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LA FACE CACHÉE DU SPORT

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Antoine GrynbaumJean-François Vilotte

LA FACE CACHÉE DU SPORT

Préface de Jo Wilfried Tsonga

Jean-Claude Gawsewitch Éditeur

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Tous droits réservés

© Éditions Jean-Claude Gawsewitch130 rue de Rivoli

75001 Pariswww.jcgawsewitch.com

ISBN : 978-2-35313-342-3

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À ma mère, la seule, l’unique, l’indispensable,À mes deux compagnons de route :

mon batteur préféré et mon hockeyeur adoréÀ mon coauteur, pour sa connaissance du monde sportif,

son expérience et les bons moments partagés.

Antoine Grynbaum

À Florent, Antoine et Alice,avec plein, plein, plein d’amour,

À Jean-François Lamour,qui m’a appris, que le geste éthique

est au moins aussi importantque le geste technique,

À Philippe Fages,pour son œil critique,

À mon coauteur, pour sa patience,ses points de vue

et sa passion pour le sport.

Jean-François Vilotte

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REMERCIEMENTS

Les auteurs tiennent à remercier :

Jean-François Lamour, ministre de la Jeunesse, desSports et de la Vie associative (2002-2007), Marie-George Buffet, ministre de la Jeunesse et des Sports(1997-2002), Roger Zabel, ancien présentateur d’émis-sions sportives sur TF1, Damien Ressiot, journaliste àL’Équipe, Pape Diouf, ancien président de l’OM, IsabelleDemongeot, joueuse de tennis française, PatriceDominguez, ancien DTN de la FFT, Jacques Laffite,ancien pilote français de F1, Jean-Paul Clémençon,directeur de cabinet d’Henri Sérandour au CNOSF(2001-2009), Nasser Sandjak, ancien sélectionneur del’équipe d’Algérie de football, Véronique Marta et toutesces personnes qui ont souhaité garder l’anonymat.

Jean-Claude Gawsewitch pour la confiance témoignée.

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SOMMAIRE

PRÉFACE de Jo Wilfried Tsonga ................................. 13

AVANT-PROPOS : Le sport français, état des lieux ..... 17

CHAPITRE 1Pourquoi nous irons à Londres… La France et les JO . 19

CHAPITRE 2Knysna, chronique d’un échec annoncé ...................... 43

CHAPITRE 3L’affaire Armstrong, ou les hésitations de la lutte antidopage 77

CHAPITRE 4Les paris sportifs, ou comment se méfier du « qui perd gagne » ! ............................................... 103

CHAPITRE 5Prost, Laffite, Jabouille, un autre temps ....................... 131

CHAPITRE 6L’accompagnement des athlètes de haut niveau et l’exemple Manaudou ............................................... 157

CHAPITRE 7

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Abus et débordements, les valeurs du sport, quelles valeurs ? .......................................................... 177

CHAPITRE 8Des stades, quels stades ? ............................................ 203

CONCLUSION : Pour un Grenelle du sport : le sport est un art auquel il faut redonner sa place par Jean-François Vilotte ............................................. 219

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PRÉFACE de Jo-Wilfried TSONGA

Mon histoire a débuté dans un petit village de laSarthe. Partagé entre école, football, pêche et tennis, jesuis parti très jeune de chez mes parents pour pour-suivre une aventure fabuleuse.

Ma formation et mon épanouissement, je les doisbien évidemment à mon travail et à une dose de talentmais aussi aux éducateurs locaux puis à l’excellencedes entraîneurs de cette grande école du sport qu’estl’INSEP, lieu qui à mon époque n’avait rien d’un insti-tut élitiste de l’État. Aujourd’hui l’INSEP a effectué satransformation et cette formation est enviée dans denombreux pays.

L’exposition médiatique du sport dans les médias estforte, mais l'économie du sport ou ses enjeux de santé

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publique ou d'éducation sont bien peu débattus.Aujourd’hui en France le sport en milieu scolaire et

universitaire est quasi inexistant et nous sommes bienloin de nos cousins nord-américains qui ont su dévelop-per les sports tels des entités sociales et économiques bé-néfiques à une grande partie de la population et pourl’immense bonheur de leurs millions de fans.

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La face cachée du sport

Les bénéfices du sport, avec modération, sur la santéne sont plus à prouver. Doit-on cependant se féliciterde nos quelques heures de sports hebdomadaires àl’école ? Le sport n’a pas sa réelle place en France etnous nous devons d’offrir à nos enfants les moyens deleurs réussites futures. Ces moyens sont bien évidem-ment financiers, structurels, éducatifs mais surtoutissus de la gestion étatique des grands projets.

Il nous faut développer cela pour envisager partici-per à l’organisation d’événements internationaux quisemblent nous échapper par manque de réalisme,d’ambitions ou d’infrastructures ; je pense notammentaux Jeux Olympiques.

La place du sportif en France est à bien des égardsambivalente. Le sport en France est une activité secon-daire qui s’affirme néanmoins par la réussite indivi-duelle de sportifs français à l’étranger ou reconnus parleurs pairs comme Tony Estanguet, Tony Parker ouTeddy Riner, voire collective par des clubs commeToulouse en rugby, Montpellier en handball.

La France, terre de sport, a besoin d’infrastructuressportives. Les grands équipements comme l’extensiondu stade de Roland Garros est une réelle nécessité afinde rester au contact de notre compétition au niveau

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Européen.Malgré l’engouement populaire et médiatique des

Internationaux de France à Roland Garros, il y a denombreux obstacles à leur développement. Les troisautres tournois du Grand Chelem que sont l’Opend’Australie, Wimbledon et l’US Open, bénéficient d’unréel avantage compétitif de par leurs infrastructures

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Préface

capables de mieux recevoir les fans, les joueurs et lagrande famille du tennis. La superficie du stade deRoland Garros reste la plus petite des tournois duGrand Chelem et malgré la volonté fédérale de se battrepour la construction de nouvelles structures, je peuxvoir qu’il y a beaucoup d’obstacles qui se dressent de-vant eux. Par ce développement, réside la condition sinequa non de l’avenir du tournoi et ainsi conserver l’excel-lence française sur la scène internationale du sport.

Dans une dimension éducative et sportive, le succèsde Roland Garros a des bénéfices directs sur la réussitede la formation de la Fédération Française de Tennis.Elle procure également des retombées économiques ettouristiques précieuses à Paris et à sa région.

Compte tenu de ces enjeux, il faut collectivementsurmonter ces difficultés et réussir avec la Fédérationce magnifique projet pour notre pays. Sans retard.

Je pose simplement par cette préface le regard d’unsportif en pleine carrière, auquel le sport a tout apportégrace à un environnement familial qui en a compris lesens et l'importance, grâce aux structures d'accompa-gnement publiques ou fédérales, et à un travail souventdur permettant de surmonter des périodes de doutes etde blessures. Le sport nécessite un vrai débat sur sa

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place et son rôle au sein de nos sociétés.Ce livre a donc le mérite de relater des faits, poser

des questions et d’ouvrir un débat. Les pistes de ré-flexions dans cet ouvrage sont bien évidemmentpropres aux auteurs mais c’est avant tout la méthodeque l’on se doit de mettre en avant afin de stimuler unélan vers nos futurs défis et challenges sportifs.

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AVANT-PROPOS

Le sport français, état des lieux

Regards croisés sur le sport, sur ses acteurs, sescoulisses.

Regard d’un journaliste qui a souhaité prendre letemps de revenir sur des histoires marquantes, parfoisméconnues, accompagnées de jeux de pouvoir.

Aller au-delà du résultat, de l’instant présent…Prendre du recul et comprendre les enjeux. Regardd’un acteur du sport français ayant eu la chance devivre quelques grands moments récents, de partici-per à certains d’entre eux, mais souhaitant sortir dela dictature du moment pour redonner un sens, tirerdes leçons, provisoires naturellement. Une passioncommune aux deux auteurs : le sport. Un regret :trop souvent l’instantané, la performance, le résultat

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sont mis en évidence, au détriment de la mise enperspective.

Paradoxalement, alors qu’il envahit les écrans, on neparle pratiquement jamais du SPORT. Comme s’iln’avait pas d’histoire, n’était qu’une suite d’histoires.Alors, de l’échec de la candidature de Paris pourl’organisation des Jeux olympiques de 2012 à l’affaire

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La face cachée du sport

Armstrong, de Knysna aux coulisses de la préparationdes sportifs, du Grand Prix de France de F1 à l’indis-pensable extension de Roland-Garros, des paris spor-tifs aux dérives individuelles ou collectives du sport,décryptages, récits, explications et, pour beaucoup, ladécouverte des coulisses.

Au final, un plaidoyer. Pour un sport redevenu unart, faisant vivre à ses pratiquants ou à ses spectateursles plus belles émotions ! Ouvrons donc le débat, pourqu’enfin il ne soit plus nécessaire d’aller… à Londres !

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CHAPITRE 1

Pourquoi nous irons à Londres… La France et les JO

Quelque chose de lassant…

Il y a comme une forme de répétition des situationsdans le temps. De vraies ambitions, la volonté de pro-mouvoir la France sur le devant de la scène internatio-nale, accompagnée de lobbying, et systématiquementle même résultat. Pour quelles raisons la France peine-t-elle à ce point dans la mise en avant de ses candida-tures ? Pourquoi avons-nous perdu face à Londres ?Face à Pékin ? Et Lille en 2004 ? Sans oublier Paris1992 et Annecy 2018… Barcelone, Athènes, Pékin,

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Londres, Pyeongchang (Corée du Sud), la répétitiondes situations est devenue pénible. 1992, 2004, 2008,2012, 2018… Tant d’échecs alors que notre savoir-faire est reconnu dans le monde entier. En 2003, laFrance a organisé les Championnats du monde d’athlé-tisme et plus récemment, il y a cinq ans, la Coupe dumonde de rugby, deux vrais succès à tous les niveaux.

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« Je ferai tout pour vous donner la Coupe du monde de football… »

Jacques Chirac, maire de Paris à l’époque, a la vo-lonté de faire coup double. Paris est cette ville qu’il amarquée de son empreinte, la terre de ses plus grandesvictoires électorales et qui apporte à la France unrayonnement exceptionnel. Offrir les Jeux à Paris en1992 et mettre la France au cœur de toutes les atten-tions internationales, géopolitiques, le pari semblecohérent.

Proche de Chirac, Jean-François Lamour a vécu cesmoments-là de l’intérieur pour la toute première fois,son témoignage permet de comprendre comment laFrance a obtenu la Coupe du Monde 98. « Il y a eu unrendez-vous houleux avec João Havelange [ancien pré-sident de la FIFA et membre du CIO]. Le Brésilienavait promis de voter pour Paris 1992 et finalements’était rétracté au profit de Barcelone, évidemmentpoussé par Samaranch, le président [catalan] du Comitéinternational olympique. À ce moment-là, Chirac envoulait énormément à Havelange de l’avoir “trahi”. Etdonc, à l’époque, la réunion du CIO ayant lieu à Berlin,il est allé dans la chambre du Brésilien pour lui dire ce

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qu’il pensait. Et c’est à ce moment-là qu’Havelange adit : “Puisque je comprends votre dépit et votre co-lère, je ferai tout pour vous donner la Coupe dumonde de football.” C’est donc comme ça qu’on a eule Mondial 1998. » Le rapport entre les Jeux olym-piques et une Coupe du monde ? À première vue, dif-ficile à imaginer, et pourtant…

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Pourquoi nous irons à Londres… La France et les JO

Chirac-Samaranch, des relations tendues

Une stratégie en deux temps. Paris 2008, ou la stra-tégie du donnant-donnant. L’objectif est clair : il s’agit,en 2008, de se positionner pour 2012. Décryptage. Àla fin des années 2000, la Chine va organiser ses Jeux.Pékin est un choix économique : plus d’un milliardd’habitants et des enjeux financiers exceptionnels pourle CIO. La victoire chinoise ne fait aucun doute. Àl’époque ministre des Sports au sein du gouvernementJospin, Marie-George Buffet avait appris la candidatureparisienne de bien curieuse manière. « Un matin, j’en-tends à la radio que nous sommes candidats. Je télé-phone, furieuse, à feu mon ami Henri Sérandour, an-cien président du CNOSF [Comité national olympiqueet sportif français] en lui disant : “Quand même, com-ment tu as pu faire ça sans prévenir le ministère !” Là, ilme dit : “Marie-George, je découvre comme toi aussicette candidature !” Tout cela s’était réglé dans un en-tretien entre le président de la République, M. Chirac,et le président du CIO, M. Samaranch. » Son successeur,Jean-François Lamour, apporte quelques précisions :« Il y a eu des discussions extrêmement animées entreeux, mais pas une rencontre plutôt qu’une autre.Jacques Chirac était extrêmement fâché que Samaranch

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ait promu la candidature de Barcelone, après avoirlaissé entendre que Paris pouvait obtenir les JO en1992. Paradoxalement, il n’y a jamais eu d’ententeentre Chirac et Samaranch, même si ensuite le prési-dent a passé l’éponge, mais on ne peut vraiment pasdire que ça a été l’amour fou. » Paris 2008, ou la vo-lonté d’un homme, selon l’ancien champion olympique

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d’escrime. « Pour avoir été au cabinet du présidentChirac à ce moment-là, voilà ce qui s’est exactementpassé. Jean Tibéri était totalement déterminé à porterune candidature. On avait beau lui expliquer que ce se-rait le tour de Pékin, il voulait mordicus avoir une can-didature. Il est venu s’en ouvrir au président, qui lui adit : “Si tu veux y aller, tu y vas. C’est toi le maire deParis.” Tibéri, qui ne connaissait évidemment pasSamaranch, a laissé le soin à Jacques Chirac d’annoncerla candidature de Paris à Samaranch. Donc le présidentm’a demandé de lui trouver le lieu où se trouvait leCatalan. Il y avait justement une session du CIO en Asie,donc on a calé un rendez-vous en tenant compte du dé-calage horaire. Le matin, le président appelle Samaranchsimplement pour l’informer de la candidature, et l’Espa-gnol, ne tenant pas sa langue, a immédiatement donnél’information aux journalistes, laissant entendre quec’était Chirac qui lui avait annoncé. Tibéri était d’ailleursfou de rage. C’était évidemment son initiative et il en avoulu un peu à Chirac qui n’y était pour rien. Sinon, queMme Buffet n’ait pas été informée plus que cela, c’est pos-sible, il n’y avait pas de raison que Jean Tibéri la tienneau courant, alors que c’était un gouvernement de coha-bitation à l’époque. »

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La lutte antidopage, point de friction acte 1

La lutte antidopage encore et toujours, véritablecombat franco-français quand d’autres voient d’abordoù sont leurs intérêts. Dès les années 1960, la France

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est déjà en première ligne et met en place les premièreslégislations nationales de lutte. Avant-gardiste et s’ins-crivant dans le temps, donnant l’impression que laFrance a toujours été à la pointe de la lutte antidopage.Voire un peu « donneuse de leçons ». Des élémentsqui ont fragilisé nos différentes candidatures. Mais si laFrance n’avait pas tenu à ses principes, la lutte contrele dopage aurait été beaucoup moins efficace. L’harmo-nisation internationale s’est faite vers le haut, notam-ment grâce aux prises de positions françaises. LesChampionnats du monde d’athlétisme organisés àSaint-Denis, en 2003, sont un exemple des difficultésrencontrées, avec de vrais conflits entre la Fédérationinternationale d’athlétisme, l’IAAF, et les autorités fran-çaises. À l’époque, le Conseil de prévention et de luttecontre le dopage (CPLD) soutenait une thèse : à partirdu moment où l’épreuve se déroule sur le sol français,priorité au droit français, quels que soient les règle-ments internationaux ! À l’arrivée, un accord avait puêtre trouvé, politique, entre Lamine Diack, le présidentde la Fédération internationale, Michel Boyon, le prési-dent du CPLD, et Jean-François Lamour, le ministredes Sports. Un accord bricolé, permettant d’appliquerles règlements internationaux sans écarter pour autantle CPLD de la lutte contre le dopage. C’était le dernier

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accord « ficelable », de manière quasi artisanale.Ouvrons une petite parenthèse, histoire de mieux

comprendre la suite. En 2001, le choix de Pékin repo-sait certes sur des critères géopolitiques et financiers,mais pas seulement. La question du dopage était unpoint de rupture. La législation française semblait tropdure, répressive. La volonté du mouvement sportif

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international de lutter contre ce fléau n’était pas encorevraiment affirmée. Un bras de fer s’est donc engagé.Marie-George Buffet se souvient. « Je pense que ça a pujouer, puisque, pendant l’audition de la délégationfrançaise, la question a été posée plusieurs fois à LionelJospin, Premier ministre. Est-ce qu’en cas d’obtentiondes Jeux la France appliquerait les règles internatio-nales de lutte contre le dopage (plus laxistes) et met-trait sa loi en conformité ? Cette question avait déjà étéposée au tout début de la candidature, lorsque la délé-gation du CIO était venue à Paris. On nous avait de-mandé d’écrire à Verbruggen, président de l’UCI etmembre influent du CIO, qu’on se mettrait en confor-mité. Je lui avais dit, je lui avais écrit dans ce courrier,qui a fait l’objet d’une tension d’ailleurs, qu’on appli-querait les règles existantes à partir du moment où il yaurait la volonté d’internationaliser la lutte avec la créa-tion de l’Agence mondiale antidopage (AMA). On nousdemandait de faire bouger la législation française, quiétait très forte, pour l’affaiblir. J’étais prête à le faire, sil’AMA était mise en place. » Buffet-Verbruggen, trois ansaprès l’affaire Festina. Une relation orageuse. L’anciennecandidate à la présidentielle 2007 confirme : « Àl’époque, l’UCI freinait des deux pieds sur la lutte anti-dopage. Ils nous accusaient d’avoir ciblé le cyclisme. Les

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rapports entre moi, ministre des Sports, et M. Verbrug-gen président de l’UCI, n’étaient pas bons. »

Ancien directeur de cabinet d’Henri Sérandour,Jean-Paul Clémençon a vécu de près le combat menépar la ministre, qui touchait tous les secteurs, pas uni-quement professionnels. Un combat éthique. « C’estvrai que Marie-George Buffet avait pris des positions

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fortes. On savait qu’un phénomène assez catastro-phique se développait. Des jeunes étaient capables deprendre des produits tout à fait détonants pour amélio-rer leurs performances. Donc une loi a été promulguéepour lutter contre le dopage. À l’époque, la France étaiten avance, il n’y avait pas encore les dispositionsconcernant l’AMA. Tout le monde pensait alors queseules les personnes qui avaient de l’argent étaientconcernées par le dopage, le très haut niveau. Des nu-méros verts avaient été mis en place, et des jeunes ap-pelaient de manière anonyme pour essayer de com-prendre ce qu’ils encouraient avec les produits qu’ilsprenaient. Ça a permis de prendre conscience dugrand danger pour la santé de tous. »

Retour à Paris 2008, avec un homme qui avait tenu àapporter son soutien. « Zidane était là, il attirait beau-coup de monde. Les gens cherchaient à se faire photo-graphier avec Zizou, qui avait d’ailleurs fait une belleprésentation », ajoute l’ancien collaborateur d’HenriSérandour. Mais la notoriété de l’un des plus grandsfootballeurs de l’histoire ne suffira pas. À Moscou, lesderniers échos sont pourtant plutôt positifs, selon Marie-George Buffet. « Les jours qui ont précédé l’annonce dela ville hôte, il y avait une forte mobilisation dans la dé-légation française. Les sportifs étaient présents. En re-

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vanche, j’ai le souvenir d’un moment un peu étonnant.Je devais répondre en direct de Moscou, je crois quec’était aux 4 Vérités [France 2], et donc je n’ai pas puparticiper à la dernière réunion de délégation. Etlorsque je suis revenue, on m’a dit que certainsmembres du comité de candidature, je ne sais paslesquels, avaient proposé que je ne sois pas trop visible

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dans la salle d’audition des délégations parce que jesymbolisais la lutte contre le dopage. Le Premier mi-nistre n’a pas accepté et j’étais derrière lui pendanttoute l’audition qui s’est d’ailleurs bien passée. La qua-lité des propos, de la présentation, des réponses duPremier ministre était bonne. Quand nous sommessortis de la salle, on était plutôt dans un sentiment quec’était possible. Il n’y avait pas d’abattement parti-culier. » La déception sera grande. Voir à long terme.Paris 2012, nous voilà.

« Il faut que je m’occupe de tout »

Pour mieux comprendre ces nombreux échecs, il nefaut surtout pas oublier la relation historique qui unitles politiques et le mouvement sportif français. Petit re-tour en arrière. Depuis le fameux dessin de JacquesFaizant dans Le Figaro montrant le général de Gaulleen survêtement et déclarant après le fiasco des athlètesfrançais à Rome, en 1960 : « Il faut que je m’occupe detout ! », la France a toujours eu un rapport très parti-culier au sport : une sorte d’interventionnisme de l’Étatqui est en porte-à-faux avec l’idée et la revendication

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d’autonomie du mouvement sportif, portée haut et fortpar le CIO. Cette relation est inscrite dans notre his-toire, notamment lors des périodes les plus sombres denotre pays : c’est difficile à imaginer, mais un grandnombre d’institutions sportives françaises ont étécréées sous le régime de Vichy… dont certains établis-sements qui deviendront les Creps (centres d’éduca-

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tion populaire et de sport). La tutelle juridique de l’Étatsur le mouvement sportif date aussi de cette sombreépoque. Le modèle a bien sûr évolué considérable-ment. Mais la place de l’État et des collectivités localesdemeure importante. Le CIO avait-il tort de craindreune ingérence politique remettant en cause sa main-mise sur l’un des plus grands événements au monde ?Un mouvement sportif manquant d’indépendance ? Aufait, et en Chine, qu’en est-il de l’ingérence du poli-tique dans le sportif ? Pékin 2008 : deux poids, deuxmesures.

À deux voix, deux petites voix… à faire changer de camp

Le nom de cette ville restera dans les mémoires,longtemps, très longtemps. Singapour, synonyme del’échec d’un pays. Échec collectif. Sept ans plus tard, ilest toujours aussi difficile à digérer. Que peut-on endire aujourd’hui ? Avant de rentrer dans les détails, ilfaut se souvenir d’une chose capitale, indispensable : lavictoire a tenu à peu de choses. Deux votes, deux per-sonnes, c’est presque rien et tant à la fois. Les explica-

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tions ont été nombreuses à l’époque. Leçon de lobbyingdonnée par les Anglais, manque de professionnalisme.Il y en a d’autres.

Tout avait bien démarré, mis en place avec intelli-gence. Au service des Jeux, tous ensemble… Un comitéde candidature travaillant en complémentarité malgréles différences politiques. Le maire de Paris, Bertrand

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La face cachée du sport

Delanoë, d’un côté, de l’autre Jean-François Lamour,ministre des Sports à l’époque. Des frictions politiquesà certains moments évidemment, mais des décisionsprises chaque fois à l’unanimité et une véritable cohé-sion avant que le climat ne se détériore… Lamour sesouvient de derniers mois difficiles. « La défaite, on l’amalheureusement vue venir à partir de mars 2005,lorsque le CIO, avec Nawal El Moutawakel et sa délé-gation, est venu visiter les sites parisiens. Malgré unegrève générale, tout s’est passé le plus correctementpossible. Mais à partir de ce moment-là, comme tout lemonde est persuadé que Paris va gagner, c’est un peuchacun pour soi. Le maire de Paris va faire équipe avecArnaud Lagardère pour récolter les fruits de cette vic-toire. Il nous fournit un film de Luc Besson totalementen décalage avec ce que devait être un film montrant ledynamisme de Paris et de la métropole parisienne.Chacun travaillait un peu dans son coin, il n’y avait pasde réelle unité. Puis en face, surtout, car il ne faut pasparler que de nous, mais aussi de nos adversaires, onavait une équipe londonienne qui, après avoir vécul’enfer un an et demi avant, et un changement de direc-teur avec Sebastian Coe, était hypermotivée et dansune tendance à la hausse. Cela s’est joué à quelquesvoix. Certains disent que c’est Blair qui a fait tout le tra-

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vail, il ne faut pas exagérer. Il y avait une tendance quiétait très à la hausse pour Londres et puis, malheureu-sement, un peu à la baisse pour Paris, et ça a fait la dif-férence. C’était déjà joué avant. L’inversion descourbes, c’est un peu comme en politique, a eu lieu unmois avant. » Mais pour l’essentiel ce fut politiquementune candidature consensuelle.

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Pourquoi nous irons à Londres… La France et les JO

Ce n’est pas tout. Pour se mettre en valeur, défendreson projet, le relationnel avec les membres du CIO estcapital. Pour compenser la sous-représentation dumouvement sportif français à l’international, et notam-ment au CIO, le comité s’est appuyé, en internecomme en externe, sur des lobbyistes… Mais le lob-bying, lorsqu’il n’est pas adossé à une présence per-manente, constante, suffisante, à l’international, celane marche pas ! Le lobbying, c’est bien souvent du« donnant-donnant » : si tu votes pour moi, que pourrai-je t’apporter en retour ? Un soutien du mouvementsportif français ? Un vote au sein du CIO si ton paysdevient candidat à l’organisation de quelque chose ?Comment puis-je t’aider à développer telle infrastruc-ture, tel savoir-faire ou encore telle technique d’entraî-nement ? Or ce type d’engagement ne peut être prispar un lobbyiste, il doit l’être par un membre du milieuconnaissant parfaitement les instances, les codes, et quiest reconnu par ses pairs. Il faut être là, le momentvenu, pour tenir une promesse ! Côté français, le vrailobbying, pas celui qui est externalisable, a été négligé.Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir été rappelé àl’ordre par les sportifs présents dans le comité : Killy,Drut ou Lamour. Mais, visiblement, on ne corrige pasles errements du passé d’un claquement de doigts. Cela

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n’a pas été suffisamment intégré. Dans la technique decandidature, Paris 2012 a péché par superficialité etpar amateurisme en ce qui concerne le lobbying.

Souvenirs. Le comité avait demandé aux lobbyistesun décompte objectif concernant les votes desmembres du CIO. Plusieurs hypothèses étaient envisa-gées : ceux qui étaient pour ou contre la candidature

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française, les abstentionnistes, ou encore ceux qu’il res-tait à convaincre dans les derniers jours du scrutin. Àl’arrivée, les chiffres donnés étaient très approximatifs.Or si vous allez voir un membre du CIO sans passerd’engagement – il n’est pas question de corruption,mais de deal politique –, si vous vous contentez deprendre rendez-vous pour lui demander s’il voterapour vous, il y a de fortes chances qu’il réponde oui…et que son bulletin aille chez le concurrent. Enfin,comment mettre de côté les problèmes judiciaires ren-contrés par Guy Drut et Henri Sérandour quelquessemaines avant l’annonce de la ville hôte ? Amnistiéensuite, Drut a dû se mettre en retrait pour ne pasgêner la candidature. Il n’a pas joué le rôle qu’il auraitdû avoir, et la France a été privée d’un superbe atout.De plus, des rumeurs couraient à l’époque sur Séran-dour. À la suite d’un rapport de la Cour des comptes,l’ancien président du CNOSF sera renvoyé en correc-tionnel. Le renvoi se fera après Singapour. Mais cesdeux affaires instrumentalisées ont été néfastes.

Ola Madrid 2012 !

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Cette méconnaissance des arcanes du CIO s’est tra-duite par un fait très significatif : nul n’a apprécié à sajuste mesure la force et la capacité d’influence de l’an-cien président du CIO, Juan Antonio Samaranch, et deson fils, au profit de la candidature madrilène. L’avisétait unanime et faisait rire absolument tout le monde.Comment voulez-vous qu’un Barcelonais soutienne