[DOSSIER ENSEIGNANT] GRAOUILLYLe manuscrit de l’an 848, conservé à la Bibliothèque Municipale...

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Sommaire I. Ceux qui ont retranscrit la légende : les sources ......................................................................................... 2 II. L’origine du nom du dragon messin ...................................................................................................... 4 III. Les survivances de la légende dans la toponymie messine ..................................................................... 5 IV. L’image du Graoully aujourd’hui.......................................................................................................... 6 V. Les cousins du monstre messin ............................................................................................................. 7 VI. Grands Serpents et Dragons .................................................................................................................. 8 VII. Religion, paganisme et folklore .......................................................................................................... 10 VIII. Entre légende et réalité…. .................................................................................................................. 11 IX. Mythe et rite....................................................................................................................................... 12 X. Le héros fondateur.............................................................................................................................. 13 [DOSSIER ENSEIGNANT] GRAOUILLY [Marie-Pierre GAMA . Conseillère Pédagogique Départementale . Inspection Académique de la Moselle] Mis à jour en janvier 2010

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  • Sommaire I. Ceux qui ont retranscrit la légende : les sources ......................................................................................... 2 II. L’origine du nom du dragon messin ...................................................................................................... 4 III. Les survivances de la légende dans la toponymie messine ..................................................................... 5 IV. L’image du Graoully aujourd’hui .......................................................................................................... 6 V. Les cousins du monstre messin ............................................................................................................. 7 VI. Grands Serpents et Dragons .................................................................................................................. 8 VII. Religion, paganisme et folklore .......................................................................................................... 10 VIII. Entre légende et réalité…. .................................................................................................................. 11 IX. Mythe et rite ....................................................................................................................................... 12 X. Le héros fondateur.............................................................................................................................. 13

    [DOSSIER ENSEIGNANT]

    GRAOUILLY

    [Marie-Pierre GAMA . Conseillère Pédagogique Départementale . Inspection Académique de la Moselle]

    Mis à jour en janvier 2010

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    I. Ceux qui ont retranscrit la légende : les sources

    Grégoire de Tours Évêque de Tours, prélat et historien français

    Grégoire de Tours écrivit vers l’an 575 l’Histoire des Francs dans laquelle

    il développe une chronique des évêques. Selon lui, Saint Clément avait

    choisi de s’établir en un endroit « où nul serpent ne peut demeurer ».

    Paul Diacre Moine et savant déporté à Metz ou à Thionville en 775

    Entre 782 et 786, Diacre écrit le livre des évêques : Liber

    de Episcopis Mettensibus, manuscrit qui porte la première

    mention de la légende de Saint Clément et du grand

    serpent.

    Le manuscrit de l’an 848, conservé à la Bibliothèque Municipale de Metz, rend hommage à

    Saint Clément : on consulte sa copie depuis le XVIe siècle, l’original ayant disparu.

    Charles Abel, antiquaire, juriste et historien lorrain a publié en 1861 la

    transcription du manuscrit de 848. Le musée de Gorze possède une copie

    enluminée de ce manuscrit, réalisée par J.P. Cancel

    La Vie des Saints, réalisé en partie dès 1303, est consacré à Saint Clément. Il réserve trois

    folio au Graouilly.

    Manuscrit 5227 de la Bibliothèque de l’Arsenal de Paris, La vie des Saints a été

    traduit en français contemporain par Claude Serpieri et publié aux éditions Serge

    Domini sous le titre « Images et légende du fameux dragon de Metz ».

    Ce sceau de la ville de Metz, datant du XIVe siècle représente Saint

    Etienne, saint patron de la cathédrale, et Saint Clément, premier

    évêque de la ville ; le dragon est à côté de lui.

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    Philippe de Vigneulles (1471 - 1522)

    Ce chaussetier et drapier messin est à l’origine de chroniques très fournies. On les consulte

    surtout pour connaître la vie quotidienne des messins au Moyen Age.

    François Rabelais (148? - 1553)

    L’écrivain humaniste séjourna à Metz en tant que médecin entre 1545 et 1547. Il contribua à

    la notoriété de la bête par un passage qu’il écrivit dans son Quart Livre»

    « C’était une effigie monstrueuse, ridicule, hideuse et terrible aulx petits enfants, ayant les oeilx plus grands que le ventre et la teste plus grosse que tout le reste du corps avecques amples, larges et horrificques machouëres bien endentelées tant au dessus comme au dessoubs ; lesquelles avec l’engin d’une petite chorde cachée dedans le baton doré, l’on faisait terrifiquement cliqueter..»

    Le Journal des Evêques Lorrains de 1763 nous indique que la bête était fabriquée de toile

    remplie de foin et haute de douze pieds.

    Dans l’Histoire de Metz écrite en 1769 par les moines bénédictins on relève ce passage :

    « Il n’y a pas si longtemps que les enfants, le dernier jour des rogations le fouettaient dans la cour de l’abbaye St Arnould qui est la dernière station », relatant ainsi un épisode de la procession religieuse qui se déroulait avec en tête de cortège une reproduction de la bête . »

    Dès 1470, la légende du Graouilly devint une pièce

    de théâtre et Saint Clément le héros d’un mystère1.

    Le document du Mistère de Saint Clément, sauvé

    en 1779 a été acquis sous l’empire par la ville de

    Metz. Ce mystère a été représenté en 1470 dans la

    ville.

    Il a inspiré Auguste Karl Migette peintre et

    professeur de dessin lorrain (1802-1904), qui a

    réalisé une toile sur le sujet.

    Effigie du Graoully exhibée dans les rues de Metz

    lors de la procession des rogations (voir page 10)

    1 Le mystère ou mistère (du latin médiéval misterium, cérémonie), est un genre théâtral apparu au XVe siècle. Par une succession de tableaux animés et dialogués, un public très large assité à ces représentations qui mettaient

    en œuvre des histoires et des légendes dont l'imagination et la croyance populaires s'étaient nourries.

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    II. L’origine du nom du dragon messin

    L’orthographe du nom du monstre est fluctuante au fil du

    temps. Étymologiquement, le terme semble issu de la

    contraction du mot français gargouille et du mot allemand

    GROEULICH qui signifie abominable, affreux.

    Mais peut-être aussi :

    - du mot GRAUS en moyen et haut allemand signifiant

    sinistre, affreux.

    - du terme GRAULA (XIVe) désignant en roman la

    corneille, oiseau noir de mauvais augure

    - de celui de GRAULUS signifiant forme hideuse

    (peut-être à l’origine des mots graveleux et gravelure)

    - de GRAUSAM (autrement dit saturne, dieu cronique

    représenté par un serpent ailé)

    Ou bien encore, il pourrait être issu du verbe

    GROUILLER en référence aux serpents qui peuplaient

    l’amphithéâtre abandonné

    On retrouve au fil des textes des :

    GROWELIN (1546)

    GRAULIN (1570)

    GRAULÏN (1571)

    GROLLY (1694)

    GROLLY (1697)

    GROUVELLIN (1751)

    GRAULIN (1751)

    GRAOULLY (1864)

    Et d’autres transcriptions, d’autres origines possibles…

    GROULLI - KROULIK (d’origine flamande)

    GRAWLI - GRAOULLI - GRAULI

    GRAOUILLY (d’origine celtique, signifie cruel)

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    III. Les survivances de la légende dans la toponymie messine

    La rue Taison

    Au Moyen Age, on la nommait rue « Statio » ou « Staisonrue », rue de la station car située

    exactement au croisement commercial de l’axe Nord Sud (Lyon Trèves), Est Ouest (Reims,

    Strasbourg). Au XIIe siècle, l’endroit s’appelait précisément « Instationnisria ».

    La légende raconte que ce nom serait en rapport avec les murmures de la foule que l’on

    entendait

    - soit lors de l’arrivée de Saint Clément à Metz : la population, terrorisée par le dragon

    s’imposait et imposait le silence dans la ville. Le seul murmure que l’on entendait était

    « Taisons nous… » ;

    - soit lorsque le Saint eut terrassé la bête, la foule enthousiaste se mit à pousser des vivat et

    Clément lui aurait enjoint de se taire, car « il faut rester humble en toute circonstance… ».

    Le quartier de Queuleu

    Lorsque le Saint eut passé son étole au cou de la bête, il la mena vers la Seille. La foule le

    suivait à la queue leu leu ... Cet épisode aurait contribué à baptiser l’endroit.

    La toiture de la gare de Metz

    Lors de sa construction en 1905, les ouvriers auraient mis au jour un nombre considérable

    d’écailles d’un vert vif, soi-disant celles du légendaire Graouilly. Ils en recouvrirent le

    bâtiment qui possède depuis cette extraordinaire couverture verte.

    La porte Serpenoise

    Si elle met aujourd’hui la ville en communication directe avec la gare, elle conduit aussi au

    quartier du Sablon, renommé par le passé pour ses cultures maraîchères et qui prit son

    importance sous la domination romaine.

    Cette porte signale l’ancienne voie romaine, voie principale de l’ancien Divodurum qui

    aboutissait à Scarpone (ville aujourd’hui détruite située vis à vis de Dieulouard). La rue

    actuelle a été formée de la rue du même nom et des rues de la Vieille-Boucherie et du Porte-

    Enseigne par arrêté municipal du 15/7/1852.

    Le monument porte les inscriptions suivantes :

    Porte Serpenoise détruite en 1561, rétablie en 1851 9 avril 1473

    A la porte Serpenoise Metz surprise par l’ennemi

    Est sauvée par le boulanger Harel 28 novembre 1552

    Près de la porte Serpenoise

    Principale attaque de Charles Quint

    Repoussée par le duc de Guise

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    Toujours selon la légende, le troyen Serpanus, compagnon du chef troyen qui colonisa la

    Gaule, fit agrandir la muraille d’enceinte de la ville et construisit cette porte. Elle devint porte

    Serpanus, puis porte Serpenoise en référence au grand dragon de Saint Clément, car c’est par

    cette porte qu’il fit passer la bête pour la mener depuis l’amphithéâtre romain du Sablon vers

    la Seille.

    L’empreinte des genoux du saint

    La légende veut qu’en se rendant à Metz, le Saint se serait arrêté à Ancy-sur-Moselle pour

    prier. On montre sur les hauteurs de la Croix Saint Clément une pierre grise où sont creusées

    deux cavités réputées pour être la marque de ses genoux. Le musée de Gorze organise chaque

    année des veillées contes autour du thème, des visites guidées et des activités pour enfants

    sous forme de jeux en été. Un restaurant nommé « Le Graouilly » est ouvert dans le village.

    IV. L’image du Graoully aujourd’hui

    Le dernier « spécimen de Graouilly » est exposé dans la crypte de la cathédrale de Metz et

    appartient à son trésor. Il est fait de cuir bouilli et de toile peinte tendus sur des cerceaux

    d’osier. Il date de 1769 et a été restauré en 1864. Il est en tout point conforme à la description

    que les moines bénédictins en ont faite en 1769. Par ailleurs, le musée de la ville de Metz

    possède une aile de dragon en toile.

    1.

    2.

    3 .

    Le trésor de la cathédrale de Metz possède cette reproduction

    de la bête (1).

    Il figure sur le blason de la ville de Woippy (2) et de sa

    société d’histoire (3).

    Le football club de Metz en a fait sa mascotte (4).

    4.

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    V. Les cousins du monstre messin

    La Grandgoule à Poitiers

    La Chair Salée à Troyes La Gargouille de Rouen

    Et aussi :

    la Lézarde à Provins

    la Galipote en Poitou

    le Drac à Beaucaire

    le Sarpant dans l’île de Batz

    la Coulobre à Bagnols sur Cèze

    la Kraulla à Reims

    la Bête Ro à Aytre

    le Basilic dans la Vienne La Tarasque à Tarascon

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    VI. Grands Serpents et Dragons

    Une gueule terrible, ramassée, une langue bifide, un cou

    puissant formant un coude, une longue queue, des pattes

    trapues et griffues, des ailes de chauve souris, des pustules

    alignées tout le long de la colonne vertébrale et crachant le

    feu.

    Telle est la description du serpent-dragon de Metz, selon

    les critères de la mode en vogue chez les dragons au cours

    du Moyen Age et les descriptions des dragonologues

    d’aujourd’hui.

    Le terme dragon, qui est issu du mot grec Drâkon

    signifiant serpent, apparaît dans les textes d’Homère.

    Dans les textes latins, on le retrouve en Draco et en

    Dragon en ancien français dans la chanson de Roland.

    Le Petit Larousse en donne la définition suivante :

    animal fabuleux représenté avec des griffes de lion, des

    ailes et une queue de serpent

    La plus ancienne représentation de la bête a été retrouvée en Chine dans un tombeau, elle

    aurait environ 6000 ans.

    C’est un animal hybride : aquatique par son corps de forme allongée et recouvert d’écailles

    comme celles du poisson, chthonien par son appartenance au monde souterrain, celui des

    serpents, et aérien par ses ailes.

    Souvent, ses yeux sont dépourvus de paupières, comme ceux de la déesse Athéna, la sagesse

    qui doit demeurer constamment en éveil. D’ailleurs, on ne le regarde pas droit dans les yeux

    sous peine de paralysie immédiate. Son haleine est pestilentielle et son appétit de chair

    humaine pantagruélique.

    Selon les cultures, il incarne le beau ou le laid, le bien ou le mal, le paganisme ou la foi, la

    mort et la dévastation par opposition à la vie et à la fertilité (le venin mortel peut servir de

    remède).

    Dans les textes anciens, on prête des vertus spécifiques à chaque partie de la bête :

    Le cœur permet de comprendre le langage des animaux

    Le sang répandu sur la peau d’un homme le rend invulnérable

    Les dents protègent de tous les maléfices

    La graisse qui enrobe le cœur permet de gagner tous les procès

    Les yeux fournissent un onguent qui rend les hommes courageux

    Dans la tête se trouve une pierre magique, perle d’abondance

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    Quelques soient ses caractéristiques physiques et sa domiciliation, sa constante reste la

    puissance : il crache le feu, signe de puissance tellurique ou infernale.

    Le dragon est un médiateur qui possède en termes structuraux la fonction d’établir une

    multiplicité à partir de sa propre unité hétérogène : de ce fait, il joue pour la domination du

    cosmos et il perd la partie. Mais justement, parce qu’il la perd, le devenir du cosmos ne sera

    pas nécessairement chaotique. Ainsi, l’ordre viendra des cieux et non point de la terre.

    Dans la Grèce antique, sa fonction essentielle est de garder les trésors (Toison d’Or, Jardin

    des Hespérides). En orient il est auréolé de vertus bénéfiques et porte une perle, signe

    d’immortalité. En occident le dragon a une réputation maléfique.

    Le héros, lorsqu’il affronte le dragon doit :

    - s’emparer du trésor ; - débarrasser la cité de la bête ; - protéger un homme ou plus généralement une princesse.

    Le dragon, c’est aussi :

    un gardien vigilant et farouche ou même une personne d’une vertu austère : un

    dragon de vertu

    un soldat d’un corps de cavalerie aujourd’hui disparu du XVIe régiment à pied ou à cheval

    (depuis 1945, les missions des dragons ont été reprises par certains régiments blindés)

    une constellation boréale située près du pôle nord

    un nom de rue à Paris, à Saint germain des Prés

    une sorte de chauve-souris des îles de la Sonde et de la Malaisie

    un petit canon utilisé au XVIe siècle

    un navire : le drakkar qui signifie dragon chez les Vikings : c’est le bateau

    sur lequel les navigateurs fixaient une tête de dragon pour éloigner les

    mauvais esprits cachés dans les flots. Ils ôtaient cette tête sitôt à terre pour ne

    pas effrayer la population

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    VII. Religion, paganisme et folklore

    Traditionnellement, le jour des Rogations, le 25 avril, on menait une procession qui s’étendait

    sur deux kilomètres et comprenait la visite de huit églises.

    Dans la seconde moitié du XIe siècle, l’évêque

    Hermann fit ouvrir le tombeau de Saint Clément. Cet

    événement ayant eu lieu un 2 mai, c’est ce jour dont

    s’empara le folklore religieux de la ville pour faire

    revire Clément et le dragon … et transformer les

    rogations en manifestation de toute autre nature.

    Pour le peuple, le rapport entre dragon et religion

    n’est pas très évident. Les relations entre folklore et

    culture ecclésiastique sont complexes (le

    christianisme associe le dragon au serpent originel).

    En tête de la procession, une bannière abordait l’effigie du dragon, son rôle étant de conjurer

    peste, guerre et famines, toutes pourvoyeuses et dévoreuses de chair humaine.

    Lors de cette procession, la coutume imposait de :

    - bourrer la gueule du monstre de petits pains : ainsi rassasié, il y avait de fortes chances qu’il

    laisse en vie la population et ne détruise pas les moissons. En le nourrissant, on cherche à

    absorber son appétit glouton et sa voracité. En fait, cette offrande de petits pains constituait

    une rétribution (un pain d’une demi-livre donné par chaque boulanger sur le parcours de la

    procession) accordée au maire et aux justiciers (échevins nommés par le Chapitre) de la ville

    de Woippy. Ceux ci étaient tenus de porter dans les processions des Rogations trois bannières

    rouges dont l’une était surmontée d’une tête de dragon ;

    - faire escorter l’effigie par six vigoureux manants bien embastionnés et suivis d’un prêtre

    portant l’étole pour garrotter l’animal si d’aventure il voulait se jeter sur la population ;

    - vêtir une jeune fille de blanc, symbolisant la pureté, et de la faire accompagner le cortège.

    Par la suite, ses mâchoires sont devenues fixes (au XVIIe siècle). Puis, à la veille de la

    Révolution, le débordement des sens qui accompagnait l’événement servit de prétexte à la

    suppression de la procession du Graoully (en 1786).

    Une dernière tentative a été faite en 1850, elle tenait plutôt du défilé de carnaval que d’une

    procession religieuse.

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    VIII. Entre légende et réalité….

    Les fouilles de l’amphithéâtre romain

    Réalisées en 1903 à l’occasion de la construction

    de l’ancienne gare de marchandises de Metz

    (actuellement, entre le site des Arènes et du Centre

    Pompidou-Metz), elles sont venues confirmer la

    présence d’une église dans le sous-sol de l’ancien

    amphithéâtre romain. Cet ecclesia maior, datant de

    l’an 280 environ se situait hors des murs de la cité

    comme le voulait la coutume.

    Construite avec des matériaux de récupération

    romains, cette église authentifierait la vie du saint.

    Des inscriptions chrétiennes du IVe siècle, découvertes à Metz comme à Trèves, même si elles

    sont les seules trouvées, confirmeraient la théorie selon laquelle St Clément aurait édifié cette

    chapelle après l’abandon des jeux dans l’amphithéâtre.

    L’amphithéâtre romain était à cette époque abandonné et en partie détruit, probablement par

    les Francs vers l’an 253. La présence de reptiles dans ces anciennes arènes est d’ailleurs fort

    plausible.

    Le christianisme et les jeux romains

    Les romains divisaient le temps d’activité de la population en deux parties :

    Otium = temps consacré à des activités de pur plaisir dont font partie les jeux1

    jeux de l’amphithéâtre (gladiateurs) - jeux scéniques : le théâtre - sports et jeux de cirque

    Negotium = temps de la guerre et de la politique

    Au début du christianisme les pairs de l’église décrétèrent que le travestissement ordonné par

    toute représentation théâtrale constituait une injure à la forme humaine que dieu a créée à sa

    ressemblance. Assister à des jeux scéniques, c’était assister à la défiguration de l’icône

    humaine. Ainsi, la mise à mort des gladiateurs équivalait à la mort de l’image de dieu. Très

    vite le spectacle en général fut investi d’une nature maligne, prohibé et les comédiens

    excommuniés.

    De ce fait, le Graouilly-serpent (référence au péché originel, Satan ayant pris cette forme pour

    tenter Eve) qui niche dans l’amphithéâtre, lieu d’oisiveté et de plaisir (la maison du diable)

    devient la traduction légendaire et visuelle d’un discours théologique et catéchétique2.

    Le dragon, devenu le plus grand des serpents au Moyen Age a permis d’établir un lien entre le

    serpent de le genèse et le dragon de l’apocalypse, de rapprocher le début de l’ancien testament

    et la fin du nouveau. 1 À Rome au Ier siècle, 175 jours par an étaient dévolus aux jeux et surtout au théâtre 2 On pourrait mettre en parallèle l’histoire de ce lieu maudit avec celui de l’oratoire dédié à St Etienne. Situé à

    l’intérieur de la ville, il a été miraculeusement épargné par les Huns en 451. Cette marque divine lui valut de

    devenir le lieu d’implantation de la cathédrale dans la ville, et Saint Etienne son protecteur.

    Légende (du latin legenda, « ce qui

    doit être lu »)

    Récit à caractère merveilleux où les

    faits historiques sont transformés par

    l’imagination populaire ou par

    l’invention poétique, histoire embellie

    ou déformée par l’imagination.

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    IX. Mythe et rite

    Le mythe interprète la religion en la racontant sous forme d’histoires. Il exprime par l’esprit

    humain un équilibre entre les forces de la création et de la destruction, entre la vie et la mort.

    C’est un instrument pédagogique qui permet de manipuler des notions abstraites en les

    transposant sur un plan concert pour en faciliter l’assimilation.

    D’après Levy Strauss1 :

    « Les mythes qui nous viennent de très loin dans le temps et dans l’espace ne constituent pas en une partie jouée une fois pour toutes. Ils sont inlassables et entament une nouvelle partie chaque fois qu’on les raconte ou qu’on les lit… »

    Mythe et rite forment une unité et s’expliquent l’un l’autre : le premier révèle tout en gardant

    une part de mystère qu’il faut décrypter, il est réservé aux initiés ; le deuxième réalise par

    l’affabulation et le travestissement symbolique et populaire.

    Le message que contient le mythe doit rester reconnaissable afin de transmettre des valeurs

    fortes et en même temps garder une part de mystère pour ne pas éblouir ou brûler, ni susciter

    le désir.

    Le rite est une action symbolique qui comporte sa part de mise en scène de dramatisation et

    de théâtralisation pour matérialiser les rapports de l’humain avec l’invisible.

    1 Histoire de Lynx, Paris (Plon) ; page 10

    Définitions du Petit Larousse

    Rite (du latin ritus, règles et cérémonies pratiquées dans une église)

    Ensemble de règles fixant le déroulement d’un cérémonial. Acte de cérémonie , fête à

    caractère répétitif, destinés à réaffirmer de façon efficace les valeurs et à assurer la relance

    de l’organisation sociale.

    Mythe (du grec muthos)

    Récit populaire ou littéraire mettant en scène des êtres surhumains en des actions

    remarquables (s’y expriment sous couvert de la légende les principes de telle ou telle

    société et plus généralement y transparaît la structure de l’esprit humain).

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    X. Le héros fondateur

    Au Moyen Age de l’occident, les héros cavaliers possédant le pouvoir des armes et cherchant

    à fonder leur royaume doivent asseoir leur légitimité sur le pouvoir sacré, en l’occurrence

    l’église catholique. Celle-ci tente alors de préserver ce pouvoir et de le partager en fabriquant

    des saints par légion. Désarmés, ceux-ci seront les héros fondateurs de l’ordre sacré. Plutôt

    que de porter une épée, ils se serviront de l’étole et de la croix pour nouer le lien et vaincre le

    serpent1.

    La formation de ce mythe repose sur :

    Trois pouvoirs : le pouvoir guerrier, le pouvoir sacré, le pouvoir fécond

    Trois personnages : - le héros, armé du pouvoir militaire ou bien, de façon plus évoluée, capable de lier

    pour vaincre Satan incarné par le serpent informe.

    - la bête, incarnation du mal

    - la jeune fille qui représente symboliquement le petit peuple et le pouvoir fécond

    Clément Flavius, qui deviendra St Clément est d’origine noble. Il appartient au cercle des

    familiers de l’empereur Romain et il est l’oncle du pape. Il procède ainsi des deux familles du

    pouvoir : le militaire et le sacré. Il se convertit, se fait baptiser et devient évêque obtenant

    ainsi le droit de légiférer.

    Arrivé aux environs de Metz, il s’arrête dans la forêt de Gorze. Le cerf, chassé par le prince

    de Metz se réfugie dans son giron, comme la licorne dans le giron de la vierge. La bête est

    sauvée, le pouvoir sacré surpasse donc celui de l’armée.

    Clément prie et baptise sur la colline Ste Croix lorsque la fille du prince décède brusquement.

    Sur les instances du père, Clément la ressuscite et convertit la famille entière à la vraie

    religion. Toujours sur les instances du prince, il accepte de débarrasser la cité de la bête terrée

    dans l’amphithéâtre infesté par ailleurs de crapauds, signe de putréfaction et de vice.

    Clément ôte son étole et en lie le plus gros des serpents, le traîne devant le peuple, abjure la

    bête au nom de la Trinité de se jeter dans la Seille.

    Les trois pouvoirs se sont manifestés par l’entremise du saint, la cité peut prospérer à l’ombre

    des remparts construits avec les pierres des ruines de l’amphithéâtre romain.

    1 Une théorie qui remontait à Origène propose une interprétation de la faune satanique : les anges, trop lâches

    pour seconder ouvertement la révolte de Lucifer furent précipités sur la terre, les uns s’incorporèrent à la forme

    humaine, les autres entrèrent dans des corps de bêtes fort diverses, même des poissons. Ainsi l’humanité fut

    peuplée d’êtres peu rassurants que l’on sentait vaguement errer dans les ténèbres ou hanter les anciens

    sanctuaires païens..