de TheWave, le plus important programme touristique omanais à ce jour:destinéàs’étendresur7,3kmdefrontdemeraunorddeMascate,ildevraitcoûterprèsde620millions de dollars. Enfin, d’autres projets du même type sont à l’étude, comme leréaménagementduvillagebalnéairedeYitti, au suddeMascate,ou la constructiond’unhôteldeluxeàMirbat,dansleDhofar.Silesultanataaccueilliprèsd’unmilliondevisiteursen2004,dontplusd’untiersvenudes pays du golfe Persique –chiffre en hausse de moitié par rapport à celui de l’annéeprécédente–,lacontributiondusecteurdutourismeauPIBn’yestévaluéequ’à1,1%.Làaussi,denombreusesquestionsseposentquantàlastratégieadoptéeparlesautorités.Silesgigantesques investissements consentis dans les projets précités paraissent rentables, lesinfrastructures touristiques à l’extérieur de la capitale sont inexistantes, les occasions dedépenser(artisanat,animations,etc.)restentraresetaucunréseaud’informationtouristiquenepermetauvoyageurdeserepérer.Enfin,lesultanatseprésentecommeunedestinationlointainepourlespublicsqu’ilvise,àsavoirlesEuropéens–quipeuventtrouverenAfriquedu Nord le même type de dépaysement et de prestations– et les Asiatiques –quipréféreront Bali ou la Malaisie. En voulant concilier ouverture au tourisme et volontélégitimedepréservation socialeet environnementale, legouvernementn’apas encore sutrouverlejusteéquilibrequipermettraitaupaysdetirerpartidesonénormepotentiel.Outre le gaz et le tourisme, les activités portuaires bénéficient d’un effort particulier,véritablelocomotivedusecteurindustrielhorshydrocarbures.EnfaisantduportdeSalalahlemoteurdudéveloppementéconomiquedusuddupays–aveclamiseenplace,en2006,d’unezonefranche–,legouvernementsouhaiteeneffetconcurrencerDubaïenmatièredetransportdeconteneurs.CommeàMuttrah,SuhâretKhassab,leportdeSalalahfaitl’objetde travauxdestinésàaccroîtresescapacités, tandisquedesappelsd’offresontété lancésdébut2005pourlaconstructiond’unporteneauprofondeàDuqm,surlacôteorientale.L’agriculture et la pêche constituent le dernier axe de la diversification économiquesouhaitéeparlesixièmeplan.En2003,lerecensementévaluaità58000(soit7,8%delapopulation active) le nombre de personnes tirant leur revenu principal des activitésagricoles,avecuntauxd’omanisationtrèsfaible(24,5%).Dèslesannées1980, l’accentaétémissur lanécessitédediminuer les importationsagricoles toutenralentissant l’exoderuralversMascateetSalalah.Pourtant,silesproduitsdel’agricultureetdelapêcheoffrentla première source de devises à l’exportation du pays (hors hydrocarbures), le secteur negénèreque1,8%duPIBet3,1%desactivitésnonliéesauxhydrocarbures.D’autrepart,

42 Le gouvernement envisage en outre la création sur ce site d’une ville nouvelle destinée à contenir200000habitantsàl’horizon2020.

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l’agriculture omanaise, très dépendante de l’irrigation, absorbe près de 90% de laconsommationd’eaudanslepays.Or,depuisdeuxdécennies,l’intensificationincontrôléedesrendementsdans laplainedelaBâtinaentraînele tarissementdesnappesphréatiqueset, par suite, leur envahissement par l’eau de mer. Les enjeux socio-économiques quereprésente l’agriculturen’ontpaspermis auxautoritésdeprendre lesmesuresnécessairespour remédier à cette salinisation des sols les plus fertiles du pays, en dépit desconséquencesdurablesqu’ellerisqued’avoirsurl’écosystèmerégional.Lavolontéd’élargirlesressourcesdel’Etatetd’équilibrerlesdifférentssecteurscomposantlePIBexpliqueenfin l’apparitiondenouvellestaxes–horsdroitsdedouane–depuisunedécennie. En 2004, celles sur les bénéfices des sociétés ont rapporté à l’Etat plus de65millions de RO, soit 2,4% des seuls revenus pétroliers. A cela s’ajoutent différentsprélèvementsindirectssurlescitoyens,commelestaxesdemunicipalitédanslarestaurationou encore le renouvellement, tous les deux ans, de la carte grise des véhicules (25RO).D’autrepart,plusieursimpôtsdirects,quisesontrévéléstrèsimpopulaires,ontétémisenplace,tellelataxeaupassagedelafrontièredesEmirats(3ROparvéhiculelégerserendantà l’étranger)décidée en2003.Lamesure laplus symboliqueacependantété la finde lagratuité totale des soins de santé pour les nationaux, avec l’instauration d’une cartemédicale familiale annuelle de 1RO, assortie d’une tarification de 200baisas parconsultation.Enfin,deplusenplusdemédicamentsetproduitsdesanté,quinesontplusfournisparl’hôpital,doiventêtreachetésàlapharmacie,sansremboursementprévu.L’appeldupiedendirectiondusecteurprivéCette politique de diversification des sources de revenus de l’Etat et de la nation a étéappuyéeparunevolontédepromotiondusecteurprivé,visantàlafoisàattirerlescapitauxétrangers par des prises de participation facilitées et à favoriser le rôle joué par lesentrepriseslocalesdansladiversificationéconomique.Depuis1996,outrel’alignementsurles conditions fiscales des sociétés omanaises, les investissements étrangers en Omanbénéficient d’exemptions de taxes pendant cinq ans, de droits de douane pour lesimportationsdestinéesàêtre transformées surplaceainsiquede la libertéderapatrier lesbénéfices obtenus. D’autre part, la participation étrangère autorisée dans une compagnieomanaiseaétéétenduejusqu’à70%en2001danstouslesdomainesdel’économie,puisjusqu’à100%danslesecteurfinancier(banque,assurances,courtage)le1erjanvier2003etdans les télécommunications en 2005. Enfin, le sultanat est devenu le 139emembre del’Organisation mondiale du commerce en novembre 2000 et devrait engager desnégociationsenvued’unaccorddelibre-échangeaveclesEtats-Unis.Parallèlementàcetteouverture,Omanafaitlechoixdudésengagementdel’Etat–dèslecinquièmeplanetdavantageencoreaveclesixième(2001-2005)–enmisantsurlesecteurprivécomme«moteurprincipaldelacroissance»43.L’énergieélectriqueethydrauliqueestparticulièrement avancée sur cette voie: la centrale de Manah, ouverte en 1996, est lepremierétablissementdecegenredansleGolfeàêtredétenupardescapitauxprivés.Deuxautrescentrales(al-KâmiletBarkâ’)ontvulejouren2004suivantlemêmetypedecontrat 43Maqbûlal-Sultân,ministreduCommerceetdel’Industrie,inTimesofOman,17août2004.

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(IPP-IndependentPowerProject).En juillet2004, laconstructiond’unecentraleélectriquesur leportdeSuhâr aétéconfiéeàunconsortiummenépar la sociétéSuez-Tractebel etdans lequel figurent les groupes omanais WJTowell et Zubair. Dans ces trois derniersexemples, une partie des actions devra être rétrocédée au bout de quatre ans selon uneprocédured’offrepubliqueàlaBoursedeMascate,afinquelescapitauxomanaisatteignent35%.Danslesecteurdel’eau,lesdernièresannéesontvuuneexplosiondunombredecontratspublics destinés au raccordement de la population aux réseaux de distribution déjàexistants. Le plus important concerne le projet de retraitement des eaux dansl’agglomérationdeMascate,relancéen2002.Enjuillet2004ontétépromulguéesdeuxloissur les privatisations, dont l’une, directement en relation avec le secteur de l’eau et del’électricité,qui identifie lesmoyenset lesprocéduresàmettreenœuvrepour la réformedesservicesgouvernementauxvouésàêtreprivatisés. Il estainsiprévuque lesdifférentesprérogatives de l’actuel ministère de l’Eau et de l’Electricité soient éclatées en plusieursentitésenvued’unefuturedissolution.Demême,lescentralesactuellementsouscapitauxpublicsseronttransféréesensociétésdedroitpublicavantleurprivatisation.Plusieursautressociétés seront respectivement responsables de l’achat de l’électricité aux sociétésproductrices,desontransportetdesadistribution.Enfin,uneholdingveilleraaux intérêtsde l’Etat dans ces compagnies, tandis qu’une autorité publique de régulation –déjà envigueur–aurapourmissiondesuperviserl’ensembledesacteurs.Sur le plan des communications aériennes, l’Etat omanais a envisagé dès 1998 laprivatisationdesdeuxaéroportsinternationauxdeMascateetdeSalalah.Enoctobre2001,un consortium composé du groupe omanais Bahwan (à hauteur de 35%) et de deuxsociétés britanniques acquiert 70% de la nouvelle société Oman Airports ManagementCompany.Laconcession,prévuepourvingt-cinqans,concernetouteslesactivitésdesdeuxaéroports, à l’exception des douanes et du trafic aérien. L’estimation de la somme ques’engage à dépenser le consortium pour le réaménagement total des aéroports avoisine70millionsdeRO,l’ensembledestravauxdevantêtrelivréen2005.Orl’expériencetournecourtrapidement.Débutnovembre2004,l’Etatannoncequ’ilrécupèrelecontrôledesdeuxaéroportsenraisondedésaccordsfinanciers.Ildécidedereprendrelaprocédureàl’origineet charge, en janvier 2005, un cabinet de consultance danois d’étudier les modalitésd’extensiondesdeuxaéroports.Prèsdequatreansaurontainsiétéperdusdans lacourseengagéepourérigerlesultanatendestinationtouristiquedepremierplan.Dernier axe majeur du plan de privatisation, le secteur des télécommunications. Endécembre 2003, l’Autorité de régulation des télécommunications, chargée de privatiserl’opérateuruniqueOmantel,déclare la libéralisationofficielledusecteur.Deuxmoisplustard,Omantelsevoitattribuerpardécret lesdeuxpremières licencesdetéléphonie–unepour les lignes fixes,uneautrepour lesmobiles. Le22juin2004, la sociétéqatarieQtelremportelecontratpourlasecondelicencedetéléphoniemobile.Aprèsplusieursreports,lamisesurlemarchéde30%ducapitald’Omantelalieuenjuin2005.Cetteouverture,précédée d’une énorme campagne de promotion, attirera en moins d’un mois plus de163000petits investisseurs, malgré la marge de profits restreinte que le prix élevé delancementdel’action(1,280RO),d’unevaleurestiméeà100baisas,laisseespérer44.Si le programme de privatisation a connu une accélération franche ces trois dernièresannées,samiseenplacenes’estpaseffectuéesansdefréquentssoubresautsquiontconduit 44Entretien,6septembre2005.

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àdes retards importants,notammentdans le casdu secteur aérien, voireàdes scandalesretentissants,commel’attestelarécentecondamnationàdix-septansdeprisondusecrétaired’Etat au ministère du Logement, de l’Eau et de l’Electricité pour favoritisme, corruptionpassiveetpriseillégaled’intérêtsdanslesecteurélectrique45.Lalibéralisationéconomiqueaenoutrepâtidelaprudencemanifestéeparlesinvestisseursàl’égarddumarchéomanais,lesultanataccusanttoujoursunretardparrapportauxautrespaysdelarégionpourlapartdes investissements directs étrangers.Mais la plus grande faiblesse d’Oman à long termerésidedans l’extrêmedépendancede l’économienationalevis-à-visd’unnombre restreintd’acteurséconomiques,bénéficiairesprincipauxdudéveloppementsansprécédentdestroisdernièresdécenniesetdelarentepétrolièreautraversdescontratspublicsjuteuxqu’ilssesont partagés. En 2001, les avoirs omanais à l’étranger étaient estimés à 15milliards dedollars, soit un montant équivalent à 75% du PIB total46. Cette proportion dénote lescepticisme, voire laméfiance avec lesquels les richesOmanais ont longtemps considérél’intérêtreprésentéparlemarchélocal.La tendance visant à un renforcement du secteur privé dans l’économie nationale, quisemble s’être accélérée en 2003 et 2004, représente-t-elle l’amorce d’un changementdurabledelastratégieenmatièred’investissementdecetteminoritéprépondérante?Ilestbienévidemmentencoretroptôtpourledire,mêmesilesfluctuationsetlestâtonnementsde la privatisation en Oman tendent à prouver que le rapatriement massif des actifs del’étrangern’estpasd’actualité.Néanmoins,onpeutd’oresetdéjànoterquecespremierspasnesesontenaucuncasmatérialisésparuneouverturedesdividendesdelaprivatisationà de nouvelles couches entrepreneuriales. Dans la majorité des cas, les contrats ont étéremportéspar cesmêmesgroupesd’affairesdéjà implantés aucœurdes rouagespolitico-économiquesdu sultanat.Decepointdevue, loinde favoriserunerevitalisationdu tissusocio-économiquepar l’arrivéedenouveauxacteurset l’apparitiond’unemobilité socialesusceptible de remettre en cause l’ordre autoritaire, le processus de privatisation n’a pasconduitàundéveloppementdusecteurprivé,maisbienàuneconsolidationdespositionsacquises.Lesmutationsàlafoissocialesetdémographiquesqu’aconnuesdernièrementlesultanatd’Omann’ontàaucunmomentincitélesautoritésàfaireévoluerunordrepolitiquefigé–oùlesultanQabousgouverneseul,sadécisions’appliquantimmédiatementetmettantunpoint final à tout débat–, ni même à souhaiter donner l’impression qu’elles laissaientouverte la porte à un dialogue national. Pourtant, ces évolutions socio-économiques ontrévélé au grand jour les fissures qui ébranlent le modèle politique omanais et menacentl’identiténationaleconstruitedepuis1970.Lesrevendicationsetlesfrustrationsaugmentent,commententémoignentlesévénementssurvenusauprintemps2005.

45‘Umân,27octobre2005.

46FinancialTimes(Londres),12juin2001.

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Vagued’arrestationsauprintemps2005Aumoisdejanvierdernier,lecorrespondantenOmanduquotidienal-Hayatrévèlequeprès de trois cents personnes ont été arrêtées quelques semaines auparavant après ladécouverted’unecargaisond’armesdansuncamionprèsdelafrontièreyéménite.Selonlejournal londonien, ces individus seraient accusés d’avoir voulu préparer des «explosionscontre leFestivaldeMascate,qui aétéboycottépar les islamistes, car jugécontraire auxprincipes de l’islam». L’alerte est jugée si sérieuse qu’elle cause l’absence –pour lapremièrefois–dusultanQabouslorsdelaprièredel’Aïd,àlaquelleildevaitparticiperaucours de sa tournée annuelle47. Quelques jours plus tard, les autorités, par la voix duministre de l’Information Hamad al-Râchdi, reconnaissent ces arrestations, tout enminimisant leurportéeetenrefusantdedonnerdesdétailssur lenombreet l’identitédesdétenus: «Nousnesouhaitonspasdiscuterdecetteaffairecarc’estuneaffaireinterne[…].Maispourceuxqui

sont intéressés par la vérité, je peux dire que ces détentions proviennent d’une tentative de cesindividusdeformeruneorganisationquimetteendangerl’ordrenational.Danscedomaine,aucuneindulgencenedoitêtremontrée[...].Quandcelaconcernelasécuriténationale,lestâtonnementsoulaclémencen’ontaucuneplace[…].[Laquestiondesprisonnierspolitiques]estunesollicitationrebattue

dontona abusédepuis longtemps. Toucher à la sécuritén’a rien à voir avec l’opinionpolitique ouintellectuelle.Iln’yapasunseulprisonnierd’opinionenOman,grâceàDieu»48.

Le procès s’ouvre le 18 avril dans le cadre d’une cour spécialement réunie pourl’occasion,auseindelaquellelesaccuséssevoientaccorderledroitd’êtredéfenduspardesavocats.Parmilestrenteetuninculpésfigurentdesprofesseursetdesétudiantsdesfacultésd’éducationetd’études islamiquesde l’universitéSultanQabous,maisaussi lechefde laDélégationomanaiseaupèlerinage (haj) en2005et gendredumuftid’Oman,Kahlânal-Kharûssi, ainsi que le contrôleur des mosquées au Bureau du palais du sultan, Sâlih al-Ribkhi. Toutes les personnes arrêtées sont de confession ibadite. Le jugement, rendu le2mai, infligede lourdespeines,comprisesentre septet vingtansd’emprisonnement,à laquasi-totalitédesprévenus,sanspossibilitéd’appel.Lesinculpéssontaccusésdefairepartied’uneorganisationsecrèteinterdite,fondéeen1982etimplantéeàl’intérieurdupays,dontlebut seraitde renverser le régimeenvued’installerungouvernementdirigépar l’imamibadite49.Pourmesurerlaportéesymboliquedel’accusation,unbrefretoursurl’histoiresocialeetreligieuse du pays est nécessaire. Si l’adhésion d’Oman à l’islam semble remonter à‘Amrbinal‘As, émissaire du Prophète et futur conquérant de l’Egypte, les populationsd’Omanontadoptél’ibadisme,variantedukharidjisme,etsesontorganiséespolitiquementdès le VIIIesiècle en un imamat dont le cœur spirituel se situait à l’intérieur du territoire,autourdelavilledeNizwâ.C’estdelamêmeépoquequedatentlespremierscontactsdes

47al-Hayat(Londres),26janvier2005.

48‘Umân,31janvier2005.

49TimesofOman,3mai2005.

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habitantsd’Omanavec l’Afriquede l’Est,contactsquivontprendreunevéritableampleurau XVIIesiècle avec la conquête de Zanzibar et l’établissement d’un empire maritimes’étendant sur tout le pourtour nord-ouest de l’océan Indien. La chute de la dynastieya‘arubi,en1740,seraàl’origined’uneguerrecivile,dontAhmedal-Bûsa‘îdiprofitepourseproclamerimam.Lavolontédesonpetit-filsSa‘îd(1806-1856)deprendresesdistancesavec les affaires politiques intérieures pour se consacrer à l’expansion militaire etcommercialede l’empire se traduirapar sadécision, influencéepar legouvernementdesIndes,d’abandonner le titred’imamauprofitdeceluidesultan.Le traitédeSîb,signéen1920 entre l’agent politique britannique en poste à Mascate et les tribus de l’intérieur,entérinealorsladivisionpolitiqueentreune frangecôtièreplacéesousl’autoritédusultande Mascate et un centre contrôlé par l’imamat ibadite. Au début des années 1950,l’immixtiondusultanSa‘îddanslaprocéduredesuccessiondel’imam,consécutivementàla découverte de pétrole à la frontière saoudienne, va déboucher sur la guerre du JebelAkhdar(1955-1959)etconduireàladisparitiondel’imamatetàlaréunificationdel’Omansousl’autoritédusultan.Pourlapremièrefoisdepuisundemi-siècle,l’ibadismeseposeraitdoncenréférencepouruneéventuellemobilisationpolitique.Amorced’unnouveaubouleversementdesregistresde légitimation politique au sultanat d’Oman, une telle contestation au nomde l’imamatpourraitconduireàrevendiqueruneéthiquedegouvernement islamique,quis’opposeraitalorsfrontalementàlalégitimitédel’Etat-nationforgéparQabous.Diverses questions restent cependant en suspens quant à la conduite adoptée par lesautorités à cetteoccasion:pourquoi, eneffet,ont-elles arrêtéces individusen2005alorsqu’ellesaffirment lessurveillerdepuis longtempsetqu’elles leurontdans lemêmetempslaissé toute latitude pour propager leurs idées, notamment dans le cadre des instituts dechariaqueplusieursd’entreeuxdirigeaient?Pourquoi, s’ils sont aussidangereuxpour lastabilité du pays que le martèle la version officielle, le sultan a-t-il pris l’initiative de lesgracier un mois seulement après le verdict? Sans aller jusqu’à prétendre que cesévénementspuissentêtreconstruitsdetoutespiècesparlerégime,onnepeutmanquerdenoterqu’ilsserventremarquablementsesdesseins,enresserrantàmoindresfraissurleplanintérieurlesliensavecunesociétéinsécurisée,toutentémoignantàlafoisdefermetéetdemagnanimitéàl’égardd’opposantséventuels.Enoutre,surleplaninternational,aumomentoùlesEtats-Unisimprimentunetrèsfortepressionsurlesrégimesdelazonedanslecadredela«guerrecontreleterrorisme»,lesultandémontreainsiqu’ilcontrôleparfaitementlasituationpolitiquesursonterritoireetqu’ilestenmesured’enpréserverlastabilité.Enfin,alors que la référence au communisme a longtemps servi à disqualifier toute remise encause dumodèle en place, c’estmaintenant l’islamisme qui est convoqué par le pouvoircentral pour taxer indifféremment toute opposition d’«atteinte à la sécurité nationale» etlégitimer en retour l’usage d’une force publique se donnant comme inéluctable. Or, sil’ensembledesOmanaisnepartagepas les idéesqui sontprêtéesauxaccusés,une largefrangedelajeunessecomprendnéanmoinsleurdémarcheetéprouvedelasympathieàleurégard.Cesévénements,inhabituelsenOman,condensentunmalaisesociopolitiquepluslarge,qui s’est exprimé ces dernières années à la fois dans les manifestations de protestationcontre l’attaquede l’Irakpar lacoalitionaméricano-britannique–manifestationsremettanten cause les priorités définies par le gouvernement, comme l’énorme part du revenunational consacrée à la défense50, perçue au détriment d’une politique sociale plus 50En2004,lesdépensesdesécuritéetdedéfensereprésentent30%desdépensestotales,soit12%duPIB.

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volontariste–, ou dans le désenchantement ayant marqué le premier scrutin au suffrageuniverseldupaysenoctobre2003.L’illustrationlaplusprofondedecemalaiseselitdansleregain des préjugés communautaires, non seulement entre Omanais et expatriés, maissurtoutauseindelasociétéomanaiseproprementdite,phénomènesusceptibledefragiliserl’identiténationaleaufondementdupouvoirdusultanQabous.PRATIQUESCLIENTELISTESETREVENDICATIONSDERECONNAISSANCELa raréfaction des ressources que l’Etat est en mesure de redistribuer, ajoutée àl’intransigeancedesautoritésrefusanttoutpartagedeladécisionpolitiqueettouteremiseencausedel’ordreenplace,aproduituneaugmentationdesfrustrationssurlabased’identitésou de solidarités infra-étatiques (groupe ethnolinguistique, tribu, etc.). Au cœur de ceprocessus réside ledesseinpartagépar chacundeconsolider sespositionsdepouvoir auseindel’appareilétatiquepourpouvoirbénéficierdesretombéesmatériellesetsymboliques(postes,faveursfinancières,contratspublics,etc.)auxquellesellesdonnentdroit,opérationd’autantpluscapitaleensituationderestrictionéconomique.Enconséquence,onassisteàunerepolarisationdelasociétéomanaiseselondescritèresdiscriminants qui peuvent être «anciens» (tribu, clan)mais aussi nouveaux (communautélinguistique,originegéographiqueourégionale).Chaqueindividuseretrouveétiqueté,plusoumoinsvolontairement,commeappartenantàuneidentité,àungroupe,contraintdesepositionner sur l’échiquier symbolique de la nation pour exister et garder une visibilitésocialedansunEtatquirestel’horizondetouteslesperspectives.Siunepolitisationstrictedecephénomèneestimprobabledansl’OmandeQabous,c’estsurleterrainglissantdelaloyauté à la nation omanaise et à son souverain que le débat se place actuellement,s’énonçant à travers une surenchère des preuves d’attachement et d’appartenance à lanationafindedépasserlessoupçonsdel’Autre.Trois groupes sont le plus directement touchés par ce mouvement: les chiites de lacapitale,lesOmanaisd’Afriqueetceuxd’originebaloutche.Cesensembles–qui,ilfautlesouligner, ne disposent d’aucune homogénéité tant généalogique, linguistique quegéographique–présententunpointcommunquilesrendparticulièrementvulnérablesàlastigmatisation:leurcaractère«périphérique»danslastructuredémographiqueethistoriquedupays,ausensoùilsn’appartiennentpasaucœuribaditeetdelanguearabeduterritoireomanais.Achacundecesgroupes,eneffet,ilmanquel’unaumoinsdecesdeuxtraitsdel’«omanité»tellequ’elles’estimposéedepuis1970,sibienqu’ilssetrouventenpositiondedevoir justifier en permanence leur lien à la communauté nationale. Pourtant, tout leparadoxe–oul’explication–tientaufaitquecesgroupesoccupentuneplacecentraledansl’architecturesociopolitiqueconstruiteparlesultanaprès1970.Parleursrôlespolitiqueetéconomique (chiitesde lacapitale,Omanaisd’Afrique) toutautantquemilitaire (Omanaisd’origine baloutche), ils apparaissent comme des alliés incontournables du nouveaupouvoir. De ce point de vue, la repolarisation des identités infra-étatiques à l’œuvreactuellement s’inscrit pleinement dans le cadre de la formation de l’Etat omanaiscontemporain.

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Laconfessionreligieuse (madhhab)constitueunenouvelle lignedepartagedans l’OmanduXXIesiècle.Jusqu’audébutdesannées1990,«pourlaplupartdesOmanais[…]c’étaitlapratiquequidéfinissaitl’appartenanceàl’islam,purementetsimplement»51.Laconsciencededifférencesd’interprétationoudepratiquesconfessionnelles,sielleexistaitchezcertains,ne représentait pas un point de fixation pour d’éventuels antagonismes. Malgré unenseignement religieux officiel destiné à niveler les différences et à promouvoir un islam«générique»propreausultanat,ladémocratisationdel’accèsausavoir,àlaquellesesontconjuguées les migrations au sein du territoire national, a inévitablement favorisé chezl’individu une prise de conscience plus profonde de sa propre éducation et de sesdifférences.Lesannées1990ontainsivulaconstructionàl’intérieurdupaysd’undiscoursplusstructurévisantàexpliquerl’ibadismeetsasingularitédansl’appréhensiondel’islam,etàpermettreàsesadeptesd’êtreenmesured’argumentervis-à-visd’autresmusulmans,enOmanouàl’étranger,commeonapulevoirlorsdesévénementssurvenusen2005.Actuellement, le facteur religieux est de plus en plus souvent mis en avant dans lesdiscourspourfairegriefàtelgroupedetelévénementmalheureuxoudetelleévolutiondelasociétéjugéenégative.C’estcertainementàl’égardd’ungroupechiiteinstallésurlacôted’Oman–lesLâwatiyya52–quecesrancœurssontlesplussensibles.Surenchèredesmarquesd’appartenanceàOmanL’image persistante, dans l’opinion, d’une communauté soudée et économiquementinfluente permet de stigmatiser, depuis 1970 au moins, un lobby lawâtiyya en Oman:influencés par la mémoire collective de l’avant-1970 –période au cours de laquelle lescommerçantsdelacôte,dansleurmajoritélawâtiyya,disposaientdumonopoledel’entréeen Oman de denrées vitales comme le sucre ou le riz–, de nombreux Omanais del’intérieur sont encore persuadés des capacités de blocage économique de ce groupe. Etcette méfiance n’a fait que croître depuis la révolution iranienne de 1979. Comme dansd’autres pays arabes duGolfe, la confession chiite est souvent suspectée de sympathie àl’égardd’unautrepays(enl’occurrencel’Iran),quiplusestnonarabe.En1997,desrumeurssur la transmissiondedocumentspardes fonctionnairesomanaischiitesaugouvernementiranienont accusé lesLawâtiyyad’êtredes éléments à la soldedecedernier, comme ilsl’auraientétéavant1970,maisalorsenfaveurdesBritanniques.Les Lawâtiyya se voient une nouvelle fois obligés de démontrer leur appartenance à lanationpourmieuxpasserinaperçusetsefondredansl’Omancontemporain.Or,souspeinequecesoitl’Autrequiimposelestermesdeleuridentité,ilssontcontraintsdeprocéderàuntravailderetourhistoriqueetmémorielsureux-mêmes,ens'écrivantunegénéalogiequilesrattacheàlapéninsuleArabiqueetétablissesansdistinctionpossibleleuroriginearabe,

51 D. Eickelman, «Identité nationale et discours religieux en Oman», in G. Kepel et Y. Richard (dir.),Intellectuels et militants de l’Islam contemporain, Paris, Seuil, 1990, p.114. A l’heure actuelle, les ibaditesreprésenteraient,selonnous,environ50%delapopulation,contre45%desunniteset5%dechiites.

52Originellementdisciplesde l’AgaKhan (chiites ismaéliens), les Lawâtiyya sontdes chiitesduodécimainsarrivés du Sind pakistanais en Oman à partir du XVIIIesiècle. Evalués entre 30000 et 50000, ils habitent lacapitaleetlaplainedelaBâtina.

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àlasuitedurenforcement,toutaulongduXXesiècle,del’arabitéconstruited’Oman.Selonlespropresmotsd’unhistorienomanais,«lesLawâtiyyaveulentêtrereconnuscommeunevieille tribu arabe comme les autres» –c’est-à-dire l’une de celles qui a pris part auxconquêtesarabo-musulmanesversl’estaucoursdespremierssièclesdel’Islam.C’estdanscecontextehistoriquequeleursancêtresseseraientinstallésdanslesprovincesduSindetduGujarat indien, le retourvers lapéninsuleArabiquenedébutantqu’auXVIIIesiècle.Parun remarquable retournement historiographique de l’argument majeur qui sous-tend leurstigmatisation dans l’Oman contemporain, leur présence ancienne sur le sous-continentindientrouvesajustificationdans ladoublepuretédeleurarabitéetdeleurdévouement,dèsl’origine,àl’expansiondel’islam.S’iln’estpaslelieuicideseprononcersurlavéracitéhistorique de ces thèses, il est en revanche intéressant de prendre en compte le travailconceptuelopéréparlesLawâtiyyasurleurproprehistoireafindecadreraveclesimpératifsde l’historiographie –et des rapports de force sociopolitiques– de l’Etat omanaiscontemporain.Autregroupedevantfairefaceàlajustificationdesapleineappartenanceàlanation,lesOmanais d’origine baloutche, et tout particulièrement les jeunes vivant dans les quartiersexcentrésdelacapitale(Jabrû,al-Khûd,al-‘Âmarât),sontl’objetdenombreuxfantasmes,enraison notamment de leur difficulté à parler l’arabe, langue de l’administration et, parconséquent,de l’intégration.PourunegrandepartiedesOmanais, les«Baloutches»de lacapitalesontassociésàuncertainnombredeconduitesillicites,commeletraficdedrogueou l’immigrationclandestineenprovenancedunorddugolfed’Oman53. Lesdoutesémissur la rigueur de l’observance religieuse des Omanais d’origine baloutche se doublentsouvent d’une rancœur des ibadites à l’encontre d’une population jugée trop loyale auxsultans–et à leurs alliésbritanniques–dans l’histoire, comme l’énonceunprofesseurdel’universitéSultanQabousqui, aprèsnousavoir expliquédurantde longuesminutesqueparlerd’unreplisurdesidentitéslocalesenOmanétaitunemanœuvredesétrangerspourdéstabiliserlepays,lâcheracesmotstrèsdurs: «Les Baloutches, ils auraient participé à la construction de la nation omanaise?! Est-ce que tu

plaisantes?LesBaloutchessontvenusenOmanparcequelesArabeslesontamenésici:pasunseulAraben’étaitprêtàcombattrepourlesAnglais![…][LesAnglais]onttoutfaitpournousdiviseretpour

quelesArabessoientfaibles!C’estpourçaquelesBaloutchessontvenusenOman,pourentrerdansl’arméeetaiderlesAnglais.AucunAraben’étaitprêtàfaireça,aucunn’acceptaitça!Alorsilnefautpasdiredeschoses fausses,comme:“lesBaloutchesontaidéàconstruire l’identiténationale”.C’estfaux!»54.

Dansceclimatdefrustrationsmalcontenues,lascènesuivanten’arienétonnant.Enaoût2004, alors que nous attendons un taxi, une voiture s’arrête à notre hauteur et nous faitsignedemonter.SidenombreuxOmanaisprofitentdelajournéecontinuedetravaildansles administrations pour arrondir leurs revenus en s’improvisant conducteurs de taxi avecleur propre véhicule, notre chauffeur occasionnel sort de l’ordinaire.C’est un soldat, âgéd’unecinquantained’annéesetpèrede sept enfants,quiutilise lepick-upde sabrigade,

53 Voir aussi F. Adelkhah, «Qui a peur du mollah Omar ? L’économie morale du “talebanisme” dans leGolfe»,Critiqueinternationale,juillet2001,n°12,pp.25-27.

54Entretien,26mai2003.

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maquillécouleursable.Aucoursde laconversation,sonélocution«arabecassée»55nousconduit à luidemander savilled’origine, et surtout lenomde sa «famille»,quivanousrenseigner sur sa tribu. Sa réponse –«Pas de tribu, je suis baloutche»– sonne le débutd’unelonguediatribesurleschangementssurvenusdanslacapitale: «Dansletemps,cestribus,cesnomsn’existaientpas.Moi,jesuislefilsdemonpère,lui-mêmefilsde

sonpère,etc’esttout.AMascate,toutlemondevivaitensembledansletemps,onneconnaissaitpaslenom [de tribu]de sonvoisin.Ce sont lesArabes56 quiont fait desdifférences en arrivant àMascate.Parcequechezeuxilyadesdifférences,alorsilsveulentencréerchezlesautrespourlesaffaibliretpour créer des divisions. Ils ont complètement détruit Mascate. Les Arabes sont tous des diables(kul‘arab,kulchaytân)!».

Enraisonde l’anciennetéhistoriquede l’immigrationbaloutchesur lacôtesuddugolfed’Oman, mais aussi des conditions particulières dans lesquelles elle s’est déroulée(recrutementàdes finsmilitaires, fortcontrôledu sultanetdesBritanniques)ainsiquedesonampleur,l’actuellepopulationomanaised’originebaloutchesecaractériseparunetrèsforte hétérogénéité à la fois sociale et géographique. Il faut néanmoins souligner le rôlecentralqu’ontjouéavant1970unpetitnombredegrandesfamilles,implantéesdelonguedate,chargéesd’assisterlessouverainsarabeslocauxdanslecontrôlesocialetpolitiquedel’immigration baloutche. Le prestige de ces notables a été renforcé par la distinctionprogressive, vraisemblablement promue à leur propre initiative, entre les Baloutchesinstallés à Mascate –au cours des vagues d’immigration les plus récentes– et ceux del’intérieurdupays,connusactuellementdanstoutlesultanatsouslenomd’«‘ArabBalûch»(Baloutchesarabes).Contrairementàceuxdelacapitale,cesdernierssemontrentfiers,dufaitde leuranciennetéenOman,denepluspratiquerlebaloutcheetsontperçuscommeunetribudesouchearabeaumêmetitrequelesautres.Certainesdecesfamillesontmêmeadoptél’ibadisme.Comme lesLawâtiyya, lesOmanaisd’originebaloutche sevoient sommésde réaffirmersanscesseleurattachementàlacommunauténationaleet,parconséquent,departiciperàla surenchère d’arabité qui traverse actuellement la société. Rappelant qu’«Oman estcommeunegrandefamille,notrefamille»,undignitaired’originebaloutchenousexpliqueque «les Baloutches sont, avant tout, un élément d’Oman». Comme pour insister sur leloyalismedesOmanaisd’originebaloutche,ilajoutequecesderniersn’ontplusniterrain,nimaisonauBaloutchistanetque leurscontactsaveccetterégionserésumentàquelquesvisites à des parents. Puis il évoque longuement leur fierté d’être «devenus comme desOmanais»,sous-entendudevraisOmanaisdel’intérieur.Notreinterlocuteurnousprésentealors une série de documents, rédigés par les autorités yéménites ou par des historiensomanaisibadites,attestantl’arabitédesBaloutches,«tribu»quiauraitétéenvoyéeaufuturBaloutchistan pour propager l’islam. Il se trouve ainsi légitimement en droit d’utiliser leréseau lexical des Omanais de l’intérieur, et d’affirmer que les Baloutches sont «la plusgrandetribud’Oman»57. 55Traductiondelaformulequ’emploientlesOmanaispourraillerl’arabehésitantdesexpatriésindiens,maisaussidecertainsOmanaisd’originebaloutche.

56C’est-à-direlesOmanaisibaditesoriginairesdel’intérieur.

57Entretien,22mars2003.

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Une autre stratégie, plus timide pour le moment, semble néanmoins poindre. Certainsintellectuels omanais d’origine baloutche contestent en effet la revendication d’uneascendancearabedesBaloutches,voirepluslargementdumouvementofficielinsistantsurl’identitéarabedusultanatd’Oman. Ilssouhaitent aucontraireréaffirmer leur fiertéd’unespécificitébaloutche,maisauseindusultanat.L’und’entreeuxexplique: «Ondoitarrêterdeseforceràparlerarabe,onn’estpasarabe.Les‘ArabBalûch,çan’existepas!On

est soit arabe, soit baloutche, mais on ne peut pas être les deux. D’accord, si on dit “Baloutchesomanais”,pasdeproblème.Maisjenesuispasarabe!Quandonaunelangue,ilnefautpaslaperdre,nilarenier.C’estunepertepourtoutlepays[…].Surleplandémographique,lesBaloutchessontpeut-

être30ou40%delapopulationdunordd’Oman;ilfautdoncqu’ilyait30ou40%deBaloutchesau Majlis al-Chûrâ, c’est normal! Ça peut devenir une force pour promouvoir la démocratie, et çaprofiterafinalementàtoutlemonde»58.

Làencore,lesentimentidentitairebaloutcheauquelenappellenotreinterlocuteurs’inscritpleinementdanslecadredel’Etat–voiredujeupolitique–omanais,etnonpasdansuneperspectiveséparatisteoutransnationale.Commeillerappellelui-même: «BiensûrquetouslesBaloutchesd’OmanontdescontactsfamiliauxavecleBaloutchistan,iranienet

pakistanais.Maislesstructuressocialesetlesmodesdeviesontdevenustrèsdifférents;parexemple,lestribusbaloutchesduBaloutchistan,onnelesretrouvepasenOman.Inversement,lesnomsdetribusbaloutchesenOmann’existentpasauBaloutchistan»59.

Ces deux stratégies, très différentes, nous semblent pourtant symptomatiques del’enracinementd’unsentimentidentitairebaloutcheenOman,quis’est–paradoxalement–construitavecl’appui,etdanslecadre,del’Etatcentral(attributioninformelledesecteursdel’administration «réservés» aux Baloutches, nomination de chaykhs baloutches, etc.).En2005, les Baloutchesd’Omanne sontpas seulementdesBaloutchesvivantenOman,mais bien des Omanais d’origine baloutche: leurs stratégies politiques utilisent lesréférentiels d’identité et de positionnement sociopolitique omanais et s’insèrentconsciemment,etsansarrière-pensée,danslecadredusultanatd’Omancontemporain.Cetteconsciencebaloutcheomanaises’inscritdanslecontextegénéraldepolarisationdelasociétédepuislemilieudesannées1990,marquéparl’apparitiondenouveauxgroupesquin’auraientpuexisterentantquetelshorsdel’Etatomanaismoderne.Silaformedecessolidaritésmodernesempruntelargementauxcatégoriessymboliquesissuesdelatradition,ellesneseconstituentquedansuncadreétatiqueetnes’expliquentquepar l’actionquel’Etat produit sur elles, et inversement. Or, dans le cas de l'Etat omanais, où les enjeuxprennent une ampleur nouvelle, où les joueurs face auxquels il faut s’affirmer requièrentune visibilité plus forte, où les autorités de l’Etat ne peuvent s’adresser qu’à desinterlocuteursd’unerelativeimportancedémographique,c’estleplussouventauniveaudel’ethnie, définie sur un critère linguistique ou religieux, que se constituent de nouvellessolidarités.IlenvaainsipourlesOmanaisoriginairesd’Afrique60.

58Entretien,2octobre2003.

59Ibid.

60Nousdésignonssouscetermelesdescendants,retournésenOmanàpartirdumilieudesannées1960,des

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Comme pour les Lawâtiyya ou les Omanais d’origine baloutche, les préjugés et lestensions à leur sujet se sont focalisés sur l’arabité et l’islam, deux points de fixationcristallisant l’ensemble des griefs sociaux et économiques qui leur sont reprochés. Lespopulationsomanaisesd’Afriquecomposentunensemblehétéroclite,traversédemultipleslignesdefracture,parmilesquelles:ladatederetourenOman,latribud’origine(àlaquellechaque individu est resté très lié, comme en témoigne l’importance économique destransfertsfinanciersdecesémigrésauxmembresdemeurésenOman),ouencorelacolonieafricaine d’implantation (Tanzanie, Rwanda, Burundi, etc.), qui distingue les«francophones»des«anglophones».Alaquestiondesavoirs’ilexistedesdifférencesentre«anglophones»et«francophones»,tousnosinterlocuteursontréponduparl’affirmative.Pourunevieillefemmefrancophone: «Laprincipaledifférencevientde l’éducation: nous,nous avonsété élevés commedesBelges, eux

commedesAnglais[…].Enplus,nousneparlonspaslemêmeswahiliquelesgensdeZanzibar,leleur

estplusraffiné.Eux,ilssemoquentdenousàcausedenotreaccent!Ilsdisentqu’onaccentue,commelesBelgesquiparlentfrançais»61.

A l’inverse,unhaut fonctionnaireanglophoneoriginairedeZanzibar semble interloquéquel’idéedemettresurlemêmeplancesdeuxpopulationspuisseêtreémise.Aprèsnousavoirlonguementrappelél’histoiresocialeetpolitiquedel’île,ilconclut: «Leshabitantsqui viennentdes îles sontplus cultivés,plus intellectuels, nous sommescertainement

aussiplustraditionnelsdansnotremodedevieparcequenousavonstoujoursétéconscientsdenotredevoir de préserver l’héritage du sultanat [de Zanzibar] et de ses valeurs. Les gens qui viennent duRwandaetduCongosontplusagressifs,ontdesmanièresplus franches.Ilstravaillentduretsonttrèscourageuxetrésistants,parfoisunpeutrop,jusqu’àenêtrebrutaux…»62.

Jamais dans l’histoire les populations omanaises d’Afrique n’ont développé d’esprit decorps qui en fasse un groupe de solidarité propre. Le «rapprochement» qui s’est opéréprogressivemententrelesdifférentespopulationsomanaisesd’Afriquen’estdoncenaucuncaslerésultatd’unprocessusvolontariste.Ildécouleaucontraireducontactplusoumoinsconflictuelàlaréalitédel’Omancontemporain,etdoncdelanécessitédeseconstituerunenouvellesolidaritéquisefondesurlesbasesdéfiniesparl’Autre–l’Omanaisrestésurplace.Lavieillefemmeévoquéeplushautdéplorecetteassimilation: «Nous, commelesOmanaisnous traitent tousde “Zanzibari” [avecungesteméprisantde lamain],

nousnepouvonspasfaireautrement.Çafaitvraimentmalaucœur[…].MaislesOmanaisdisentqu’onesttousdesNoirs,alors…Qu’est-cequ’onpeutfaire?»

émigrésomanaisinstallésenAfriquedel’EstàpartirduXVIIesiècle,aprèslacolonisationdeZanzibarparlesultandeMascate.Ilfautnoterquelefaitdesesentiroud’êtreperçucomme«swahili»n’estpasliéaufaitdeposséderdes traits africains: certaines familles ayant vécu en Afrique et cataloguées «swahili» ont en effet veillé àconserver la pureté du lignage arabe d’Oman et n’ont jamais contracté d’unions matrimoniales avec desindividussansascendancearabe.

61Entretien,9juin2003.

62Entretien,2juin2003.

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Unjeunehommeexpliquepoursapart: «Depuisquenoussommesrentrés,lesOmanaisdel’intérieurnousonttoujoursfaitsentirquec’était

une“tachenoire”pournousd’avoirétéàZanzibar.Maisilnefautpassetromper:c’estnousquiavonscréélepays!Leproblème,c’estquebeaucoupdeZanzibarifontsemblantdenepasparlerleswahili,etrefusentleurcultureafricaine»63.

Cen’estdoncqu’àlasuitedelaconfrontationaveclesautrespopulationsomanaises,auseindunouvelEtat,qu’uneconsciencedegroupeparticulièreestnéechezceuxquifurentrapidement désignés en bloc, dans le langage courant, sous le terme de «Swahili» –enréférenceàleurlangued’adoption,quelesautresOmanaisnepouvaientcomprendre–ou«Zanzibari».Ce nouveau groupe de solidarité adopte des stratégies de pérennisation comparables àcelles des autres groupes de solidarité omanais. La plus évidente concerne les stratégiesmatrimoniales.DenombreuxjeunesSwahilionteneffetdumalàseconformeràlarigueurdesrapportshommes/femmesquiprévautauseindeleurtriburestéeenOman.Al’inverse,ilestsouventdifficiled’accepter,pourdesparentsomanaisquin’ontpasvécuenAfrique,demarier leur filsàune jeune fille réputée indépendante (enréférenceàunmodedevieplus «ouvert») et présumée moins «sérieuse» d’un point de vue religieux. Les mariagesswahili sont alors l’occasion de retrouvailles «communautaires», tout autant quel’affirmationd’unespécificitéculturelleswahilienmatièremusicaleetfestive.Alamanièredespieds-noirsnostalgiquesdeleurvieenAfriqueduNord,denombreuxhommesaimentserendrelejeudisoirdansdeslieuxquileurrappellentle«bonvieuxtemps»,commecesbars dédiés à la musique, à la danse et à la nourriture africaines. Enfin, les Omanaisd’Afriqueontpleinementtrouvéleurplacedanslesystèmedenépotismeenvigueurauseinde l’administration: par exemple, une majorité des jeunes employés et des stagiaires dePDOparleswahili,indépendammentdupaysd’émigrationdeleurfamille.Avec les Omanais d’Afrique, on assiste à la formation d’un groupe de solidaritéindépendamment de la généalogie ou de l’ethnie, mais sur un critère principal dedifférenciation –la langue vernaculaire– qui n’a de raison d’être en tant que facteur depolarisation que dans le cadre de l’Etat moderne. Il n’est pas le seul dans ce cas. Ledécoupageadministratifduterritoireenhuitnouvellesprovincesaudébutdesannées1990n’a fait qu’accentuer l’émergence de ces nouvelles solidarités de groupe fondées sur larégion d’origine. Les centres régionaux (Nizwâ, Sûr, Suhâr) sont devenus des tremplinsincontournablespouraccéderà l’Etatcentral.Cesvilles,quin’étaientencorequedes fiefstribaux en 1970, ont connu un développement spectaculaire grâce à l’implantation desadministrationsetauxemploisainsicréés.Untelbrassagedepopulation,inéditjusque-là,acontribué à diluer les appartenances locales anciennes en une plus large communautérégionale.C’estaumomentdeleuraffectationdansl’administrationetdelarencontreavecles membres d’autres «promotions» régionales que les individus ont pris pleinementconsciencede leuroriginegéographique.Auxyeuxdecettenouvellegénération,cen’estpluslatribunilevillagequiimportentpoursituerl’Autremaislecentreoùilaétéformé.De nouvelles identités «régionales», identifiables dans tout le pays, sont à l’origine d’unnépotisme de type nouveau, qui incite à s’entourer de personnes avec qui l’on a fait ses 63Entretien,9septembre2005.

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études, que l’on a côtoyées durant sa formation, avec qui l’on partage les mêmesexpériencesdevie.L’échelleà laquellesesitue le rapportsociopolitiquedes individus (lanation omanaise) n’autorise plus une stricte distinction sur la base de groupes ou departicularismesmicro-locaux(tribu,clan),quisetrouventtaxésd’invalidité.Menacepourlerégimeoupourl’identiténationale?Alalumièredecequivientd’êtredécrit,ilressortnettementquel’Omancontemporainesttraversédemultipleslignesdepartageidentitairesetsociales,nourriesenparticulierparlesdifficultéséconomiquesquiontrestreintlamargedemanœuvredesautoritésentermesderedistribution.Cestensionsprennentleplussouventlaformed’uneremiseenquestiondel’«omanité»del’Autreetdusentimentdeloyautéquecelui-cientretientàl’égarddelanationomanaise.Unintellectuelnousfaitainsipartdesescraintes: «Lepatrimoinenational,lesentimentd’apparteniràunegrandenation…Toutcelaexistebeletbien,

mais à l’intérieur du pays. Chez les autres, cela ne représente pas grand-chose. Selon moi, si ondemandeauxOmanaisdedéfinirleurappartenance,lesibaditesvontrépondrequ’ilssontomanais,lessunnitesvontavanttoutrépondremusulmans»64.

Plus franchement encore, certains, conscients des choix politiques imposés parl’historiographieofficielleetde lanatureconstruitede l’identitéomanaisecontemporaine,enviennentàsedemandercequ’ilrestedecetteidentitésanslapersonneetl’institutiondusultan: «Levéritableproblèmeactuellement,c’estderépondreàlaquestion:“C’estquoi,Oman?”.Sijemets

decôtélesultan,quereste-t-ilcommecimentnational?Lepaysestcommeunemosaïque,commeunarchipel:lesBaloutchessontuneîle,lesDhofarisonttotalementisolésduNord,lesgensdel’intérieureux-mêmessontcoupésentrelaDâkhliyya,laCharqiyya…Etjemedemandecommentonpeutétablirundialogueentretoutescespopulations[…].Ici,onn’apasledroitdesedemandercommentserale

paysaprèsQabous,commentonvafairesanslui.Mêmelesautorités,ondirait,neseposentpascesquestions.Maislesgensveulentsavoir,jecrois!»65.

Cesparolessont révélatricesde l’inquiétudecroissantequigagne tous les secteursde lapopulation omanaise, qui prend conscience en même temps de l’importance prise parl’imagesymboliquedeQabouscommefigurepaternellesécurisanteetdu faitquecelle-cin’estpaséternelleetque,tôtoutard,lesultanatvadevoirtracersaroutesanscette figureprotectrice.Danscecadre,laquestionduDhofarconstitueuncasparticulier,carledébats’ysituesurunautreplanqueceluidelasimplecoexistencedessentimentsnationaletinfra-nationaletdel’emboîtementduseconddanslepremier.Leparticularismedhofaris’appuieeneffetsur

64Entretien,1ermai2004.

65Entretien,4mai2004.

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lesouvenirtrèsprésentdelaguerreetsurlaperceptionlargementpartagéed’unprocessusde «colonialisme intérieur» par l’Etat –alors même que la province a connu undéveloppementéconomiqueetsocialsansprécédentdepuisunquartdesiècle.Beaucoupd’habitants se définissent comme «dhofari» et non comme «omanais», ou assimilentencore les touristes occidentaux, le gouvernement et les Britanniques, dans une mêmemanifestation palpable d’un ordre politique et social venu d’ailleurs. La question del’intégrationduDhofaràlanationomanaiserenvoieàuneproblématiquecentre/périphériequi ne se pose pas dans les mêmes termes pour les autres groupes. Si certaines tribusimplantéesàSalalahontprisplaceaucœurmêmede l’Etatcentral,avec l’octroidepansentiersdel’administrationlaissésaubonvouloirdeleursleaders,etsidenombreuxDhofaritirent orgueil d’être «représentés» à la tête même du pays –à travers l’ascendancematernelle du sultan–, ces deux éléments n’ont jamais été en mesure de masquer lesrevendications d’un particularisme dhofari dont on ne manque pas d’être fier. Biendavantageencorequepourlerestedupays, l’avènementdusuccesseurdusultanQabousconstituerauntestmajeurquantaurôlequeleshabitantsduDhofarsouhaitentjouer.Il n’en reste pas moins que la nation omanaise, telle que ses frontières physiques etdémographiquesl’ontdéfinieen1970,existebeletbienen2005.Lelangagedesidentitésinfra-étatiques ne se construit pas en opposition avec celui de la nation, mais encomplément. Ni les Omanais d’origine baloutche, ni les Omanais d’Afrique ni ceux del’intérieurn’exprimentunequelconquevolontéde sedémarquerd’Omanouderejeter lavaliditédececadrederéférences–bienaucontraire.Chacunrevendiqueuneplusgrandereconnaissancedesonappartenanceàl’entité«Oman»etchercheàrenforcersesproprespositions au cœur de l’Etat. S’engage ainsi une surenchère de la loyauté à l’égard de lanation,chacunfaisantgriefàl’Autredesonhistoireoudesonpassé,cequiluipermetderabaisseralorssonomanitéet,demanièresymétrique,derehausserlasiennepropreetdese déclarer plus omanais. De ce point de vue, l’unité nationale (al-wahda al-wataniyya)omanaisemodernenesetrouvepasaffaiblieparlesentimentd’appartenanceàungroupeinfra-national, comme le voudrait un éventuel principe de vases communicants, car iln’existe pas d’exclusion réciproque de l’une par l’autre. En allant plus loin, on pourraitmême avancer que la première bénéficie de l’existence du second, qui contribue àenraciner davantage la légitimité de la nation omanaise aux yeux des individus. Sil’expressiondecesidentitésparticulièressurlascènepubliquerecèleunemenace,c’estàl’encontre du système politique lui-même et de son mode de fonctionnement –unemonarchie entre les mains d’un seul homme, sans contre-pouvoir et sans possibilitéd’expressionalternative–,etnonducadresolidementétablidanslequelilsedéroule–lanation.Laquestionquinousparaîtfondamentalepourl’avenirdurégimeconcernefinalementlaplace réservée à l’élite politico-économique présente aux différents leviers du pouvoirdepuis1970,bénéficiaireaupremierchefdelarentepétrolièreetconcentrantsurelleunegrande partie des rancœurs des nouvelles classes moyennes et populaires à l’égard desautorités. Alors que le sultanQabous avait su dans un premier temps acheter sa loyauté,puis asseoir son autorité grâce à elle, la liberté de manœuvre du souverain s’estprogressivementréduiteaveclaconsolidationdespositionsqu’elleaacquises.Decepointdevue,lespolitiquesjumellesdeprivatisation–quiprofiteenprioritéauxgroupesdéjàenpositiondeforce–etd’omanisationdesemploisdusecteurprivé–quilesheurtedepleinfouet–représententdes indicateurs fiablesde laplacequ’occupecetteélite.Des secteursde plus en plus nombreux de la société, en particulier parmi les jeunes, refusent decautionnerlaperpétuationd’unsystèmequ’ilsconsidèrentcommen’étantplusd’actualité,

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et revendiquent d’être associés aux décisions politiques et économiques qui engagent lepays pour une nouvelle ère dans laquelle le pétrole occupera nécessairement une placebeaucoupplusrestreinte.Ilsneconsententplusàsevoirconsidéréscommepolitiquementmineurs,ni à abdiquer, comme leursparents, leur droit àparticiper audébatnational aunomd’unbien-êtresocio-économiquequin’estdetoutefaçonplusàl’ordredujour.An’enpasdouter,uncyclehistoriqueestentraindes’acheverenOman.C’estautraversde la jeunesse, aucœurdesévolutions socialeset économiques sur lesquellesnousnoussommes arrêtés ici, que le régimemis en place par le sultanQabous sera enmesure detrouverunnouveausouffleàl’oréedelapériodepleined’embûchesquis’annonce.

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Tableaux

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Tableau1Proportiondenationauxetd’expatriésdanslafonctionpubliqueomanaisedepuis1998,enmilliers

(horsforcesdesécuritéetdedéfense)

1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Nombredenationaux(endécembre)Soldedenationaux(parrapportàl’annéeprécédente)Tauxdenationaux(en%)

72,6

+2,1

68,4

77

+4,4

71,2

81,8

+4,8

74

87,2

+5,4

76,3

93,2

+6

78,6

99,1

+5,8

80,5

103,5

+4,4

81,6

Nombred’expatriés(endécembre)

33,6

31,2

28,7

27,2

25,4

24

23,4

TotalTauxdecroissanceannueltotal(en%)

106,2

2,5

108,2

1,9

110,5

2,1

114,4

3,5

118,6

3,7

123,1

3,7

126,9

3,2

Sources:calculsàpartirdechiffresdisponiblessurlesiteInternetduministèredel’Economie(http://www.moneoman.gov.om)

Tableau2Proportiondenationauxetd’expatriésdanslesecteurprivéetsurl’ensemble

dumarchédutravailomanaisdepuis2001,enmilliers(horsforcesdesécuritéetdedéfense)

Anciencomptage Nouveaucomptage

2001 2002 2003 2003 2004 septembre2005

NombredenationauxdanslesecteurprivéTauxdenationaux(en%)

60,5

10,2

65,9

10,7

74,8

11,4

74,8

15,5

87,1

17

95,4

18,7

Nombred’expatriésdanslesecteurprivéTauxd’expatriés(en%)

530

89,8

547,5

89,3

579,6

88,6

407

84,5

424,3

83

414,1

81,3

Totald’employésdusecteurprivé

590,5

613,4

654,4

481,8

511,4

509,5

Totaldelapopulationactivecivile(publiccivil+privé)Tauxglobald’omanisationdumarchédutravail(en%)

704,9

21

732

21,7

777,5

22,4

604,9

28,7

638,4

29,9

Sources :calculsàpartirdechiffresdisponiblessurlesiteInternetduministèredel’Economie(http://www.moneoman.gov.om)