Actes de la JSESIH2015

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Actes de la 3 e  édition des Journées Scientifiques de l Ecole Supérieure d Infotronique d Haïti  RECHERCHE SCIENTIFIQUE, INNOVATION ET DEVELOPPEMENT DANS UN PAYS DU SUD : HAÏTI 6 novembre 2015 Port-au-Prince, HAITI

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Actes de la 3e édition des Journées

Scientifiques de l’Ecole Supérieured’Infotronique d’Haïti 

RECHERCHE SCIENTIFIQUE, INNOVATION ET 

DEVELOPPEMENT DANS UN PAYS DU SUD : HAÏTI 

6 novembre 2015

Port-au-Prince, HAITI

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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015 

© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH

ORGANISATION COORDINATION 

Ben-Manson TOUSSAINT

P

ROGRAMMATION

 

Patrick ATTIEMarlène SAMBen-Manson TOUSSAINT

COMMUNICATION 

Béatrice TALON

REDACTION DES ACTES 

Anne-Laure TOUSSAINTLyse LADOUCEURBen-Manson TOUSSAINT

REVISION ET RELECTURE 

Anne-Laure TOUSSAINTMarlène SAM

Accédez aux vidéos des présentations

sur notre chaîne YouTube

 

RemerciementsNous remercions le Bureau Caraïbe de l’Agence Universitaire de la Francophonie pour son support

financier à l’organisation de cette 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH ainsi qu’à l’édition et

la publication de ces actes.

Nous remercions aussi tous les conférenciers qui sont intervenus dans le cadre de cet événement et,

tout particulièrement, les intervenants externes à l’ESIH qui ont aimablement accepté notre invitation :

Dr Evens EMMANUEL, Dr Alain CHARBONNEAU, M. Guy ETIENNE, Dr Céline JOIRON, Dr Jean William

PAPE et M. Claude PREPETIT.

Nous tenons à adresser nos remerciements chaleureux et spéciaux aux conférenciers qui ont effectué

un long voyage spécialement pour participer à cette 3e édition de nos journées scientifiques : MmeNadine MANDRAN et Dr Michael ORTEGA.

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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti 

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Editorial

L’objectif premier des journées scientifiques de l’Ecole Supérieure d’Infotronique d’Haïti est de porter

dans le paysage universitaire haïtien, une manifestation qui a la double mission de (1) valoriser les

travaux de recherche en cours dans les universités et autres institutions du pays, et de (2) vulgariser

l’objet « recherche scientifique », relativement méconnu dans notre pays.

La thématique de JSESIH 2015, organisée avec le soutien de l’Agence Universitaire de la Francophonie,

était la suivante : « Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti ».

Le but avoué a été de faire, à travers les différentes interventions, une photographie de travaux de

recherche et d’efforts d’innovation pouvant démontrer l’impact, la proximité et l’intérêt de cette acti-

vité dans notre vie de tous les jours, comme puissant levier de développement. Le but non avoué a été

de tordre le cou à ce postulat qui veut que les priorités d’un pays comme le nôtre soient essentiellementprimaires.

En d’autres mots, l’objectif de cette journée scientifique a été de montrer que, non seulement la re-

cherche scientifique et l’innovation n’étaient pas loin de nos préoccupations immédiates, mais aussi

que nous pouvions en être des acteurs sérieux et pérennes. En témoignent les travaux portés et pré-

sentés par les conférenciers haïtiens mais aussi par les conférenciers étrangers, tous partenaires actuels

de l’ESIH sur des projets de recherche par l’intermédiaire, notamment, de son laboratoire SITERE.

Ben Manson TOUSSAINTDocteur en InformatiqueSpécialité : Intelligence Artificielle

Directeur du Laboratoire SITEREEcole Supérieure d’Infotronique d’Haïti 

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Sommaire

Editorial ___________________________________________________________________ 3 

Sommaire _________________________________________________________________ 4 

SESSION 1 : MECANISMES D’ INNOVATION   _____________________________________________ 6 

Encourager la recherche et l’innovation dans les secteurs scientifiques : comment s’y

 prendre ? __________________________________________________________________ 7  

Innover à partir de rien (ou presque) : l’aventure des MakerLab _____________________ 14 

SESSION 2 : I NNOVER DANS L’ EDUCATION   ____________________________________________ 18  

Oser moderniser le bagage éducationnel en Haïti ________________________________ 19 

Produire et exploiter des traces éducationnelles : vers une précision fine des services

tutoriels __________________________________________________________________ 26 

Vers de nouvelles méthodes d’évaluation automatisée de l’apprentissage ____________ 33 

SESSION 3 : RECHERCHE  , I NNOVATION ET SOCIETE  _______________________________________ 38  

La recherche scientifique pour la modernisation des soins de santé dans un pays à faibles

ressources ________________________________________________________________ 39 

Réponse aux catastrophes naturelles : en quoi la recherche est-elle vraiment utile ? ____ 48  

SESSION 4 : RECHERCHE ET I NNOVATION  : QUELQUES CAS PROBANTS __________________________ 58  

Interaction 3D : Principes et Domaines d’Applications _____________________________ 59 

Expérience d’immersion dans un environnement touristique virtuel  : la Citadelle Henry _ 68  

Un Système Tutoriel Intelligent dédié à la chirurgie _______________________________ 70  

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SESSION 1 : MECANISMES D’INNOVATION Modératrice : Mme Marlène SAM, MS.

Responsable des Relations Internationales de l’ESIH .

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Encourager la recherche etl’innovation dans les secteursscientifiques : comment s’y

prendre ?Mots clés : Recherche, Innovation, Financement de la recherche 

INTRODUCTION Nous sommes aujourd’hui dans la 3e édition des

Journées Scientifiques de l’Ecole Supérieure d’Info-

tronique d’Haïti dont la thématique est, cette an-

née : « Recherche scientifique, innovation et déve-

loppement dans un pays du Sud : Haïti ». Par défaut,

cette thématique est valable dans tous les pays. Les

points que je vais soulever, les questions que je vais

poser sont aussi valables en France, au Québec ou

ailleurs dans le monde. Développer une recherche

scientifique, innover et se développer est une pro-

blématique qui concerne tous les pays du monde.

On regardera cependant quelques outils qui sont en

développement présentement en Haïti.

Le titre de la présentation d’aujourd’hui est : « En-

courager la recherche et l ’ innovation dans le secteur

scientifique, comment s’ y prendre ? ». J’aurais aimé

aujourd’hui le modifier un peu. « Encourager » est

sans doute dans le bon terme mais « développer »

devrait être un terme plus actuel, plus précis. L ’en-couragement, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant

dans une phase où on souhaite développer la re-

cherche et l’innovation dans le secteur scientifique

en Haïti. Comment s’y prendre ?

Qui pose la question ?

La mission du bureau Caraïbe de l’Agence Universi-

taire de la Francophonie s’applique auprès de nos

membres, les universités, représentées par leurs

recteurs. Ce que nous souhaitons développer, ce ne

sont pas les individus, ce sont les universités et le

système universitaire. Nous travaillons donc, au bu-

reau Caraïbe, de pair avec celles-ci. C’est pour cette

raison que les démarches personnelles, indivi-

duelles ne sont pas acceptées : que vous alliez faire

votre maîtrise en France et que certains d ’entre

vous réussissent leurs carrières en France, n’aide

pas Haïti.

Qui souhaitons-nous encourager ?

Notre objectif est de développer des universités

structurées  –nous en parlerons un peu plus loin – 

dans le Collège doctoral d’Haïti. Comprenez bien

qu’il s’agit d’une initiative à la demande des univer-

sités haïtiennes pour développer des programmes

de doctorants dans les structures universitaires à

l’intérieur d’Haïti. C’est très différent d’un simple

travail de formation de docteurs. Les initiatives pour

former des docteurs est relativement facile et coûte

beaucoup moins d’argent que pour la structuration

d’un collège doctoral. On envoie des gens faire leurs

doctorats en France ou au Québec et ils ne revien-nent jamais en Haïti après avoir décroché leurs doc-

torats. Ça ne structure pas Haïti. Cela coûte plus

cher de développer un collège doctoral en Haïti

mais c’est une solution beaucoup plus structurante

et nous cherchons à avoir des actions structurantes

pour le pays et pour le système universitaire du

pays.

Que souhaitons-nous encourager ?

Notre mission est décrite par quatre grands axes :

« On souhaite encourager les étudiants à devenir des cher- cheurs mais on souhaite surtout voir le développement de

structures universitaires lucratives et sociales pour per- mettre le développement de la recherche scientifique.

On souhaite encourager la professionnalisation de la re- cherche tant au sein de la sphère universitaire qu’en dehors

des université s. Encourager la création et l’innovation . ». Alain CHARBONNEAU

PhD

 

Mathématicien

Directeur du Bureau Caraïbes de l’AgenceUniversitaire de la Francophonie 

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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti 

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deux familles de mathématiques : les mathéma-

tiques théoriques et les mathématiques appliquées

qui tournaient vers le génie. C’est une séparation

aujourd’hui qui existe encore à peu près. C’est une

fausse question, de celles qui retardent le dévelop-

pement. Et aujourd’hui on s’aperçoit que le secteur

appliqué implique des scientifiques de tous temps :

des philosophes connus depuis 500 ans avant Jésus-

Christ, des scientifiques qui, au départ, observaient

et analysaient la nature. La distinction entre théo-

rique et appliquée, est apparue. Ce vocabulaire qui

est tout à fait justifié, doit quand même s’atténuer.

La recherche scientifique appliquée nourrit la re-

cherche théorique et la recherche théorique sou-

haite seulement être validée pour mener à des ap-

plications et à des technologies.

J’ai fait mention d’individus dans le développement.Les institutions sont faites d’individus et il est néces-

saire de renforcer la capacité des institutions à dé-

velopper une recherche scientifique. L’Etat en par-

ticulier doit répondre à ce besoin. Nous sommes

dans une situation en Haïti où il y a peu de minis-

tères dédiés à l’enseignement supérieur. C’est une

question qui touche l’Etat de s’assurer qu’il y ait une

capacité de recherche scientifique qui se développe

dans le pays. On ne peut pas soustraire à l’Etat le

droit de se poser cette question-là pour sa popula-

tion, qu’il y ait ou non un ministère mis en place. Le

ministère permet de regarder l’éducation nationale,

l’éducation fondamentale, et regarde le développe-

ment de la formation professionnelle, la santé, la sé-

curité du pays etc. L’enseignement supérieur fait

évidemment partie de ses prérogatives, de ses pré-

occupations qui sont importantes.

Pour répondre à la question dans le contexte de la

 journée d’aujourd’hui, je la placerai au niveau de

l’université. C’est à ce niveau-là que nous voulons

regarder la chose aujourd’hui. Evidemment j’aurai

inclus l’individu, l’Etat et la société.

Que souhaite t on encourager ?

On souhaite encourager les étudiants à devenir des

chercheurs mais on souhaite surtout voir le déve-

loppement de structures universitaires lucratives et

sociales pour permettre le développement de la re-

cherche scientifique.

On souhaite encourager la professionnalisation de

la recherche tant au sein de la sphère universitaire

qu’en dehors des universités. Encourager la créa-

tion et l’innovation. La création, c’est l’action d’éta-

blir, de fonder quelque chose qui n’existait pas en-

core. L’action de créer une œuvre  originale, une

production originale, qui peut possiblement être

utile ou, dans un système de valeur donné, être ap-

préciée. L’innovation, c’est plutôt l’ensemble du

processus qui se déroule depuis la naissance d’une

idée jusqu’à sa matérialisation.

PROFESSIONNALISATION DE LA RE-

CHERCHE Pour les besoins du développement d’une société,

la recherche scientifique doit être plus qu’un passe-

temps ou un objet de curiosité. Et présentement en

Haïti, on constate en regardant les chercheurs que

ceux-ci n’ont pas des conditions optimales pour

faire de la recherche. En effet, la recherche est oné-

reuse. C’est quelque chose d’extrêmement dispen-

dieux pour une nation. Pour vous raconter uneanecdote au sujet du Collège Doctoral d’Haïti que

 j’ai mentionné tout à l’heure. Un évaluateur de l’un

des laboratoires du Collège Doctoral a posé les

questions suivantes : « En Haïti, a-t-on besoin d’une

recherche ? A-t-on besoin de faire de la re-

cherche ? » La réponse est oui, pour les deux ques-

tions. J’avais pris la parole, un petit peu piqué par

cette question-là et posé cette question à cet éva-

luateur : « A-t-on besoin de faire de la recherche en

France ? ». En fait, il voulait juste comprendre dans

quel cadre il faisait son travail. Il ne posait pas laquestion pour dire que le travail était inutile mais

pour articuler et mieux définir pourquoi c’était im-

portant qu’une recherche scientifique structurée

soit développée en Haïti.

Par exemple, face à l’environnement, une grande

thématique actuelle, on parlera de carbone, de

l’élargissement du trou dans la couche d’ozone, etc.

mais quand on arrive dans un pays donné, toutes

ces données-là doivent être ré-analysées pour le

pays en question. En Haïti, par ses spécificités, on

parlera de la hausse du fond marin et ses consé-quences pour le pays ; on va parler des sols, etc. A

chaque fois, cela prend des chercheurs pour se pen-

cher sur les questions spécifiques à un pays. Il n ’est

pas question de laisser la recherche scientifique

d’un autre pays faire les analyses pour vous. S’ils ont

les moyens qu’il faut pour assurer cette recherche,

ils le font ; s’ils ne les ont pas, ils ne la font pas. Mais

un pays qui veut voir son développement, se doit de

développer les capacités de recherches nécessaires

pour répondre à ces questions.

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Donc, la recherche scientifique doit être plus qu ’un

passe-temps ou un objet de curiosité. Vous allez

faire votre doctorat à l’extérieur, et apprendre le

métier de la recherche universitaire. A la sortie,

vous êtes un passionné de la recherche et avez pris

des bonnes habitudes de recherche. Mais pour de-

venir un vrai chercheur, il va falloir satisfaire une

condition de plus. Si on veut passer le cap du stade

de passe-temps ou d’objet de curiosité, la recherche

scientifique doit être professionnalisée au sens éty-

mologique où ça doit devenir une profession. La

première conséquence de cet énoncé, c’est que les

chercheurs, en tant que professionnels de la re-

cherche, doivent être rémunérés. Il faut aussi une

forme de rétribution, non pas pour le temps mis à la

recherche, mais pour le travail effectué par les cher-

cheurs à ce titre. Nous avons beaucoup discuté, à

l’occasion d’un séminaire sur le management de larecherche au niveau du Collège Doctoral d’Haïti, sur

le statut d’enseignant-chercheur. Nous avons com-

mencé à mettre en place des mécanismes que l’on

retrouve dans d’autres pays ou l’enseignant qui fait

de la recherche est libéré d’une certaine charge

d’enseignement.

Si on veut professionnaliser la recherche scienti-

fique d’un pays, les gens qui s’en chargent doivent

être reconnus comme tels et, comme tout profes-

sionnel, doivent être rémunérés au regard de ce tra-

vail.

D’étudiants/chercheurs novices à cher

cheurs professionnels

Au niveau des individus, si je veux développer une

recherche scientifique, -en se plaçant du point de

vue de l’université- la question qui se pose c’est :

« Comment faire évoluer un étudiant du statut de

chercheur novice à chercheur professionnel ? » J’ai

un étudiant qui vient faire son premier cycle univer-

sitaire puis le deuxième cycle et le troisième cycle

chez moi. Comment est-ce que j’amène cet étudiant

à passer de chercheur novice, quand il arrive à 18-

19 ans, à ce titre de chercheur professionnel à la fin

de son parcours universitaire ? La question se pose

ici au niveau de la structure universitaire : « Com-

ment structurer l’université afin de produire des

chercheurs professionnels ? ». En regardant vers

l’Etat, la question que l’université pose est : « Com-

ment être soutenu pour la mise en place d’une re-

cherche universitaire de qualité ? » ; en regardant

vers les secteurs publics, privés : « Dans quelle me-

sure ces secteurs peuvent-ils contribuer à la mise en

place de la recherche universitaire de qualité vi-

sée ? ».

La recherche universitaire

Y a-t-il une différence entre une recherche universi-

taire et une recherche qui serait faite dans une en-

treprise privée ? La réponse est oui. Quand on fait

de la recherche universitaire entre chercheurs, il

doit y avoir un troisième individu dans la pièce et

c’est l’étudiant. L’objectif premier d’une université,

privée ou publique, soutenue financièrement par

quelque moyen que ce soit, est de former des gens,

de former des étudiants, et des étudiants capables

de devenir des chercheurs. Sinon, il n’y a pas de pro-

grès. Donc, la recherche universitaire implique la

présence des étudiants. A l’époque où j’étais encore

un jeune chercheur, j’ai pu entendre des collègues

dire : « On laisse tomber les étudiants, parce que les jeunes ont tendance à nous ralentir ». Non ! Dans

une université, il faut que les étudiants soient pré-

sents dans la recherche. C’est impératif. Alors qu’au

niveau des entreprises, cette contrainte-là n’est pas

imposée.

Il faut aussi comprendre que la recherche universi-

taire n’a pas le mandat d’être une recherche profes-

sionnelle. Qu’une institution, qu’un directeur ou

qu’un recteur d’université veuille faire en sorte que

celle-ci contienne une méthode professionnelle ou

assez d’enseignants-chercheurs pour assurer la re-

cherche, c’est son mandat. Par contre, la recherche

faite par un étudiant en doctorat, donc pas encore

un docteur, n’a pas besoin d’être une recherche

professionnelle. Le doctorant est mandaté pour

avoir une idée, pour mettre à jour cette idée. Le pro-

duit qui en découle n’est pas obligatoirement un

produit professionnel. C’est la tâche, la mission des

entreprises de prendre cette idée et d ’en faire un

logiciel qui est libre d’erreurs par exemple, ou d’en

faire un produit quelconque, peu importe le do-

maine, qui est de nature professionnelle. Cela coûtetrès cher de passer d’une idée –et c’est l’objectif de

l’innovation –, au produit final. Ce peut prendre

aussi beaucoup de temps  – 5 ans, 10 ans voire 20

ans – de passer d’une idée à un produit profession-

nel. Dans une certaine mesure, les entreprises ne

peuvent pas s’attendre, par l’accueil de stagiaires

ou par la création d’incubateurs, d’avoir des pro-

duits qui peuvent être dans les mains du consom-

mateur tout de suite.

Comment faire évoluer un étudiant de chercheur

novice à chercheur professionnel ?

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11 

SENSIBILISATION A LA RECHERCHE SCIEN-

TIFIQUE On est rendu à une très belle époque. Je peux dire

que vous êtes, en 2015, des choyés de l’histoire de

l’humanité et ça sera encore mieux en 2020 et en-

core mieux en 2025. Avec l’internet, avec l’interna-tionalisation, on est maintenant rendu aujourd ’hui

à une multitude d’idées et de façons d’être sensibi-

lisé à la recherche universitaire.

Plaçons-nous au niveau de l’individu. Comment in-

téresser, sensibiliser les jeunes à la science, à la re-

cherche ? Des jeunes avec le potentiel et la passion

de devenir des chercheurs professionnels. Dans les

années 60-70, on avait la chance de voir fréquem-

ment la science dans les médias. J’étais très chan-

ceux quand j’étais jeune, de pouvoir regarder à la

télévision des émissions scientifiques très passion-nantes plusieurs fois par semaine. Chez nous, au

Québec, on avait une émission qui s’appelait « Dé-

couverte » et plus jeune, à 7-8 ans, j’avais été séduit

par un épisode : « Atome et Galaxie » où on parlait

de l’infiniment grand et de l’infiniment petit. On

parlait des hommes qui allaient sur la Lune. A cet

âge mon père m’avait acheté un microscope et un

télescope. Aujourd’hui, grâce aux astrophysiciens et

autres, aux experts de l’infiniment petit, nous avons

à notre disposition de si belles images que j’ai par-

fois cette impression que c’est le lieu où la créationse développe. La passion se développe très jeune :

avant l’université. Je vais y revenir un peu plus tard.

Aujourd’hui, vous avez la chance de participer très

 jeunes à des séminaires d’école. Il existe depuis

quelques années des compétitions universitaires,

nationales et internationales dans le cadre des-

quelles des étudiants se déplacent pour aller repré-

senter leurs universités dans différents secteurs. Je

vous listerai tout à l’heure quelques liens parmi des

milliers qui existent. On développe des clubs univer-

sitaires, et non plus seulement des clubs sportifs.Toutes sortes de concours en mathématique, phy-

sique et toutes autres sciences, en présentiel ou en

ligne, sont possibles. Par le biais de ces outils, on

peut être initié dès le premier cycle à la recherche.

Attendre le doctorat pour ce faire est trop tard. On

ne se passionne pas pour un domaine à l’âge de 19

ans, 20 ans mais la passion peut être développée

bien avant. La nature peut être observée depuis

l’âge de 2 ans, 3 ans, 5 ans. Il faut savoir susciter, dès

le premier jour, la créativité et il faut pour cela chan-

ger nos approches pédagogiques.

Changer les approches pédagogiques 

Pour citer un exemple, en France, un groupe de

 jeunes de 15 ans sont amenés à créer et innover

dans des secteurs technologiques avec des impri-

mantes 3D, et autres outils en s’y consacrant une

heure et demi par semaine. Cela ressemble à ce quefait l’ESIH aujourd’hui avec son MakerLab. L’objectif

de ces nouvelles approches est de favoriser une par-

ticipation active des étudiants dès leur plus jeune

âge à la conception et la réalisation de projets, la ré-

daction de compte-rendu, d’articles scientifiques,

de communication, et d’apprendre à travailler en

équipe.

Encourager les jeunes à prendre part aux concours

dont je parlais, fait partie de ce changement. Les

Olympiades Internationales de Mathématiques

(https://www.imo-official.org/)  sont connues depuislongtemps. En Amérique du Nord, le concours Wil-

liam Lowell Putnam Mathematical Competition

(http://math.scu.edu/putnam/)  existe depuis 75 ans. Il

en existe aussi en physique

(http://ipho.phy.ntnu.edu.tw/), chimie

(http://www.icho.sk/), biologie (http://sciencesale-

cole.org/olympiades-internationales/ibo) , génétique

(http://igem.org), etc. Il existe aussi beaucoup de

concours dédiés aux jeunes de 12-15 ans en

sciences générales, tel que « Expo-sciences »

(http://www.milset.org/), internationalement connuset des jeux de génie (www.jeuxdegenie.qc.ca). Je vous

ai donné la liste du Québec mais vous pouvez avoir

accès sur Wikipédia à tous les jeux de génie de la

planète.

En informatique, il existe le Facebook Hacker Cup

(https://www.facebook.com/hackercup/ ); le concours

Google Code Jam (https://code.google.com/codejam),

les Olympiades Internationales d’Informatique

(http://www.france-ioi.org/ioi/index.php); Topcoder

(https://www.topcoder.com/ )  qui propose des con-

cours chaque semaine et ACM-ICPC (https://icpc.bay-

lor.edu/ ).

En robotique, je peux citer le concours Eurobot

(http://www.eurobot.org/ ), la Coupe de France de Ro-

botique (http://www.planete-sciences.org/robot ), le

DARPA Robotics Challenge (http://www.therobotic-

schallenge.org/ )  et la RoboCup (http://www.ro-

bocup.org/ ).

Monter une équipe, se préparer au travail, présen-

ter ses résultats sont des exercices stimulants pour

les jeunes. Et pas seulement dans le secteur scienti-fique mais également dans les sciences politiques.

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Vous avez maintenant, par exemple, la simulation

des Nations Unies qui permet à des jeunes d ’aller

vivre une expérience à New York où ils vont momen-

tanément se mettre dans la peau d’un représentant

d’un pays et discuter de la situation internationale  

(http://www.nmun.org/nmun_ny.html) . Cette compéti-

tion constitue une expérience incomparable de tra-

vail en équipe et de construction d ’un projet collec-

tif. Elle représente une occasion exceptionnelle de

rencontrer des étudiantes et étudiants en prove-

nance de tous les continents et de vivre une expé-

rience unique au sein même du siège des Nations

Unies.

Il existe aussi des jeux de commerce (http://www.ae-

sal.ca/vie-etudiante/competitions)  dans les domaines

du marketing, de la finance, de la comptabilité, de

la fiscalité, de la stratégie et de la simulation bour-sière. Il existe des sites de simulations boursières

maintenant qui ont des résultats incroyables car ils

permettent à des jeunes de 12, 13 ans de se former

à la finance en ligne. On peut profiter de ces progrès

inimaginables il y a quelques décennies, rien qu’en

étant connecté à internet. Des concours et jeux en

ligne de ce genre sont aussi dédiés à la musique, aux

arts, et autres écoles de génie en herbe et débats

oratoires.

Ces compétitions, sont-elles seulement pour l’élite,

les doué(e)s et les surdoué(e)s ? Absolument pas.Elles sont d’abord pour les passionnés.

STRUCTURER LES INSTITUTIONS UNIVERSI-

TAIRES POUR FAVORISER LA RECHERCHE

SCIENTIFIQUE Maintenant, si on se place au niveau des institutions

universitaires, la question est : « Comment se struc-

turer pour former des chercheurs profession-

nels ? ». Là, je vais vous parler de l’initiative d’Haïti.

A la demande de 12 universités, en novembre 2011,

a été signée une convention de travail qui instituaitle Collège Doctoral d’Haïti (CDH). C’est à la demande

de l’Université d’Etat d’Haïti en la personne de M.

Jean François Octave et de l’Université de

Quisqueya avec Jacky Lumarque que nous avons

abouti à la signature de cette convention en pré-

sence de l’AUF et de l’Ambassade de France en

Haïti. Le démarrage effectif s’est fait fin 2012-début

2013. Le premier grand chantier de travail du CDH a

été de souder financièrement l’accueil et le par-

cours des doctorants. Ces doctorants sont affiliés au

CDH par le biais de ses laboratoires de recherchemembres. Ces laboratoires sont des structures de

recherche affiliées aux écoles doctorales des univer-

sités. Les écoles doctorales sont des structures de

nature académique, logées au sein des universités

qui encadrent le cheminement du doctorant : cur-

sus, examens pré-doctoraux, recherche, évaluation

et diplômation.

Donc, notre travail a été, depuis environ 3 ans, avec

le directeur scientifique du CDH, Dr Evens Emma-

nuel, de réfléchir à toutes sortes de mécanismes

pour renforcer ces éléments-là qui retiennent notre

attention. Notamment, au début de l’année 2015,

on a évalué, et c’est la première fois que cela se fai-

sait en Haïti, les quatre laboratoires de recherche

universitaire : un laboratoire, le LADIREP, qui est

logé au sein de l’Université d’Etat, deux laboratoires

au sein de l’Université Quisqueya et un laboratoire,

le SITERE, au sein de l’Ecole Supérieure d’Infotro-nique d’Haïti. L’objectif de cette évaluation n’a pas

été de dire d’un laboratoire qu’il est bon ou mau-

vais. L’objectif a été d’amener un groupe d’experts

internationaux à la rencontre des responsables de

laboratoire pour examiner, avec les instruments né-

cessaires, son potentiel de développement, son

programme de recherche, son réseau international,

entre autres. Ces experts ont eu, dans ce travail, à

poser des questions diverses et réaliser des analyses

pour venir, à la fin, avec un cahier de recommanda-

tions sur le développement des laboratoire évalués.

C’est une première leçon scientifique dont chacun

des laboratoires a bénéficié. Et partant de là, l’éva-

luation a été mise en place. Cette démarche d’éva-

luation des laboratoires dans le but de permettre

d’augmenter la qualité de la recherche, de former

des enseignants et des doctorants, a été un soutien

de l’AUF au CDH.

La beauté de cette initiative est qu’elle est ancrée

au sein des universités. Cette structuration avec les

universités, écoles doctorales et laboratoire, amène

les universités à pouvoir recevoir des doctorants quis’engagent dans une formation par la recherche

pour devenir docteurs, des professionnels de la re-

cherche.

SOUTIEN A LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE Comment être soutenu pour la mise en place d’une

recherche universitaire par l’État ? La recommanda-

tion est d’avoir la création d’un fonds national de

recherche. Cela se fait progressivement en Haïti

avec le fonds mis en place le 2 septembre dernier

(2014) pour l’éducation et l’agriculture principale-

ment. Mais, pour l’instant, il n’existe pas de fonds

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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti 

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13 

national de recherche qui permettrait de trouver et

développer davantage de secteurs de recherche.

Dans quelle mesure les secteurs public et privé peu-

vent-ils contribuer à la mise en place d’une re-

cherche universitaire de qualité ?

Il y a différents moyens. Cela peut être l’accueil de

stagiaires qui font de la recherche au sein d’une en-

treprise publique ou privée ; le co-financement de

projets de recherche entre entreprises et univer-

sité ; la participation et le soutien à la création d’in-

cubateurs d’entreprises, etc.

CONCLUSION En conclusion, je vous présente quelques constats

et recommandations :

Favoriser très jeune la créativité.

Jouez-vous aux échecs ? Y a-t-il des clubs d’échec au

primaire ou au secondaire dans les écoles

haïtiennes ? Jouez-vous aux cartes ? Les jeux sont

d’excellents outils pour les jeunes quant à la forma-

tion de leur esprit critique pour faire face à une si-

tuation donnée. Si on veut être créatif, il est impor-

tant de jouer. C’est le travail d’un enfant. Je me sou-

viens de ma fille qui, à 18 mois, était en train de

 jouer et j’essayais de la faire venir manger. J’avais

l’impression de la déranger comme j’aurais dérangé

le PDG d’une entreprise en lui disant : « Allez viens,faut qu’on se parle ! Allons jouer au golf ! ». Elle tra-

vaillait. On se développe par le jeu. C’est important

et c’est là que la première créativité s’exprime chez

l’humain.

Créer des conditions dans lesquelles les étudiants

sont actifs

Le maintien de l’apprentissage nécessite que l’étu-

diant soit actif dans son apprentissage. L’approche

projet pour y arriver est quelque chose de connu

maintenant. Au Québec, l’Université de Sherbrooke

en avait fait son image de marque. Aujourd’hui il y

a mille façons d’amener l’élève à ne pas rester passif

au cours de son apprentissage.

Clarifier le statut d ’ enseignant-chercheur  

Enseigner c’est de moi à vous, dans cette direction-

là. Or ce n’est pas cela l’objectif. L’objectif est que

vous, vous appreniez et deveniez compétents. Donc

la bonne question, qu’on pose d’ailleurs depuis les

années 60, c’est : « Quelles sont les conditions d’ap-

prentissage ? ». Albert Einstein l’avait mentionné

dans une phrase qui est devenue célèbre. Il a

dit : « Je ne suis pas un enseignant. Je réunis dans la

classe les conditions favorables à ce que les étu-

diants puissent apprendre ». Il était question des

conditions d’apprentissage. Vous, pouvez-vous ap-

prendre ? Je peux écrire les plus belles notes pos-

sibles, m’exprimer le mieux possible mais si vous,

vous n’êtes pas capables d’apprendre, on passe à

côté de l’objectif.

Poursuivre le développement des structures de for-

mation universitaire à la recherche

C’est très important, je pense qu’on peut trouver

maintenant en Haïti des chercheurs, que je côtoie

d’ailleurs de plus en plus. Ceux qui développent

maintenant des structures de formation universi-

taire à la recherche, forment des chercheurs.

Nous, nous développons des programmes de for-

mation dans l’objectif de poursuivre le développe-

ment des structures qui permettent de mettre en

place la formation universitaire à la recherche.

Pérenniser le soutien à la recherche universitaire

Comme dans tout pays, il faut pérenniser le soutien

à la recherche universitaire. Ce sont là des questions

qui touchent à l’État, aux entreprises, etc.

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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015 

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14 

Innover à partir de rien (oupresque) : l’aventure desMakerLabMots clés : MakerLab, Maker movement, prototypage 

QUID DU M AKERL AB?Le MakerLab est un laboratoire qui suit la philoso-

phie du Maker movement . Dans le Maker

movement , les gens partagent des idées à concréti-

ser soi- même, en anglais “do it yourself”. Ils étu-

dient, font des recherches pour résoudre des pro-

blèmes de la vie courante sans faire appel à des ex-

perts. L’objectif est donner vie à ses propres rêves.

INTERET DANS UN PAYS TEL QUE H AÏTI Je pense que la philosophie du Maker movement  

fait partie depuis toujours de la vie des Haïtiens.

C’est un pays d’artistes. Un pays où l’artisanat a une

place prépondérante. Avec le Makerlab, on veut en-

seigner aux gens comment résoudre des problèmes

avec les nouvelles technologies à bon marché.

INTERET DANS UN ENVIRONNEMENT

 ACADEMIQUE Ici, au MakerLab de l’ESIH, nous montrons comment

nous pouvons transposer des notions théoriquesdans la pratique. Quand un étudiant aborde les no-

tions théoriques des circuits électroniques par

exemple, il peut voir concrètement dans le Maker-

Lab que si la bonne résistance n’est pas utilisée, on

peut griller un led  ou d’autres composants. Il peut

toucher avec ses propres mains la réalité des ma-

tières qu’ils étudient.

A l’ESIH, l’objectif premier du MakerLab est bien sûr

didactique. Il s’agit d’enseigner aux étudiants qu’ils

peuvent travailler sur des problèmes de la vie réelle

et parvenir à les résoudre. Nous voulons aussi moti-

ver les étudiants à valoriser et partager leurs

propres idées ; nous voulons les encourager à rêver

et, en même temps, à créer des objets qui peuvent

leur être utiles dans la vie de tous les jours.

En un mot, nous faisons la démonstration de com-

ment l’individu peut utiliser des technologies à bon

marché pour apporter des réponses à ses propres

besoins.

COUT APPROXIMATIF DE CREATION D’UNM AKERLAB Le coût de création d’un Makerlab dépend évidem-

ment beaucoup des outils que l’on veut y mettre. A

titre d’exemple, le prix d’une imprimante 3D (plas-

tique) peut aller de 100 à 2.000 dollars américains.

Dans notre MakerLab, nous avons une imprimante

3D qui coûte approximativement 1.000 dollars amé-

ricains, et une autre qui coûte 500 dollars améri-

cains. Le prix des cartes mères Arduino et Raspberry

pi peut varier entre 20 et 100 dollars américains.

Bien sûr, il est essentiel de savoir combien il en fautpour assurer les projets que l’on veut mener dans le

laboratoire ; pour assurer par exemple la gestion de

différents capteurs, de drones, de stations météo,

etc.

Si je m’aventure à avancer un chiffre, on peut dire

qu’entre 6 et 10 mille dollars américains, on peut

avoir un bon MakerLab dans lequel on peut offrir

des formations, des projets de recherche et favori-

ser le partage d’idées.

M. Gianmichele TOGLIA. Ing. 

Informaticien

Responsable du MakerLab de l’Ecole Supé-rieure d’Infotronique d’Haïti (ESIH)

« Je pense que la philosophie du Maker movement fait par- tie depuis toujours de la vie des Haïtiens.

Au Makerlab, nous faisons la démonstration de commentl’individu peut utiliser des technologies à bon marché pour

apporter des réponses à ses propres besoins. »

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15 

COUT APPROXIMATIF D’UN PROJET

M AKERL AB  Le coût d’un projet dépend beaucoup des objectifs

du projet. Par exemple, différents types de cartes

mères peuvent être utilisées dépendamment du

projet. Dans notre MakerLab, nous utilisons surtoutdeux types de cartes mères : l’Arduino et le

Raspberry pi. Le prix des cartes mères que nous

avons ici tourne autour de 40-50 dollars américains.

Arduino

L’Arduino, c’est les muscles. Avec une carte Ar-

duino, on peut gérer les circuits électriques car elle

embarque beaucoup d’input et output. Elle est ex-

ploitée par exemple dans nos projets de maisons

contrôlées à distance : programmer une machine à

café qui se met en marche toute seule le matin à la

même heure ; une porte qui s’ouvre via une com-

mande envoyée sous la forme d’un sms à partir d’un

téléphone.

Raspberry pi

Le Raspberry pi, c’est le cerveau. Il a un circuit, un

système d’exploitation. Il n’a pas beaucoup d’input

et d’output, mais possède une puissance de calcul

très élevée. Avec cette carte, on peut gérer du strea-

ming vidéo par exemple. Pour revenir à l’illustration

de la maison, on peut, avec le Raspberry pi, en gérer

le réseau informatique domestique et des systèmesde stockage. Un Cloud domestique en quelque

sorte.

Les deux peuvent être exploitées pour réaliser par

exemple le système de gestion à distance de notre

maison ; pour réaliser un prototype de panneau so-

laire intelligent ou encore, pour réaliser une station

météo capable d’envoyer des données météorolo-

giques sur Internet. Sans doute pas une station mé-

téo professionnelle, mais tout de même capable

d’être exploitée pour des études de recherche.

On peut donc réaliser différents types de projets

pour différentes situations avec ces outils.

F ACILITER LE PROTOTYPAGE Dans le MakerLab, nous réalisons surtout des proto-

types. La production à grande échelle ne fait pas

partie de la philosophie du MakerLab. Ce qui est im-

portant, c’est de pouvoir concevoir des prototypes

dont la production pouvait coûter des milliers de

dollars avant. Pour certains travaux de prototypage

relativement complexes, il fallait en effet faire appel

à des experts. Aujourd’hui, avec une imprimante

3D, il est juste nécessaire d’avoir des connaissances

de modélisation 3D et le tour est joué.

POSSIBILITE D’INDUSTRIALISATION Un prototype du Makerlab peut être vu comme une

première étape pour la production à grande échelle.

Je précise, cependant, que le MakerLab n ’a pas laproduction industrielle comme vocation. Il sert sur-

tout la production individuelle et le prototypage en

favorisant l’utilisation de technologies à très bon

marché.

Cependant, si un produit que l’on cherche à déve-

lopper ne marche pas dans le MakerLab, on peut

être sûr qu’il ne va pas marcher au niveau industriel.

Si on a effectué tous les tests de vérification d’un

produit au MakerLab, on peut approcher avec con-

fiance un potentiel investisseur pour développerplus en avant ce produit.

DEMONSTRATIONS 

Panneau solaire intelligent

Je vous présente un panneau solaire intelligent que

nous avons créé dans notre MakerLab. Le panneau

solaire embarque plusieurs capteurs qui lui permet-

tent de détecter la direction de la lumière. Sur la

base de cette information, il se met dans la position

optimale pour pouvoir capter un maximum de

rayons lumineux. Autrement dit, le panneau solaire

intelligent va toujours se diriger et se positionner là

où la lumière brille le plus.

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Smart Home

Je vous présente Smart Home, un projet de notre

Makerlab conçu pour contrôler à distance certaines

tâches dans une maison. Par exemple, à partir d’une

application développée dans le cadre du projet, on

peut éteindre et allumer à distance les lumières dela maison à partir d’un smartphone, d’une tablette

ou d’un ordinateur. Comme vous pouvez le voir, on

peut aussi contrôler des appareils tel que le ventila-

teur, l’éteindre et le rallumer juste à partir d’un té-

léphone muni d’une connexion internet.

Ce projet a été réalisé avec un Raspberry pi qui fait

office de serveur, des capteurs, une connexion WiFi

et une application Android.

Station météorologique

La station météorologique (weather station, en an-

glais), fabriquée au Makerlab, permet de recueillir

des données sur la météo, enregistrées par diffé-

rents capteurs. Cela peut être la direction ou la vi-

tesse du vent ou encore des données pluviomé-

triques recueillies par un pluviomètre numérique.

Dans cette démonstration, on peut lire les données

météorologiques sur le petit écran d’affichage de la

station.

Voiture pilotée à distance

Cette voiture peut être pilotée à partir d’un réseau

Wi-FI ou de n’importe où dans le monde dès que

l’on a accès à Internet.

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SESSION 2 : INNOVER DANS L’EDUCATION Modérateur :  M. Patrick ATTIE, Ing.MS.

Directeur Général de l’ESIH .

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Oser moderniser le bagageéducationnel en HaïtiMots clés : Enseignement, pédagogie, innovation dans l’éducation 

INTRODUCTION Avant de commencer, je voudrais partager avec

vous quelques réflexions qui nous ont guidés sur le

choix des stratégies que nous avons mises en place

au collège Catts Pressoir. Je vais me concentrer sur

les plus importantes. Par exemple : le temps d’accès

à l’information qui aujourd’hui est réduit à presque

rien ; du passage de notre génération des TIC (les

Technologies de l’Information et de la Communica-

tion) au TICE (Technologies de l’Information et de la

Communication pour l’Education) et également deNBIC (Nanotechnologie Biotechnologie Informa-

tique et Cognitive). Nous parlerons, en d ’autres

mots, de l’utilisation de la technologie au niveau de

l’enseignement.

Aujourd’hui, tout le monde le sait, nous pouvons

payer nos factures par téléphone, la technologie

permet de numériser les odeurs, etc. Mais ce qu’il

est important aussi de dire, c’est que ces grandes

découvertes creusent davantage le fossé entre les

classes possédantes, les classes moyennes et les dé-

munis, parce que la technologie a un coût. Donc,n’importe qui ne peut s’en approprier. Les systèmes

éducatifs doivent s’adapter justement pour per-

mettre à tout un chacun, quel que soit son niveau

socio-économique de pouvoir s’approprier de la

science et de la technologie.

Au collège Catts Pressoir, notre préoccupation, celle

qui nous a amenés à changer vraiment les stratégies

que nous utilisons, se résume dans ces questions :

quelle est l’adéquation entre l’éducation, les va-

leurs véhiculées dans nos écoles et ces grands défis

du 3e millénaire ? Peut-on continuer à faire étudier

nos élèves par cœur ? Peut-on continuer à deman-

der aux élèves de réciter des théorèmes de mathé-

matiques, des lois de la physique par cœur sans

pouvoir les appliquer ? D’autant plus que nous

constatons en fait que les écoles et les universités

deviennent de plus en plus des industries d’exa-

mens.

Qu’est ce qui fait la valeur d’une école là mainte-

nant ? C’est son taux de réussite au baccalauréat.

Quel baccalauréat ? Quel examen ? Tous ces étu-

diants qui réussissent le baccalauréat, même quand

le pourcentage est très faible, quand ils ont leur cer-

tification du ministère de l’éducation, ils ne peuvent

entrer dans aucune faculté d’État sur concours.

Donc, que valent les connaissances qu’ils ont ac-

quises ? C’est là qu’on constate que certaines écoles

supérieures, universités, certaines écoles classiques

accentuent de préférence leurs formations sur

l’examen final, la note à donner. Et l’enfant arrive à

la maison, on lui dit : « Bravo, tu as 9 de moyenne.

Tu es un bon élève ! ». Mais il y a une petite panne

d’électricité dans la maison, on ne peut rien faire, ilfaut appeler un technicien, ce qui veut dire que les

écoles en général, ne préparent pas les étudiants

pour la vie.

La préoccupation pour nous est de savoir comment

préparer les enseignants pour qu’ils répondent vrai-

ment à ces grands défis ? Au collège Catts Pressoir,

nous avons travaillé longtemps pour identifier les

barrières qui empêchent aux écoles d’aller vers la

créativité. Nous avons travaillé longtemps pour

identifier le chemin de la créativité pédagogique et,

nous avons ajouté, opérationnelle. On va créer mais

M. Guy ETIENNE

Enseignant

Directeur du Collège Catts Pressoir 

« Nous avons donc décidé au collège de faire de l’innova- tion pédagogique les poumons de l’école. 

Tout ce que les élèves apprennent à l’école, ils doivent êtrecapables de les utiliser pour le développement de leur fa- 

mille, de leur communauté, du pays et maintenant nous parlons du monde entier. »

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20 

pour faire quoi ? Et finalement aujourd ’hui le tri-

nôme qui mène l’école est le suivant : imaginer,

créer et apprendre. Et c’est ce que nous faisons au

collège Catts Pressoir : nous donnons la possibilité à

tous les enfants, de 5 à 18 ans, d’imaginer, de créer

et ensuite d’apprendre à partir de leurs créations.

Souvent, on n’est pas obligé de dire aux élèves :

« Aujourd’hui nous allons faire un cours de mathé-

matiques sur la notion d’ensemble. ». Nous les met-

tons en situation pour qu’il aille chercher les no-

tions. Il imagine puis il crée et, à ce moment-là, l’ap-

prentissage devient beaucoup plus facile.

STRATEGIES PEDAGOGIQUES Nous avons testé plusieurs choix de stratégie péda-

gogique au collège Catts Pressoir. La pédagogie par

objectif –on s’est rendu compte tout de suite qu’elle

était complètement limitée. L’approche par compé-tence : on l’a utilisée, mais on s’est rendu compte

aussi de ses limites. Le projet pédagogique : les

élèves, en fin d’année scolaire, doivent présenter un

projet. Nous allons en parler plus loin. L’approche

conceptuelle : nous avons tenté cette approche

puis, avec un peu du recul, on s’est dit qu’elle était

un peu difficile. Actuellement, nous sommes au

stade de la modélisation pédagogique. Cela veut

dire quoi pour nous ?

Cela veut dire que tout ce que les élèves apprennent

à l’école, ils doivent être capables de l’utiliser pour

le développement de leur famille, de leur commu-

nauté, du pays et maintenant nous parlons du

monde entier. C’est la stratégie qui nous guide au

collège Catts Pressoir. J’aime bien cette petite

phrase de René Char : « Ce qui vient au monde pour

ne rien troubler, ne mérite ni égards, ni patience ».

Qu’est-ce que le choix des stratégies pédagogiques,

pour nous, doit développer ?

Un esprit critique. Cela choque certains parents de

nous entendre dire à nos élèves : « Si vous ne dou-tez pas de ce que vous dit un professeur, vous n’êtes

pas des élèves. Allez chercher pour vérifier ! ». Un

 jugement rationnel ; une force de caractère mais

aussi l’empathie. Nous apprenons à nos élèves que,

quelle que soit leur idéologie religieuse, qu ’ils soient

Témoins de Jéhovah, Vodouisants, Protestants, Ca-

tholiques, ils doivent apprendre à penser ensemble,

à construire ensemble et surtout à réussir en-

semble. Pour nous, c’est extrêmement important

dans les stratégies que nous développons au collège

Catts Pressoir : un leadership opérationnel. Ce n’estpas seulement être un leader et bientôt être parmi

les 70 candidats à la présidence –parce que mainte-

nant, nous en avons 54, mais bientôt, quand nos

élèves auront l’âge d’être candidats, on en aura

peut-être 70, peut-être une centaine –  mais déve-

lopper vraiment le leadership opérationnel.

ORIENTATIONS PHILOSOPHIQUES Nous pensons que l’école est réellement le support

de formatage des jeunes cerveaux pour le 3e millé-

naire. Nous ne pouvons pas continuer à étudier le

Moyen-Age, le 17e siècle, alors que le monde est là

devant nous avec des besoins de plus en plus pres-

sants, de plus en plus urgents. Nous pensons de pré-

férence au 3e millénaire. Et pour nous finalement les

relations entre l’école et la communauté représen-

tent l’autoroute du développement. Une école n’a

pas de valeur si elle ne s’implique pas dans la com-

munauté. Une communauté ne peut pas se déve-lopper si elle n’a pas une école de qualité.

Nous avons donc décidé au collège de faire de l’in-

novation pédagogique les poumons de l’école. Nous

n’avons jamais eu peur d’investir, même dans les si-

tuations difficiles. Nous sommes en ce moment-

même, en train d’investir parce que nous venons de

commander, avec les spécifications données par M.

Attié (Directeur Général de l’ESIH), deux impri-

mantes 3D et nous sommes en train d ’installer

notre laboratoire de robotique et nous allons instal-

ler notre premier FabLab. Tout le monde nous parle

de la situation politique difficile du pays. C’est à ce

moment-là qu’il faut investir. Cependant, économi-

quement, ce n’est pas facile. C’est pourquoi nous

avons décidé de faire fonctionner l’école sur un mo-

dèle d’entreprise mais en accordant la priorité à la

qualité du service donné. Vous savez que le collège

Catts Pressoir est une école privée, laïque, non-sub-

ventionnée. Tout ce que nous faisons est financé

avec l’argent des parents, avec l’argent de l’écolage.

Donc, il faut certaines fois jouer avec les entrées

pour pouvoir prendre des décisions d’investisse-ment.

La qualité, l’excellence de l’éducation que nous of-

frons est indispensable et nous la cherchons sans ar-

rêt. C’est un défi que nous nous sommes donné.

Donc, nous avons travaillé pour générer des fonds

pour moderniser les équipements et le matériel

éducatif et nous cherchons également à recruter les

meilleurs enseignants de la place. Nous pouvons

vous dire par exemple qu’à l’école, plus particuliè-

rement en section primaire, nos enseignants ont un

salaire deux fois plus élevé que le salaire du marché.

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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015 

© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH

22 

Nous continuons à équiper nos laboratoires : nous

avons fait l’acquisition d’un microscope électro-

nique. Partout où nous allons, nous ramassons des

échantillons de pierres, de roches, pour pouvoir en

faire une collection. Nous étions préoccupés par le

relèvement du niveau du lac Azuéi suivi du même

phénomène au niveau de l’étang de Miragoâne.

Nous avons contacté le bureau des mines et le bu-

reau de la protection civile avec monsieur Eric Calais

qui était en Haïti à cette époque, et l ’ingénieur Pré-

petit qui nous a beaucoup aidé aussi. En 2009, envi-

ron un an avant le séisme, nous avons organisé une

conférence à l’école avec une équipe de la protec-

tion civile. Nous avions décidé en octobre 2009,

d’installer une station sismologique au collège.

Nous avions eu la recommandation de monsieur Ca-

lais pour une compagnie du nom de Guyale qui fit

faillite et n’a pas pu nous livrer le matériel de sur-veillance. En janvier, nous avons contacté une autre

compagnie, SISMO, avec laquelle nous avons finale-

ment installé notre station sismologique. Malheu-

reusement, elle a été installée après le séisme mais

c’est une station qui aide énormément les scienti-

fiques nationaux et internationaux.

L’ENSEIGNEMENT ET L’ APPRENTISSAGE

 AUTREMENT 

Des projets qui stimulent l’apprentissage et

servent la communauté

Pourquoi avons-nous choisi d’installer une station

sismologique à l’école ? Parce que, premièrement,

l’école doit servir à la communauté et, deuxième-

ment, parce que c’est une station sismologique qui

a un volet scientifique. Ceci signifie que déjà nous

orientons nos élèves vers la sismologie. On n’a pas

d’ingénieur sismologue en Haïti. Nous avons l ’excel-

lent ingénieur Claude Prépetit qui est géologue et

qui s’implique et nous aide beaucoup dans ce do-

maine, mais on n’a pas encore de sismologue en

Haïti. Donc, en choisissant d’installer au collègeCatts Pressoir la station sismologique, on a fait le

choix en même temps d’une station éducative qui

permet aux élèves de s’intéresser à cette possibilité

de carrière.

Nous avons vu tout à l’heure avec plaisir la station

météorologique créée à l’ESIH. Cela fait 7 ans que

nous avons installé de notre côté une station mé-

téorologique. Nous venons d’en installer une deu-

xième dans les hauteurs de Kenscoff. L’objectif pour

nous est d’installer une station par département

pour que le collège Catts Pressoir puisse avoir la

toile d’araignée de la météorologie et fournir des in-

formations. Là encore, nous sommes en train d’in-

téresser nos élèves aux changements climatiques,

nous sommes en train d’introduire, d’impliquer nos

élèves dans la protection de l’environnement. Et en

même temps, les équipements que nous mettons

au collège permettent aux étudiants de s’intéresser

également vers ce choix de carrière. Les données de

nos deux stations météorologiques sont disponibles

sur le site de l’école et tout le monde peut y avoir

accès.

Depuis 2009, nous avons aussi introduit la robo-

tique à l’école. Les élèves apprennent aussi désor-

mais à programmer des robots. On ne peut plus

continuer à enseigner aux élèves le courant dérivé,

la loi de Pouillet, sans leur donner la possibilité de

les appliquer.

Depuis 3 ans, nous faisons une magnifique expé-

rience à l’école. Nous avons demandé aux élèves de

5-6 ans de la 1ere année fondamentale, d’imaginer

un robot avec des matériels récupérés dans des dé-

chets. Ils devaient donc imaginer, créer et cons-

truire un petit robot à partir, par exemple, d ’une

bouteille de spray, de fourchettes, de cintres en

plastique, de bouchons de gallons d’eau Culligan.

Pour ce projet, nous avions demandé aux parents de

ne pas dépenser un seul centime et qu’il fallait ab-

solument s’assurer que le matériel utilisé était unmatériel récupéré qui, au lieu d’aller à poubelle, sert

à la création.

Lorsque nous avons vu ce que ces élèves ont réalisé,

nous nous sommes dit que cette promotion, qui est

aujourd’hui en 3e année, est une promotion capable

de suivre une formation en robotique jusqu’en Ter-

minale. Donc, l’année d’après nous avons demandé

aux élèves de la 2e année de créer des robots cette

fois-ci mécanisés. Et là, on s’est heurté aux parents.

Ils nous ont dit : « Attention ! Là, nous ne sommes

pas capables d’accompagner les enfants parce

qu’on n’a jamais fait de robotique ! » Automatique-

ment, la direction de la section primaire a mis en

place des ateliers de formation pour les parents.

Donc, les parents sont aussi à l’école maintenant. Ils

viennent le samedi pour apprendre également la ro-

botique. Celui qui s’occupait de notre premier ate-

lier se préoccupait du nombre de parents que nous

devions prévoir. On en espérait une cinquantaine en

se basant sur l’effectif des deux classes de 2e année,

soit 70 élèves et prévoyant que certains parents ne

pourraient pas forcément se libérer pour ces ate-liers. On s’est donc procuré le matériel nécessaire

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© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH

23 

pour une cinquantaine de participants. A notre

grande surprise, on avait 110% des parents pré-

sents. Cela veut dire que maman et papa venaient,

papa venait avec un frère aîné, etc. car tout le

monde voulait venir apprendre la robotique.

Nous avons commandé des kits de robots que Pa-trick Attié nous avait recommandés avec des Co-

réens qui étaient à l’époque en Haïti. Les élèves, des

enfants de 7-8 ans, ont appris à monter ces robots

et cette année, ils apprennent à les programmer.

Nous y tenons car pour nous la robotique est un do-

maine d’avenir.

Nous avons aussi développé un projet de reboise-

ment qui donne des résultats assez intéressants.

Tous les matins, les élèves arrivent avec des pépins

de fruits qu’ils ont consommés à la maison et ap-

prennent à faire des pépinières. Ils ont dit qu’ils ont

choisi le reboisement par les arbres fruitiers et ils

cherchent des endroits du pays qui ont besoin

d’être reboisés. Là encore, ils apprennent à com-

prendre leur communauté et à penser pour elle. En

effet, ils se disent que s’ils plantent des arbres fo-

restiers, les paysans risquent de les couper pour

faire du charbon de bois alors qu’ils ont moins ten-

dance à couper des arbres fruitiers. Ils préfèrent

être sur la cour de l’école à mettre des pépins en

terre que d’être en salle de classe et apprendre ce

que c’est qu’une semence. Nous développons cesnotions à l’école par la pratique. Ils ont été au

morne Sarrasin où ils ont été à la rencontre des pay-

sans et échangé avec eux sur comment planter les

arbres fruitiers et en récupérer plus tard les fruits.

La numérisation du matériel et des mé

thodes pédagogiques

Nous utilisons sérieusement le numérique comme

support pédagogique actuellement : toutes nos

classes des deux premiers cycles du fondamental,

sont équipées d’un écran de télévision. Nous n’utili-sons presque plus les tableaux avec de la craie, les

professeurs exploitent largement des contenus vi-

déo. Tous les enseignants disposent d’un ordinateur

portable et préparent leurs cours sur support numé-

rique. Nous sommes maintenant en train de mettre

en place l’utilisation des livres numériques, ce qui

veut dire que nos enfants de 5-6 ans n’auront plus

de sacs à dos remplis de livres, mais juste une ta-

blette avec leurs manuels enregistrés dessus. Tous

les livres que nous produisons à l’école sont déjà nu-

mérisés et nous avons un accord avec les EditionsDeschamps ainsi que la compagnie d’édition Na-

than, pour que, moyennant paiement des licences,

nous puissions avoir les versions numériques des

livres que nous commandons chez eux.

Au niveau du secondaire de l’école, nous avons fait

une enquête récemment qui nous a révélé que 70%

des élèves disposent d’une tablette ou d’un ordina-

teur portable. Nous sommes maintenant en traind’expérimenter les devoirs par email. Les élèves en-

voient leurs devoirs sur support numérique à l’en-

seignant. Celui-ci les corrige et retourne ses correc-

tions aux élèves. Nous prenons la précaution par

contre de mettre la direction ainsi que les parents

en copie de ces échanges parce que le numérique,

l’informatique, la technologie peuvent aussi être

dangereux.

Développement personnel et responsabili

sation des élèves

Exploiter des outils technologiques pour l’appren-

tissage ne suffit pas. Il faut que les élèves appren-

nent à s’affirmer et, pour ce faire, il faut encourager

leur développement personnel et leur sens de la

responsabilité. De ce fait, nous avons introduit à

l’école un cours de développement personnel et de

gestion de projets à partir de la 7e année fondamen-

tale, pour nos élèves de 11 ans. Maintenant, pour

tous les projets qu’ils réalisent, ils doivent en esti-

mer le coût de réalisation. Ils doivent présenter un

bilan, un budget, de telle sorte que, quand ils de-

mandent de l’argent pour ce projet à papa et à ma-

man, ces derniers peuvent dire si oui ou non, ce coût

est dans leur budget, ce qui leur permet de com-

prendre concrètement ce qu’un budget veut dire.

Dans ce cours, nous apprenons à chaque élève à

construire sa « molécule personnelle ». Cela veut

dire que chacun va apprendre à identifier sa qualité

principale, sa passion première, sa plus grande va-

leur et, le plus important, identifier le problème du

monde qui le touche le plus. Nous refusons d’enfer-

mer nos élèves dans les salles de classe et les encou-rageons à s’ouvrir sur le monde. Les temps ont

changé, les époques ne sont plus les mêmes. Nous

leur apprenons à se connaître et leur disons que la

molécule que chacun représente, a la capacité d’in-

fluencer le monde. Nous avons impliqué aussi les

parents dans cette formation.

Nous avons également introduit un cours d’entre-

prenariat très formel à partir de la classe de Troi-

sième pour lequel ils ont aussi un projet à présenter

en fin d’année. Par exemple, il y a un exercice d’en-

treprenariat que nous sommes en train de faire ac-tuellement. Nous prêtons 25 gourdes à chaque

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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015 

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24 

élève de Seconde. Ils doivent trouver un projet qui

leur permet de faire fructifier ces 25 gourdes en res-

pectant certaines contraintes. Par exemple, si le

projet n’est pas innovant, ils auront des taxes à

payer sur l’argent qu’ils ont récupéré. Mais si le pro-

 jet est innovant, on les exonère des taxes à payer. Il

y en qui arrivent à réaliser 1.000 gourdes à partir des

25, avec des projets innovants.

Implication dans des projets sur des préoc

cupations internationales

Nous sommes impliqués dans le projet Cop21, dont

la conférence se déroulera prochainement en

France. Des écoles à travers le monde s’associent

pour pouvoir faire des démonstrations et impliquer

encore plus les jeunes dans la protection de l’envi-

ronnement. Nous venons de monter notre docu-

mentaire que nous avons d’ailleurs envoyé ce matinen France.

Changement profond des méthodes d’éva

luation

Cela fait plus de 26 ans, au collège Catts Pressoir,

que les élèves n’ont plus d’examens de fin d’année

type « que savez-vous de…  », « problèmes à ré-

soudre » ou encore « récitation de théorèmes ».

Dès le mois de janvier, les élèves ont leurs examens

de fin d’année en main. Une partie de l’examen a

rapport à leur curriculum, leur programme de cours,et l’autre partie a rapport à un besoin de dévelop-

pement de la communauté. La classe est divisée par

groupes et chaque groupe se charge d’un sujet et

soumet un agenda de présentation. A la fin de l’an-

née, nous organisons deux journées portes ouvertes

à l’école, les expo-sciences, au cours desquelles les

élèves présentent leurs projets, leurs réflexions,

leurs créations qu’ils partagent avec le grand public.

Tout le problème pour nous est de sanctionner ces

travaux par une note. Comment attribuer cette

note ? C’est facile lorsqu’on donne un examen à dix

questions : si l’élève répond correctement à 8

d’entre elles, il a 8 sur 10. Pour nous, le processus

est extrêmement difficile parce qu’il faut évaluer le

cheminement du travail de l’élève du jour où il a eu

le projet en main jusqu’à la présentation. L’objectif

principal, c’est de développer un enseignement des

sciences pour préparer des acteurs de changement.

L’école devient alors un lieu incubateur où ils peu-

vent expérimenter, évaluer et présenter leurs pro-

 jets.

A l’expo-science 2015, les enfants de 7, 8 et 9 ans

étaient très heureux de montrer les robots qu ’ils

avaient programmés. Nous avions par exemple un

terrain de football et des robots footballeurs qu’ils

ont construits et programmés.

Tout ceci est récupéré pédagogiquement. Commentréfléchit l’enfant maintenant comparé à d’autres

qui récitent des notions apprises par cœur et non

assimilées ? Ils pensent autrement, parce qu’on en-

courage et stimule la rationalité de leur jugement.

Avec un robot, une vis mal installée peut empêcher

l’ensemble de fonctionner. Avec l’informatique, ils

apprennent à organiser leurs documents et à les re-

trouver en utilisant la bonne orthographe. Dans la

méthode d’évaluation la plus répandue, une faute à

une dictée fait perdre 1 point, pour 10 fautes l’élève

obtient 0…  15 fautes, toujours le même zéro ; 20fautes, il a toujours le même zéro. Dans la méthode

que nous préconisons, les élèves apprennent l’im-

portance des mots et celle de bien les orthogra-

phier.

QUELQUES EXEMPLES DE PROJETS REA-

LISES PAR NOS ELEVES A titre d’exemple, l’une de nos classes avait pro-

grammé un robot qui souhaitait la bienvenue aux vi-

siteurs à notre expo-science 2015. Sur chaque carte

d’invitation, on avait mis un numéro que nous

avions aussi enregistré dans une base de données

avec le nom de l’invité auquel il était associé. On de-

mandait à l’invité d’entre son code sur un pad à l’en-

trée et le robot lui souhaitait la bienvenue en pro-

nonçant son nom.

Un groupe d’élèves a fabriqué, en guise d’examen

de fin d’année en classe de 3e, une maison qu’ils ont

appelée « maison écolo-technologique ». Elle est

alimentée à 100% par des panneaux solaires. Ils se

sont basés sur l’exemple de l’école car, présente-

ment, nous sommes autonomes à 60% en énergieélectrique grâce aux panneaux solaires. D’ici deux

ans, nous comptons nous affranchir entièrement de

l’EDH. Pour la construction de leur maison écolo-

technologique, les élèves ont installé eux-mêmes

les panneaux solaires. Ils ont installé les batteries,

l’inverter  et un système de relais capable de rece-

voir des commandes envoyées à partir d’un télé-

phone portable, d’une table ou d’un ordinateur. Ces

commandes permettent par exemple d’allumer et

d’éteindre à distance les lumières de la maison,

entre autres. Ils ont installé également une petite

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25 

caméra digitale qui permet d’avoir une vidéo sur-

veillance de la maison de n’importe où dans le

monde.

Certains de nos élèves de 9 ans, ont aussi imaginé

un petit coin écologique et ont mis en place une cul-

ture hydroponique de choux. Il s’agissait de leurexamen de fin d’année de sciences natu-

relles : « Comment parvenir à faire de la culture

dans un espace restreint ? ».

CONCLUSION L’un des « problèmes » que nous avons aujourd’hui

à l’école, c’est que les élèves refusent de rentrer

chez eux. Nous devons parfois appeler les parents

pour leur demander de venir chercher leurs enfants

parce que, à 5h de l’après-midi, nous en avons en-

core 150 à l’école.

Nous continuons à imaginer les nouvelles forma-

tions que nous devons donner à nos élèves. Avec

ces stratégies éducatives, nous changeons leur

mentalité, nous changeons leurs attitudes, nous

changeons leurs aptitudes et ils sont impliqués réel-

lement dans le développement de leur commu-

nauté.

Je termine avec cette petite phrase que j’aime beau-

coup : « Les choses n’arrivent pas, on les fait arri-

ver. ». Nous faisons ce qu’il faut pour que nos élèves

ne s’autorisent plus à dire : « Sa w ’  vle m’  fè, peyi a

se konsa li ye ! » ou « On ne peut rien faire parce

que… ». C’est difficile mais vous devez chercher les

moyens d’y arriver. Il y a cette petite phrase qui s’est

développée à l’école –ce n’est pas français, je m’en

excuse –  « Il y a toujours moyen de « moyonner ».

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26 

Produire et exploiter destraces éducationnelles : versune précision fine des services

tutorielsMots clés :  Jeux sérieux, analyse de traces d’apprentissage, processus de

traitement de données 

INTRODUCTION Vous avez tous entendu parler du Big Data. Il y a de

plus en plus de données produites avec les outils nu-

mériques et on propose divers moyens d’exploiter

ces données pour en faire de l’information, des con-

naissances. C’est pareil dans le domaine de l’ap-

prentissage, spécifiquement, le domaine de l’ap-

prentissage assisté par ordinateur incluant l’utilisa-tion des Environnements Informatiques pour l’Ap-

prentissage Humain (EIAH), les Systèmes Tutoriels

Intelligents, et autres MOOCS, etc. On a une grande

quantité de données produites dans ce type de dis-

positif et on veut pouvoir les analyser.

Pour ce faire, il y a plusieurs problèmes à prendre

en compte. Principalement les suivants.

 

Ces données sont produites en différents en-

droits et ne sont pas partagées. Il en va de

même des « opérateurs » d’analyse : les outilsinformatiques nécessaires à leurs traitement

et analyse.

 

Les données sont souvent produites par les en-

seignants, les opérateurs, par les informati-

ciens et il manque la jonction entre les deux.

La question que nous nous sommes posée et à la-

quelle nous cherchons à répondre c’est, comment

peut-on améliorer le partage des données, des opé-

rateurs et donc des scénarios d’analyses.

Comment gérer les cycles de vie des données ?Comment construire des processus d’analyses ?

Personne ne s’efforce vraiment à faire un processus

d’analyse de données de manière naturelle. Donc,

comment est-ce qu’on peut guider les gens dans ce

travail ? Comment garantir le partage et la dissémi-

nation de ces informations ?

En tant que chercheurs, une fois ces questions po-

sées, on regarde s’il y a des solutions qui existent.

UN PETIT TOUR DE L’ETAT DE L’ ART Au niveau des plateformes de traitement de don-

nées, qu’est-ce qui existe ? Essentiellement, des

plateformes qui permettent de faire du Data Mining

et des outils qui permettent de conceptualiser le

processus d’analyse de données.

J’ai identifié trois types de plateforme pour chacune

desquelles je vous dresse les avantages et inconvé-

nients.

Les plateformes de stockage de données

data storage platform) 

Ces plateformes facilitent le stockage des données

et métadonnées (ex : Tincan, Mulce). Elles sont très

intéressantes parce qu’elles permettent de détailler

énormément les métadonnées, ce qui très impor-

tant pour la réutilisation des données. Par contre,

elles offrent très peu de flexibilité pour pouvoir

stocker ces données : elles utilisent des structures

de stockage souvent rigides donc difficiles à adapter

à tous les types de données.

Mme Nadine MANDRAN

Ing MS

 

Statisticienne

Ingénieure d’études au Centre National de la

Recherche Scientifique (CNRS). Laboratoire

d’Informatique de Grenoble

« Il y a de plus en plus de données produites avec les outilsnumériques et on propose divers moyens d’exploiter ces don- nées pour en faire des connaissances. C’est pareil dans le do- 

maine de l’apprentissage assisté par ordinateur. Le travail présenté ici a permis de faire avancer la recherchedans ce domaine du point de vue conceptuel, et les outils dé- veloppés ainsi que les données et le processus de traitement,

 peuvent être réutilisés par d’autres chercheurs . » 

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27 

Les plateformes d

analyse de données ana-

lysis platform)

Pour ce type de plateformes, nous avons, entre

autres, SAS, R, Orange, ou encore RapidMiner. Elles

offrent beaucoup d’opérateurs et permettent d’évi-

ter, dans la plupart des cas, de gros travaux de dé-veloppement d’algorithmes. Par contre, elles ne

sont pas du tout spécifiques, et de ce fait, difficiles

à exploiter directement pour les données d’appren-

tissage humain qui nous intéressent. Dans, ce cas, il

faut développer ses propres opérateurs.

Les plateformes de stockage et d

analyse

storage and analysis platform)

Dans ces plateformes, tel que Datashop par

exemple, on peut aussi bien stocker les opérateurs

et les processus d’analyse des données. Les don-nées et opérateurs d’analyses sont stockés au

même endroit. Par contre, la difficulté d’implémen-

tation et de design de ces plateformes est très éle-

vée.

SCHEMAS DE PROCESSUS Ce qui nous intéresse, c’est de stocker données et

opérateurs au même endroit mais aussi de définir

les schémas de processus utilisant ces opérateurs,

pour le traitement des données. Il existe dans l ’état

de l’art des travaux traitant des schémas de proces-

sus mais ils ont tous des terminologies bien spéci-fiques et des organisations spécifiques des proces-

sus de traitement. Nous avons tout d’abord re-

gardé, parmi ces schémas existants, s’il y’en a un qui

pouvait correspondre à nos besoins.

Le travail de Bishop

On a donc commencé par regarder un processus dé-

dié au traitement de données en sciences sociales,

qui était proposé par [Bishop, 2011]. Tout d’abord,

qu’est-ce que c’est que le traitement de données ?

Il faut tout d’abord créer, collecter, les données quel’on veut traiter. On construit un protocole pour

créer les données puis on procède au traitement de

ces données. En détaillant son processus, Bishop

précise que ce traitement inclut la saisie des don-

nées, leur transcription, leur validation, leur net-

toyage, leur anonymisation quand c’est nécessaire,

leur description, etc. Ensuite, dans ce processus, les

prochaines étapes sont : l’analyse des données ; la

préservation des données (leur sauvegarde) ; la dif-

fusion des données pour assurer que d’autres y

aient accès ; et enfin, la réutilisation des données.

Le schéma de ce processus est présenté dans

l’image ci-dessous.

Processus de traitement de données selon Bishop

J’attire votre attention en particulier sur l’étape

« check, validate, clean data ». Bishop intègre cette

étape dans le processus or, c’est une étape très con-

fidentielle et nous, ce que l’on observe là-dessus,

c’est que le temps de prétraitement des données re-

présente 80% du temps de travail de l’analyste de

données. Un statisticien, par exemple, passe 80% de

son temps à nettoyer les données avant d’en faire

vraiment l’analyse. Cette étape-là du schéma de Bis-

hop ne nous convenait donc pas tout à fait.

Dans le processus de Bishop, elle propose aussi une

étape d’analyse des données puis, une étape de par-

tage des données, suivie d’une étape de réutilisa-

tion des données. Or, la réutilisation des données

consiste en fait à analyser à nouveau les données.

En termes de méthode, dans ce processus, la pre-

mière et la deuxième analyse représentent la même

chose.

Cet aspect-là ne correspond pas à ce que nous cher-

chons. De plus, d’une part, les opérateurs ne sont

pas identifiés : Bishop ne parle, dans cette proposi-

tion, que des données. Dans notre cas, nous voulons

identifier de manière distincte les opérateurs et les

données. Nous considérons aussi que le prétraite-

ment est confidentiel et ne peut être noyé dans la

masse des autres tâches. Enfin, ce processus se ré-

sume en trois objectifs : processus des données,

analyse des processus et partage. Nous, nous consi-

dérons plus d’étapes dans le processus de traite-

ment des données.

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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015 

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28 

Le travail de Stamper

Le travail de Stamper [Stamper & Koedinger, 2011]

est à la base de Datashop, la plateforme qui fait ré-

férence dans le domaine de l’entreposage, du par-

tage et de l’analyse de données.

Le processus qu’il propose est différent (Cf. Figure

ci-dessous) : on a d’abord un design de données

puis on procède à la collecte des données et à l’ana-

lyse des données ; ensuite, on publie les résultats de

cette étape d’analyse, on archive les résultats et,

ensuite, on effectue une seconde analyse.

Processus de traitement de données selon Stamper &

Koedinger  

Ce qui est intéressant dans ce processus, c’est que

Stamper mentionne les opérateurs d’analyses qui

n’étaient pas présents ailleurs. Ensuite, on peut voir

aussi sur le schéma que différentes interactions

entre les étapes sont ajoutées. En fait, l’analyse de

données est un processus très itératif. Ce n ’est pas

du tout linéaire. Donc, ces flèches marquant les ité-rations dans le processus, nous intéressent beau-

coup.

Stamper parle aussi de seconde analyse, c’est à dire

qu’il a bien conscience que les données doivent être

réutilisables. Enfin, il parle de l’archivage des don-

nées.

Par contre, pour nous, l’étape d’archivage arrive un

peu tard, pratiquement à la fin du processus. Or, si

on veut bien utiliser les données, il faut avoir iden-

tifié tout ce qui s’est passé en amont. Et surtout, ilne parle pas de prétraitement des données et

comme je l’ai déjà mentionné, cela représente 80%

du temps de notre travail.

En résumé, les points faibles de ce schéma pour

nous sont les suivants : l’absence d’étape de prétrai-

tement et cette étape d’archivage qui arrive bien

trop tard dans le processus.

Pourquoi c’est important de réutiliser les données ?

Parce que les données ont un coût et il est élevé. A

l’époque où je travaillais en science politique, dansle cadre de nos enquêtes avec des cohortes de

1.000 personnes, cela coûtait 300 euros par per-

sonne.

Les données ont donc un coût élevé et il faut pou-

voir les réutiliser. Aussi et surtout parce qu’il est im-

portant de rendre reproductibles les résultats. La

démarche scientifique l’exige : d’autres personnesdoivent toujours être capables, pas forcément de

reproduire vos résultats, mais au moins de répéter

la méthode que vous avez utilisée pour valider vos

données.

Donc, en résumé, pourquoi ces deux propositions

ne correspondent pas tout à fait à nos besoins ? Le

premier processus n’intègre que les données et pas

les opérateurs ; l’étape de prétraitement des don-

nées n’est pas vraiment prise en compte et il y a dif-

férents objectifs dans le même cycle : l’analyse ap-

paraît à plusieurs endroits.

Dans le second processus, l’archivage arrive à

chaque fois bien trop tard. De plus, pour nous, l’ana-

lyse secondaire est une nouvelle étape à part en-

tière dans le cycle de vie des données.

PROPOSITION : LE PROCESSUS DOP8Après avoir regardé l’existant, l’objectif maintenant

est de proposer une nouvelle idée. Cette nouvelle

proposition consiste à combiner dans le processus

les cycles de vie des données et des opérateurs.

Nous avons appelé cette proposition DOP8 [Man-

dran et al.,  2015]. C’est une proposition concep-

tuelle qu’il faut après instancier en utilisant une pla-

teforme informatique.

Schéma du processus DOP8

DOP8, c’est d’une part, un cycle qui va porter sur les

données en haut et sur les opérateurs en bas. Ce

cycle intègre 4 étapes au niveau « données » : (1) la

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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti 

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préparation des données ; (2) la collecte et le stock-

age des données ; (3) la validation des données ; (4)

l’enrichissement des données. Il s’agit là des étapes

de prétraitement que l’on distingue très clairement

dans le processus.

Au niveau des opérateurs, nous avons les étapessuivantes : (1) la conception d’algorithmes ; le déve-

loppement d’opérateurs intégrant ces algorithmes ;

(3) la validation des opérateurs, à savoir, l’évalua-

tion de ses performances.

C’est seulement à partir de là que l’on peut passer

dans la phase d’analyse des données.

Nous avons aussi ajouté les itérations nécessaires

entre différentes étapes et intégré l’archivage des

données tout au long du processus. En fait, de notre

point de vue, il est tout aussi important de stockerles données que de détailler la démarche de déve-

loppement d’un opérateur d’analyse ; il est tout

aussi important de savoir comment un algorithme a

été conçu que de savoir comment les données ont

été produites. L’idée par-là, est de garantir la qualité

du travail tout au long du processus.

En résumé, si je compare notre processus à ceux de

l’état de l’art évalués, les apports sont les suivants :

  Les cycles de vie des données et des opéra-

teurs de traitement sont combinés  Le prétraitement est détaillé en 2 étapes : la

validation et l’enrichissement des données

  Au lieu d’inclure deux niveaux d’analyse des

données, on inclut plus de boucles itératives

  L’archivage est présent à chaque étape du pro-

cessus.

Au niveau de l’implémentation informatique qui a

été gérée par Michael ORTEGA, nous avons mis en

place deux bases : une base contenant les données

et une base contenant les opérateurs. Derrière ces

bases, il y a un outil qui assure la jonction entre les

données et les opérateurs d’analyses.

Concrètement, nous avons une plateforme, Under-

Tracks, qui nous permet de stocker les processus

d’analyses de données et qui intègre un outil qui

permet d’accéder aux données et aux opérateurs

impliqués dans ces processus. La plateforme Under-

Tracks est basée sur un outil existant qui s ’appelle

Orange, mais a été adaptée à nos propres données.

Ce que l’on vise concrètement avec UnderTracks,

c’est de pouvoir récupérer toutes les traces d’acti-

vité de nos étudiants quand on fait des expérimen-

tations et de partager les processus de traitement

de ces traces. Par exemple, dans une expérimenta-

tion, nous avons mis en lien un dispositif tangible

pour l’apprentissage de la numération par des en-

fants et notre plateforme. L’activité des enfants est

complètement tracée par ce dispositif et les traces

sont directement envoyées sur UnderTraks où elles

sont stockées et pourront être analysées.

Donc, aujourd’hui, ce que nous avons développé

dans le cadre de notre recherche, c’est vraiment

une plateforme d’analyse de données et qui est

complètement partagée.

Je vais maintenant détailler comment cette plate-

forme a été exploitée avec un autre cas d’étude.

EXPLOITATION DE NOTRE PROPOSITION AVEC T AMAGOCOURS 

Le jeu sérieux Tamagocours

Tamagocours est un jeu sérieux développé dans le

cadre des recherches de deux chercheurs en didac-

tique, Eric Sanchez et Valéry Emin [Sanchez et al., 

2015].

Ce système a été conçu pour enseigner aux ensei-

gnants de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, à

donner des cours sur des règles juridiques à des étu-

diants qui ne sont pas du tout intéressés par cesconcepts.

Il y avait 200 étudiants, très peu motivés à former,

en un temps très court. Le challenge était élevé.

Comme résumé dans la figure ci-dessous, le jeu Ta-

magocours fonctionne comme suit. Il y a une biblio-

thèque dans laquelle on peut récupérer des res-

sources éducationnelles. Ces dernières sont des

textes que l’on veut utiliser pour enseigner à des

étudiants. Elles peuvent être utilisées seulement si

elles sont dans le domaine public. Les enseignantsdoivent s’en assurer avant de les diffuser à leurs

étudiants. Les ressources éducationnelles choisies

sont ensuite posées dans un « frigo ». Une fois po-

sées dans le frigo, les apprenants peuvent travailler

ensemble dessus. Ils sont par groupe de 3 et peu-

vent discuter, autour des ressources choisies, dans

l’environnement de tchat du jeu. Après discussion,

ils vont ensuite nourrir un Tamago. Si le choix d’une

ressource n’est pas justifié, le Tamago passe au

rouge sinon, il reste vert. S’il devient rouge, c’est

que leur choix était erroné ils doivent retrouver uneautre ressource, rediscuter entre eux et nourrir à

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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015 

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nouveau le Tamago. Enfin, à la fin du jeu, ils peuvent

débriefer avec le tuteur pour comprendre ce qu’ils

ont réussi et là où ils ont échoué, et continuer à

 jouer ou pas. C’est un jeu amusant mais il y a des

objectifs pédagogiques derrière.

Interface du jeu sérieux Tamagocours

A quoi cela sert-il concrètement ? L’objectif de re-

cherche à la base de ce jeu est de déterminer s’il est

possible de concevoir un modèle comportemental

des apprenants/joueurs [Wenger, 1987]. Si oui,

comment y parvenir ? En d’autres mots, comment

conceptualiser les traces enregistrées à partir du

 jeu ?

Production de traces

Plusieurs études empiriques ont été conduites dans

cet objectif. Il y a tout d’abord eu un pilote qui a étéfait en octobre 2013 avec 18 étudiants. Ensuite, un

premier test a été réalisé avec 16 étudiants (en no-

vembre 2013) puis, un deuxième test, avec 9 étu-

diants, en février 2014. Ces deux tests ont été réali-

sés avec les étudiants se trouvant dans la même

salle et jouant au même moment Et enfin, une

étude à plus grande échelle a été réalisée en avril

2014 et nous a vraiment permis de capturer des

traces. Elle a été faite avec 193 étudiants répartis

dans 81 groupes. Ils étaient à distance et pouvaient

participer au jeu à n’importe quel moment.

Traitement des traces

Les traces produites dans le jeu sont à l ’état brut et

doivent être codées. Elles contiennent juste des in-

formations telles que le nom d ’une action, l’utilisa-

teur qui l’a exécutée et le moment (timestamp) où

l’action a été exécutée. Les traces ne sont donc pas

codées au départ. Les chats par exemple sont des

verbatim des discussions des étudiants autour du

choix et de la validation des ressources éducation-

nelles.

Une fois codées selon le modèle théorique requis,

les traces sont envoyées dans la plateforme Under-

Tracks. A partir de là, elles peuvent être analysées.

Les résultats des analyses constituent des feedbacks

à la fois aux enseignants, aux apprenants, aux infor-

maticiens qui développent les opérateurs et aux

chercheurs.

Ces feedbacks peuvent être utilisés pour améliorer

le jeu Tamagocours, voire, améliorer le modèle

théorique derrière les objectifs pédagogiques du

 jeu.

Visualisation et analyse des données

Dans UnderTracks, des modèles de visualisation des

données sont utilisées pour les analyser.

Visualisation des données dans UnderTracks

Dans l’image ci-dessus, nous avons une ligne par

étudiant et chaque bâtonnet représente une action

exécutée par un étudiant. Cette visualisation des

données nous permet de voir une grande diversité

des comportements. Par exemple, les bâtonnets

orange représentent des actions de tchat. On peut

donc voir que l’étudiant 5 à tendance à participer

beaucoup plus au tchat que l’étudiant 4 dont la ligne

d’actions ne comporte aucun bâtonnet orange.

Nous avons donc un ensemble de données séquen-

tielles que constituent les traces de toutes les ac-

tions des étudiants au fil du temps. Les données sé-

quentielles sont difficiles à analyser. Pour faciliter

cette tâche, il faut les agréger. Dans notre cas

d’étude, cela représente un premier niveau d’ana-

lyse qui consiste à regrouper les actions des étu-

diants de même équipe ainsi que la durée de leur

travail, et de comptabiliser ensuite leurs actions ré-

ussies et leurs actions erronées.

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Patternsd ’ actions

Ce que l’on va également regarder, ce sont les ob-

servations qui ont pu être faites au niveau des

traces et qui permettent de définir des patterns. Les

patterns sont des suites d’actions à partir desquels

le comportement ou l’activité des étudiants peut

être évalué. Par exemple la suite d’actions « nourrir

le Tamago > mettre une ressource dans le frigo >

nourrir le Tamago » est une mauvaise série d’ac-

tions. Par contre, le pattern « consulter une res-

source de la bibliothèque > ajouter la ressource

dans le frigo > nourrir le Tamago » représente un

comportement correct.

On peut donc ainsi distinguer différents comporte-

ments. Dans l’image ci-dessous, le comportement

du Joueur 1 est très différent du comportement du

Joueur 4.

Patterns d ’ actions des joueurs

Le joueur 1 prend le temps de lire la ressource po-

sée dans le frigo et de prendre connaissance de son

contenu. Ensuite, ils discutent avec ses camarades

et décident seulement après ces discussions de

nourrir ou pas le Tamago. C’est un comportement

correct.

Dans le pattern du Joueur 4, on n’observe que deuxactions : la ressource est récupérée sans être con-

sultée et le Tamago est directement nourri sans dis-

cussion préalable avec le groupe. Cette stratégie est

évidemment très mauvaise.

Cela représente une première manière d’analyser

les données, c’est-à-dire, observer tout simplement

à travers une représentation visuelle, les actions des

étudiants tracées au fil du temps. Nous avons pu

ainsi identifier deux différents patterns de compor-

tements des étudiants sur les données séquentielles

(actions exécutées par les étudiants au fil du temps).

Corrélationentrepatternsd ’ actionsetperformances

Ce qui nous intéresse aussi, c’est de pouvoir déter-

miner, quand les étudiants exécutent des patterns

d’actions corrects et obtiennent des résultats

 justes, à quoi cela peut être corrélé. Nous utilisons

pour cela, l’analyse factorielle de correspondances

qui permet de mesurer la relation entre différentes

variables.

Sur le graphe ci-dessous, on peut voir qu ’il y a deux

stratégies qui se distinguent : d’une part, ceux qui

ont un comportement, suite d’actions, correcte et

d’autre part ceux qui exécutent des patterns d’ac-

tions incorrects. Ce graphe permet d’observer que

ces deux stratégies complètement opposées, sont

indépendantes du nombre de tchats des étudiants.

En d’autres mots, la tendance à collaborer des étu-

diants ne détermine pas s’ils vont avoir des straté-gies correctes ou incorrectes.

 Analyse en composantes principales

Nous avons pu dégager deux types de comporte-

ments. Ce qui nous intéresse ensuite c’est de savoir

quels étudiants ont quels types de comportements

car l’objectif est d’arriver à définir des classes d’étu-diants.

Par la méthode de Classification Ascendante Hiérar-

chique, nous parvenons à distinguer des classes

d’individus : ceux qui ont un comportement qui per-

met de mieux réussir (ils prennent connaissance des

contenus des ressources avant de nourrir le Ta-

mago) et ceux qui ont un comportement menant

plutôt vers l’échec (ceux qui nourrissent le Tamago

sans prendre le temps de consulter le contenu des

ressources) (encerclés en bleu sur le graphe ci-des-

sus). On peut aussi distinguer ceux qui chattent leplus (encerclé en rouge) et on constate que les deux

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stratégies identifiées sont indépendantes du

nombre de tchat des apprenants.

Classes de joueurs trouvées

Si nous laissons ces méthodes dites agrégées pour

revenir sur la représentation séquentielle du com-

portement des étudiants, nous retrouvons 5 classes

de joueurs qui sont représentés par les « timelines »

de l’image ci-dessus. Nous avons les joueurs effi-

cients qui vont très vite et réussissent très vite ou

encore les « gaveurs » qui nourrissent le Tamagosans consulter le contenu des ressources. Nous

avons aussi les bavards qui échangent beaucoup et

les experts.

Tout ce travail statistique nous a amené à montrer

qu’on peut arriver à passer d’un ensemble de don-

nées dites séquentielles, difficilement analysables, à

des données agrégées, qui permettent de résumer

l’information, et ensuite revenir à un niveau d’ana-

lyse séquentiel.

CONCLUSION Ce travail a été réalisé selon le processus DOP8. En-

suite, il y a eu un travail informatique d’instancia-

tion. La recherche présentée ici est une réutilisation

de l’instanciation du processus dans UnderTracks.

Les données utilisées dans cette étude ont été en

effet stockées sur la plateforme UnderTracks, puis

analysées avec les opérateurs d’UnderTracks et

d’Orange.

La réalisation de cette plateforme a été faite en in-

terne dans notre laboratoire. Elle a permis de faire

avancer la recherche du point de vue conceptuel, et

les outils développés ainsi que les données et le pro-cessus de traitement, peuvent être réutilisés par

d’autres chercheurs.

Le développement de cette plateforme va continuer

dans le cadre d’un projet ANR (Agence Nationale de

la Recherche). L’objectif est de guider les cher-

cheurs dans la construction de données selon le

cycle DOP8, le développement d’opérateurs, la

création de processus et d’assurer que cela puisse

être partagé et réutilisé.

RÉFÉRENCES [Bishop, 2011] Bishop, L. 2011. UK Data Archive Re-

sources for Studying Older People and Ageing.

[Mandran et al., 2015] Mandran, N., Ortega, M., Luengo,

V., Bouhineau D. 2015. DOP8 Cycle: Merging both data

and analysis operators life cycles for Technology En-

hanced Learning. LAK 2015. 

[Sanchez et al., 2015] Sanchez, E., Emin Martinez, V. &

Mandran, N. 2015. Jeu-game, jeu-play, vers une modéli-

sation du jeu. STICEF 2015.

[Stamper & Koedinger, 2011] Stamper, J. and Koedinger,

K.R. 2011. Human-machine student model discovery and

improvement using data. Proceedings of the 15th Inter-national Conference on Artificial Intelligence in Educa-

tion.

[Wenger, 1987] Wenger, E. 1987. Artificial intelligence

and tutoring systems. Los Altos, California: Morgan Kauf-

mann Publishers.

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33 

Vers de nouvelles méthodesd’évaluation automatisée de

l’apprentissage  Intervention effectuée à distance par vidéoconférence Mots clés : Méthodes d’évaluations, Automatisation des évaluations, EIAH 

INTRODUCTION Je vais vous parler aujourd’hui de méthodes auto-

matisées pour l’apprentissage. Mon domaine de

compétence principale est l’informatique, spéciale-

ment les environnements informatiques pour l’ap-

prentissage humain (EIAH).

L’objectif des travaux de recherche en EIAH, en gé-

néral, est de concevoir ou de réfléchir à la réalisa-tion d’environnements informatiques dédiés à sup-

porter un apprentissage humain dans lesquels des

agents humains ou artificiels peuvent interagir. En

d’autres mots, ce sont des environnements qui per-

mettent de faciliter des interactions, que ce soit

entre les humains directement via un environne-

ment informatique, ou entre les humains et l’envi-

ronnement informatique, le tout pour soutenir ou

accompagner une activité d’apprentissage, une ac-

tivité pédagogique. Il y a des ressources pédago-

giques produites qui sont généralement accessibles

et les informaticiens contribuent à les automatiser

et à faciliter leur mise à disposition de façon numé-

rique.

Les EIAH constituent surtout un domaine de re-

cherche pluridisciplinaire. Ce domaine requiert en

fait, outre la compétence d’informaticiens, le travail

de chercheurs en science de l’éducation, en psycho-

logie, en sociologie, entre autres. Toutes les

sciences humaines peuvent participer aux travaux

du domaine ainsi que d’autres domaines technolo-

giques.

L’objectif en EIAH est, globalement, d’étudier, con-

cevoir, expérimenter des dispositifs pédagogiques

qui intègrent les technologies de l’information et de

la communication. Ils visent en fait à concevoir des

environnements informatiques innovants. L’innova-

tion peut être au niveau pédagogique, dans la mise

en œuvre d’une pédagogie originale, nouvelle ou

différente, en dehors des outils informatiques. Elle

peut être aussi informatique, c’est-à-dire, s’appuyer

sur des principes, des méthodes, des algorithmes,

des performances informatiques inédits.

Dans quelle mesure l’informatique peut-elle contri-

buer à cette composante de l’activité de l’apprentis-

sage qu’est la partie évaluation ?

Dans une activité d’apprentissage, à un moment

donné, on doit se poser la question : « Qu’est-ce

que les apprenants ont réellement acquis au cours

d’une session d’apprentissage ? La question à la

base de cette présentation est donc : « Est-ce quel’informatique peut aider à supporter ou assister

cette activité d’évaluation ? »

EVALUATION DES APPRENTISSAGES 

Quid de l’évaluation ?

Evaluer signifie « déterminer la valeur ». Le La-

rousse décrit l’évaluation pour l’enseignement

comme l’action de « Mesurer à l’aide de critères dé-

terminés les acquis d’un élève, la valeur d’un ensei-

gnement ».

Mme Céline JOIRON

PhD

 

Informaticienne

Maître de conférences à l’Université de Pi-

cardie Jules Verne 

« L’évaluation est avant tout un outil essentiel pour la con- ception, la mise en œuvre et la régulation d’une situation

d’enseignement-apprentissage.L’automatisation partielle ou totale d’une évaluation doit

répondre à un besoin pédagogique ou une contrainte logis- tique, l’idéal étant que l’informatisation apporte quelque

chose de concret à la pédagogie sans appauvrir ce que l’onferait de manière non automatisée. »

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C’est, pour Musial et al. (2012), le fait de « situer un

acte par rapport à une référence, juger de la diffé-

rence entre cet acte et cette référence ». Cet acte

peut être celui de l’élève ou relatif aux perfor-

mances d’un groupe. Il peut également être celui

des buts de l’apprentissage à atteindre (les attendus

du programme, du curriculum).

L’évaluation est avant tout un outil essentiel pour la

conception, la mise en œuvre et la régulation d’une

situation d’enseignement-apprentissage. Elle

pousse à mobiliser des connaissances ce qui permet

de renforcer l’apprentissage. Elle est complémen-

taire à toutes les activités pédagogiques qui ont pu

avoir lieu au préalable.

Critères d’une évaluation de qualité

Evidemment, quand on est enseignant, concevoirune évaluation n’est pas une tâche très facile. Une

évaluation de qualité doit reposer sur un certain

nombre de critères. Le premier de ces critères est la

pertinence : une évaluation doit mesurer ce qu’elle

prétend mesurer. Elle doit être également fiable,

c’est-à-dire précise et objective. Une évaluation de

qualité doit également être fidèle : ce qui est consi-

déré comme excellent aujourd’hui au cours d’une

évaluation, doit encore être excellent demain. En

d’autres mots, il ne faut pas que, d’une année à

l’autre ou d’une session d’évaluation à l’autre, les

critères d’excellence divergent. Une évaluation de

qualité doit aussi être sensible : on doit, en fait,

avoir une notation qui varie suffisamment en fonc-

tion de la qualité des travaux. Deux travaux résolu-

ment différents ne peuvent pas avoir une différence

de notation de seulement quelques dixièmes de

points par exemple.

TYPES D’EVALUATIONS Il existe trois principaux types d’évaluation large-

ment exploités dans la littérature : il s’agit des éva-

luations sommatives, formatives et diagnostiques.

Evaluations sommatives

Les évaluations sommatives ou certificatives inter-

viennent en fin de formation avec l’objectif de vali-

der l’atteinte d’un certain niveau de compétences,

de capacités, de connaissances. Derrière ce type

d’évaluations, il y a la notion de diplôme ou de cer-

tification ou encore, au moins, la notion d’attesta-

tion de réussite, de bulletins ; quelque chose qui of-

ficialise l’atteinte des objectifs de l’apprenant.

Evaluations formatives

Les évaluations dites formatives sont pratiquées en

cours de formation et n’ont aucun objectif de vali-

dation. Leur but est de permettre à l ’apprenant de

se situer et de renforcer son apprentissage. Ces

exercices d’évaluation, pratiqués de manière régu-lière, permettent d’assurer le renforcement de l’ap-

prentissage tout au long de la formation.

Evaluations diagnostiques

Enfin, les évaluations dites diagnostiques sont des

évaluations mises en place par l’enseignant ou le tu-

teur, en début ou en cours de formation . L’objectif

de ce type d’évaluations n’est pas de sanctionner, ni

de vérifier ou de valider, mais plutôt d’orienter ou

de réguler l’apprentissage. On pratique ces évalua-

tions pour diagnostiquer les capacités ou les con-

naissances d’un apprenant, dans l’optique de mieuxorienter le travail requis en formation, pour éven-

tuellement personnaliser ou adapter ce travail.

CONCEPTION D’UNE EVALUATION Lorsqu’on conçoit une évaluation, on doit se poser

un certain nombre de questions pour s’assurer 

qu’elle soit correcte et objective.

Donc la première chose à laquelle il faut réfléchir

c’est, quels sont les apprentissages qu’on veut éva-

luer ? Il faut clarifier ce que je souhaite évaluer. Par

exemple, je viens de faire un certain nombre

d’heures de cours sur un thème ou un sujet en par-

ticulier, qu’est-ce que je souhaite vérifier que l’en-

semble de mes apprenants ont appris ? Comment

vais-je vérifier que ces apprentissages ont bien été

acquis ? Donc, comment vais-je collecter les

preuves de cet apprentissage ? Qu’est-ce que je vais

leur donner à faire pour qu’ils m’apportent cette

preuve que l’apprentissage est acquis et qu’ils ont

bien atteint les objectifs pédagogiques que j’avais

fixés ?

Je dois aussi me demander comment analyser cette

preuve d’apprentissage ? Comment vais-je corri-

ger ? Quelle notation, quel barème vais-je appli-

quer ?

Après, il y a des questions qui sont peut-être un peu

moins prioritaires mais néanmoins nécessaires :

Pourquoi est-ce que j’évalue ? Est-ce que mon but

c’est de sélectionner ? Sanctionner ? Valider ? Mo-

tiver ?

Il faut aussi avoir conscience de qui on évalue et

pour qui on évalue : est-ce pour moi en tant qu ’en-

seignant ? Est-ce pour une institution ? Est-ce que

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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti 

© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH

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c’est l’apprenant seulement qui a besoin de se posi-

tionner ?

Le moment où l’évaluation est appliquée est aussi

important : en début ou en fin de cours ? Ou encore,

en fin d’apprentissage ?

Enfin, qui mène l’évaluation ? Cela peut être l’ensei-

gnant ou l’apprenant lui-même dans le cadre d’une 

évaluation auto-réalisée. Cela peut aussi être

d’autres apprenants qui en évaluent un autre. Ou

encore des acteurs externes.

Ce sont là des questions à se poser lorsqu’on mène

une évaluation dans le but de balayer toutes les cir-

constances et les dimensions qu’elle peut requérir.

 AUTOMATISATION DES EVALUATIONS 

Pourquoi est-ce que l’on souhaiterait automatiserles évaluations ? Il y un certain nombre de raisons

possibles.

Le processus d’évaluation est le suivant :

CONCEPTION → COLLECTE DES PREUVES → CORRECTION→ 

ANALYSE → RESTITUTION 

L’automatisation concerne tout ou partie de ce pro-

cessus.

Dans le cadre des évaluations formatives

L’automatisation est pertinente en contexte de for-

mation à distance (ou en complément d’une forma-tion en présentielle) lorsqu’on met en place des

évaluations formatives dans le but de permettre à

l’apprenant de s’auto-former et s’autoévaluer.

L’automatisation dans ce contexte permet de s’af-

franchir de la présence ou la participation de l’en-

seignant. L’apprenant peut ainsi avoir une restitu-

tion automatique sur ses performances.

Dans le cadre des évaluations sommatives

L’automatisation est particulièrement intéressante

aussi pour les évaluations sommatives lorsque, en

contexte de formation à distance, on a une grande

cohorte d’apprenants à évaluer. Cependant, à ce ni-

veau, certains problèmes sont à considérer : les pro-

blèmes d’équité de l’évaluation pour l’ensemble des

apprenants et les problèmes relatifs à l’identité ré-

elle de l’apprenant. En d’autres mots, est-ce que

tous les apprenants sont évalués sur une même

base considérant que certains peuvent avoir re-

cours à des aides ou faire passer l‘évaluation par

d’autres en leur nom ?

1 https://www.imsglobal.org/question/index.html 

Dans le cadre des évaluations diagnostiques

Dans le cadre des évaluations diagnostiques, en

contexte de formation à distance ou présentielle,

l’automatisation peut faciliter l’analyse des profils

des apprenants et, ainsi, l’adaptation ou la person-

nalisation des parcours d’apprentissage. 

 AUTOMATISATION DES EVALUATIONS :  

EXEMPLES D’ APPLICATION 

utomatisation d’évaluations formatives

 

Les tests en ligne de la plupart des plateformes de

formation à distance, intègrent des outils d’automa-

tisation basés sur des standards tels que IMS-QTI®.

IMS-QTI1 est un format standard pour la représen-

tation des contenus d'évaluations et de leurs résul-

tats. Ce format favorise l’échange de ce matériel

d’évaluation  entre différents systèmes de gestionde l'apprentissage. Je peux aussi citer le système AS-

KER (Authoring tool for aSsessing Knowledge genE-

rating exeRcises) [Lefèvre et al., 2015], un généra-

teur automatique d’exercices d’auto-formation et

les exerciseurs type QuickMath2.

utomatisations d’évaluations sommatives

Les certifications CISCO, les certifications C2i (Certi-

ficat Informatique et Internet) ou encore les

« badges » d’attestation d’acquisition de connais-

sances/compétences dans les MOOC (Massive

Open Online Courses), exploitent des outils d’auto-

matisation de l’évaluation pour de grandes cohortes

d’apprenants. 

Génération automatique de sujets d’évalua-

tion différenciés et équitables

Dans le cadre du projet DIFAIR, mené en collabora-

tion entre l’Université de Picardie Jules Verne et

l’Ecole Supérieure d’Infotronique d’Haïti, nous tra-

vaillons sur la 

génération automatique de « QCM

différenciés et équitables ». C’est le sujet de thèse

de doctorat en cours de Richardson CIGUENE, en co-tutelle avec les deux universités.

La différentiation des sujets d’évaluations fait réfé-

rence à l’objectif de garantir une distance minimum

entre chaque paire de sujets générés. Pour ce faire,

on utilise la distance calculée sur la structure des su-

 jets. On cherche ainsi à maximiser la disparité des

énoncés de questions, et en cas de questions iden-

tiques, maximiser la disparité des réponses asso-

ciées.

2 http://www.quickmath.com/  

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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015 

© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH

36 

L’équité est le fait de 

minimiser l’écart-type entre le

niveau de difficulté de chaque paire de sujets géné-

rés. Pour cela, il faut, bien entendu, pouvoir mesu-

rer le niveau de difficulté d’un sujet.

 Architecture de l’outil  DIFAIRT-G pour la génération dede sujets d’évaluation différentiés et équitables

La figure ci-dessus schématise le fonctionnement

d’un outil conçu dans le cadre du projet DIFAIR pour

pouvoir générer les tests respectant ces critères de

de différentiation et d’équité. Il s’agit du   système

DIFAIRT-G.« Le cycle de fonctionnement de DIFAIRT-G débute par la

constitution de cette base de TestItemPatterns. Cette der-

nière peut être construite directement par l’enseignant,

importée depuis des questions sources établies dans

YMCQ ou encore depuis des items respectant le standardIMS-QTI. Vient ensuite la génération automatique des

FairTests (tests équitables), paramétrée également par

l’enseignant qui définit les éléments tels que le nombre de

questions souhaité par sujet généré, le nombre de sujets

différents souhaité ou enfin le niveau moyen de difficulté

attendu. A partir de là sont créés en parallèle les sujets

d’examen (NonAnsweredTest) et les corrigés de chacun

des sujets générés (CorrectAnsweredTest). Une fois que

l’étudiant a composé, les copies rendues par l’étudiant

(StudentAnsweredTest) peuvent ensuite être réintégrées

dans le système en vue d’une correction automatique1.

Les résultats sont conservés dans la base des “TestRe-

sults”. Cette dernière doit pouvoir être par la suite analy-

sée sémantiquement et statistiquement en vue d'enrichir

la base des TestItemPatterns d’indicateurs visant à affiner

la caractérisation de la difficulté des questions construites

à partir de ces TestItemPatterns. » [Ciguené et al.,

2015]. 

Evaluations croisées

L’automatisation est aussi exploitée dans le cadre

des évaluations croisées ou évaluations par les

pairs. Cette méthode est notamment utilisée dans

le MOOC ITyPA.

ITYPA :  INTERNET TOUT Y EST POUR AP-

PRENDRE ITyPA (http://www.itypa.mooc.fr/) est le premier MOOCconnectiviste (cMOOC) français et francophone. Iltraite des outils, méthodes et stratégies pour opti-miser l’usage d’Internet. 

Organisation de la plateforme

L’organisation de la plateforme est faite autour de 5

animateurs. Tel qu’illustré dans la figure ci-dessous,

son contenu est réparti en divers onglets dont 1

blog général géré par les animateurs, des blogs indi-

viduels avec gestionnaire de flux RSS, des forums et

des groupes de travail, entre autres. Elle comprend

aussi un fil de discussion sur Tweeter, une chaîne

YouTube et exploite la plateforme Claroline

(http://www.claroline.net/)  pour la gestion des évalua-

tions et des certifications.

Interface du MOOC ITyPA

Organisation de la formation sur la plate

forme

Les formations sur ITyPA sont organisées sur 10 se-

maines et sont thématisées. La première semaine

de formation est lancée avec une conférence web

animée par l’un des cinq animateurs. La conférence

comprend une intervention d’un expert ou témoi-

gnage d’un acteur et la présentation d’un défi et/ou

proposition d’activités lancée aux participants. Elle

est diffusée en direct sur la chaîne YouTube de la

plateforme. Les participants interagissent aussi en

direct en posant des questions ou en postant des

commentaires sur Twitter et YouTube. L’enregistre-

ment de la conférence peut aussi être retrouvée

après sur la chaîne YouTube.

Les activités sont réalisées par les participants et ils

se chargent aussi de la publication des résultats. Le

résumé d’actions et de productions liées à la forma-

tion sont aussi diffusées à travers une newsletter.

Des groupes locaux IRL (In Real Life) s’organisent au-

tour de l’ensemble de ces activités. Deux éditions de

ces formations ont été réalisées en 2012 et 2013.

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8/16/2019 Actes de la JSESIH2015

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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti 

© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH

37 

L’évaluation sur ITyP

L’évaluation sur le MOOC ITyPA se fait à travers la

plateforme Claroline où les apprenants doivent

s’inscrire. Cette plateforme permet de délivrer des

badges attestant des compétences acquises par les

participants. Une évaluation croisée du dossier depreuve de connaissances acquises de chaque parti-

cipant, est réalisée. Cette évaluation croisée met à

contribution 3 co-apprenants qui effectuent leur

évaluation selon une grille prédéfinie. Chaque ap-

prenant voulant être ainsi évalué s’engage à évaluer

lui-même d’autres co-apprenants.

La note finale attribuée aux participants est le résul-

tat de la moyenne des notes issues de ces trois éva-

luations. Cependant, si nécessaire, un arbitrage sur

la note finale à donner, en dehors des évaluations

par les co-apprenants, peut être effectué.

 AUTRES ACTIVITES D’EVALUATIONS AUTO-

MATIQUES 

Evaluation de l’apprentissage dans les COP 

L’automatisation des évaluations est aussi prati-

quée dans les Environnements Informatiques sup-

ports à l’interconnexion de Communautés de Pra-

tiques (COP). Une COP permet à un groupe d’ac-

teurs de partager et échanger sur leurs pratiques

professionnelles. Dans une COP, les participants ap-

prennent les uns des autres sans aucun guidage pé-dagogique.

L’un des aspects de la mesure de la valeur dans une

COP est la possibilité pour chaque membre d’esti-

mer l’amélioration de compétences, connaissances

et savoirs des autres. L’apprentissage qui y est éva-

lué est l’acquisition ou le développement de com-

pétences et de savoir-faire. Cette évaluation est ré-

alisée principalement au bénéfice des membres de

la communauté (individuellement ou pour l’en-

semble des membres). L’évaluation est réalisée par

les membres eux-mêmes, par l’organisation, ou en-

core, éventuellement, par un community manager  

ou d’autres acteurs impliqués. 

Les preuves d’apprentissage sont obtenues par la

collecte automatique de traces d’activités et l’utili-

sation de certaines métriques. D’autres formes

d’évaluations peuvent éventuellement être appli-

quées : tests, productions individuelles ou collec-

tives, constitution de portfolios, etc.

L’analyse et la restitution des preuves d’apprentis-

sage peuvent aussi prendre différentes formes : no-

tations, validation du « niveau d’expertise » sur la

base des critères de la communauté ou encore par

une certification, entre autres.

Evaluation de

l’acti

vité dans un environne

ment pédagogique

Dans un environnement pédagogique l’analyse des

données d’une évaluation est effectuée dans l’ob-

 jectif d’améliorer la planification pédagogique et le

protocole d’évaluation.

Cette analyse peut faire partie du travail d’analyse

de traces sur une plate-forme d’enseignement à dis-

tance à l’instar de la construction de tableaux de

bords pour guider l’apprentissage et l’automatisa-

tion des analyses de données d’apprentissage (Lear-ning Analytics).

CONCLUSION L’évaluation doit être pensée dès la conception du

dispositif d’apprentissage car cela aide à clarifier les

objectifs et à mettre en place les bonnes stratégies.

L’automatisation de l’évaluation doit être aussi pen-

sée dès ce moment-là. L’automatisation partielle ou

totale d’une évaluation doit répondre à un besoin

pédagogique ou une contrainte logistique, l’idéal

étant que l’informatisation apporte quelque chose

de concret à la pédagogie sans appauvrir ce que l’on 

ferait de manière non automatisée.

Pour aller plus loin dans la thématique de cette pré-

sentation, je vous invite à consulter le contenu de

l’atelier « Evaluation des Apprentissages et Environ-

nement Informatique. EAEI 2015 » qui a été réalisé

lors de la conférence EIAH2015 à Agadir, au Maroc.

Il est accessible sur le lien suivant : http://liris.cnrs.fr/na-

thalie.guin/EAEI/EAEI2015.html . 

REFERENCES [Ciguene et al., 2015] Ciguene, R., Joiron, C. & Dequen, G.2015. Vers la génération automatique de tests d’évalua-

tions différenciés et équitables en contexte universitaire. 

Évaluation des Apprentissages et Environnements Infor-

matiques (EIAI 2015), Agadir, Maroc

[Lefevre et al.,  2015] Lefevre, M., Guin, N., Cablé, B. &

Buffa, B. 2015. ASKER : un outil auteur pour la création

d’exercices d’auto-évaluation, Évaluation des Apprentis-

sages et Environnements Informatiques (EAEI 2015). 

[Musial et al., 2012] Musial, M., Pradère, F. & Tricot, A.

2012. Comment concevoir un enseignement ? Editeur :

DBS Pédagogie.

Page 38: Actes de la JSESIH2015

8/16/2019 Actes de la JSESIH2015

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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015 

© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH

38 

SESSION 3 : RECHERCHE, INNOVATION ET SOCIETE Modérateur :  M. Evens Emmanuel, Ing. PhD-HDR.

Directeur du Collège Doctoral d ’Haïti (CDH).

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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti 

© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH

39 

La recherche scientifique pourla modernisation des soins desanté dans un pays à faibles

ressourcesMots clés : recherche en médecine, maladies infectieuses, gestion de soins 

INTRODUCTION Je vais commencer par vous faire l’historique des

centres GHESKIO de 1979 à 2015 en mettant l ’ac-

cent sur l’apport, du point de vue de modernisation

de la médecine, particulièrement au niveau des la-

boratoires, des essais cliniques et de la recherche.

Chronologie sommaire des études cibles du

GHESKIO

1979-1982. Premières études sur les diarrhées in-

fantiles : première cause de mortalité infantile

1982-2015

  Le VIH/SIDA : première cause de décès des

adultes

 

Les Infections Sexuellement Transmissibles

 

La tuberculose : 3e cause de décès des adultes

  La malnutrition : cause majeure de mortalité

et morbidité des enfants  Le Choléra qui a déjà fait 9.000 morts

2010-2015. La santé globale

GHESKIO signifie Groupe Haïtien d ’ Etude du Sar-

come de Karposi et des Infections Opportunistes. Ce

groupe a existé avant que le SIDA ait un nom. Il fal-

lait d’abord définir la maladie. Nous nous deman-

dions est-ce qu’il s’agissait des mêmes infections

opportunistes qu’on observait aux Etats-Unis ? Est-

ce qu’on pouvait les traiter ? Quels sont les modes

de transmission ? Ensuite, nous avons été plus au-

dacieux en nous demandant si l’épidémie pouvait

être contrôlée ?

Nous avons défini un modèle de préventions et de

soins en trithérapie. En 2003, on a étendu le modèle

GHESKIO à travers tout Haïti dans 47 centres. Il y

avait beaucoup d’insécurité à l’époque et lescentres GHESKIO se trouvaient dans des zones

rouges (fortement sensibles).

A partir de 2010, nous avons intégré la prise en

charge des urgences liées au séisme, l’épidémie de

choléra et les cyclones. A partir de 2012, nous avons

défini notre modèle de santé globale.

Nous sommes à l’origine de la première étude à

avoir jamais été réalisée dans un pays en voie de dé-

veloppement sur le SIDA et ses principaux symp-

tômes : les diarrhées chroniques, les manifestationscutanées et les manifestations pulmonaires.

Les diarrhées chroniques étaient causées par des

coccidies et le traitement contre ces coccidies a été

découvert en Haïti par notre groupe. Les manifesta-

tions cutanées, spécifiquement les sarcomes de Kar-

posi et les lésions prurigineuses, ont été décrites par

le Dr Liautaud.

Les manifestations pulmonaires étaient, pour plus

de 50% des patients observés, des cas de tubercu-

lose.

M. Jean William PAPE

MD.  

Interniste et infectiologueFondateur des centres de recherche et de

soins GHESKIO 

L’OMS nous a combattus pendant 20 ans en disant que nostraitements contre la tuberculose allaient créer des résis- 

tances. Il y a à peu près 5 ans, au vu de nos résultats, elle a ad- mis que notre intervention était l’intervention publique la plus

utile du point de vue coût/efficacité.Nous pratiquons une gestion intégrée, simultanée de plus de

50 projets de services et de recherche, une gestion du proces- sus de recrutement avec suivi des candidats dès l’université . Et

nous avons plus de 250.000 patients/visites par année.

Page 40: Actes de la JSESIH2015

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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015 

© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH

40 

L A MORTALITE INFANTILE LIEE A LA

DIARRHEE Entre 1965 et 1979, une étude a été faite par le Dr

Lambert Jasmin, dans le cadre d’une thèse en Bel-

gique, sur la mortalité infantile. Les résultats ont in-

diqué que la mortalité était autour de 40 à 44%. Cerésultat a été confirmé dans mes travaux en 1979.

La mortalité infantile était tellement importante

que j’ai dû arrêter des études sur l’étiologie pour dé-

velopper une marche à suivre pour contribuer à la

diminuer.

Pourquoi les enfants mouraient ? On ne meurt pas

de diarrhée mais de déshydratation. La situation

était la suivante. Les enfants arrivaient à l’hôpital,

dans la salle d’attente où ils continuaient de se dés-

hydrater. Quand, enfin, ils voyaient le médecin, ce-

lui-ci prescrivait des antibiotiques, des anti-diar-rhéiques –on sait que ça ne servait à rien – et égale-

ment des solutés intraveineux. Les parents allaient

chercher ces médicaments à la pharmacie. Quand et

s’ils arrivaient à les trouver en tout ou en partie,

l’enfant était déjà décédé.

A l’époque, il n’y avait pas Internet. J’ai été à Cornell

University pour essayer de voir ce qui se faisait dans

les études sur la diarrhée. Il s’est trouvé qu’il y avait

une étude sur le choléra, menée au Bangladesh, où

ils proposaient une solution de réhydratation orale

avec du glucose. L’absorption du glucose favorise

l’absorption de l’eau et des électrolytes. J’ai importé

cette solution en Haïti et cela a permis de faire chu-

ter la mortalité à moins de 1%.

Deux ans après, le Ministère de la Santé a mis en

place un programme national de lutte contre la diar-

rhée avec notre unité comme centre de formation.

Nous avons pu ainsi former plus de 14.000 travail-

leurs de santé et plus de 155.000 parents et il y avait

désormais un centre de réhydratation dans chaque

département du pays. En l’an 2000, le nombre d’ad-missions a chuté à 200 contre 7.000 en 1979. La

mortalité infantile nationale qui était de 144 pour

1.000 quand on a débuté a chuté à 57 pour mille (Cf. 

Graphes ci-contre).

Dans une étude réalisée par le CDC-EMMUS [Pape,

1988], on a pu voir qu’entre 50 et 72% des mères,

en fonction de leurs connaissances, utilisent le sé-

rum oral. Cette étude a été extrêmement utile

quand le choléra est arrivé.

Taux de mortalité infantile enregistrés à l ’ Hopital de

l ’ Université d ’ Etat d ’ Haiti entre 1965 et 2000

Taux de mortalité infantile nationale entre 1980 et 2008

Les autres maladies infectieuses liées à la

diarrhée.

Lafièvretyphoïde

Il y avait un diagnostic très répandu qui était celuide « typho-malaria ». Ce diagnostic n’existe pas : on

est atteint soit par la typhoïde, soit par la malaria.

Le problème venait du fait que les médecins utili-

saient un test connu sous le nom de Vidal, qui don-

nait des faux positifs pour la typhoïde.

De notre côté, nous avons mené une étude avec hé-

moculture, et documenté l’efficacité d’un autre an-

tibiotique pour traiter la typhoïde [Pape et al.,

1986].

LeCryptosporidium

25% des cas de diarrhée chez les enfants. C’était, en

1986, la première documentation d’importance

dans le pays là-dessus [Pape et al., 1987].

Lesparasitesintestinaux

25 à 75% de cas de diarrhée sur une cohorte de

6.000 enfants scolarisés au niveau national [Cham-

petier de Ribes et al., 2005].

DE LA DIARRHEE DES ENFANTS AU SIDAMes collègues internistes à l’HUEH (Hôpital de l’Uni-

versité d’Etat d’Haïti) m’ont demandé de voir desadultes qui souffraient de diarrhées chroniques. Je

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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti 

© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH

41 

me suis trompé au départ car j’ai cru qu’il s’agissait

de tuberculose. En fait, 50% avaient effectivement

cette pathologie. On les traitait en conséquence

mais la tuberculose récidivait.

J’avais constaté que des patients observés à l’hôpi-

tal Sloan Catherine Memorial  à New York, spécialiséen cancer où j’ai passé deux ans, présentaient des

similarités avec ceux observés à l’HUEH. En fait, il

s’agissait des premiers cas de SIDA dans le pays.

On a formé un groupe qui va donner naissance aux

centres GHESKIO avec Dr Vergnaud Pean, patholo-

giste, Dr Marine Myrtha Saint-Amand, gastro-enté-

rologue, Madame Rossi, technicienne de labora-

toire  –malheureusement, ces trois personnes ne

sont plus des nôtres aujourd’hui – les Dr Claude La-

roche, Pathologiste, Jean Robert Mathurin, inter-

niste, cardiologue, Franck Thomas, chirurgien en-

doscopiste et Bernard Liautaud, dermatologue.

Dès le départ, on a mis en place un service de for-

mation avec des partenariats nationaux et interna-

tionaux et projeté de faire de l’excellence en re-

cherche. Certains de nos travaux ont été récompen-

sés en conséquence.

Reconnaissance nationale

  Prix Léon Audain (AMH)

  Secteur Privé :  Création de la Fondation

FHAME (1993)

  Etat : Statut d’Utilité Publique (2000)

Reconnaissance Internationale

  Prix Mérieux Institut de France (Paris)

  Prix Carlos Slim (Mexico)

 

Prix Bill and Belinda Gates (Washington, DC)

  Prix OMS STOP TB (Cape Town) 

LES DEFIS DU GHESKIO DE 1982 A 2015Les plus âgés peuvent se rappeler que Centers for

Disease Control (CDC) avait mis les Haïtiens dans lacatégorie des quatre « H » : les Homosexuels, les

Héroïnomanes, les Hémophiles et comme les

Haïtiens n’étaient dans aucune de ces trois catégo-

ries, ils ont pensé à quelque chose de proprement

Haïtien qui constituait le quatrième « H ». Cela a fait

énormément de tort à la population Haïtienne. Une

étude a montré que les Haïtiens avaient en réalité

les mêmes facteurs de risque que les autres peuples

du monde.

En 1983, 50% de la population des séropositifs

étaient des homos/bisexuels, jusqu’à 70% deshommes, 25% avaient reçu une transfusion de sang

et 50% des femmes l’avaient reçue de la banque de

sang qui utilisait des donneurs payés. Et un petit

groupe d’environ 20% pour lesquels il n’y avait pas

de facteurs de risque [Pape & Johnson, 1988].

Lorsqu’on a parlé de transmissions hétérosexuelles,

personne n’y a cru parce qu’on pensait qu’il fallaitabsolument être dans les catégories répertoriées

pour être séropositif. En 1985, le CDC a enlevé les

Haïtiens des groupes à risque et les a placés dans la

catégorie « Autres », en raison des études épidé-

miologiques suggérant que la transmission hétéro-

sexuelle et l’exposition aux individus contaminés

 jouent un rôle dans la transmission. Pour cela, ils

ont fait référence à deux de nos études [Pape et al., 

1983 ; Pape et al., 1984]. Les choses évoluant rapi-

dement, à partir de 1987, la transmission hétéro-

sexuelle est devenue la plus importante et reste laplus importante aujourd’hui à travers le monde.

Les maladies sexuellement transmissibles

Les maladies sexuellement transmissibles favori-

sent la transmission du SIDA. Nous avons fait une

étude sur 475 couples discordants, c’est-à-dire des

couples dont l’un des partenaires est infecté et

l’autre, homme ou femme, non infecté.

Tel que présenté dans le graphe ci-dessous, quand

le partenaire non infecté a des ulcères génitaux,

cela augmente de presque 7 fois les risques detransmissions. Quand il a la syphilis presque, de 3

fois et des pertes génitales, de 2,5 fois.

Facteurs influençant les risques de contamination au VIH

Est-ce que les préservatifs protègent ? Absolument.

Si vous n’utilisez pas de préservatifs, les risques

d’attraper le SIDA sont 7 fois plus élevés. Nous

avons donc commencé à nous attaquer à ces mala-

dies sexuellement transmissibles.

On n’entendait pas beaucoup parler de la syphilis

congénitale, et pourtant c’est une maladie très

grave qui se transmet plus facilement de la mère à

l’enfant que le VIH-SIDA.

Nous avons fait deux interventions au départ :

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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015 

© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH

42 

  Rendre le test de syphilis plus accessible

aux patients

 

Tester systématiquement pour la syphilis

quand on faisait un test pour le VIH

Ces deux interventions ont permis de réduire consi-

dérablement le nombre de cas de syphilis congéni-tales. Ensuite nous avons eu la chance d’être l’un

des quatre centres au monde disposant d’un test ra-

pide pour la syphilis qui permet en quelques mi-

nutes d’avoir le diagnostic. Pourquoi est-ce impor-

tant ? Parce que le traitement est facile, il suffit

d’une seule injection de pénicilline pour empêcher

la transmission de la mère à l’enfant et deux injec-

tions pour traiter la mère. C’est une maladie que

nous avons à cœur d’éliminer en Haïti.

Cancer du col et HPVVous avez peut-être entendu parler du cancer du col

de l’utérus et de son association avec le virus du pa-

pillome humain (HPV). Haïti est malheureusement

le pays où il y a le taux le plus élevé de cancer du col.

Ce cancer du col est associé à certains sérotypes de

virus du papillome humain, pas tous ; il fallait donc

savoir quels seraient les sérotypes rencontrés en

Haïti. Nous avons mené une étude de population

sur une population de femmes séropositives et une

autre avec des travailleuses du sexe. Pour ces deux

populations, respectivement 55% et 35,5% avaient

déjà des sérotypes cancérigènes. On a pu isoler ces

sérotypes.

Nous avons actuellement un test disponible depuis

deux ans chez nous, qui permet de faire le diagnos-

tic de ces sérotypes et qui est beaucoup plus précis

que tout autre test de détection du cancer du col.

Le SIDA et la trithérapie

Revenons maintenant au SIDA et la trithérapie.

Pourquoi j’en parle ? Parce que des ténors, comme

le professeur Robert Gallo, avaient affirmé qu’il nefallait pas que la trithérapie soit pratiquée dans les

pays en voie de développement car « cela va entraî-

ner des résistances. Et ces résistances vont retour-

ner chez nous ».

Ce n’était pas du tout le cas. La première étude que

nous avons faite sur 1.000 patients dont les résul-

tats ont été publiés en 2005 [Severe et al., 2005],

montre que, à 1 an, la survie est de 90%, alors que,

quand il n’y avait pas de trithérapie, 90% des séro-

positifs mouraient en 1 an (Cf. graphe ci-dessous).

Estimation de Kaplan-Meier de la survie des patients re-

cevant la trithérapie en Haïti

Les résultats d’une deuxième étude sur la même co-

horte ont montré que la survie à 5 ans est de 75%.

Nous avons un autre papier accepté par « The New

England Journal of Medicine »  et qui sera publié

dans les prochaines semaines, sur une étude qui

montre une survie à 10 ans de 65% sur la même co-horte. Ce sont les mêmes résultats obtenus par les

études sur des cohortes américaines.

Maintenant, pour les enfants nous avons la même

situation : sans trithérapie ils meurent très tôt. Nous

avons fait une étude sur des populations d ’enfants

Haïtiens à Miami et d’enfants Haïtiens en Haïti et

avons pu constater que, pour les deux populations

en l’absence de trithérapie, les enfants d’Haïti mou-

raient plus vite que ceux de Miami. La cause était la

malnutrition. Avec la trithérapie, il y a 80% de survie

à 2 ans.

Nous nous sommes penchés également sur les pro-

blèmes de malnutrition. Nous avons d’abord intro-

duit un supplément qui est le médicament Mamba,

fabriqué en Haïti (au Cap-Haïtien) et qui est très

riche en protéine au bénéfice des enfants exposés

au VIH. Nous avons continué par l’éducation des

mères, un support social avec le club des mères,

pour qu’elles partagent entre elles leurs expé-

riences.

Nous avons aussi intégré à ce programme des ser-vices de facilitation d’accès aux vaccins, au sérum

oral, à l’eau potable. Avec ces interventions, les re-

tards de croissance chez les enfants ont chuté de

65%. Depuis sa création, plus de 5.000 enfants ont

pu en bénéficier.

Tuberculose et SIDA

Nous avons fait une étude qui a montré que les sé-

ropositifs ont 10 à 20 fois plus de chances de déve-

lopper la tuberculose que les personnes non infec-

tées par le VIH. Nous avons utilisé un médicament,

l’Isoniazide, dont on a prouvé l’efficacité pour em-

pêcher l’apparition de la tuberculose maladie.

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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti 

© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH

43 

L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) nous a

combattus pendant 20 ans en disant que cela allait

créer des résistances etc. Il y a à peu près 5 ans,

ayant vu qu’il n’y avait pas de résistance, cette or-

ganisation a admis que notre intervention était l’in-

tervention publique la plus utile du point de vue

coût/efficacité.

Une troisième étude a montré que les personnes

qui viennent nous voir pour un dépistage du SIDA et

qui toussent, ont 33% de chance d’avoir une tuber-

culose maladie active. Nous sommes sans doute

l’une des rares institutions au monde à faire le dia-

gnostic et le traitement de la tuberculose le même

 jour.

FORMATION DES TRAVAILLEURS DE SANTE 

En parallèle à nos activités de recherche, nous assu-rons aussi de la formation. Nous avons une forma-

tion pour différents travailleurs de santé et égale-

ment pour la communauté. Nous avons également

des formations spécialisées que nous assurons en

particulier avec l’université Quisqueya, la fondation

Mérieux et Cornell University.

En collaboration avec le laboratoire national de

santé publique du MSPP (Ministère de la Santé Pu-

blique et de la Population), nous avons mis en place

un programme pour la formation de techniciens de

laboratoire en 2003. Nous avons mis en place notrepremier programme de maîtrise en Santé Publique

en 2005 et de spécialisation en Soins Infirmiers

VIH/TB en 2009.

Au niveau de nos services, en 2015, 33% de tous les

patients qui reçoivent des antirétroviraux en Haïti,

les reçoivent dans notre réseau. En 2015, il y a un

peu plus de 65 000 personnes qui reçoivent les an-

tirétroviraux en Haïti et la prévalence du VIH a chuté

dans le pays. A Port-au-Prince, la prévalence est à

1,9%, un pourcentage moins élevé qu’à Washington

DC.

CONSTRUCTION DE NOUVEAUX CENTRES

DE SOIN En 2009, nous avons monté à Tabarre, près de l’Am-

bassade Américaine, le centre Warren Johnson et le

laboratoire Rodolphe Mérieux. Malheureusement,

moins d’un an après, nous avons eu, comme vous

savez, ce séisme dont nous avons tous beaucoup

souffert. Quatre membres de notre staff sont morts,

20% avaient perdu un membre de leur famille, 70%

ont eu leur maison détruite et 65% des immeubles

des deux centres GHESKIO ont été détruits ou sé-

rieusement endommagés.

L’hôpital pour la tuberculose à Siguenau avant et après le

séisme du 12 janvier 2010

Vous pouvez voir sur l’image ci-dessus l’hôpital pour

la tuberculose à Siguenau avant le séisme (à gauche)

et après le séisme (à droite). Nous avons dû placer

les gens sous des tentes.

Nous avons constitué un centre pour déplacés, dans

les locaux de GHESKIO, qui a reçu plus de 10.000

personnes. Nous avons dû mettre en place un hôpi-

tal d’urgence parce qu’on ne recevait plus seule-

ment des patients séropositifs. Nous recevions des

gens qui étaient terriblement blessés et il fallait en

prendre soin. Près de 2.000 opérations ont été pra-

tiquées dans l’hôpital d’urgence. Puis, les Dr Hans et

Jessie Larsen ont mis en place chez nous une unité

de réhabilitation où ont été traitées plus de 8.000

personnes.

Il fallait assurer un programme de santé global pour

les déplacés qui étaient nombreux et qu’il fallait ai-

der. Ce programme leur a assuré l’approvisionne-

ment en eau potable dès le premier jour. Il fallait

aussi mettre en place un comité pour gérer le camp,

effectuer des enquêtes journalières sur les patients

avec de la fièvre, toux, diarrhée et éruptions cuta-

nées, immuniser les enfants et les femmes en-

ceintes, organiser la prévention de la violence du

genre et des Infections Sexuellement Transmissibles

(IST), mettre en place une école primaire et voca-

tionnelle. Ce qui est arrivé était dur pour nous,

parce que nos enfants étaient à l’école alors que

nous voyions ces enfants tourner en rond. Nous

avons d’abord commencé  cette école sous des

tentes et mis également en place une école voca-

tionnelle qui était, au départ, dédiée aux métiers de

la construction.

L’ ARRIVEE DU CHOLERA Moins de 10 mois après le séisme arrivait le choléra.

Cette épidémie de choléra est la plus grave que le

monde n’ait jamais connu. En 1991, le Pérou était le

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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015 

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pays avec la prévalence au choléra la plus impor-

tante. Celle d’Haïti est 4 fois plus élevée que celle du

Pérou. Ce n’est donc pas étonnant que nous ayons

à déplorer 9.000 morts des suites de cette épidé-

mie.

L’arrivée du choléra a créé une forme de panique.Le staff médical portait des masques, ce qui est tout

à fait absurde, car cela ne se transmet pas par voie

aérienne contrairement à la tuberculose. Certains

patients disaient qu’ils préféraient avoir le SIDA, les

fidèles à l’église ne se donnaient plus la main, les

hôpitaux et les parloirs funèbres refusaient de rece-

voir des patients décédés du choléra.

Nous avons mis en place des salles de traitement de

choléra dans les deux centres GHESKIO. Les seules

autres organisations qui étaient sur le terrain

étaient des organisations étrangères. Nous avons

monté une usine de chlore et on a proposé le vaccin

oral contre le choléra. Nous avons mis en place des

points de réhydratation à l’intérieur du bidonville

Cité de Dieu où on nous amenait les patients par

brouettes.

Notre usine de chlore a une capacité de production

pouvant traiter 100.000 personnes. Nous avons dis-

tribué des jerricanes, organisé des séances de la-

vage des mains. La communauté nettoie mainte-

nant énormément le bidonville et les gens disentqu’ils n’ont plus honte d’habiter là. La catastrophe

quand l’Etat ne nettoie pas le canal du Bois de

Chêne est qu’on hérite des lots de détritus qui ren-

trent chez nous.

Nous avons poussé très fortement le vaccin contre

le choléra. J’ai eu à le faire personnellement dès le

lendemain de la déclaration de l’épidémie. Le CDC

était contre, l’OMS était contre, PARO était contre.

Ils nous ont mené une guerre. Nous avons pu, grâce

au soutien de quelques amis, administrer 100 000

doses de vaccins dans des grands bidonvilles. Quelsont été les résultats ? Nous avons eu plusieurs pu-

blications et l’OMS, à la suite de nos études, a

changé son guide de traitement pour recommander

l’usage des vaccins pendant les épidémies de cho-

léra. Il y a eu plus de 10 million de doses adminis-

trées dans le monde dont 600.000 en Haïti. Nous

n’avons plus le choléra dans notre zone d’interven-

tion.

Dans le graphe (ci-dessous) nous avons la situation

du choléra en Haïti en 2015 et une comparaison

d’Haïti à l’Afrique. En 2015, Haïti a eu beaucoup

moins de cas de choléra soit un peu plus de 2000

cas. Cependant, nous avons quand même plus de

cas de choléra que les 3 épidémies réunies en

Afrique (Cf. graphe ci-dessous). La majorité des cas,

plus de 50%, se trouvent dans 4 départements :

l’Ouest, le Nord, l’Artibonite et le Centre.

Nombre de cas de choléra en Haïti comparés aux

nombres de cas dans les pays les plus touchés en Afrique

Sur le graphe ci-dessous, nous avons les courbes des

nombres de cas qui ont été admis chez nous. La

courbe d’en haut (en bleu) représente tous les cas

qui ont été admis (diarrhées, choléra et autres). En

vert, ce sont les cas de choléra venus de l ’extérieur

de notre zone d’influence et la courbe en rouge, ce

sont les cas qui sont dans notre zone d ’influence.

Aucun de ces patients n’avait été vacciné.

Nombre de patients admis dans les centres GHESKIO

entre janvier et août 2015

 AVANCEES : CENTRE DE TRAITEMENT DES

DIARRHEES Installations de biodigesteurs

Nous avons monté un centre de traitement des diar-

rhées, pas seulement du choléra, d’une capacité de

100 lits avec le plancher en hypoxie qui empêche la

transmission des germes. Mais ce qui est le plus im-

portant, c’est que nous avons quatre biodigesteurs

sous l’hôpital qui nous permettent d’éliminer/stéri-

liser des déchets humains sur place. En Haïti, la ma-

 jorité de la population vit dans les zones côtières,

c’est-à-dire, au niveau le plus proche du niveau de

la mer. Nous ne pouvons donc pas utiliser des la-trines ou des toilettes normales. Quand on chasse,

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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti 

© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH

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tous ces déchets vont dans le sol et vont infiltrer

notre nappe phréatique. Ces 4 biodigesteurs empê-

chent par conséquent la destruction de notre nappe

phréatique et sont dans ce sens extrêmement im-

portants.

Diagnostic des diarrhées

Nous disposons de deux appareils MAGPIX de la

compagnie Luminex qui nous permettent de déter-

miner en 90 minutes et simultanément les causes

de la diarrhée infectieuse pour 15 des germes les

plus fréquents représentant 99% de tous les cas de

diarrhées. Avant, au tout début, cela prenait 6 mois

pour isoler un seul germe et on ne pouvait pas le

faire en Haïti : il fallait envoyer les échantillons en

Virginie (Etats-Unis).

LES NOUVELLES PRIORITES DE GHESKIOLa tuberculose multi résistante

Un mot important sur la tuberculose multi-résis-

tante car cette pathologie va devenir plus impor-

tante pour nous que toutes autres maladies. En ef-

fet, nous traitons la tuberculose de façon régulière.

Ce traitement dure 6 mois et coûte à peine 25 dol-

lars américains. Le traitement de la tuberculose

multi-résistante dure 24 mois et coûte 10.000 dol-

lars américains par année. C’est une vraie catas-

trophe car elle s’attrape de la même façon.

Le graphe ci-dessous montre le nombre de cas de

tuberculose traités à GHESKIO de 2009 à 2014, en 3

groupes différents : le groupe pédiatrique (en bleu),

les adolescents (en rouge) et les adultes (en vert).

Nombre de cas de tuberculose diagnostiqués de 2009 à 2014,

chez des enfants, des adolescents et des adultes, dans les

centres GHESKIO

Les enfants sont ce qu’on appelle des cas senti-

nelles, c’est-à-dire, chez eux l’infection devient ma-

ladie très vite. Regardez sur le graphes l’augmenta-

tion du nombre de cas dans le groupe pédiatriqueaprès le séisme en 2010. Quand nous avons vu cette

augmentation, nous avons su qu’on avait un pro-

blème.

Le tableau ci-dessous regroupe les données des dix

plus grands centres de tuberculose d’Haïti. En 2014,

nous avions 2.719 cas. Les autres centres en rappor-

taient un peu moins tel que le Sanatorium de Port-au-Prince avec 737 cas. Le nombre de cas total pour

ces dix centres s’élevait à environ 6.000. Les Etats-

Unis comptaient 9.421 cas pour la même période.

Nombre de cas traités dans les 10 plus grands centres de

traitement de la tuberculose en Haïti

Au laboratoire P-3 de Rodolphe Mérieux où les tech-

niciens peuvent manipuler plusieurs germes infec-

tieux grâce à un niveau de protection maximal, nous

disposons d’un test par Gen-Xpert de la compagnie

Cepheid, qui permet de faire le diagnostic de la tu-

berculose en 1h30 contre un délai pouvant aller

 jusqu’à deux mois auparavant. En 2014 nous avons

réalisé 43.000 tests. A titre de comparaison, le labo-

ratoire de référence à Albanie en effectue à peine

1.000 par année. Nous sommes le seul laboratoire

en Haïti à effectuer ces tests et nous constatons que

le nombre de cas de tuberculose multi-résistante

augmentent. C’est inquiétant.

Nous avons monté en ce sens un hôpital de cam-

pagne pour les cas de tuberculose multi-résistante

où nous utilisons des tentes pour recevoir les pa-tients, à raison d’une tente par patient. Récem-

ment, nous avons inauguré le pavillon Ludwig qui

offre aux patients devant passer un long séjour à

l’hôpital, un milieu agréable. Nous avions eu deux

cas de suicide auparavant, à cause de la mauvaise

qualité des médicaments. Mais ce sont les seuls

dont nous disposons. Très souvent les patients ne

veulent pas les recevoir et les infirmières ne veulent

pas les leur administrer.

Le patient passe 4 à 6 mois à l’hôpital, et à peu près

20 mois chez lui. Nous avons une équipe mobile

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46 

avec une moto. Celle-ci dispose d’un GPS et la mai-

son du patient est aussi géolocalisée. De ce fait, on

peut s’assurer que la moto arrive à destination où le

personnel mobile prend les signes vitaux du patient

et la photo du patient en train de prendre son mé-

dicament. Toutes ces informations sont ensuite en-

voyées à une base de données.

Avec ce programme très contraignant, parce qu ’il

est fait deux fois par jour, et dans les deux centres

GHESKIO, nous couvrons jusqu’à Léogâne. Notre ré-

ussite est de 80% de survie. La réussite internatio-

nale est de 40%. Le programme est très dur mais

nous pensons qu’il est nécessaire pour sauver nos

patients.

La santé globale

Dans un pays comme Haïti, il est possible pour beau-coup de se dire : « A quoi ça sert de se préoccuper

de sa santé si on ne peut pas envoyer ses enfants à

l’école, si on souffre de malnutrition ou si on n’a pas

de travail ? ». C’est ce qui nous a poussés à monter

l’Ecole Primaire Prince Albert II de Monaco. J ’étais

très inquiet au départ car ce n’est pas ma spécialité.

Nous avons donc fait appel à la BDE qui nous a beau-

coup aidé. Tous nos élèves ont réussi l’examen de

Certificat (6 année fondamentale) et nous avons

même eu trois lauréats.

Nous avons actuellement un centre nutritionnelmère-enfant qui n’est pas encore ouvert et une

école vocationnelle que nous avons mise en place

pour les travailleuses du sexe et pour les femmes

qui ont été violées. Le résultat du talent de ces per-

sonnes est extraordinaire.

LES CENTRES GHESKIO AUJOURD’HUI

EN QUELQUES CHIFFRES 

Recherche et publications

La productivité en recherche se mesure par les pu-

blications scientifiques. Comme on dit en anglais :« Publish or Perish ».

De 2012 à octobre 2015, nous avons eu 75 publica-

tions, soit près de deux publications en moyenne

par mois.

La qualité de la recherche est importante ainsi que

l’organisation et la participation à des conférences

internationales. Nous faisons partie du réseau inter-

national ACTG (AIDS Clinical Trials Group)  pour le

traitement du SIDA. Parmi tous les sites internatio-

naux de ACTG, GHESKIO est le site le plus perfor-mant depuis 2012.

Nous avons organisé des conférences avec le CCA-

SANET (Caribbean, Central and South America Net-

work), qui implique 8 pays de l’Amérique Latine, un

pays de la caraïbe, Haïti et un pays de l’Amérique du

Nord, les Etats Unies. Nous avons eu cette année à

organiser la conférence Charles Mérieux (le 25 fé-

vrier 2015) avec les doyens de différentes facultés

de médecine.

Ce qui a contribué à notre réussite, ce sont nos par-

tenaires nationaux et internationaux ; l’intégration

et l’implication de la communauté ; notre affiliation

à plusieurs réseaux internationaux de recherche ;

l’augmentation de la capacité de l’institution : les in-

vestissements dans les laboratoires, la collection et

la gestion des données, la recherche clinique,

l’éthique.

Nous faisons partie des réseaux de recherche sui-

vants et sommes membres fondateurs de plusieurs

d’entre eux :

1. 

NIH HIV Vaccine Trial Network (HVTN)

2. 

NIH Adult Clinical trial group (ACTG)

3. 

Founder and Member Caribbean, Central

America, South America, Network (CCASANET)

4. 

Founder and Member Trans-Caribbean

HIV/AIDS Research Initiative (TCHARI)

5. 

Member Caribbean HIV/AIDS Regional Train-

ing Center (CHART)

6. 

Founder and Member of the GABRIEL networkof Fondation Mérieux

On ne peut pas envisager de faire de la bonne re-

cherche sans éthique. Chacun de nos projets de re-

cherche est soumis au comité d’éthique du

GHESKIO, composé de 10 membres indépendants,

au comité d’éthique de Cornell et au comité

d’éthique national. Nous avons publié un certain

nombre de papiers sur l’éthique.

Informatisation

Nous avons aussi à cœur l’innovation informatique

dans nos activités. GHESKIO est l’unique institution

en santé en Haïti avec des dossiers médicaux inté-

grés, totalement informatisés, créés pour les be-

soins propres de l’institution ; avec des opérations

de saisies des données dans nos points de services

(réalisées par des prestataires externes) ; une base

de données avec plus de 500.000 patients uniques

avec des milliers de variables, sur près de 30 ans.

Nous avons un réseau informatique intégré sur nos

deux sites comprenant plus de 300 ordinateurs, 2serveurs, une Active Directory  pour contrôler l’accès

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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti 

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au système, un Firewall avec filtrage de contenu et

système de prévention d’intrusion ; des salles de

serveurs verrouillées, des systèmes d’alimentation

électrique sans interruption (UPS) à très grande ca-

pacité sur les deux sites, une protection antivirus

centralisée.

Equipes et organisation

Nous sommes aujourd’hui un staff de 16 personnes

qui comprend des programmeurs, des statisticiens,

des gestionnaires de données et des ingénieurs de

réseaux. Nous disposons d’un dossier électronique

médical intégré et multi-site, avec 6 modules cli-

niques, 2 modules de laboratoire et 3 modules pour

la pharmacie. Nous pratiquons une gestion inté-

grée, simultanée de plus de 50 projets de services et

de recherche, une gestion du processus de recrute-

ment avec suivi des candidats dès l’université. Nousavons plus de 250.000 patients/visites par année.

CONCLUSION En résumé, malgré la situation difficile du pays,

GHESKIO est devenu le plus grand centre de traite-

ment du SIDA et de la tuberculose des Amériques.

Nous avons pu arriver à cela grâce à des méthodes

nouvelles et modernes. Cela comprend les tests ra-

pides introduits pour le diagnostic et la prise en

charge des diarrhées infectieuses incluant le cho-

léra, le VIH-SIDA et autres maladies sexuellement

transmissibles, et la tuberculose, pour développer

des modèles intégrés de prévention et de traite-

ment et faire avancer la médecine en Haïti.

Ces réalisations ont été possibles grâce à un parte-

nariat local et international qui n’a fait que s’inten-

sifier et continue de se renforcer.

L’équipe principale des centres GHESKIO

Nous avons plusieurs équipes mais ceux-là sont les plus

anciens de notre institution et ils sont très importants.

Principaux collaborateurs internationaux

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Réponse aux catastrophes na-turelles : en quoi la rechercheest-elle vraiment uti le ?Mots clés : gestion de risques et désastres, catastrophes naturelles, surveil-

lance sismique, surveillance tsunamique

INTRODUCTION Je remercie l’ESIH de m’avoir invité à participer à

cette 3e journée scientifique. Ce qui me donne l’op-

portunité de partager avec vous quelques réflexions

sur le rôle de la recherche dans la gestion des

risques et des catastrophes. Evidemment, nous par-

lons de recherche scientifique fondamentale, et son

corollaire, la recherche appliquée. Pour introduire la

question, faisons un constat. Presque tous les jours,on annonce dans les médias, une catastrophe à tra-

vers le monde. Ou encore, on commémore l’anni-

versaire d’une catastrophe. Ce qui veut dire que la

question de la gestion des risques et désastres, c’est

une question qui est toujours d ’actualité. La de-

mande d’explications, de prévisions et d’anticipa-

tion est donc forte. Cette demande d’explications

est aujourd’hui en pleine évolution à travers le

monde et ceci pour trois raisons majeures.

La première, c’est que l’on n’accepte plus ces phé-

nomènes naturels comme une fatalité. Autrefois

les gens pensaient, quand il y avait un phénomène

naturel, que c’était dû à une volonté divine : Dieu

voulait punir ses enfants, donc c’est une fatalité. Au-

 jourd’hui, la science est en mesure d’expliquer l’ori-

gine de ces phénomènes donc les gens n’acceptent

plus ceci comme une fatalité.

La deuxième raison, c’est que les risques vont crois-

sants avec l’explosion démographique. Autrement

dit, plus il y a de gens à occuper un espace, plus les

risques seront importants. En 1965, il y a 50 ans decela, la population mondiale était de 3.3 milliards

d’habitants. Aujourd’hui, nous sommes à 7.3 mil-

liards d’habitants. Donc les risques vont augmenter

surtout dans les pays en voie de développement.

Et la troisième raison, c’est qu’il y a un besoin de

sécurité qui s’accroît dans toutes les sociétés. Au-

 jourd’hui, à travers le monde, on n’accepte plus

qu’après une catastrophe les dirigeants viennent

nous dire que « Je suis désolé, on ne savait pas ». Il

y a maintenant des moyens pour prévenir tout ça.

De ce fait, une professionnalisation s’impose. C’est

devenu une nécessité. Et ces gestionnaires ont be-

soin de données fiables fournies, pour la plupart,

par une constellation de satellites équipés de détec-

teurs qui collectent des données dans toutes les ré-

gions du spectre électromagnétique, d’où l’immix-

tion de la recherche appliquée en gestion des

risques et des désastres.

Donc le souci d’engager un développement durable

prenant en compte ces risques dans les bassins oùils sont présents, constitue un cadre désormais in-

contournable. Quel que soit le pays à travers le

monde, là où les risques peuvent impacter une ré-

gion, il faut se dévouer à la gestion des risques et

des désastres.

RISQUES ET CATASTROPHES Nous allons parler de risques et de catastrophes.

Faisons le point sur ces termes. En gestion des

risques et désastres, le risque est le croisement

entre l’aléa d’une part et les enjeux et leurs vulné-

rabilités d’autre part. L’équation du risque est la sui-

vante :

M. Claude PREPETIT

Ing.

Géologue

Ingénieur au Bureau des Mines et de

l’Energie d’Haïti 

« Le pays est exposé à des phénomènes naturels d’ordre  géo- logiques, hydrologiques et météorologiques.

Il nous faut une autre approche dans la gestion des risques etdes désastres ; il nous faut professionnaliser ce métier de ges- 

tionnaire du risque et donner l’importance qu’il faut à lascience. »

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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti 

© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH

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Risque = Aléa ou menace + la vulnérabilité des en-

 jeux

La première composante du risque est l’aléa ou me-

nace qu’il faut savoir évaluer. L’aléa est un proces-

sus naturel. On n’a donc pas trop d’emprise dessus.

Par contre, on peut le maîtriser, et pour cela, il fautl’identifier. Tandis que la vulnérabilité, c’est l’impact

de l’aléa sur les vies et les biens. Pour ce qui est des

enjeux, il en existe plusieurs types : la population,

l’habitat, les infrastructures routières, les infrastruc-

tures électriques sont des enjeux. La question est de

savoir est-ce que ces enjeux-là sont vulnérables. En

croisant la composante aléa ou menace qu ’il faut

évaluer à la vulnérabilité qu’il faut également éva-

luer, on obtient le risque.

Quelles sont les menaces naturelles ? Pour citer des

menaces majeures, on peut parler des séismes, des

tsunamis, des cyclones, des inondations, des mou-

vements de terrain, de l’érosion des sols, de la sé-

cheresse, des volcans.

Maintenant, à quel moment y a-t-il catastrophe ?

C’est uniquement lorsque la vulnérabilité dans un

pays est mal gérée. Si la vulnérabilité est mal gérée,

on obtient la catastrophe ou encore le désastre qui

se manifeste par :

  d’importantes pertes humaines, matérielles

ou environnementales ;

  une rupture grave du fonctionnement de la

communauté touchée ;

  et l’incapacité des structures locales à faire

face aux actions nécessaires de secours et de

rétablissement.

On parle souvent de catastrophe naturelle. La catas-

trophe n’est pas naturelle. La catastrophe n’est pas

un phénomène naturel physique, c’est un phéno-

mène social.

CYCLE DE GESTION DES RISQUES Dans l’équation risque = menaces + vulnérabilités, si

on agit sur la vulnérabilité on peut réduire le risque.

Voilà pourquoi on est parvenu à définir ce que l ’on

appelle le cycle de gestion du risque. On a la boucle

de gestion du risque qui comporte 4 étapes et 3

temps. Commençons par les trois temps :

1. 

Avant l’évènement : donc pendant la période

de calme. Il faut se préparer ;

2. 

Pendant l’évènement : la période de crise ;

3. 

Et après l’évènement : la reconstruction.

Les quatre étapes :

1. 

La première étape est celle d’atténuation ou

de mitigation. Ce sont des mesures destinées

à réduire les risques et éviter qu’ils ne se trans-

forment en catastrophes. Donc, on peut ré-

duire les dégâts si on prend des mesures de

mitigation. C’est à ce niveau-là que la re-

cherche scientifique va vraiment intervenir ;

2.  La deuxième étape dans la gestion du risque

est la préparation opérationnelle. C’est la pla-

nification préalable à la catastrophe, notam-

ment l’élaboration de stratégies de communi-

cation, de systèmes d’alerte rapide, etc. ;

3. 

La troisième étape est la réponse pendant

l’évènement. C’est la mise en œuvre d’un plan

d’urgence, particulièrement d’un plan de con-

tingence après une catastrophe ; notamment,

la mobilisation des services d’urgence, la coor-

dination de la recherche, des secours et de lacartographie de l’ampleur des dégâts ;

4. 

Et enfin, la quatrième étape est la reconstruc-

tion qui vient après l’évènement. C’est la réha-

bilitation d’une région, souvent à travers la re-

construction et la réhabilitation des infrastruc-

tures avant de se concentrer à nouveau sur des

mesures d’atténuation. Et on recommence

après.

Quelle est la relation qui existe entre les étapes 1 et

4 : mitigation et reconstruction ? La relation est la

suivante. La mitigation coûte beaucoup moins cher

que la reconstruction. On a donc intérêt à investir

dans la prévention. Si on ne le fait pas, les autres

étapes seront beaucoup plus chères et on n’est pas

sûr de pouvoir les maîtriser si on n’est pas préparé.

OUTILS SCIENTIFIQUES POUR LA GESTION

DES RISQUES ET DESASTRES Je vous expose une liste d’outils. Elle n’est pas ex-

haustive.

La télédétection

D’après moi, le plus grand de tous ces outils est la

télédétection (remote sensing). Il s’agit de l’utilisa-

tion à distance de vecteurs tels que des avions, des

ballons, des fusées sondes, des satellites, des ba-

teaux, permettant l’acquisition d’informations sur

l’environnement avec des capteurs tels que : des

appareils photographiques, des lasers, des radars,

sonars, sismographes et gravimètres. Donc on voit

un engin qui est en train de faire, de prendre, de re-

cueillir les images du sol et ces images doivent être

traitées.

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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015 

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Les domaines d’utilisation de la télédétection en

gestion des risques et désastres sont multiples. En

voici quelques-uns :

  l’élaboration de cartes topographiques à partir

de paires stéréographiques, de photos aé-

riennes permettant de recréer une image entrois dimensions ;

 

la localisation des tremblements de terre ef-

fectuée a posteriori en comparant des sismo-

graphes enregistrés en différents lieux (je vais

y revenir plus loin);

  l’interférométrie, à l’aide de radars, pour la

production de modèles numériques de terrain

(MNT) ;

  la cartographie des fonds marins grâce à

l’usage des sonars ;

 

l’imagerie aérienne et satellitaire (incluant l’in-frarouge) pour les inventaires forestiers (tels

que le comptage d’arbres, évaluation de la bio-

masse, de l’état de stress et de santé des

arbres) ;

  et, dans le cadre de la lutte contre la désertifi-

cation (LDC), la télédétection facilite le suivi et

la surveillance à long terme des zones à

risques, la définition des facteurs de désertifi-

cation.

Alors, si nous revenons aux quatre étapes de la ges-

tion du risque (à savoir : atténuation, préparation,

réponse et reconstruction), on voit que la télédétec-

tion est applicable pour les cyclones et les séche-

resses. Particulièrement au niveau de l’atténuation,

dans la modélisation du risque. Le principe est le

même pour tous les types d’aléa : il faut d’abord ca-

ractériser le problème et ensuite modéliser le risque

et parvenir à la cartographie de l’aléa. C’est cette

cartographie qui est utilisée pour les campagnes

d’information préventive.

Vous pouvez voir que la télédétection peut être ap-pliquée à tous les niveaux du cycle de gestion du

risque : tant pour l’atténuation, la préparation, la

réponse que la reconstruction. Pour la mitigation,

elle peut être exploitée pour la cartographie des

zones exposées aux cyclones, sécheresses, séismes,

tsunamis et inondations. De même, au niveau de la

préparation opérationnelle, on voit l’alerte pré-

coce : cartographie de la pluviométrie pour les inon-

dations, pour les glissements de terrain. La télédé-

tection peut aussi être utilisée à l’étape de la re-

construction pour l’évaluation des dommages lors-

que le phénomène s’est produit.

La géophysique

Le deuxième outil que je vais vous présenter est la

géophysique. La géophysique est l’étude des carac-

téristiques physiques de la terre ou d’autres pla-

nètes, utilisant des techniques de mesures indi-

rectes tels que la gravimétrie, le géomagnétisme, lasismologie et la méthode électrique, le radar géolo-

gique, la résistivité apparente, la tomographie, etc.

La géophysique est surtout exploitée au niveau de

l’atténuation (mitigation) et de la préparation. Elle

est particulièrement utilisée pour les séismes, les

tsunamis et les glissements de terrain. On peut car-

tographier le risque à partir de certaines mesures de

géophysiques tels que le MASW ou encore le H/V

dont on parlera tout à l’heure. Pour les glissements

de terrain, elle peut être utilisée pour la modélisa-

tion du risque, la cartographie du risque, le modèle

numérique d’élévation, etc.

Les Technologies de l’Information et de la

Communication

Le troisième outil utilisé pour la gestion des risques

et désastres, ce sont les technologies de l’informa-

tion et de la communication. Il s’agit de l’ensemble

des techniques et des équipements informatiques

permettant de communiquer à distance par voie

électronique (câble, téléphone, internet, etc.). Ces

technologies sont particulièrement utilisées pour

les séismes, les tsunamis et les cyclones. Au niveaude l’atténuation, on pratique la surveillance sis-

mique, la surveillance des tsunamis et la surveil-

lance cyclonique. Et pour la préparation, la phase

d’alerte peut être gérée à partir de ces outils.

Station météo automatique 

Sur l’image ci-dessus, nous avons un exemple de

station météo automatique avec des équipements

sur le terrain qui peuvent envoyer des données à un

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poste de travail d’observateurs ou encore à un sys-

tème informatique central. Ces données sont re-

çues par les prévisionnistes, les contrôleurs qui en

font le dépouillement et ensuite nous donnent les

informations.

Sur l’image ci-dessous, nous avons un poste de jau-geage et de contrôle des crues d’une rivière. Dès

que l’eau atteint un certain niveau, les données sont

enregistrées et envoyées dans un centre de don-

nées et l’alerte peut être transmise. Avec le télé-

phone portable, l’alerte peut être envoyée à tout le

monde par SMS.

Poste de jaugeage

Les drones

Enfin, nous avons un nouvel outil avec les drones té-

lécommandés qui permettent de survoler les es-

paces où les phénomènes se produisent. Là où on

n’a pas accès à ces phénomènes par voie terrestre

ou par d’autres moyens, ces drones sont envoyés

pour capter des images et informer de l’évolution

de ces phénomènes.

CONFIGURATION D’H AÏTI ET MENACES NA-

TURELLES 

Géographie et démographie

Voyons tout d’abord l’état de la situation. Sur la

carte ci-dessous, les parties vertes sont les zones de

plaines : la vallée de l’Artibonite, la plaine du Nord,

la Plaine du Cul-de-Sac, la plaine de Léogâne et la

plaine des Cayes. Tout le reste, ce sont des mon-

tagnes. Sur le tableau, on peut voir ces plaines et

plateaux ainsi que des pentes très faibles de 0 à

10%, représentent seulement 29,5% de la surface

du pays. Haïti fait 29.750 km2 de superficie. Tout le

reste, soit les plateaux et piémonts, piémonts et

mornes, mornes et cols raides, pentes abruptes su-

périeures à 40%, représentent près de 70% du terri-

toire national. C’est dans cet espace-là que les

haïtiens vivent.

Maintenant, en termes de population, en 1965, on

avait seulement 5 départements géographiques et

la population était estimée à peu près à 4,9 millionsd’habitants avec une densité de 176 habitants par

kilomètre carré. Aujourd’hui, 50 ans plus tard, le

nombre de départements est passé de 5 à 10 et la

population est estimée à 10.413.211 habitants, soit

presque le double, et une densité de 385 habitants

par km2. Plus haut, on a vu que plus la population

augmente, plus les risques augmentent. Avec un

rythme de croissance de l’ordre de 2.3% l’an, la po-

pulation haïtienne sera de 16 millions d’ici 2030 si

aucune politique démographique n’est appliquée

pour contrôler cette croissance. Tandis que la popu-lation augmente, la superficie reste telle quelle et la

densité augmente.

Environnement

La croissance démographique, en l’absence d’une

croissance économique comparable, nourrit direc-

tement la pauvreté. On constate que, avec l’accrois-

sement de la population et de son état de pauvreté,

le bois et le charbon de bois représentent actuelle-

ment 72 % des sources d’énergie en Haïti. Le niveau

de déboisement est très élevé et l’érosion des terres

conduisant à la désertification du territoire, aug-

mente rapidement. La situation environnementale

du territoire s’est dégradée et est aujourd’hui très

fragile.

Menaces naturelles

Le pays est exposé à des phénomènes naturels

d’ordre géologiques, hydrologiques et météorolo-

giques, ce qui constitue des facteurs aggravants.

Haïti a une saison cyclonique chaque année. La sai-

son pluvieuse va d’avril à juin et la saison cyclo-

nique, de juin à novembre. Nous avons des faillesmajeures qui traversent Haïti. Si on a une saison cy-

clonique de juin à novembre, on a une saison sis-

mique qui part du 1e janvier au 31 décembre de l’an-

née. Nous sommes aussi exposés au risque de tsu-

namis parce que nous avons des failles sous-ma-

rines et plus de 1.500 km de côtes. On peut donc

avoir des tsunamis à champ proche, à champ régio-

nal et à champ lointain. Nous sommes également

exposés aux risques d’inondation, de cyclones et de

glissements de terrain. Les mouvements de terrain

se produisent là où il y a des pentes et nous avons70 % de mornes, de reliefs. La menace de séche-

resse est aussi très en vue actuellement.

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Presque tous les phénomènes naturels montrés

précédemment peuvent donc impacter l’ île. La plu-

part des villes à forte densité démographique se si-

tuent soit dans des plaines inondables, soit en bord

de mer, soit sur les pentes ou près des failles sis-

miques. Ce qui veut dire que la vulnérabilité de la

population est très élevée. Si nous prenons par

exemple la faille qui traverse presque toute la

presqu’ île du Sud, elle touche 5 départements géo-

graphiques. Cela représente à peu près 60 % de la

population. Et la faille du Nord concerne 3 départe-

ments géographiques : le Nord-ouest, le Nord, le

Nord-est, soit 20 % de la population. Donc, 80 % de

notre population de 10 millions d’habitants sont

concernés par des failles sismiques.

Selon l’indice mondial de risque, Haïti figure parmi

les 15 premiers pays ayant atteint l’un des indicesde prédisposition de catastrophes naturelles les

plus élevés au monde. Ceci devrait vous faire réflé-

chir à l’urgence d’avoir une politique pour la gestion

des risques et des désastres. D’où la nécessité, en

Haïti, d’imposer une professionnalisation du métier

de gestionnaire du risque tout en accordant l’impor-

tance qu’il faut à la recherche scientifique afin d’évi-

ter que les risques ne se transforment en catas-

trophes.

L’UTILISATION DES OUTILS SCIENTIFIQUES

DE GESTION DES RISQUES ET DESASTRES

EN H AÏTI Où en sommes-nous en Haïti en ce qui a trait à l’uti-

lisation des outils scientifiques pour la gestion des

risques et désastres ?

La géodésie spatiale

C’est ce dépouillement de ces mesures de géodésie

spatiale qui nous permettent de connaître la vitesse

de déplacement de la plaque caraïbe.

Haïti, Jamaïque, Porto Rico et les petites Antillessont sur la même petite plaque qu’est la plaque ca-

ribéenne et, au-dessus, il y a la plaque nord-améri-

caine qui est en subduction, c’est-à-dire qui glisse

sous la plaque caribéenne. Les mesures de géologie

spatiale nous indiquent que cette plaque se déplace

dans la direction indiquée par les flèches (voir image

ci-dessous) à la vitesse de 2 cm par an. La plaque

nord-américaine qui glisse sous la Caraïbe, s’en-

fonce à la même vitesse de 2 cm par an. Ce sont ces

deux plaques qui, par collision, provoquent les frac-

tures à l’origine des failles qui traversent Haïti. Et ce

sont ces failles-là qui sont les sources des séismes.

Voilà donc une première information obtenue à

partir des mesures de géologie spatiale. Ces me-

sures sont effectuées en Haïti depuis 2003 et, éga-

lement, en République Dominicaine. Les résultats

de ces mesures nous montrent que l’ île est soumise

à un cisaillement entre le Nord et le Sud avec une

vitesse de 2 cm par an. On a mesuré la vitesse de

déplacement sous la faille septentrionale et on a

mesuré également la vitesse de déplacement de la

faille de la presqu’ île du Sud qui fait 250 km tout au

long de celle-ci. Les résultats ont montré que, avec

une vitesse de 7 mm par an  –le dernier séisme re-

montant à 1770, il y a près de 250 ans – il y a un dé-

ficit de glissement de 1,80 m pour la presqu ’ île du

Sud et un déficit de glissement de 1,98 m pour la

faille septentrionale. Ce qui veut dire qu’on peut

s’attendre à ce que, sur la faille septentrionale, on

ait des séismes de magnitude 7,8 jusqu’à 8 et sur lafaille de la presqu’ île du Sud, des secousses sis-

miques de magnitude pouvant aller jusqu’à 7,2.

Ces résultats ont été donnés avant 2010. Malheu-

reusement, en Haïti on fait toujours l’impasse sur la

science et on n’a pas foi en ce type de données. Le

12 janvier nous avons eu le séisme. Avec une magni-

tude entre 7 et 7,2, on a cru que c’était la faille de la

presqu’ île du Sud qui avait provoqué le tremble-

ment de terre. Mais par la suite, on allait voir que ce

n’était pas cette faille qui avait bougé.

Etudes post séisme

Après le 12 janvier, il y a eu une campagne océano-

graphique scientifique avec le bateau français,

L’Atalante, autour d’Haïti. On a voulu avoir le tracé

exact entre la pointe Tiburon et la Jamaïque (Plan-

tain Garden). Cette campagne a pu donner le tracé

exact des failles au niveau de la presqu’ île du Sud et

du Nord. Nous avons ensuite reçu des universités

étrangères pour l’utilisation de la technique des

tranchées.

En paléo-sismologie, des tranchées sont creusées

pour repérer et dater d’éventuelles déformations

des couches sédimentaires. Par analyse, on peut re-

monter dans le temps et savoir quels sont les

séismes survenus dans la zone à partir de ces failles.

Nous avons donc creusé une tranchée pour retrou-

ver la trace des séismes passés.

Un autre dispositif utilisé après le 12 janvier est l’in-

terférométrie radar qui permet de déterminer la

zone du séisme. Comme mentionné avant, après les

mesures de géodésie spatiale que nous avons faites,et constatant que le séisme du 12 janvier était de

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magnitude 7, avec un épicentre localisé à côté de

Gressier, nous avons cru au départ qu’il était provo-

qué par la faille de la presqu ’ île du Sud. Mais une

fois arrivés sur les lieux, on n’a pas trouvé de traces

de ruptures de la faille. Nous avons juste observé

une anomalie dans la zone de Léogâne où il y a eu

un soulèvement de 40 cm qui a fait apparaître des

récifs coralliens hors de l’eau. On s’est dit que ce

n’était peut-être pas cette faille-là qui a bougé. Il fal-

lait investiguer davantage.

On a placé des appareils sur toute la faille et tous les

points noirs que vous voyez sur la photo ci-dessous

sont des répliques qui ont été enregistrées après le

séisme du 12 janvier. Pendant deux ans, on a enre-

gistré les répliques et on a vu qu’elles ne se situaient

pas sur la faille enregistrée mais au-delà : au niveau

de la mer, sur une autre faille. On est donc arrivé àla conclusion que le séisme ne s’est pas produit sur

la faille de la presqu’ île du Sud mais sur une autre

que l’on ne connaissait pas avant. C’est une faille

aveugle et qu’on a baptisé la faille de Léogâne.

Les répliques se répartissent sur une cinquantaine

de km englobant la zone de rupture du séisme prin-

cipal comme on peut le voir sur l’image ci-dessous.

Variation des contraintes de rupture de Coulomb. Les

zones rouges sont celles d ’ augmentation des contraintes

–  les répliques y sont favorisées. Les zones en bleu indi-

quent une diminution des contraintes -les répliques ysont inhibées.

C’est une étude qui a été réalisée par des compa-

triotes haïtiens à Purdue University. Ils ont pris les

résultats de ces répliques et ils ont montré que les

zones rouges sont celles d’augmentation des con-

traintes. Donc le séisme du 12 janvier a provoqué

une augmentation des contraintes dans la zone des

Trois Baies tandis qu’il y a eu une diminution des

contraintes dans les zones en bleu. Qu’est-ce que

cela veut dire ? Suite à une rotation de contraintes

au-delà de la zone de rupture, celle-ci a maintenantaccumulé une certaine quantité d’énergie et c’est

donc probablement de là que le prochain séisme

viendra. Puisque la faille de la presqu’ île du sud n’a

pas provoqué le séisme du 12 janvier et qu’elle con-

tinue d’accumuler de l’énergie, le séisme qu’on at-

tendait avant le 12 janvier n’est pas encore arrivé.

Voilà ce que cela veut dire.

Une autre étude réalisée sur la faille de la presqu’ île

du Sud montre trois segments (Cf.  Image ci-des-

sous) : le segment de Port-au-Prince, le segment

central –le séisme du 12 janvier a eu lieu sur le seg-

ment central – et le segment qui part de Petit-Goâve

 jusqu’à Miragoâne.

Variation des contraintes de Coulomb dans le plan de la

 faille Enriquillo

Chacun de ces segments accumule sa propre éner-

gie. Ce qui veut dire que même si on a un séisme sur

l’un de ces segments, quelques années après, on

peut avoir un autre séisme sur un autre segment. Et

puisque le séisme a eu lieu sur le segment central

tout près de Gressier, il est possible que le prochain

séisme et son épicentre seront situés beaucoup plus

près de Port-au-Prince. Beaucoup de maisons qui

ont résisté au séisme du 12 janvier peuvent ne pas

résister au prochain.

L A SURVEILLANCE SISMIQUE EN H AÏTI 

Installation d’appareils de surveillance

Un pas à avoir été franchi après le 12 janvier 2010,

fut l’acquisition et l’installation d’appareils de sur-

veillance sismique tels que des stations sismiques à

larges bandes, des sismographes de type Guralp,

des accéléromètres de types Netquakes. Actuelle-

ment, nous avons installé cinq appareils : un à Léo-

gâne, un au Juvenat, un à Jacmel, un à Hinche et un

au Cap Haïtien. Ces appareils sont opérationnels et

il est prévu d’en installer d’autres sur l’ensemble du

territoire.

Nous enregistrons des données en temps réel avec

ces appareils. Ils émettent en temps réel vers uneantenne satellite qui achemine ces données vers

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notre centre de données hébergé à Delmas, au Bu-

reau des Mines. Nous recueillons les données, nous

en faisons le dépouillement et, à l’aide de nos sis-

mogrammes, nous calculons les magnitudes et les

coordonnées des épicentres des activités sismiques.

Nous bénéficions du service de deux anciens étu-

diants de l ’ESIH, qui sont d ’ailleurs présents dans

l’auditoire, et qui gèrent le réseau informatique de

l’unité technique de sismologie. Ils ont reçu une for-

mation à l’Observatoire volcanologique et sismolo-

gique de la Martinique. Nous avons donc mainte-

nant des haïtiens qui sont en mesure de faire de la

surveillance sismique dans le pays.

Nous émettons depuis 2015 des bulletins sismiques

pour pouvoir informer la population. Nous sommes

en train de préparer un catalogue des secousses

pour l’avenir. De même, au niveau de la surveillancetsunamique on commence à placer des appareils.

Nous avons en effet placé un marégraphe sur le quai

du Cap-Haïtien pour mesurer la relation du niveau

d’alerte près de la côte. Il est prévu également d’ins-

taller des marégraphes sur l’ensemble du territoire.

Réseau des marégraphes prévu en Haïti

Actuellement, au Semanah, il y a une entité qui s’ap-

pelle le CODOMAR qui est la salle de contrôle des

tsunamis. Elle sert à faire les calculs nécessaires et à

alerter la population dès qu’il y a une montée du ni-

veau de la mer.

Nous avons ci-contre une carte qui nous montre le

tracé de la faille de la presqu’ île du Sud au niveau de

Laboule dans la zone des carrières de sable. La faille

suit exactement le tracé de la Rivière Froide. Et, au

niveau de la chaîne des Matheux, il y a encore

d’autres failles et on voit bien que la Capitale

haïtienne et la Plaine du Cul-de-Sac se trouvent en-

travées entre deux failles actives. De plus, cette

carte nous montre le degré d’exposition de cer-taines communes par rapport à la faille de la

presqu’ île du Sud. Par exemple, si vous regardez Pé-

tionville, cette ville est pratiquement sur la faille, de

même que Kenscoff. Port-au-Prince est à 3 km de la

faille.

Le tracé de deux failles actives dans l ’ Ouest et le Sud

d ’ Haïti

Donc, dans cette zone-là, il y a près de 3 millions

d’habitants qui sont directement exposés à l’activité

de la faille.

Etudes sur les types de sols dans les zones

exposées

Après le séisme on a pu cartographier les dom-

mages provoqués, ce qui nous a montré que toutes

les zones n’ont pas été affectées et même certaineszones avec une forte concentration de bâtiments. Il

fallait en connaître la raison. On s’est rendu compte

que, en dépit du fait que l’épicentre du séisme ait

été à 25 km de Port-au-Prince, il a pu faire beaucoup

de dégâts dans la Capitale. L’explication est que la

zone de Port-au-Prince est un bassin constitué de

sols mous et il y a donc eu des effets de sites géolo-

giques. Autrement dit, les ondes sismiques, en par-

courant les sols mous sédimentaires, ont été pié-

gées dans ces types de sols et se sont amplifiées.

Après le 12 janvier, nous avons procédé à une étudedu microzonage sismique de l’agglomération de

Port-au-Prince et des grandes villes du Nord. La

technique de géophysique qui a été utilisée est le

MASW. Cette technique consiste à créer un choc

dont on étudie la vitesse de propagation des ondes

dans le sol jusqu’à 30 m de profondeur.

C’est ce qu’on appelle le Vs4. Cette technique a été

réalisée, dans le cadre de l’étude, par des compa-

triotes ingénieurs du Laboratoire National du Bâti-

ment de la République. Les mesures effectuées ont

été utilisées pour créer une carte des différents

types de sols au niveau de l’agglomération de Port-

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au-Prince. D’après le code IBC (International Buil-

ding Code), en vigueur en Haïti et dans presque

toutes Antilles, les sols sont classés en A, B, C, D, E

et F. Si vous avez une vitesse supérieure à 1.500

mètres par seconde, cela veut dire que vous êtes sur

un rocher. C’est un très bon sol où l’onde passe ra-

pidement et ne reste pas. En cas de séisme, une

maison sur ce type de sol va être secouée mais a

beaucoup de chances de ne pas s’effondrer car

l’onde passera vite. Par contre, si vous êtes sur un

sol dont la vitesse varie entre 180 et 360 mètres par

seconde, vous êtes sur un sol classé D. Les sols clas-

sés D, E et F sont très mauvais en ce sens qu’ils am-

plifient les ondes sismiques. Voilà, sur l’image ci-

dessous, les résultats pour l’agglomération de Port-

au-Prince.

Classement IBC des types de sol de l’agglomération de

Port-au-Prince

A Pétionville par exemple, on a des très bons sols de

classes A et B. Mais, pour Delmas et le Centre-ville

de Port-au-Prince, ce sont des sols classés C et D. En

cas de séisme, ces zones vont enregistrer d ’impor-

tants dégâts. Pour le Cap-Haïtien, on avait fait cette

même étude. Les 80% de la zone étudiée sont clas-

sés D et E. L’aéroport du Cap-Haïtien qui a été amé-

nagé dernièrement est situé sur un sol classé E. Le

port de la ville se trouve aussi sur le même type de

sol. Ceci montre que ces outils devraient être systé-

matiquement exploités avant la construction de ces

infrastructures.

Il existe une autre méthode beaucoup plus fine qui

permet de classer les sols. Elle consiste à croiser les

données issues de la géologie, des mesures de la

géophysique tel que le MASW, ou le H/V (ou mesurede bruit de fond) qui détermine la résonnance

propre du sol ; des sondages géotechniques avec

des analyses de laboratoires. En croisant toutes ces

données, on arrive à une autre classification beau-

coup plus élaborée.

Pour la zone de Port-au-Prince, on a vu qu’il y a 7

classes de sols. La classe 0, c’est le rocher, qui do-mine la ville : Boutillier, PétionVille. Pour chaque

classe de sol, on va avoir un spectre de réponses.

Pour la classe 2, par exemple, le spectre de réponse

que l’on a doit être interprété par exemple comme

une recommandation à ne pas construire des bâti-

ments de plusieurs étages dans cette zone. Tandis

que d’autres spectres de réponses pour les classes

4 à 6 par exemple, nous indiquent qu’on peut avoir

des effets de site même pour des bâtiments sans

étage. C’est donc un instrument qui peut être utilisé

dans la construction parasismique. Des cartes simi-laires ont été faites pour l’agglomération de Port-

au-Prince, pour le Cap-Haïtien, Fort-Liberté, Ouana-

minthe, Port-de-Paix et Saint-Louis-du-Nord. En fait,

on devrait avoir ce travail sur l’ensemble du terri-

toire national.

Nous avons aussi des cartes MNT (Modèles Numé-

riques de Terrain) qui ont été utilisées pour analyser

la structure des sols. On a aussi le réseau hydrogra-

phique à partir des modèles numériques de terrain.

Tout ceci nous a permis de faire une carte de géolo-

gie à l’échelle 1/25.000 pour l’agglomération dePort-au-Prince, ce qui montre que l’information

géologique varie d’un quartier à un autre. Cette

étude nous a permis de mettre en évidence d’autres

failles qui n’étaient pas encore connues, qui vont de

Bourdon jusqu’au Morne Calvaire en passant par Ja-

lousie. L’image ci-dessous montre les failles décou-

verte à partir de cette étude.

Carte des faciès géologiques de l’agglomération de Port -

au-Prince

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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015 

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ETUDES SUR DIVERS ALEAS A TRAVERS LE

PAYS Les méthodes décrites plus haut sont également uti-

lisées pour les glissements de terrain. Elles nous

permettent de cartographier les glissements et des

mesures de topographie permettent de détecter laprofondeur des glissements.

Nous avons aussi réalisé une carte d’aléa liquéfac-

tion pour la zone du Cap-Haïtien. La liquéfaction est

le phénomène observé lorsque certains types de sol

fins tels que les sables, les vases, sont gorgés d’eau

sous l’effet d’un fort séisme. Cela veut dire que les

sables, noyés dans l’eau, peuvent remonter en sur-

face et tout ce qui se trouve en surface, plonge. Les

indices de liquéfaction dans la zone du Cap-Haïtien

sont très élevés et l’aéroport de la ville est implanté

dans une zone liquéfiable.

Nous avons aussi produit une carte d’aléa inonda-

tion pour la vil le des Gonaïves. Nous connaissons les

inondations qui ont eu lieu en 2004 et en 2008 dans

cette zone. Sur cette carte, nous avons identifié les

zones d’aléa extrême. Nous avons une carte d’aléa

inondation pour le Cap-Haitien et là encore, on a pu

constater que l’aéroport est situé dans une zone

inondable.

Nous avons produit une carte pour ce qui concerne

les tsunamis, en envisageant le scénario qu’il y aitun séisme de magnitude 8,7 dans le Nord. C’est une

carte qui identifie les zones qui seront affectées par

le tsunami pour différents niveaux de l’eau jusqu’à

10 m de hauteur. Là encore, l’aéroport se trouve

dans une zone exposée pouvant être recouverte par

1 à 3 m d’eau. Si ce scénario se produit, comme cela

a déjà été le cas en 1842, une grande partie de la

ville serait inondée. En 1842, la ville était recouverte

par 3 m d’eau à la suite d’un séisme de magnitude

8. Cela s’est produit dans le passé et dans le futur

on va encore en avoir. Ce séisme a eu lieu il y a 174ans. On ne sait pas quand cela pourrait se répéter

au Cap-Haïtien. Certains prédisent des intervalles de

100 ans, 150 ans pour ces phénomènes. Dans tous

les cas de figure, nous avons dépassé cette période.

On est donc pratiquement sur « woulib ».

MESURES DE PREPARATION ET DE PRE-

VENTION Un autre pas a été franchi en ce qui a trait à la pré-

paration à l’avènement de ce type de phénomène.

Nous avons créé une carte d’évacuation du Cap-

Haïtien en cas de tsunami, à partir d’une étude au

cours de laquelle il y a eu une caractérisation de

séisme, une numérisation du risque. Nous avons

identifié les zones où les gens peuvent s’abriter en

cas de tsunami et nous avons placé, dans les rues de

la ville, des panneaux tsunamiques indiquant les

routes à suivre pour atteindre ces abris. Ce travail a

été fait au Cap-Haitien, et également pour la zone

de Fort-Liberté (Cf. Image ci-dessous).

Carte d ’ évacuation de la ville du Cap-Haitien en cas

d ’ alerte de tsunami

Les emplacements de ces abris ont été décidés à

partir d’études scientifiques, sur la base de certains

scénarios, pour savoir exactement les endroits qui

ne peuvent pas être atteints par les vagues provo-

quées par des tsunamis. Cette étude a été faite éga-

lement pour la zone de Port-De-Paix.

Ce sont là des outils qui peuvent être utilisés pour la

prévision et la prévention.

CONCLUSION Cette question, si je vous la pose maintenant : « Est-

ce que la recherche scientifique est utile pour la pré-

vention des catastrophes naturelles ? », votre ré-

ponse sera : « Absolument ! », Mais quelle est la fi-

nalité de tout ça ? Il ne s’agit pas de faire des cartes

pour la beauté du geste. C’est une condition néces-

saire mais pas suffisante, car nous avons encore

d’autres étapes à franchir. Tout d’abord, ces outils

doivent être maîtrisés par des professionnels

haïtiens. Il nous faut des gestionnaires du risque,

des gens compétents, des hommes et des femmes

qui sont en mesure d’exploiter ces outils locale-

ment.

Deuxièmement, nous sommes en train de parler

d’outils. Une carte d’aléa est quelque chose de très

technique. Mais les décisions politiques ne sont pas

prises par les scientifiques, mais bien par les politi-

ciens. Ces cartes ne disent absolument rien aux po-

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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti 

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57 

liticiens. Donc, la deuxième étape, c’est la traduc-

tion opérationnelle de ces outils techniques en do-

cuments de prévention accessible aux décideurs,

particulièrement aux collectivités territoriales, les

élus, les maires, ASEC, CASEC car ce sont eux qui doi-

vent prendre au final les décisions nécessaires. S’il

n’y a pas une appropriation de tous ces outils, de

tous ces résultats, pour pouvoir diminuer vraiment

la vulnérabilité, tout cela est inutile. Ce sont des do-

cuments qui vont rester dans les tiroirs. Actuelle-

ment, le Cap-Haïtien est la ville la mieux étudiée du

pays du point de vue risques. Mais, qu ’ont fait les

autorités avec ces outils-là ? Jusqu’à présent, rien.

Pour terminer, on n’avait pas de sismologues dans

le pays avant le 12 janvier, mais nous avons au-

 jourd’hui près d’une douzaine de professionnels

haïtiens qui étudient dans des universités de Bel-gique, de France, des Etats-Unis et qui vont revenir

avec des doctorats en sismologie. Cependant, s’il

n’y a pas un cadre approprié pour les recevoir, si

leurs compétences ne peuvent être mises à contri-

bution et valorisées, ils s’en iront. Nous sommes en

train de voir la possibilité d’installer en Haïti un mas-

ter en géoscience et géo-risque et d’utiliser ces

gens-là qui sont très bien formés, pour la formation

d’autres professionnels.

Si on continue à faire l’impasse sur la science, on va

rester dans ce cercle vicieux : lorsqu’on est pauvre,

on est vulnérable ; si on est vulnérable, on est sou-

mis aux désastres ; lorsque les désastres se produi-

sent, on devient encore plus pauvre ; plus on est

pauvre, plus on est vulnérable... Finalement, on ne

s’en sort pas. Et, pendant que ce cercle-là tourne,

on assiste avec impuissance à la détérioration de

l’environnement et des ressources naturelles. Or, la

simple réalité biologique veut que toute espèce qui

détruit son environnement finit par se détruire elle-

même.

Nous avons un taux de couverture forestière qui est

de moins de 2 % actuellement, alors que l’équilibre

écologique est rompu à partir de moins de 30 % de

couverture forestière. Pour briser ce cercle-là, il

nous faut des gens formés à l’université ; il nous faut

restructurer l’université ; il nous faut une autre ap-

proche dans la gestion des risques et des désastres ;il nous faut professionnaliser le métier de gestion-

naire du risque et donner l’importance qu’il faut à la

science. Sinon, nous allons continuer à assister avec

impuissance à cette détérioration de notre environ-

nement. Détérioration de l’environnement veut

dire pertes sociales, pertes économiques et envi-

ronnementales élevées et récurrentes, et le déve-

loppement est chroniquement interrompu et

stagne. Nous creusons nos propres tombes si nous

refusons de briser ce cercle vicieux et de nous enga-

ger dans la voie de la prévention. C’est la seule issue

possible.

 

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58 

SESSION 4 : RECHERCHE ET INNOVATION : QUELQUES CAS

PROBANTS Modérateurs : Mme Marlène SAM et M. Patrick ATTIE. ESIH.

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59 

Interaction 3D : Principes etDomaines d’ ApplicationsMots clés : Interaction 3D, Modélisation 3D, réalité virtuelle

INTRODUCTION Je vais faire le lien avec la présentation de M. Pré-

petit. Sans entrer dans la polémique des définitions,

on pourrait différencier deux sciences : la science du

naturel, ce que fait M. Prépetit, et la science de l’ar-

tificiel qui s’occupe de concevoir les outils dont les

gens de la science naturelle vont se servir. Mon tra-

vail se situe à ce niveau.

Ma présentation sera en deux parties : je vaisd’abord vous présenter les principes de l’interaction

3D sous forme d’un petit cours. Comme je sais qu’il

y a beaucoup d’étudiants dans l’assistance, cela

tombe très bien. Ensuite, je vous en présenterai les

domaines d’application.

Mais tout d’abord, qu’est-ce que l’interaction 3D ?

L’INTERACTION 3DPour moi, l’interaction 3D est un axe de recherche.

En fait, dans le grand monde de la science, il y a la

recherche en informatique, et dans la recherche eninformatique, il y a tout un pan qui se base sur l’in-

teraction entre les humains et la machine. A l’inté-

rieur de ces interactions homme-machine, il y a dif-

férents domaines qui utilisent l’axe de recherche

qui est l’interaction 3D.

L’interaction 3D a été défini en 2010 par M. Boman

de la facon suivante : « C ’ est l ’ interaction entre un

homme et une machine dans laquelle la tâche de

l ’ utilisateur est effectuée directement dans un con-

texte spatial tridimensionnel ».

Si je définis un peu plus les termes, « interaction »

veut dire qu’on a des actions sur la machine qui

nous renvoient des informations en direct. Nous dis-

posons aujourd’hui de cartes graphiques sur les or-

dinateurs qui sont très performantes et qui nous

permettent d’interagir directement avec les don-

nées : ce n’est plus comme à l’époque des années

60 où on devait tout entrer en lignes de commande.

Maintenant, quand on veut ouvrir un fichier par

exemple, on va directement sur le fichier et on voittout de suite ce qu’on fait.

« Contexte spatial tridimensionnel » fait référence à

des données tridimensionnelles spatialement si-

tuées. Pour illustrer par un contre-exemple,

quelqu’un nous a parlé aujourd’hui dans une pré-

sentation, de la météo. Il nous a montré un disposi-

tif, une station météo, qui capturait des données sur

la pluviométrie, la direction du vent et la force du

vent. Dans ce cas-là, nous avons une donnée tridi-

mensionnelle mais pas du tout spatialement située.

Nous, nous travaillons plutôt sur des points 3D dans

l’espace.

Données de base de l’interaction 3D

Il y a deux types de données de base à considérer.

Le premier type, ce sont les points dans l’espace 3D

qu’on définit en général par x, y, z.

Lespointsdansl ’ espace3D

Quand on a des points dans l’espace, on peut les re-

lier puis ensuite faire des faces et obtenir des objets

tridimensionnels. Ces données de base peuventêtre de différents types :

M. Michael ORTEGA

PhD

Informaticien

Ingénieur de Recherche au Centre National de

la Recherche Scientifique (CNRS). Laboratoired’Informatique de Grenoble 

« On peut distinguer la science du naturel et la science del’artificiel qui s’occupe de concevoir les outils dont les gens

de la science naturelle vont se servir.L’interaction 3D est un travail se rapportant à la création et

l’amélioration d’outils de conception, de visualis ation etd’analyse de données tridimensionnelles spatiales. Les do- 

maines d’application sont divers  : la visualisation de donnéesscientifiques, la thérapie, les jeux ou encore l’industrie. ».

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60 

Ces données peuvent être surfaciques. Par

exemple, sur le visage représenté dans la figure ci-

dessous, on a des points 3D qui représentent uni-

quement la surface du visage

Exemple d ’ affichage 3D surfacique

Elles peuvent être volumétriques. Dans ce cas on a

une matrice tridimensionnelle : on a des points dans

toutes les zones de l’espace. Dans ces cas particu-liers on définit une densité. Par exemple, sur le scan

de la momie ci-dessous, nous avons des densités qui

représentent les os de la momie.

Exemple d ’ affichage 3D volumétrique

Les données peuvent aussi être sémantiques. Ce

sont des données qui sont indépendantes de leurs

représentations comme par exemple, sur l’image ci-

dessous, nous avons une molécule avec les points

qui la définissent et les liens entre ces points. Nous

avons représenté cette molécule ici par des boules

et des cylindres, mais cela pourrait être autre chose.

Représentation 3D sémantique d ’ une molécule

La perspective

Nous avons un autre type de données de base, à

part les points dans l’espace 3D. Regardez la photo

ci-dessous. Pour l’obtenir, on a « manipulé » des ob-

 jets 3D qui sont des personnes, des vraies per-

sonnes.

Exemple de manipulation de la perspective dans le

monde réel

A quoi a-t-on dû faire attention pour prendre la

photo ? A la perspective. La perspective représente

en fait la position de l’appareil photo tout simple-

ment. Un membre de l’assistance a répondu : « le

nombre de pixels ». Ce n’est pas du tout ça. Là, on apositionné les personnages dans l’espace et on a

porté une attention particulière à la position de l’ap-

pareil photo pour obtenir les effets que l’on a sur la

photo. On appelle cela la caméra, avec des données

intrinsèques qui sont la définition de l’objectif, la

distance focale, l’ouverture etc., et des données ex-

trinsèques qui sont la position de la caméra dans

l’espace.

M ANIPULATION ET NAVIGATION Ce sont donc là, les deux types de données de base

qu’on manipule en interaction 3D : les points dans

l’espace 3D et la perspective. Quand on manipule

les premières, on dit qu’on fait de la manipulation

d’objet et quand on manipule les deuxièmes, on dit

qu’on fait de la navigation. Quand vous jouez par

exemple sur votre smartphone, un jeu de course de

voitures par exemple, vous manipulez un point de

vue. En d’autres mots, vous avez un environnement

et vous vous déplacez à l’intérieur de l’environne-

ment. Cela représente une manipulation de la ca-

méra et permet de naviguer dans l’espace.

Donc l’interaction 3D, est une boucle où on a des

données points caméra et des fonctions d’affichage

qui vont afficher ces données. L’utilisateur voit ces

points, interagit dessus, ils sont réaffichés et cela

tourne en boucle.

Le graal pour certains utilisateurs, c’est ça : la mani-

pulation d’objets 3D que l’on voit dans le film Iron-

man (Cf. Image page suivante).

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61 

Manipulation d’objets 3D dans le réel (Capture d’image

du film de science-fiction « Ironman »)

Dans sa main, l’utilisateur a un objet tridimension-

nel qu’il peut voir comme un objet réel sauf qu’il est

virtuel avec tous les avantages que cela offre. On a

aussi des objets positionnés dans l’espace qui sont

2D, comme par exemple les images.

Le problème auquel on se confronte aujourd’hui,

c’est que, quand on fait de l’interaction 3D, on est

incapable de faire des hologrammes. On a donc tou-

 jours des affichages. De ce fait, dans l’interaction

3D, il faut toujours prendre en compte l’affichage en

2D.

DIFFERENTS TYPES D’ AFFICHAGES Si je prends la situation classique avec un utilisateur,

sa main et l’objet 3D. Lorsqu’il est sur un bureau et

qu’il interagit avec les objets 3D, il a son écran posi-

tionné entre la main et la scène.

Quand on va dans la réalité virtuelle ou la réalité

augmentée, on a différents types d’affichages,

comme par exemple les affichages rétiniens qui

sont beaucoup utilisés en chirurgie. Vous en avez un

exemple sur l’image : c’est un dispositif qui est ac-

croché à la tête et qui, à l’aide d’un laser, va direc-

tement afficher l’information sur la rétine de l’utili-

sateur.

Dispositif d ’ affichage rétinien

Cela peut faire un peu peur, c’est sans doute l’une

des raisons qui expliquent pourquoi ce n’est pas très

développé aujourd’hui. Mais ce système a un cer-

tain nombre d’avantages : c’est léger, la main est

derrière cette fois-ci, on peut donc superposer tout

un tas d’informations devant ce qu’on est en train

de faire.

Ensuite on a les visiocasques. Le succès de ces dis-

positifs est en train de croître sérieusement parce

qu’il y avait des contraintes technologiques qui ont

pu être supprimées. Les visiocasques sont des dis-positifs un peu plus lourds que ceux des affichages

rétiniens, mais comme ceux-ci, on les positionne sur

la tête, devant les yeux tel qu’illustré dans l’image 

ci-dessous).

Exemples de visiocasques

On peut un seul écran pour les deux yeux ou un

écran par œil. Il existe même des visiocasques qui

ont 12 écrans pour pouvoir obtenir une grande dé-

finition, et dans les systèmes les plus perfectionnés,

on a aussi des petites caméras positionnées devant

le visiocasque. Avec ces caméras, on capture le

monde réel, on le filme et on le met dans la ma-

chine. On a aussi, dans la machine, le monde virtuel,

et on est donc capable de les mélanger et de les af-

ficher à l’utilisateur. On lui donne alors l’impression

qu’il est dans un monde à la fois virtuel et réel et on

peut exploiter les avantages des deux.

Nous avons ensuite les systèmes qui s’appellent

« Fish Tank », aquariums, qui sont des écrans placés

cette fois, non pas sur l’utilisateur, mais entre sa

tête et sa main. Vous en avez un exemple dans

l’image ci-dessous. Techniquement, c’est assez

simple : il y a un miroir sans teint, semi-transparent,

qui reflète l’image de l’écran positionné au-dessus.

Et comme c’est semi-transparent, l’utilisateur voitégalement sa main. C’est donc aussi une façon de

mélanger le virtuel et la main réelle pour interagir

de façon intuitive et efficace.

Exemple de Fish Tank

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62 

 AFFICHAGES STEREOSCOPIQUE ET

« HEAD COUPLED DISPLAY »Si je veux aller un peu plus loin dans les affichages,

il en existe deux autres grandes catégories. Pour les

présenter, je vais d’abord définir deux termes d’in-

teraction 3D qui sont assez classiques : la stéréosco-pie et le « Head coupled display ».

La stéréoscopie

La photo ci-dessous présente une seule image d’un

officier. En cliquant, j’ai deux images de l’officier. En

les faisant passer l’une et l’autre de façon très ra-

pide, vous avez une impression de 3 dimensions,

une impression de profondeur : on arrive à voir que

le personnage se détache du fond. C’est un artéfact

qui est low-cost mais en utilisant le même principe,

en alliant deux images et en affichant une image sur

chaque œil, actuellement on arrive à avoir cet effet

au cinéma ou encore dans les visiocasques dont j ’ai

parlé précédemment. On arrive ainsi à restituer

l’impression de profondeur et l’impression d’avoir

vraiment les objets dans l’espace en face de nous.

Le « Head Coupled Display »

Le head coupled display  est, en fait, le principe tout

simple de capturer la position de la tête de l’utilisa-

teur en face de son écran et de changer l’affichage

en fonction de cette position : l’affichage est recal-

culé en permanence en fonction de la position de latête.

Pour revenir à nos systèmes d’affichage, avec les lu-

nettes stéréoscopiques, on peut imaginer avoir

l’écran qui est au milieu de la scène tridimension-

nelle et d’avoir l’impression que les objets se déta-

chent alors qu’ils sont derrière.

On peut aussi avoir des écrans qui sont positionnés

derrière : c’est une autre catégorie d’affichage

qu’on appelle « CAVE » ou l’on a carrément les gens

qui sont dans une pièce et sur chaque mur de lapièce on a un affichage (Cf . Images ci-dessous).

CAVE ™ cinq faces (PSA Peugeot Citroen) 

Représentation d ’ une montagne avec la technologie

CAVE

Sur la photo ci-dessus, on voit une montagne. La

personne se trouvant devant la scène voit cette

montagne avec l’effet de profondeur grâce aux lu-nettes. La position des lunettes est aussi capturée,

c’est-à-dire que la position de la tête de l’utilisateur

en face de cette montagne est aussi prise en

compte. L’affichage va être recalculé selon les mou-

vements de la tête : si l’utilisateur se déplace vers la

droite par exemple, il va voir le flanc droit de la mon-

tagne, ce qui est impossible si la position de sa tête

n’est pas capturée.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 

Nous avons vu dans cette première partie de la pré-sentation : la stéréoscopie, le head coupled display ,

quelques dispositifs d’affichage. Il existe beaucoup

d’autres dispositifs d’interaction entre l’homme et

la machine que je n’ai pas le temps de développer

plus en détails ici. Il y a, par exemple, l’haptique qui

simule le toucher et donne l’impression à l’utilisa-

teur qu’il touche vraiment les objets virtuels. Je re-

viendrai là-dessus un peu plus loin.

J’en arrive à la fin de cette petite partie cours sur

l’interaction 3D et je vais en aborder maintenant les

domaines d’application.

DOMAINES D’ APPLICATION 

Le tourisme et le jeu

Parmi les domaines d’application de l’interaction

3D, il y a le tourisme et le jeu. Je crois que dans la

présentation d’après vous avez une intervention sur

le tourisme, avec la réalité virtuelle appliquée à la

visite de la Citadelle Henry. Je vais donc laisser l’ora-

teur suivant vous en parler un peu plus.

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63 

La thérapie

Un autre domaine d’application très en vogue dans

la réalité virtuelle, c’est la thérapie. M. Hoffman a

montré qu’il arrivait à soigner des gens de l’arach-

nophobie [Hoffman et al., 2003]. La personne a un

casque donc ça veut dire qu’elle ne voit pas la réa-lité : elle voit un monde virtuel où on lui affiche des

araignées. Hoffman a mis en évidence que, en mé-

langeant cette virtualité avec un peu de réel en lui

donnant aussi des sensations de toucher avec des

« vraies » araignées en plastique, on arrive à soigner

cette personne. A la fin de l’expérimentation, elle

arrive à toucher des vraies araignées.

 Application de la réalité virtuelle au traitement de

l ’ arachnophobie

On arrive à soigner un certain nombre de phobies

avec cette méthode : l’arachnophobie, ornithopho-

bie (la peur des oiseaux) et la phobie d’autres créa-

tures. On arrive également à soigner de la peur du

vide, de la claustrophobie, de l’agoraphobie etc.

Cette méthode permet aussi de faire de la réhabili-

tation, c’est-à-dire, de permettre à des personnes

qui ont eu un traumatisme, de revenir à un état nor-

mal. C’est donc très utilisé en milieu militaire. Lors-

que les soldats reviennent d’une guerre, ils ont sou-

vent du mal à revenir au monde normal. On les met

donc dans des situations virtuelles qui simulent vrai-

ment le réel et progressivement on les ramène à la

vie normale. C’est également utilisé pour la réédu-

cation à la suite d’un accident.

Les avantages d’utiliser l’interaction 3D et la réalitévirtuelle sont donc les suivants : on peut mettre en

situation d’une manière sécurisée, contrôler les

conditions de mise en situation de façon fine, pro-

gressive et adaptée. Par exemple, pour une per-

sonne qui a peur du vide, on n’est pas obligé de la

monter en haut d’une falaise du premier coup : on

peut progressivement la mettre en situation. C’est

pareil pour ceux qui souffrent de la peur des arai-

gnées ou d’autres créatures. On n’est pas obligé de

traumatiser des animaux pour guérir des personnes

qui ressentent une peur en leur présence.

La visualisation scientifique

L’ observationdepiècesenarchéologie

On utilise l’interaction 3D dans le domaine de l’ar-

chéologie. Sur l’image, vous voyez un scientifique

qui a scanné une pièce de musée ou une pièce qu’il

a trouvée sur le terrain. Il va pouvoir interagir avec,l’observer sous toutes les coutures. Cela présente

divers avantages dont ceux du numérique : on peut

zoomer sur la pièce scannée, la regarder sous tous

les angles car on n’a plus de problèmes physiques

pour la retourner dans tous les sens surtout si elle

est lourde. On va pouvoir l’envoyer à ses collègues,

la partager, etc.

Manipulation d ’ un scan 3D d ’ une pièce d ’ archéologie

L’ assemblagedepiècesenarchéologie

Un autre exemple avec l’archéologie est la possibi-

lité d’assembler différentes pièces scannées d’unmême objet : chacune de ces pièces peut être tour-

née dans tous les sens pour pouvoir être observée,

bougée et faciliter l’assemblage. Si la pièce entière

est finalement assemblée elle va pouvoir être par-

tagée avec des collègues par exemple.

L’ observationdansdesmodèlesvolumétriques

J’ai un troisième exemple, celui-là, un petit peu

vieux (elle date des années 2000), avec cette fois un

modèle volumétrique. Un modèle volumétrique,

comme je l’ai expliqué implique une matrice tridi-

mensionnelle et, dans l’espace, on a des densités.

Sur cet exemple, il y a plusieurs densités : la peau,

les os, le cerveau. Des chercheurs ont fait une étude

pour savoir quels seraient les outils les mieux adap-

tés pour faire des observations à l’intérieur de ces

données volumiques. En effet, contrairement aux

données surfaciques, quand on affiche des données

volumétriques, on a comme une boîte remplie d’ob-

 jets et c’est très difficile d’accéder à ces objets pour

les observer.

Page 64: Actes de la JSESIH2015

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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015 

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64 

C AS D’ETUDE 1 :  LA SELECTION D’OBJETS

MOBILES DANS UN ENVIRONNEMENT 3DJ’ai un quatrième exemple qui fait le lien un peu

avec la présentation de Nadine Mandran (Cf. Pro-

duire et exploiter des traces éducationnelles : vers

une précision fine des services tutoriels). Dans cetteprésentation, Nadine Mandran expliquait la dé-

marche scientifique qui consiste, pour un problème

observé, à vérifier les solutions proposées par la

communauté scientifique. Si ces propositions ont

des manques, on les identifie, puis on propose de

nouvelles idées. On conçoit ces idées, les formalise,

les expérimente puis on publie les résultats obte-

nus.

Problématique

Dans notre exemple, vous avez un rob : un petit

sous-marin qui peut aller au fond des océans et que

IFREMER (Institut Français de Recherche pour l’Ex-

ploitation de la MER) utilise pour faire des observa-

tions au fond des océans. Les chercheurs pilotent le

rob de leur bateau. Le rob dispose de bras avec les-

quels il peut récupérer des outils, faire des manipu-

lations et placer des échantillons dans une caisse

avec des marqueurs. La photo suivante montre le

genre d’images dont disposent les scientifiques

quand le rob est au fond de l ’océan : il s’agit juste

d’une image 2D.

Vue renvoyée par le rob

Le problème avec ce type de dispositif est le sui-

vant : le rob est censé être stationnaire sauf qu ’au

fond de l’eau, il y a des courants, il est donc toujours

en mouvement. Donc, si la personne qui le pilote à

distance décide de mettre le bras dans une position

donnée, elle va envoyer cette instruction à partir de

son interface de pilotage mais l’endroit ciblé bouge

en permanence. On ne peut pas, ou difficilement,

sélectionner des objets en mouvement permanent.

On s’est rendu compte, dans un premier temps, que

le problème de sélectionner des objets mobiles

était beaucoup plus large que le problème du rob.

Le problème se pose aussi pour les cas de simula-

tions où des chercheurs veulent sélectionner une

petite molécule, ou encore dans les jeux vidéo. A

titre d’illustration, imaginons que vous regardez un

match de basket et vous voulez sélectionner un

 joueur pour pouvoir afficher ses statistiques. C’est

difficile car il bouge.

Ceci est donc notre problème de base et on va re-

garder si l’existant propose ou pas des solutions qui

conviennent.

Revue de l’existant

Les solutions existantes étaient les suivantes. Dans

la première, on proposait de mettre en pause maisdans le cas du rob, lorsqu’on arrête les prises de

vue, il continue de dériver à cause des courants. On

ne sait pas où il va et quand on revient à la réalité, il

faut le rattraper. Cette première solution ne nous

semblait donc pas adaptée car on perd le contexte

pendant la pause et puis c’est mono-utilisateur.

Dans le cas du match de basket, si vous mettez en

pause pour avoir les statistiques d’un joueur alors

que tout le monde est en train de regarder, vous

pouvez rater une action décisive et ainsi gêner les

autres spectateurs.

Une autre solution proposée est la « technique co-

mète » qui se base sur une loi qu ’on appelle la « loi

de fixe ». Je ne vais pas entrer dans les détails mais

le principe est simple : les chercheurs essaient de

grossir ou marquer les cibles à sélectionner. Cela

s’appliquait dans le contexte de contrôle de trafic

où on voulait sélectionner des véhicules. Le système

était capable de mettre une espèce de traînée aux

véhicules ciblés et faciliter ainsi la sélection. Mais

cette solution ne fonctionne pas quand on est dans

des environnements très denses, remplis de beau-coup d’objets.

Proposition et résultats

Nous avons proposé une technique différente. Tout

d’abord, nous avons observé des gens à qui nous

avons demandé de cliquer sur un objet qui bouge de

manière aléatoire dans un cube (voir image sui-

vante). Leur comportement était le suivant : ils

poursuivaient la cible avec le curseur, la chassaient

en quelque sorte, et cliquaient dessus lorsqu’ils es-

timaient que c’était le bon moment.

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65 

Ce comportement-là est facilement détectable en

informatique. En d’autres termes, le système peut

observer la relation entre les cibles en mouvement

et le curseur de l’utilisateur au fil du temps. Partant

de là, nous avons conçu un système, Hook, capable

d’estimer quelle cible est en train d’être suivie par

l’utilisateur et l’aider à l’atteindre. Nos expérimen-

tations ont démontré que le système arrive à assis-

ter efficacement l’utilisateur même dans des envi-

ronnements 3D denses, remplis d’objets qui se dé-

placent aléatoirement et à très grande vitesse.

Observation du comportement d’utilisateurs pour la sé-

lection d’une cible mobile dans un environnement dense 

Les résultats montrent clairement que Hook sur-

passe les méthodes existantes tant au niveau du

temps de pointage des utilisateurs qu ’au niveau de

leurs taux d’erreur, pour des cibles lentes et pour

des cibles rapides. Tous les participants ont aussi

confirmé la facilité d’utilisation qu’offre le système

[Ortega, 2013 a].

C AS D’ETUDE 2 :  L’ ASSISTANCE A LA CON-

CEPTION D’OBJETS VIRTUELS 

Problématique

Il existe des logiciels qui permettent de construire

des objets 3D. L’un des intérêts directs pour la plu-

part d’entre vous, c’est la possibilité d’imprimer ces

objets-là. L’interaction 3D pendant la construction

des objets est ce qui nous intéresse de près. Pre-

nons l’exemple d’une personne qui modélise un vi-

sage (image ci-dessous).

Captures d ’ écran d ’ une vidéo montrant l ’ évolution du

travail de modélisation 3D d ’ un visage

La personne manipule l’objet mais navigue égale-

ment : elle passe une grande partie de son temps à

bouger l’objet sous différents angles, dans toutesses dimensions, comme ferait un sculpteur et mani-

pule les points 3D. Elle doit combiner ces deux

tâches pour arriver à modéliser l’objet qu’il va par la

suite imprimer peut-être ou utiliser dans un film

d’animation.

Partant de l’observation que les gens passaient

beaucoup de temps à bouger la caméra lors de la

construction d’objets 3D, on s’est demandé s’il était

possible d’améliorer cela. Donc là on s’est posé un

objectif de performance.

Revue de l’existant

On a observé que la plupart des gens utilisent un

type de configuration qui est la configuration 4

vues. S’ils veulent construire un objet, le modéliser,

tel que montré sur l’image ci-dessous, ils vont avoir

en haut à droite une vue générale, qu’ils peuvent

tourner pour pouvoir observer l’objet en construc-

tion. Dans les trois autres vues, on a un affichage

prédéfini différent dans lesquelles ils peuvent faire

leurs manipulations pour construire l’objet.

Configuration 4 vues pour la modélisation d ’ objets

en 3D

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66 

Une autre méthode qui est parfois utilisée consiste

à passer d’une vue à une autre avec un bouton. Par

contre cette méthode a un coup cognitif car, à

chaque fois qu’on arrive sur une nouvelle vue, on

doit la redécouvrir. Cela prend un peu de temps

avant qu’on puisse s’en servir.

Proposition et résultats

Nous avons proposé une technique qui s’appelle

« UICA » qui utilise des animations de caméra entre

des vues. Le système est suffisamment intelligent

pour savoir quelle vue est nécessaire à l’utilisateur.

Nous avons développé un logiciel, on a été contacté

du coup par une boîte allemande qui voulait l’inté-

grer dans son propre logiciel. L’objet tourne et

passe d’une vue à une autre tout seul. Nous avons

effectué une enquête auprès de designers qui nous

ont donné leur retour là-dessus.

Nous avons aussi mené une expérimentation en la-

boratoire qui nous a permis d’évaluer la technique

sans biais. Durant cette expérimentation, la per-

sonne devait mettre une boule blanche dans une

boule bleue en utilisant notre technique. Avec le clic

gauche, elle passait dans une vue verticale et avec

le clic droit, dans une vue horizontale. L’avantage de

cette technique, c’est qu’on peut enchaîner les deux

vues et obtenir ainsi un mouvement tridimension-

nel avec deux mouvements bidimensionnels précis.

Nous avons évalué la technique en demandant à des

gens de faire un grand nombre de fois l’exercice

avec des boules de tailles différentes. La taille de la

boule cible (celle dans laquelle il fallait mettre

l’autre), définissait la difficulté de l’exercice : plus la

cible était grande, plus c’était facile et rapide d’y

placer l’autre boule et plus elle était petite, plus

c’était difficile d’y mettre l’autre boule.

Nous avons, à la fin de l’expérimentation, obtenu

des résultats sur le temps moyen pour chaque diffi-

culté. Notre technique, IUCA, faisait gagner 15% de

temps d’interaction comparativement aux tech-

niques existantes. Au niveau des erreurs, c’était à

peu près similaire [Ortega, 2013 b].

C AS D’ETUDE 3 :  L’ENTRAINEMENT A UN

GESTE Le dernier domaine d’application de l’interaction 3D

que je vais vous présenter est l’entraînement. On va

parler ici de réalisme : l’objectif, ce n’est pas d’aller

vite mais d’essayer de simuler le réel avec le virtuel.

C’était le sujet de ma thèse de doctorat en 2006, encollaboration avec l’entreprise automobile PSA-

Peugeot-Citroën qui a beaucoup investi dans la réa-

lité virtuelle à un moment parce qu’elle souhaitait

concevoir beaucoup de prototypes en numérique et

les éprouver le plus possible dans ce format-là avant

de passer à la fabrication réelle. La raison est que

cela coûte forcément moins cher de produire et

d’éprouver des prototypes en numérique que d’en

concevoir des réels à chaque fois.

Le cas particulier que nous avons étudié, c’est la dé-

pose de mastic pour les joints. Dans les usines de la

compagnie automobile, quand la voiture sort de son

premier bain, les morceaux de tôle qui la compo-

sent sont simplement soudés. Pour éviter que de la

poussière ou de l’eau y entre lorsqu’elle sera utili-

sée, on doit étanchéifier les joints entre les tôles. Un

opérateur est chargé, toute la journée, de déposer

du mastic dans les joints de tôles avec un pistolet àmastic. Pour réaliser ce travail, il est parfois debout

et au niveau ergonomique, le geste est plutôt

simple. Par contre, quand il doit aller à l’intérieur du

capot, se pencher, se courber pour aller positionner

son pistolet sur un joint, c’est beaucoup plus problé-

matique. Donc, PSA-Peugeot-Citroën souhaitait

pouvoir étudier cela pour l’améliorer avant d’en-

voyer une voiture en production. Cela peut paraître

très précis mais c’est une recherche qui peut être

généralisable.

Pour simuler le travail de l’opérateur, on a utilisé ceque l’on appelle un « workbench » [Ortega et al.,

2006].

Représentation d ’ un workbench

Sur l’image, vous avez une simulation qui repré-

sente un personnage face à 2 grands écrans : un

écran vertical et un écran horizontal. Dans les pe-

tites boules vertes, on a placé des moteurs. De ces

moteurs partaient des câbles qui étaient attachés

au pistolet à mastic. Donc, en contrôlant la force de

tension de ces moteurs, on a simulé le toucher et le

contact du pistolet avec la voiture virtuelle. On a

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ainsi simulé tout le processus de la sensation du tou-

cher et l’utilisateur est obligé de prendre des vraies

postures qu’il prendrait dans la vie réelle pour dé-

poser son mastic. A partir de là, on va donc pouvoir

étudier ces postures et anticiper les problèmes dans

la chaîne de production.

CONCLUSION Pour finir, je fais juste un petit rappel : l ’interaction

3D est plutôt un travail se rapportant à la création

et l’amélioration d’outils de conception, de visuali-

sation et d’analyse de données tridimensionnelles

spatiales. Les domaines d’application sont divers :

cela peut être les sciences, la santé, le loisir ou en-

core l’industrie.

RÉFÉRENCES 

[Hoffman et al., 2003] Hoffman, H. G.; Garcia-Palacios, A.;Carlin, C..; Furness, T.A. III; Botella-Arbona, C. 2003. Inter-

 faces that heal: Coupling real and virtual objects to cure

spider phobia. International Journal of Human-Computer

Interaction, 15, pp. 469-486.

[Ortega, M. 2013 a] Ortega, M. 2013. Hook: Heuristics for

Selecting 3D Moving Objects in Dense Target Environ-

ments. In Proceedings of the IEEE 8th Symposium on 3D

User Interfaces (3DUI 2013), pp. 119-122.

[Ortega, M. 2013 b] Ortega, M. 2013. 3D object Position

using Automatic Viewpoint Transitions. In Proceedings of

the international conference on Human factors in compu-

ting systems (CHI 2013), pp. 193-196.

[Ortega et al., 2006] Ortega, M., Redon, S., Coquillart, S.

2006.  A six degree-of-freedom god-object method for

haptic display of rigid bodies. Virtual Reality Conference

2006, Alexandria, Virginia, United States. pp. 191 –198.

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Expérience d’immersiondans un environnement tou-rist ique virtuel : la Citadelle

HenryMots clés : Réalité virtuelle, Tourisme virtuel, Citadelle Henry 

Marc Henry Jeanty 

INTRODUCTION Imaginez un instant pouvoir visiter n’importe quel

monument historique, en Haïti ou ailleurs, sans

avoir à se déplacer ? Cette idée est celle qui motive

notre travail sur la modélisation de la Citadelle

Henry. Aujourd’hui, ce modèle est prêt. L’utilisateur

muni d’un casque Oculus Rift et d’un gant interactif

peut se déplacer en immersion au sein de ce modèle

et visiter le monument. 

Nous avons aussi pensé à rendre possible des visitesen groupe au sein des répliques virtuelles de ce type

de monuments. Pour y arriver, nous envisageons

d’utiliser la technique « Cave » dont nous a parlée

Dr Michael Ortega dans la présentation précédente.

Le principe est de faire des projections sur les quatre

murs munis de capteurs dans une salle. Les

projections reconstitueront l’intérieur du

monument et, grâce aux capteurs, les visiteurs

pourront interagir avec l’environnement virtuel. 

PRINCIPE DE LA VISITE VIRTUELLE Nous utilisons un système de gant combiné avec

l’utilisation d’un casque Oculus Rift. 

Le système visuel projette une image de

l’environnement virtuel. Cette image est répliquée

sur chacun de nos yeux de manière synchronisée, de

sorte qu’on ait la même image de l’environnement

pour chaque œil. En haut de chaque image nous

avons une petite partie représentant une carte pour

permettre à l’utilisateur de s’orienter et de circuler

au sein du modèle virtuel. 

3 Vous pouvez accéder à cette vidéo sur notre page Youtube ensuivant ce lien hypertexte ou en scannant le QR Code au débutdu document. 

Gilbert Torchon va vous faire une démonstration de

navigation dans l’environnement virtuel avec les

gants.3 

Démonstration de navigation avec les gants dans le mo-

dèle virtuel de la Citadelle Henry

LE TRAVAIL DE MODELISATION Pour rendre possible ce projet, des milliers de

photos ont été prises sur place pour reconstituer

toutes les vues de la Citadelle. L’intervention d’un

ingénieur et l’exploitation de plans de la Citadelle

ont également été nécessaires afin de prendre les

mesures réelles du monument pour une réplique

exacte en image virtuelle. Ce travail a permis de reconstituer en 3D certaines

pièces du monument actuellement inaccessibles au

public pour des questions de sécurité. C’est le cas

pour l’ensemble du sous-sol et de la poudrière de la

Citadelle par exemple. 

La modélisation des quatre étages de la Citadelle est

entièrement achevée. Le sous-sol et les paysages

autour du monument sont en cours d’élaboration

pour que cette visite soit complète. 

MM. Marc-Henry JEANTY et Gilbert TORCHON

Informaticiens

Développeurs de l’équipe Réalité Virtuelle. La-

boratoire SITERE, ESIH 

« Des milliers de photos ont été prises sur place pour re- 

constituer toutes les vues de la Citadelle.

Ce travail a permis de reconstituer en 3D certaines

 pièces du monument actuellement inaccessibles au pu- 

blic pour des questions de sécurité. »

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Une particularité que comporte la visite virtuelle qui

ne pourrait être possible lors d’une visite réelle, c’est

la possibilité d’avoir une vue aérienne complète de

la Citadelle. 

PERSPECTIVES 

La réplication de ce travail est envisagée pourd’autres monuments historiques du patrimoine

haïtien. 

Une évolution possible du projet est la visite en

groupe avec l’intervention d’un guide. Cela

permettrait aux visiteurs de profiter de la visite du

monument en étant orientés. Ce type de réalisation

nécessite l’utilisation d’un « corner cave ». Les

visiteurs pourraient se voir les uns et les autres et

partager ainsi la visite virtuelle comme on peut le

faire lors d’une visite réelle. 

Ces visites groupées pourraient être mises àdisposition des touristes dans un hôtel par exemple

ou sur un bateau de croisière, permettant ainsi une

visites complète de monuments si on est dans

l’incapacité d’y aller physiquement. 

INTERACTIONS AVEC LE PUBLIC La modératrice (Madame Marlène Sam) :

« Je voudrais poser une question avant de passer

la parole aux membres de l ’ assistance : « Combien

 parmi vous dans la salle sont déjà allés à la Cita-

delle Henry ? ». A l ’ évidence, même pas 50% de lasalle.

Pouvez-vous nous montrer les accessoires permet-

tant de naviguer dans l ’ environnement virtuel ? »

Les accessoires permettant l’interaction :

Gilbert Torchon

L’Oculus Rift utilisé dans ce projet est un visiocasque

de première génération. Il en existe une deuxième

version qui est une version sans fil. 

Le gant n’est pas util isé pour permette de toucher etde valider une sélection comme c’est le cas

habituellement. Son utilisation, ici, permet aux

visiteurs de se déplacer dans la projection virtuelle

de l’Oculus Rift. Pour cela, la personne doit exécuter

une série de mouvements avec les doigts, ce qui lui

permet de se diriger dans l’environnement virtuel. 

« Ces deux outils technologiques externes, sont-ils

reliés à un ordinateur  ?  » 

Oui, ces accessoires sont des périphériques reliés à

un ordinateur.

Question d ’ un membre de l ’ assistance :

« Vous avez dit au début qu’ il y avait des salles qui

n’ étaient pas visitables, mais à partir de ce pro-

gramme, de façon virtuelle, on peut les visiter. Est-

ce purement de l ’ imagination ? »

Non, ce n’est pas de l’imagination. Nous avons uti-

lisé les plans de la Citadelle et nous avons été sur

place prendre certaines photos. Même si on ne peut

pas s’y rendre physiquement, dès lors que l’on dis-

pose du plan et des photos, on peut arriver à modé-

liser ces espaces.

Question d ’ un membre de l ’ assistance :

« Je suis architecte et j ’ ai travaillé sur la Citadelleégalement. Je pense ne pas avoir saisi au départ si

vous l ’ avez mentionné, mais j ’ aimerais savoir com-

ment vous vous y êtes pris pour la modélisation,

quel logiciel avez-vous utilisé ?

Ma deuxième question. Je sais que l ’ on est dans le

virtuel mais pourquoi est-ce si peu réel ? Le rendu

semble ne pas être tout à fait au point Je sais que

 par exemple sur le logiciel Sketchup, avec lequel j ’ ai

l ’ habitude de travailler, le rendu peut être plus

 proche de la réalité. On peut obtenir un rendu qui

donne l ’ impression de voir les images comme on lesverrait en photos. Si je visite la citadelle pour la pre-

mière fois comme les touristes, j ’ aurais aimé avoir

une meilleure qualité d ’ image par exemple. »

Pour la première question, on a utilisé pour la mo-

délisation le logiciel 3DS Max parce que c’est le logi-

ciel le plus compatible avec les outils et logiciels que

nous utilisons pour simuler l’immersion.

Pour la deuxième question sur le rendu, on a dû uti-

liser une résolution de 1440 × 900 pixels pour

rendre la navigation plus fluide. Lorsqu’on passe àune meilleure résolution, 1920 × 1080 pixels par

exemple, nous avons certaines parties du modèle

qui ralentissent. Je précise aussi que la projection de

l’image et ce que l’on voit réellement lorsqu’on uti-

lise le casque sont très différents. Lorsqu’on utilise

le casque le rendu est meilleur.

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70 

Un Système Tutoriel Intell igentdédié à la chirurgieMots clés : Systèmes Tutoriels Intelligents, Connaissances perceptivo-ges-

tuelles, Data Mining 

INTRODUCTION Un système tutoriel intelligent, est tout d ’abord un

logiciel informatique ou un environnement infor-

matique intégrant différents logiciels et périphé-

riques, favorisant l’apprentissage d’un domaine.

Un système tutoriel intelligent (STI) de base intègre

les modules suivants :

  un module de communication qui est une in-

terface à travers laquelle le contenu pédago-gique est proposé à l’apprenant

  un module « modèle de l’apprenant » dont le

rôle est de modéliser les connaissances et le

comportement de l’apprenant et ainsi en dres-

ser un profil

 

un module « modèle pédagogique » qui guide

l’apprenant au regard des objectifs d’appren-

tissage et de paradigmes d’enseignement spé-

cifique

 

le module « modèle du domaine » comprend

les connaissances du domaine que l’on veuttransmettre à l’apprenant.

Dans cette architecture, le système capte les actions

et comportements de l’apprenant à travers le mo-

dule de communication. Grâce aux données obte-

nues à partir de l’enregistrement de ces actions, il

calcule le niveau de l’apprenant au regard des con-

naissances du domaine et lui renvoie des instruc-

tions en se basant sur les objectifs du modèle péda-

gogique.

Ces instructions sont adaptatives, c’est-à-dire, auplus proche du profil de l’apprenant. Elles peuvent

concerner l’évaluation de ses acquis, la génération

de feedbacks sur ses actions et son comportement

dans le but de le guider, l’avertir et d’assurer la pro-

gression de son apprentissage.

A différents niveaux de cette architecture, le STI

peut intégrer des paradigmes de l’Intelligence Arti-

ficielle. Par exemple, le système peut être capable

de déduire que l’apprenant en face de lui est un dé-

butant en se basant sur les connaissances qu ’il a

déjà du comportement et du savoir d ’un expert.

Partant de là, il peut apprendre des experts, aug-

menter son ensemble de connaissances, incrémen-

ter ainsi le modèle du domaine, dans le but de

mieux guider l’apprentissage des apprenants. Il

existe différentes techniques d’apprentissage auto-

matique permettant ainsi aux STI d’accroître leurs

bases de connaissances d’un domaine. Cette capa-

cité à apprendre de manière automatisée, à chaque

fois qu’il est utilisé, est une fonctionnalité qui per-

met de dire d’un système tutoriel qu’il est intelli-

gent.

C’est donc, en résumé, un logiciel informatique

conçu pour simuler le comportement et le guidage

d’un enseignant humain avec en plus la capacité de

suivre chaque apprenant individuellement. Ceci a

pour avantage de permettre au système, non seule-

ment de déterminer les échecs et les succès de

chaque apprenant au regard d’un domaine, mais

aussi de cibler les causes de ces échecs et les raisons

de ces succès.

Il peut exister autant de STI que de domaines. Cer-tains domaines sont plus complexes que d’autres.

M. Ben-Manson TOUSSAINT

PhD

 

Informaticien

Directeur du laboratoire SITERE

« Un Système Tutoriel Intelligent est conçu pour simuler lecomportement et le guidage d’un enseignant humain avec en

 plus la capacité d’offrir des services tutoriels individualisés et

adaptatifs. Entre autres services tutoriels, le STI peut non

seulement déterminer les échecs et les succès de chaque ap- 

 prenant, mais aussi de cibler les causes de ces échecs et les

raisons de ces succès. »

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71 

La conception d’un STI pour un domaine exige de

pouvoir en modéliser les connaissances. Certaines

connaissances, en considérant même un seul do-

maine, sont plus complexes que d ’autres. Il existe

des domaines dits bien-définis où les connaissances

sont facilement modélisables même en étant com-

plexes. Les mathématiques en sont un exemple. De

l’autre côté, il y a les domaines dits mal-définis

parce qu’il est impossible, par exemple, de dresser

un cadre formel complet de toutes les connais-

sances qu’il contient. C’est le cas, par exemple, de

tous les domaines impliquant la création ou des

tâches de conception : l’architecture, la program-

mation informatique, la production de texte, etc.

Certains domaines impliquent des connaissances

dites multimodales, c’est-à-dire, faisant intervenir

des connaissances de modalités différentes. Parexemple, les sports en général impliquent à la fois

des habiletés motrices, des gestes, des prises d’in-

formations perceptuelles ainsi que des connais-

sances théoriques. Un tennisman réalisant un par-

fait back flip possède une maîtrise qui passe par un

entraînement spécifique de ce geste et qui implique

différentes connaissances telles que l’angle optimal

de frappe de la balle en mouvement en prenant en

compte sa vitesse et sa trajectoire. On rencontre ce

même type de connaissances en chirurgie où la réa-

lisation du geste chirurgical fait intervenir des con-

naissances perceptivo-gestuelles. Je vais revenir sur

ce domaine mais d’abord, voyons un peu plus ce

que sont les connaissances multimodales et en par-

ticulier les connaissances dites perceptivo-ges-

tuelles, spécifiquement, leur prise en charge dans la

conception des STI.

CONNAISSANCES MULTIMODALES ET SYS-

TEMES TUTORIELS INTELLIGENTS Les connaissances multimodales sont souvent em-

piriques et tacites. En d’autres mots, ce sont des

connaissances que les experts du domaine ne peu-vent pas expliciter uniquement de manière déclara-

tive. Leur acquisition et assimilation se font par la

pratique. C’est un défi pour la conception des STI

dans la mesure où ce type de connaissances est dif-

ficile à capter, à modéliser et à traiter.

La difficulté augmente lorsque ces connaissances

proviennent d’un domaine mal-défini où il n’y a pas

de cadre théorique formel et où une question peut

avoir plusieurs réponses, chacune de ces réponses

pouvant éventuellement être remise en cause

[Lynch et al., 2006].

Pour parvenir à enregistrer des connaissances mul-

timodales dans les STI, on a recours à différents cap-

teurs : l’enregistrement du comportement percep-

tuel lié aux visualisations requiert un oculomètre,

l’enregistrement des gestes, un bras haptique, etc.

Les traces produites par ces différents outils sont

hétérogènes. La tentation serait de traiter l’aspect

de ces connaissances jugé le plus pertinent au détri-

ment des autres. Mais il est essentiel, en dépit de la

difficulté que cela pose, de pouvoir considérer et

traiter ces connaissances dans leur ensemble.

LE CAS DE LA CHIRURGIE ORTHOPEDIQUE

PERCUTANEE Dans le cadre de mes travaux de recherche sur la

modélisation et le traitement des connaissances

multimodales dans les STI, la chirurgie orthopé-

dique percutanée était mon cas d’étude. Les con-naissances dans cette spécialité de la chirurgie, sont

multimodales et plus précisément, perceptivo-ges-

tuelles. Les opérations sont réalisées à travers la

peau du patient : le chirurgien ne dispose donc pas

d’une visibilité directe sur les zones anatomiques ci-

blées. Il est guidé, tout au long de l ’opération, par

des radiographies prises avec ce que l’on appelle un

fluoroscope.

Les prises d’information visuelles sont ici cruciales.

Le chirurgien doit faire cet effort cognitif qui est de

combiner des images en deux dimensions, pour

pouvoir se représenter la progression de ses outils

vers la zone anatomique ciblée en trois dimensions.

Dans le cas de la vertébroplastie que je vais prendre

en exemple tout au long de cette présentation, la

zone ciblée est une vertèbre fracturée : la vertébro-

plastie est un type d’opération chirurgicale percuta-

née réalisée pour traiter des vertèbres fracturées en

y injectant un ciment médical à l’aide d’un trocart.

Au niveau du geste intervient la manipulation du

trocart, l’outil chirurgical qui est inséré à travers lapeau du patient pour atteindre une zone anato-

mique spécifique. Il s’agit de définir la bonne trajec-

toire du trocart (intra-pédiculaire, oblique, ortho-

doxe, etc.) pour atteindre la zone ciblée en fonction

du cas clinique du patient. Les zones anatomiques

traversées par le trocart sur cette trajectoire sont de

consistances différentes. Les perceptions haptiques

ressenties par le chirurgien constituent des informa-

tions perceptuelles qui l’aident à guider et adapter

son geste. Selon le chirurgien, il peut y avoir diffé-

rentes décisions sur la trajectoire à adopter pour le

trocart. C’est là la dimension mal-définie du do-

maine.

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Nous avons donc un domaine mal-défini faisant in-

tervenir des connaissances perceptivo-gestuelles,

connaissances multimodales impliquant des per-

ceptions, des gestes et des connaissances théo-

riques en anatomie.

Le STI TELEOS [Luengo et al., 2006] a été conçu pourpouvoir capter ces différentes modalités de con-

naissances au cours de simulations d’opérations chi-

rurgicales orthopédiques percutanées. Je vous dé-

cris l’essentiel de son fonctionnement avant d’aller

plus loin sur les méthodologies de modélisation et

de traitement de ces connaissances.

L’ENVIRONNEMENT DE SIMULATION D’OPE-

RATIONS CHIRURGICALES TELEOSL’environnement d’apprentissage orienté simula-

tion TELEOS (Technology Enhanced Learning Envi-ronment for Orthopedic Surgery) intègre les princi-

paux artéfacts d’une salle d’opération chirurgicale

percutanée (image ci-dessous).

Interface du simulateur TELEOS

Pour le modèle 3D du patient, des vraies coupes de

radiographies de patients du Centre Hospitalier Uni-

versitaire de Grenoble ont été utilisées. Elles ont été

intégrées dans le système pour générer le modèle

en trois dimensions. Pour pouvoir capter les diffé-

rentes modalités d’interactions qui entrent en jeu

au cours d’une simulation de chirurgie orthopé-

dique percutanée, l’environnement de simulation

(illustrée dans la figure ci-contre) intègre deux péri-

phériques en complément de l’interface de simula-

tion. Il comprend, en fait, un oculomètre permet-

tant de capter les visualisations de l’apprenant et un

bras haptique permettant de capter ses gestes. Les

actions ponctuelles intervenant au cours de la simu-

lation sont captées à partir de l’interface de simula-

tion illustrée dans la figure précédente. Le bras hap-

tique permet de simuler la progression de l’outil chi-

rurgical jusqu’à la zone anatomique ciblée et simule

la résistance que le chirurgien ressent en traversant

les tissus sur sa trajectoire jusqu’à l’impact avec l’os

et à travers celui-ci.

L’ environnement de simulation TELEOS

MODELISATION DES VISUALISATIONS DE

L’ APPRENANT Je reviens sur la modélisation des visualisations de

l’apprenant parce que, à ce niveau, c’est un point

extrêmement important dans la mesure où le chi-

rurgien est guidé dans son geste par des radiogra-

phies pour lesquelles il faut des analyses visuelles

précises. Pour pouvoir déterminer si les vérifica-

tions visuelles pour le guidage du geste chirurgical

au cours d’une vertébroplastie sont effectuées, les

points d’intérêt de chaque vertèbre à opérer ont été

définis. Pour monitorer et enregistrer de manière

plus large le comportement visuel, différenteszones d’intérêt de l’interface de simulation ont aussi

été définies [Jambon & Luengo, 2012].

Concernant les points d’intérêt des vertèbres, nous

partons d’un ensemble de coupes en deux dimen-

sions des vertèbres fracturées à proposer dans les

exercices de simulation de la plateforme. Pour rap-

pel, il s’agit de vrais cas cliniques et donc des coupes

de radiographies de fractures réelles. On demande

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73 Processus de modélisation des points d ’ intérêts des vertèbres dont l ’ opération est simulée dans l ’ environnement d ’ apprentis-

sage TELEOS

ensuite à un expert de déterminer manuellement

les différents points de la vertèbre qui aident au gui-

dage de l’outil chirurgical tout au long de l’opéra-

tion. Ces annotations incluent le nom du point d’in-térêt de la vertèbre ainsi que ses coordonnées sur

l’image. Les coupes annotées sont ensuite reconsti-

tuées en trois dimensions permettant ainsi de pro-

 jeter les points d’intérêt à suivre sur les radiogra-

phies générées sur l’interface de simulation avec le

fluoroscope. Ce processus est illustré dans la figure

ci-dessus

Cette démarche nous permet de capter les diffé-

rents points fixés par l’interne au cours d’une simu-

lation d’opération et de déterminer si les vérifica-

tions requises sont effectuées tout au long du pro-

cessus.

Concernant les zones d’intérêt de l’interface, nous

avons la section comprenant la reproduction en

trois dimensions du corps du patient ainsi que le tro-

cart, la section d’affichage des radiographies prises,

les panneaux de manipulation du fluoroscope et de

différents autres outils.

Lorsque l’apprenant visualise ces zones et points

d’intérêt, le système les enregistre, faisant ainsi la

chronologie de ses prises d’informations visuelles.

PROBLEMATIQUE Le challenge pour l’analyse de l’apprentissage et la

production de services tutoriels adaptés dans ce

contexte, est de parvenir à modéliser et à traiter ces

connaissances multimodales d’un domaine com-

plexe. Comment parvenir à modéliser ces connais-

sances en prenant en compte, de manière cohé-

rente, les différentes facettes qui les composent ?

Pr Vanda Luengo a proposé le concept de connais-

sances perceptivo-gestuelles [Luengo et al.,  2006]

et mon travail a été de proposer une méthodologie

pour formaliser, représenter et traiter ce type de

connaissances.

Verrous scientifiques et techniquesLes verrous scientifiques et techniques à considérer,

pour atteindre cet objectif, ont été les suivants :

trouver le modèle adéquat pour la représentation

des séquences d’interactions perceptivo-gestuelles

impliquant des perceptions, des gestes et des con-

naissances théoriques ; prendre en charge l’hétéro-

généité des traces de ces interactions dans la me-

sure où la multiplicité des périphériques utilisés

pour capter ces interactions est à l’origine d’un en-

semble de traces hétérogènes à différents niveaux ;

rendre possible le traitement et l’exploitation de ces

séquences, à des fins de Learning Analytics et d ’ Edu-

cational Data Mining, et les connaissances percep-

tivo-gestuelles qu’elles sous-tendent ; concevoir les

outils adaptés aux traitements visés.

En résumé, les propositions à formuler doivent pou-

voir prendre en charge le traitement de traces (don-

nées) brutes, multi-sources et hétérogènes pour

pouvoir les représenter sous forme de séquences

d’interactions reflétant la nature multimodale des

connaissances qu’elles sous-tendent.

REVUE DE L’ETAT DE L’ ART Dans la littérature, les perceptions sont générale-

ment exploitées pour analyser les méta-connais-

sances des apprenants, c’est-à-dire, la manière dont

ils utilisent leurs perceptions pour pouvoir organiser

leur apprentissage [Conati & Merten, 2007]. Les

perceptions sont aussi utilisées, dans certains tra-

vaux de recherche, pour évaluer certains para-

mètres cognitifs tels que les efforts déployés par

l’apprenant en situation d’évaluation [Lach, 2013].

Toujours dans la littérature, les gestes et percep-

tions sont souvent utilisés comme soutien à l’acqui-sition d’une habileté motrice comme par exemple,

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75 

charge l’hétérogénéité interne des traces dans le

processus d’extraction de patterns.

EVALUATIONS DES PROPOSITIONS ET RE-

SULTATS Nous avons conduit des expérimentations pour éva-

luer ces différentes propositions, à savoir, le modèle

de formalisation des séquences perceptivo-ges-

tuelles, le framework capable de traiter ces sé-

quences et réifier le modèle et l’algorithme permet-

tant d’exploiter les séquences générées par le fra-

mework.

Evaluation du modèle de représentation et

du framework de traitement

Pour notre première expérimentation la question a

été de savoir dans quelle mesure le modèle permet

l’analyse des connaissances de l’apprenant en pre-nant en compte toutes les modalités impliquées.

Pour se faire nous avons voulu analyser la corréla-

tion entre le comportement de l’apprenant lié à ses

prises d’informations visuelles et ses performances.

Les résultats obtenus nous ont permis de démon-

trer que le modèle proposé permettait d ’analyser

de manière précise le comportement de l’appre-

nant quant à ses prises d’informations visuelles tout

au long des sessions de simulation. Nous avons pu

ainsi observer que les internes dont les visualisa-

tions dénotaient une stratégie favorisant une ana-

lyse précise des radiographies de guidage et du po-

sitionnement de l’outil sur le modèle du patient

après chaque action ou geste exécuté, commet-

taient moins d’erreurs et avaient moins besoin de

revenir sur leurs décisions pour la validation de

chaque phase de l’opération simulée [Toussaint et

al., 2015 a].

Cette expérimentation a aussi démontré la cohé-

rence des séquences perceptivo-gestuelles géné-

rées par le framework de traitement proposé.

Evaluation de l’algorithme

La deuxième expérimentation conduite visait l’éva-

luation de l’algorithme à deux niveaux : (1) ses per-

formances computationnelles comparativement à

l’état de l’art (2) la pertinence de ses résultats du

point de vue des experts du domaine.

Les résultats de cette expérimentation ont montré

que l’algorithme PhARules avait une consommation

mémoire plus élevée et une vitesse d’exécution

moindre que l’algorithme auquel il a été comparémais de meilleures performances au regard du

nombre de patterns de connaissances extraits. Ce-

pendant, le nombre de patterns extraits par un al-

gorithme n’étant pas un critère suffisant pour dé-

terminer la qualité d’un algorithme, il était néces-

saire de vérifier la précision de ces patterns compa-

rativement à l’algorithme existant. Cette évaluation

a démontré que PhARules pouvait extraire les pat-

terns de connaissances importants dans toutes les

phases des opérations simulées. L’algorithme exis-

tant, quoique plus performant du point de vue com-

putationnel, n’a pu détecter les patterns que dans

une seule phase de ces opérations [Toussaint &

Luengo, 2015].

Partant de là, l’idée a été d’évaluer l’intérêt des ré-

sultats de l’algorithme pour les humains, en l’occur-

rence, des experts du domaine. En fait, ce qu ’un al-

gorithme trouve pertinent ne l’est pas forcémentpour un humain dans la mesure où un humain

puisse trouver incohérents, tautologiques, non per-

tinents donc inintéressants les résultats d’une opé-

ration d’extraction de connaissances d’un algo-

rithme.

Nous avons soumis un échantillon de ces résultats à

un panel d’experts chirurgiens pour en évaluer l’in-

térêt du point de vue du domaine.

Les scores attribués par ces experts aux patterns ont

traduit l’intérêt de ces patterns pour leur perti-nence didactique, la possibilité de les réutiliser dans

une situation d’apprentissage dans le monde réel, la

pertinence des informations sur les visualisations et

sur les états de la simulation qu’ils rapportent. Ces

scores ont démontré que ces patterns n’appor-

taient pas d’informations nouvelles sur les connais-

sances du domaine mais permettaient d’expliciter

et de pointer des informations sur la réalisation

d’une vertébroplastie qu’ils ne pensent pas forcé-

ment à expliciter lorsqu’ils enseignent à des in-

ternes.

Nous avons aussi évalué le niveau d’accord des ex-

perts entre eux sur les scores attribués à chaque

pattern de l’échantillon. Les résultats obtenus ont

permis de conclure à un niveau d’accord élevé entre

eux sur l’évaluation des patterns pour chacun des

paramètres susmentionnés.

En résumé ces expérimentations ont démontré que

l’algorithme PhARules permettait d’extraire de ma-

nière plus précise que l’existant, des patterns de

connaissances perceptivo-gestuelles à partir de la

base de séquences générées avec le framework Pe-

TRA ; que les résultats obtenus par l’algorithme sont

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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015 

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pertinents du point de vue des experts du domaine

tout en révélant la perfectibilité de ses perfor-

mances computationnelles.

Evaluation de la généricité des propositions

Ces propositions ont été développées dans un souci

de généricité. En d’autres mots, l’idée a été de pro-

poser un ensemble de solutions capables de traiter

des connaissances multimodales de n’importe quel

domaine et non seulement de la chirurgie.

Pour évaluer cette généricité, nous avons conduit

une expérimentation avec des données obtenues à

partir d’un environnement de simulation dédié à un

autre domaine que la chirurgie impliquant des con-

naissances perceptivo-gestuelles : l’aviation [Tous-

saint, 2015 ; Ch. 10]. Avec cette expérimentation,

nous avons fourni la preuve de concept qu ’il étaitpossible de représenter des traces issues d’un do-

maine différent du cas d’étude principal  –avec des

traces aux format et structure différents –, selon le

modèle et avec les outils proposés. Nous avons

aussi fourni la preuve de concept que l ’algorithme

proposé arrivait à extraire des patterns de connais-

sances qui rendent compte de la multi-modalité des

interactions et des connaissances qu’elles sous-ten-

dent pour ce domaine.

PERSPECTIVES ET CONCLUSION L’une des principales perspectives envisageables estd’exploiter ces propositions dans le but de modéli-

ser de manière complètement automatisée le profil

des apprenants : leur niveau de connaissances, leur

comportement et surtout leurs stratégies de résolu-

tion de problème en prenant en compte toutes les

modalités de leurs interactions.

Une autre perspective est aussi d’exploiter ces ou-

tils pour l’automatisation de l’acquisition des con-

naissances d’un domaine. L’intérêt serait, dans le

processus de modélisation des connaissances du

domaine pour la conception ou l’évolution d’un STI,

de réduire la contrainte de faire expliciter les con-

naissances exclusivement par des experts.

Une application essentielle de ces propositions est

de proposer des services tutoriels automatisés et

adaptatifs (proches du profil de l’apprenant) qui in-

tègrent le caractère perceptivo-gestuel des connais-

sances du domaine. En d’autres mots, rendre pos-

sible l’évaluation des connaissances et le guidage

pédagogique en analysant de manière ciblée, là où

c’est nécessaire, chacune des facettes des interac-tions et des connaissances de l’apprenant.

Des applications à encore plus de domaines inté-

grant ou non des connaissances multimodales peu-

vent aussi être envisagées. L’exploitation de ces ou-

tils sur des données autres que des traces d’appren-

tissage : données de transactions, la création de

processus de traitement réutilisables par d’autres

pour leurs propres besoins de traitements des don-

nées sont des perspectives qui sont envisagées pour

de prochains travaux.

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RECHERCHE SCIENTIFIQUE

, INNOVATION ET

 DEVELOPPEMENT DANS UN PAYS DU SUD : HAÏTI