Actes de la JSESIH2015
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Actes de la 3e édition des Journées
Scientifiques de l’Ecole Supérieured’Infotronique d’Haïti
RECHERCHE SCIENTIFIQUE, INNOVATION ET
DEVELOPPEMENT DANS UN PAYS DU SUD : HAÏTI
6 novembre 2015
Port-au-Prince, HAITI
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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015
© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH
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ORGANISATION COORDINATION
Ben-Manson TOUSSAINT
P
ROGRAMMATION
Patrick ATTIEMarlène SAMBen-Manson TOUSSAINT
COMMUNICATION
Béatrice TALON
REDACTION DES ACTES
Anne-Laure TOUSSAINTLyse LADOUCEURBen-Manson TOUSSAINT
REVISION ET RELECTURE
Anne-Laure TOUSSAINTMarlène SAM
Accédez aux vidéos des présentations
sur notre chaîne YouTube
RemerciementsNous remercions le Bureau Caraïbe de l’Agence Universitaire de la Francophonie pour son support
financier à l’organisation de cette 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH ainsi qu’à l’édition et
la publication de ces actes.
Nous remercions aussi tous les conférenciers qui sont intervenus dans le cadre de cet événement et,
tout particulièrement, les intervenants externes à l’ESIH qui ont aimablement accepté notre invitation :
Dr Evens EMMANUEL, Dr Alain CHARBONNEAU, M. Guy ETIENNE, Dr Céline JOIRON, Dr Jean William
PAPE et M. Claude PREPETIT.
Nous tenons à adresser nos remerciements chaleureux et spéciaux aux conférenciers qui ont effectué
un long voyage spécialement pour participer à cette 3e édition de nos journées scientifiques : MmeNadine MANDRAN et Dr Michael ORTEGA.
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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti
© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH
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Editorial
L’objectif premier des journées scientifiques de l’Ecole Supérieure d’Infotronique d’Haïti est de porter
dans le paysage universitaire haïtien, une manifestation qui a la double mission de (1) valoriser les
travaux de recherche en cours dans les universités et autres institutions du pays, et de (2) vulgariser
l’objet « recherche scientifique », relativement méconnu dans notre pays.
La thématique de JSESIH 2015, organisée avec le soutien de l’Agence Universitaire de la Francophonie,
était la suivante : « Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti ».
Le but avoué a été de faire, à travers les différentes interventions, une photographie de travaux de
recherche et d’efforts d’innovation pouvant démontrer l’impact, la proximité et l’intérêt de cette acti-
vité dans notre vie de tous les jours, comme puissant levier de développement. Le but non avoué a été
de tordre le cou à ce postulat qui veut que les priorités d’un pays comme le nôtre soient essentiellementprimaires.
En d’autres mots, l’objectif de cette journée scientifique a été de montrer que, non seulement la re-
cherche scientifique et l’innovation n’étaient pas loin de nos préoccupations immédiates, mais aussi
que nous pouvions en être des acteurs sérieux et pérennes. En témoignent les travaux portés et pré-
sentés par les conférenciers haïtiens mais aussi par les conférenciers étrangers, tous partenaires actuels
de l’ESIH sur des projets de recherche par l’intermédiaire, notamment, de son laboratoire SITERE.
Ben Manson TOUSSAINTDocteur en InformatiqueSpécialité : Intelligence Artificielle
Directeur du Laboratoire SITEREEcole Supérieure d’Infotronique d’Haïti
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Sommaire
Editorial ___________________________________________________________________ 3
Sommaire _________________________________________________________________ 4
SESSION 1 : MECANISMES D’ INNOVATION _____________________________________________ 6
Encourager la recherche et l’innovation dans les secteurs scientifiques : comment s’y
prendre ? __________________________________________________________________ 7
Innover à partir de rien (ou presque) : l’aventure des MakerLab _____________________ 14
SESSION 2 : I NNOVER DANS L’ EDUCATION ____________________________________________ 18
Oser moderniser le bagage éducationnel en Haïti ________________________________ 19
Produire et exploiter des traces éducationnelles : vers une précision fine des services
tutoriels __________________________________________________________________ 26
Vers de nouvelles méthodes d’évaluation automatisée de l’apprentissage ____________ 33
SESSION 3 : RECHERCHE , I NNOVATION ET SOCIETE _______________________________________ 38
La recherche scientifique pour la modernisation des soins de santé dans un pays à faibles
ressources ________________________________________________________________ 39
Réponse aux catastrophes naturelles : en quoi la recherche est-elle vraiment utile ? ____ 48
SESSION 4 : RECHERCHE ET I NNOVATION : QUELQUES CAS PROBANTS __________________________ 58
Interaction 3D : Principes et Domaines d’Applications _____________________________ 59
Expérience d’immersion dans un environnement touristique virtuel : la Citadelle Henry _ 68
Un Système Tutoriel Intelligent dédié à la chirurgie _______________________________ 70
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SESSION 1 : MECANISMES D’INNOVATION Modératrice : Mme Marlène SAM, MS.
Responsable des Relations Internationales de l’ESIH .
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Encourager la recherche etl’innovation dans les secteursscientifiques : comment s’y
prendre ?Mots clés : Recherche, Innovation, Financement de la recherche
INTRODUCTION Nous sommes aujourd’hui dans la 3e édition des
Journées Scientifiques de l’Ecole Supérieure d’Info-
tronique d’Haïti dont la thématique est, cette an-
née : « Recherche scientifique, innovation et déve-
loppement dans un pays du Sud : Haïti ». Par défaut,
cette thématique est valable dans tous les pays. Les
points que je vais soulever, les questions que je vais
poser sont aussi valables en France, au Québec ou
ailleurs dans le monde. Développer une recherche
scientifique, innover et se développer est une pro-
blématique qui concerne tous les pays du monde.
On regardera cependant quelques outils qui sont en
développement présentement en Haïti.
Le titre de la présentation d’aujourd’hui est : « En-
courager la recherche et l ’ innovation dans le secteur
scientifique, comment s’ y prendre ? ». J’aurais aimé
aujourd’hui le modifier un peu. « Encourager » est
sans doute dans le bon terme mais « développer »
devrait être un terme plus actuel, plus précis. L ’en-couragement, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant
dans une phase où on souhaite développer la re-
cherche et l’innovation dans le secteur scientifique
en Haïti. Comment s’y prendre ?
Qui pose la question ?
La mission du bureau Caraïbe de l’Agence Universi-
taire de la Francophonie s’applique auprès de nos
membres, les universités, représentées par leurs
recteurs. Ce que nous souhaitons développer, ce ne
sont pas les individus, ce sont les universités et le
système universitaire. Nous travaillons donc, au bu-
reau Caraïbe, de pair avec celles-ci. C’est pour cette
raison que les démarches personnelles, indivi-
duelles ne sont pas acceptées : que vous alliez faire
votre maîtrise en France et que certains d ’entre
vous réussissent leurs carrières en France, n’aide
pas Haïti.
Qui souhaitons-nous encourager ?
Notre objectif est de développer des universités
structurées –nous en parlerons un peu plus loin –
dans le Collège doctoral d’Haïti. Comprenez bien
qu’il s’agit d’une initiative à la demande des univer-
sités haïtiennes pour développer des programmes
de doctorants dans les structures universitaires à
l’intérieur d’Haïti. C’est très différent d’un simple
travail de formation de docteurs. Les initiatives pour
former des docteurs est relativement facile et coûte
beaucoup moins d’argent que pour la structuration
d’un collège doctoral. On envoie des gens faire leurs
doctorats en France ou au Québec et ils ne revien-nent jamais en Haïti après avoir décroché leurs doc-
torats. Ça ne structure pas Haïti. Cela coûte plus
cher de développer un collège doctoral en Haïti
mais c’est une solution beaucoup plus structurante
et nous cherchons à avoir des actions structurantes
pour le pays et pour le système universitaire du
pays.
Que souhaitons-nous encourager ?
Notre mission est décrite par quatre grands axes :
« On souhaite encourager les étudiants à devenir des cher- cheurs mais on souhaite surtout voir le développement de
structures universitaires lucratives et sociales pour per- mettre le développement de la recherche scientifique.
On souhaite encourager la professionnalisation de la re- cherche tant au sein de la sphère universitaire qu’en dehors
des université s. Encourager la création et l’innovation . ». Alain CHARBONNEAU
PhD
Mathématicien
Directeur du Bureau Caraïbes de l’AgenceUniversitaire de la Francophonie
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deux familles de mathématiques : les mathéma-
tiques théoriques et les mathématiques appliquées
qui tournaient vers le génie. C’est une séparation
aujourd’hui qui existe encore à peu près. C’est une
fausse question, de celles qui retardent le dévelop-
pement. Et aujourd’hui on s’aperçoit que le secteur
appliqué implique des scientifiques de tous temps :
des philosophes connus depuis 500 ans avant Jésus-
Christ, des scientifiques qui, au départ, observaient
et analysaient la nature. La distinction entre théo-
rique et appliquée, est apparue. Ce vocabulaire qui
est tout à fait justifié, doit quand même s’atténuer.
La recherche scientifique appliquée nourrit la re-
cherche théorique et la recherche théorique sou-
haite seulement être validée pour mener à des ap-
plications et à des technologies.
J’ai fait mention d’individus dans le développement.Les institutions sont faites d’individus et il est néces-
saire de renforcer la capacité des institutions à dé-
velopper une recherche scientifique. L’Etat en par-
ticulier doit répondre à ce besoin. Nous sommes
dans une situation en Haïti où il y a peu de minis-
tères dédiés à l’enseignement supérieur. C’est une
question qui touche l’Etat de s’assurer qu’il y ait une
capacité de recherche scientifique qui se développe
dans le pays. On ne peut pas soustraire à l’Etat le
droit de se poser cette question-là pour sa popula-
tion, qu’il y ait ou non un ministère mis en place. Le
ministère permet de regarder l’éducation nationale,
l’éducation fondamentale, et regarde le développe-
ment de la formation professionnelle, la santé, la sé-
curité du pays etc. L’enseignement supérieur fait
évidemment partie de ses prérogatives, de ses pré-
occupations qui sont importantes.
Pour répondre à la question dans le contexte de la
journée d’aujourd’hui, je la placerai au niveau de
l’université. C’est à ce niveau-là que nous voulons
regarder la chose aujourd’hui. Evidemment j’aurai
inclus l’individu, l’Etat et la société.
Que souhaite t on encourager ?
On souhaite encourager les étudiants à devenir des
chercheurs mais on souhaite surtout voir le déve-
loppement de structures universitaires lucratives et
sociales pour permettre le développement de la re-
cherche scientifique.
On souhaite encourager la professionnalisation de
la recherche tant au sein de la sphère universitaire
qu’en dehors des universités. Encourager la créa-
tion et l’innovation. La création, c’est l’action d’éta-
blir, de fonder quelque chose qui n’existait pas en-
core. L’action de créer une œuvre originale, une
production originale, qui peut possiblement être
utile ou, dans un système de valeur donné, être ap-
préciée. L’innovation, c’est plutôt l’ensemble du
processus qui se déroule depuis la naissance d’une
idée jusqu’à sa matérialisation.
PROFESSIONNALISATION DE LA RE-
CHERCHE Pour les besoins du développement d’une société,
la recherche scientifique doit être plus qu’un passe-
temps ou un objet de curiosité. Et présentement en
Haïti, on constate en regardant les chercheurs que
ceux-ci n’ont pas des conditions optimales pour
faire de la recherche. En effet, la recherche est oné-
reuse. C’est quelque chose d’extrêmement dispen-
dieux pour une nation. Pour vous raconter uneanecdote au sujet du Collège Doctoral d’Haïti que
j’ai mentionné tout à l’heure. Un évaluateur de l’un
des laboratoires du Collège Doctoral a posé les
questions suivantes : « En Haïti, a-t-on besoin d’une
recherche ? A-t-on besoin de faire de la re-
cherche ? » La réponse est oui, pour les deux ques-
tions. J’avais pris la parole, un petit peu piqué par
cette question-là et posé cette question à cet éva-
luateur : « A-t-on besoin de faire de la recherche en
France ? ». En fait, il voulait juste comprendre dans
quel cadre il faisait son travail. Il ne posait pas laquestion pour dire que le travail était inutile mais
pour articuler et mieux définir pourquoi c’était im-
portant qu’une recherche scientifique structurée
soit développée en Haïti.
Par exemple, face à l’environnement, une grande
thématique actuelle, on parlera de carbone, de
l’élargissement du trou dans la couche d’ozone, etc.
mais quand on arrive dans un pays donné, toutes
ces données-là doivent être ré-analysées pour le
pays en question. En Haïti, par ses spécificités, on
parlera de la hausse du fond marin et ses consé-quences pour le pays ; on va parler des sols, etc. A
chaque fois, cela prend des chercheurs pour se pen-
cher sur les questions spécifiques à un pays. Il n ’est
pas question de laisser la recherche scientifique
d’un autre pays faire les analyses pour vous. S’ils ont
les moyens qu’il faut pour assurer cette recherche,
ils le font ; s’ils ne les ont pas, ils ne la font pas. Mais
un pays qui veut voir son développement, se doit de
développer les capacités de recherches nécessaires
pour répondre à ces questions.
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Donc, la recherche scientifique doit être plus qu ’un
passe-temps ou un objet de curiosité. Vous allez
faire votre doctorat à l’extérieur, et apprendre le
métier de la recherche universitaire. A la sortie,
vous êtes un passionné de la recherche et avez pris
des bonnes habitudes de recherche. Mais pour de-
venir un vrai chercheur, il va falloir satisfaire une
condition de plus. Si on veut passer le cap du stade
de passe-temps ou d’objet de curiosité, la recherche
scientifique doit être professionnalisée au sens éty-
mologique où ça doit devenir une profession. La
première conséquence de cet énoncé, c’est que les
chercheurs, en tant que professionnels de la re-
cherche, doivent être rémunérés. Il faut aussi une
forme de rétribution, non pas pour le temps mis à la
recherche, mais pour le travail effectué par les cher-
cheurs à ce titre. Nous avons beaucoup discuté, à
l’occasion d’un séminaire sur le management de larecherche au niveau du Collège Doctoral d’Haïti, sur
le statut d’enseignant-chercheur. Nous avons com-
mencé à mettre en place des mécanismes que l’on
retrouve dans d’autres pays ou l’enseignant qui fait
de la recherche est libéré d’une certaine charge
d’enseignement.
Si on veut professionnaliser la recherche scienti-
fique d’un pays, les gens qui s’en chargent doivent
être reconnus comme tels et, comme tout profes-
sionnel, doivent être rémunérés au regard de ce tra-
vail.
D’étudiants/chercheurs novices à cher
cheurs professionnels
Au niveau des individus, si je veux développer une
recherche scientifique, -en se plaçant du point de
vue de l’université- la question qui se pose c’est :
« Comment faire évoluer un étudiant du statut de
chercheur novice à chercheur professionnel ? » J’ai
un étudiant qui vient faire son premier cycle univer-
sitaire puis le deuxième cycle et le troisième cycle
chez moi. Comment est-ce que j’amène cet étudiant
à passer de chercheur novice, quand il arrive à 18-
19 ans, à ce titre de chercheur professionnel à la fin
de son parcours universitaire ? La question se pose
ici au niveau de la structure universitaire : « Com-
ment structurer l’université afin de produire des
chercheurs professionnels ? ». En regardant vers
l’Etat, la question que l’université pose est : « Com-
ment être soutenu pour la mise en place d’une re-
cherche universitaire de qualité ? » ; en regardant
vers les secteurs publics, privés : « Dans quelle me-
sure ces secteurs peuvent-ils contribuer à la mise en
place de la recherche universitaire de qualité vi-
sée ? ».
La recherche universitaire
Y a-t-il une différence entre une recherche universi-
taire et une recherche qui serait faite dans une en-
treprise privée ? La réponse est oui. Quand on fait
de la recherche universitaire entre chercheurs, il
doit y avoir un troisième individu dans la pièce et
c’est l’étudiant. L’objectif premier d’une université,
privée ou publique, soutenue financièrement par
quelque moyen que ce soit, est de former des gens,
de former des étudiants, et des étudiants capables
de devenir des chercheurs. Sinon, il n’y a pas de pro-
grès. Donc, la recherche universitaire implique la
présence des étudiants. A l’époque où j’étais encore
un jeune chercheur, j’ai pu entendre des collègues
dire : « On laisse tomber les étudiants, parce que les jeunes ont tendance à nous ralentir ». Non ! Dans
une université, il faut que les étudiants soient pré-
sents dans la recherche. C’est impératif. Alors qu’au
niveau des entreprises, cette contrainte-là n’est pas
imposée.
Il faut aussi comprendre que la recherche universi-
taire n’a pas le mandat d’être une recherche profes-
sionnelle. Qu’une institution, qu’un directeur ou
qu’un recteur d’université veuille faire en sorte que
celle-ci contienne une méthode professionnelle ou
assez d’enseignants-chercheurs pour assurer la re-
cherche, c’est son mandat. Par contre, la recherche
faite par un étudiant en doctorat, donc pas encore
un docteur, n’a pas besoin d’être une recherche
professionnelle. Le doctorant est mandaté pour
avoir une idée, pour mettre à jour cette idée. Le pro-
duit qui en découle n’est pas obligatoirement un
produit professionnel. C’est la tâche, la mission des
entreprises de prendre cette idée et d ’en faire un
logiciel qui est libre d’erreurs par exemple, ou d’en
faire un produit quelconque, peu importe le do-
maine, qui est de nature professionnelle. Cela coûtetrès cher de passer d’une idée –et c’est l’objectif de
l’innovation –, au produit final. Ce peut prendre
aussi beaucoup de temps – 5 ans, 10 ans voire 20
ans – de passer d’une idée à un produit profession-
nel. Dans une certaine mesure, les entreprises ne
peuvent pas s’attendre, par l’accueil de stagiaires
ou par la création d’incubateurs, d’avoir des pro-
duits qui peuvent être dans les mains du consom-
mateur tout de suite.
Comment faire évoluer un étudiant de chercheur
novice à chercheur professionnel ?
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SENSIBILISATION A LA RECHERCHE SCIEN-
TIFIQUE On est rendu à une très belle époque. Je peux dire
que vous êtes, en 2015, des choyés de l’histoire de
l’humanité et ça sera encore mieux en 2020 et en-
core mieux en 2025. Avec l’internet, avec l’interna-tionalisation, on est maintenant rendu aujourd ’hui
à une multitude d’idées et de façons d’être sensibi-
lisé à la recherche universitaire.
Plaçons-nous au niveau de l’individu. Comment in-
téresser, sensibiliser les jeunes à la science, à la re-
cherche ? Des jeunes avec le potentiel et la passion
de devenir des chercheurs professionnels. Dans les
années 60-70, on avait la chance de voir fréquem-
ment la science dans les médias. J’étais très chan-
ceux quand j’étais jeune, de pouvoir regarder à la
télévision des émissions scientifiques très passion-nantes plusieurs fois par semaine. Chez nous, au
Québec, on avait une émission qui s’appelait « Dé-
couverte » et plus jeune, à 7-8 ans, j’avais été séduit
par un épisode : « Atome et Galaxie » où on parlait
de l’infiniment grand et de l’infiniment petit. On
parlait des hommes qui allaient sur la Lune. A cet
âge mon père m’avait acheté un microscope et un
télescope. Aujourd’hui, grâce aux astrophysiciens et
autres, aux experts de l’infiniment petit, nous avons
à notre disposition de si belles images que j’ai par-
fois cette impression que c’est le lieu où la créationse développe. La passion se développe très jeune :
avant l’université. Je vais y revenir un peu plus tard.
Aujourd’hui, vous avez la chance de participer très
jeunes à des séminaires d’école. Il existe depuis
quelques années des compétitions universitaires,
nationales et internationales dans le cadre des-
quelles des étudiants se déplacent pour aller repré-
senter leurs universités dans différents secteurs. Je
vous listerai tout à l’heure quelques liens parmi des
milliers qui existent. On développe des clubs univer-
sitaires, et non plus seulement des clubs sportifs.Toutes sortes de concours en mathématique, phy-
sique et toutes autres sciences, en présentiel ou en
ligne, sont possibles. Par le biais de ces outils, on
peut être initié dès le premier cycle à la recherche.
Attendre le doctorat pour ce faire est trop tard. On
ne se passionne pas pour un domaine à l’âge de 19
ans, 20 ans mais la passion peut être développée
bien avant. La nature peut être observée depuis
l’âge de 2 ans, 3 ans, 5 ans. Il faut savoir susciter, dès
le premier jour, la créativité et il faut pour cela chan-
ger nos approches pédagogiques.
Changer les approches pédagogiques
Pour citer un exemple, en France, un groupe de
jeunes de 15 ans sont amenés à créer et innover
dans des secteurs technologiques avec des impri-
mantes 3D, et autres outils en s’y consacrant une
heure et demi par semaine. Cela ressemble à ce quefait l’ESIH aujourd’hui avec son MakerLab. L’objectif
de ces nouvelles approches est de favoriser une par-
ticipation active des étudiants dès leur plus jeune
âge à la conception et la réalisation de projets, la ré-
daction de compte-rendu, d’articles scientifiques,
de communication, et d’apprendre à travailler en
équipe.
Encourager les jeunes à prendre part aux concours
dont je parlais, fait partie de ce changement. Les
Olympiades Internationales de Mathématiques
(https://www.imo-official.org/) sont connues depuislongtemps. En Amérique du Nord, le concours Wil-
liam Lowell Putnam Mathematical Competition
(http://math.scu.edu/putnam/) existe depuis 75 ans. Il
en existe aussi en physique
(http://ipho.phy.ntnu.edu.tw/), chimie
(http://www.icho.sk/), biologie (http://sciencesale-
cole.org/olympiades-internationales/ibo) , génétique
(http://igem.org), etc. Il existe aussi beaucoup de
concours dédiés aux jeunes de 12-15 ans en
sciences générales, tel que « Expo-sciences »
(http://www.milset.org/), internationalement connuset des jeux de génie (www.jeuxdegenie.qc.ca). Je vous
ai donné la liste du Québec mais vous pouvez avoir
accès sur Wikipédia à tous les jeux de génie de la
planète.
En informatique, il existe le Facebook Hacker Cup
(https://www.facebook.com/hackercup/ ); le concours
Google Code Jam (https://code.google.com/codejam),
les Olympiades Internationales d’Informatique
(http://www.france-ioi.org/ioi/index.php); Topcoder
(https://www.topcoder.com/ ) qui propose des con-
cours chaque semaine et ACM-ICPC (https://icpc.bay-
lor.edu/ ).
En robotique, je peux citer le concours Eurobot
(http://www.eurobot.org/ ), la Coupe de France de Ro-
botique (http://www.planete-sciences.org/robot ), le
DARPA Robotics Challenge (http://www.therobotic-
schallenge.org/ ) et la RoboCup (http://www.ro-
bocup.org/ ).
Monter une équipe, se préparer au travail, présen-
ter ses résultats sont des exercices stimulants pour
les jeunes. Et pas seulement dans le secteur scienti-fique mais également dans les sciences politiques.
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Vous avez maintenant, par exemple, la simulation
des Nations Unies qui permet à des jeunes d ’aller
vivre une expérience à New York où ils vont momen-
tanément se mettre dans la peau d’un représentant
d’un pays et discuter de la situation internationale
(http://www.nmun.org/nmun_ny.html) . Cette compéti-
tion constitue une expérience incomparable de tra-
vail en équipe et de construction d ’un projet collec-
tif. Elle représente une occasion exceptionnelle de
rencontrer des étudiantes et étudiants en prove-
nance de tous les continents et de vivre une expé-
rience unique au sein même du siège des Nations
Unies.
Il existe aussi des jeux de commerce (http://www.ae-
sal.ca/vie-etudiante/competitions) dans les domaines
du marketing, de la finance, de la comptabilité, de
la fiscalité, de la stratégie et de la simulation bour-sière. Il existe des sites de simulations boursières
maintenant qui ont des résultats incroyables car ils
permettent à des jeunes de 12, 13 ans de se former
à la finance en ligne. On peut profiter de ces progrès
inimaginables il y a quelques décennies, rien qu’en
étant connecté à internet. Des concours et jeux en
ligne de ce genre sont aussi dédiés à la musique, aux
arts, et autres écoles de génie en herbe et débats
oratoires.
Ces compétitions, sont-elles seulement pour l’élite,
les doué(e)s et les surdoué(e)s ? Absolument pas.Elles sont d’abord pour les passionnés.
STRUCTURER LES INSTITUTIONS UNIVERSI-
TAIRES POUR FAVORISER LA RECHERCHE
SCIENTIFIQUE Maintenant, si on se place au niveau des institutions
universitaires, la question est : « Comment se struc-
turer pour former des chercheurs profession-
nels ? ». Là, je vais vous parler de l’initiative d’Haïti.
A la demande de 12 universités, en novembre 2011,
a été signée une convention de travail qui instituaitle Collège Doctoral d’Haïti (CDH). C’est à la demande
de l’Université d’Etat d’Haïti en la personne de M.
Jean François Octave et de l’Université de
Quisqueya avec Jacky Lumarque que nous avons
abouti à la signature de cette convention en pré-
sence de l’AUF et de l’Ambassade de France en
Haïti. Le démarrage effectif s’est fait fin 2012-début
2013. Le premier grand chantier de travail du CDH a
été de souder financièrement l’accueil et le par-
cours des doctorants. Ces doctorants sont affiliés au
CDH par le biais de ses laboratoires de recherchemembres. Ces laboratoires sont des structures de
recherche affiliées aux écoles doctorales des univer-
sités. Les écoles doctorales sont des structures de
nature académique, logées au sein des universités
qui encadrent le cheminement du doctorant : cur-
sus, examens pré-doctoraux, recherche, évaluation
et diplômation.
Donc, notre travail a été, depuis environ 3 ans, avec
le directeur scientifique du CDH, Dr Evens Emma-
nuel, de réfléchir à toutes sortes de mécanismes
pour renforcer ces éléments-là qui retiennent notre
attention. Notamment, au début de l’année 2015,
on a évalué, et c’est la première fois que cela se fai-
sait en Haïti, les quatre laboratoires de recherche
universitaire : un laboratoire, le LADIREP, qui est
logé au sein de l’Université d’Etat, deux laboratoires
au sein de l’Université Quisqueya et un laboratoire,
le SITERE, au sein de l’Ecole Supérieure d’Infotro-nique d’Haïti. L’objectif de cette évaluation n’a pas
été de dire d’un laboratoire qu’il est bon ou mau-
vais. L’objectif a été d’amener un groupe d’experts
internationaux à la rencontre des responsables de
laboratoire pour examiner, avec les instruments né-
cessaires, son potentiel de développement, son
programme de recherche, son réseau international,
entre autres. Ces experts ont eu, dans ce travail, à
poser des questions diverses et réaliser des analyses
pour venir, à la fin, avec un cahier de recommanda-
tions sur le développement des laboratoire évalués.
C’est une première leçon scientifique dont chacun
des laboratoires a bénéficié. Et partant de là, l’éva-
luation a été mise en place. Cette démarche d’éva-
luation des laboratoires dans le but de permettre
d’augmenter la qualité de la recherche, de former
des enseignants et des doctorants, a été un soutien
de l’AUF au CDH.
La beauté de cette initiative est qu’elle est ancrée
au sein des universités. Cette structuration avec les
universités, écoles doctorales et laboratoire, amène
les universités à pouvoir recevoir des doctorants quis’engagent dans une formation par la recherche
pour devenir docteurs, des professionnels de la re-
cherche.
SOUTIEN A LA RECHERCHE UNIVERSITAIRE Comment être soutenu pour la mise en place d’une
recherche universitaire par l’État ? La recommanda-
tion est d’avoir la création d’un fonds national de
recherche. Cela se fait progressivement en Haïti
avec le fonds mis en place le 2 septembre dernier
(2014) pour l’éducation et l’agriculture principale-
ment. Mais, pour l’instant, il n’existe pas de fonds
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national de recherche qui permettrait de trouver et
développer davantage de secteurs de recherche.
Dans quelle mesure les secteurs public et privé peu-
vent-ils contribuer à la mise en place d’une re-
cherche universitaire de qualité ?
Il y a différents moyens. Cela peut être l’accueil de
stagiaires qui font de la recherche au sein d’une en-
treprise publique ou privée ; le co-financement de
projets de recherche entre entreprises et univer-
sité ; la participation et le soutien à la création d’in-
cubateurs d’entreprises, etc.
CONCLUSION En conclusion, je vous présente quelques constats
et recommandations :
Favoriser très jeune la créativité.
Jouez-vous aux échecs ? Y a-t-il des clubs d’échec au
primaire ou au secondaire dans les écoles
haïtiennes ? Jouez-vous aux cartes ? Les jeux sont
d’excellents outils pour les jeunes quant à la forma-
tion de leur esprit critique pour faire face à une si-
tuation donnée. Si on veut être créatif, il est impor-
tant de jouer. C’est le travail d’un enfant. Je me sou-
viens de ma fille qui, à 18 mois, était en train de
jouer et j’essayais de la faire venir manger. J’avais
l’impression de la déranger comme j’aurais dérangé
le PDG d’une entreprise en lui disant : « Allez viens,faut qu’on se parle ! Allons jouer au golf ! ». Elle tra-
vaillait. On se développe par le jeu. C’est important
et c’est là que la première créativité s’exprime chez
l’humain.
Créer des conditions dans lesquelles les étudiants
sont actifs
Le maintien de l’apprentissage nécessite que l’étu-
diant soit actif dans son apprentissage. L’approche
projet pour y arriver est quelque chose de connu
maintenant. Au Québec, l’Université de Sherbrooke
en avait fait son image de marque. Aujourd’hui il y
a mille façons d’amener l’élève à ne pas rester passif
au cours de son apprentissage.
Clarifier le statut d ’ enseignant-chercheur
Enseigner c’est de moi à vous, dans cette direction-
là. Or ce n’est pas cela l’objectif. L’objectif est que
vous, vous appreniez et deveniez compétents. Donc
la bonne question, qu’on pose d’ailleurs depuis les
années 60, c’est : « Quelles sont les conditions d’ap-
prentissage ? ». Albert Einstein l’avait mentionné
dans une phrase qui est devenue célèbre. Il a
dit : « Je ne suis pas un enseignant. Je réunis dans la
classe les conditions favorables à ce que les étu-
diants puissent apprendre ». Il était question des
conditions d’apprentissage. Vous, pouvez-vous ap-
prendre ? Je peux écrire les plus belles notes pos-
sibles, m’exprimer le mieux possible mais si vous,
vous n’êtes pas capables d’apprendre, on passe à
côté de l’objectif.
Poursuivre le développement des structures de for-
mation universitaire à la recherche
C’est très important, je pense qu’on peut trouver
maintenant en Haïti des chercheurs, que je côtoie
d’ailleurs de plus en plus. Ceux qui développent
maintenant des structures de formation universi-
taire à la recherche, forment des chercheurs.
Nous, nous développons des programmes de for-
mation dans l’objectif de poursuivre le développe-
ment des structures qui permettent de mettre en
place la formation universitaire à la recherche.
Pérenniser le soutien à la recherche universitaire
Comme dans tout pays, il faut pérenniser le soutien
à la recherche universitaire. Ce sont là des questions
qui touchent à l’État, aux entreprises, etc.
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Innover à partir de rien (oupresque) : l’aventure desMakerLabMots clés : MakerLab, Maker movement, prototypage
QUID DU M AKERL AB?Le MakerLab est un laboratoire qui suit la philoso-
phie du Maker movement . Dans le Maker
movement , les gens partagent des idées à concréti-
ser soi- même, en anglais “do it yourself”. Ils étu-
dient, font des recherches pour résoudre des pro-
blèmes de la vie courante sans faire appel à des ex-
perts. L’objectif est donner vie à ses propres rêves.
INTERET DANS UN PAYS TEL QUE H AÏTI Je pense que la philosophie du Maker movement
fait partie depuis toujours de la vie des Haïtiens.
C’est un pays d’artistes. Un pays où l’artisanat a une
place prépondérante. Avec le Makerlab, on veut en-
seigner aux gens comment résoudre des problèmes
avec les nouvelles technologies à bon marché.
INTERET DANS UN ENVIRONNEMENT
ACADEMIQUE Ici, au MakerLab de l’ESIH, nous montrons comment
nous pouvons transposer des notions théoriquesdans la pratique. Quand un étudiant aborde les no-
tions théoriques des circuits électroniques par
exemple, il peut voir concrètement dans le Maker-
Lab que si la bonne résistance n’est pas utilisée, on
peut griller un led ou d’autres composants. Il peut
toucher avec ses propres mains la réalité des ma-
tières qu’ils étudient.
A l’ESIH, l’objectif premier du MakerLab est bien sûr
didactique. Il s’agit d’enseigner aux étudiants qu’ils
peuvent travailler sur des problèmes de la vie réelle
et parvenir à les résoudre. Nous voulons aussi moti-
ver les étudiants à valoriser et partager leurs
propres idées ; nous voulons les encourager à rêver
et, en même temps, à créer des objets qui peuvent
leur être utiles dans la vie de tous les jours.
En un mot, nous faisons la démonstration de com-
ment l’individu peut utiliser des technologies à bon
marché pour apporter des réponses à ses propres
besoins.
COUT APPROXIMATIF DE CREATION D’UNM AKERLAB Le coût de création d’un Makerlab dépend évidem-
ment beaucoup des outils que l’on veut y mettre. A
titre d’exemple, le prix d’une imprimante 3D (plas-
tique) peut aller de 100 à 2.000 dollars américains.
Dans notre MakerLab, nous avons une imprimante
3D qui coûte approximativement 1.000 dollars amé-
ricains, et une autre qui coûte 500 dollars améri-
cains. Le prix des cartes mères Arduino et Raspberry
pi peut varier entre 20 et 100 dollars américains.
Bien sûr, il est essentiel de savoir combien il en fautpour assurer les projets que l’on veut mener dans le
laboratoire ; pour assurer par exemple la gestion de
différents capteurs, de drones, de stations météo,
etc.
Si je m’aventure à avancer un chiffre, on peut dire
qu’entre 6 et 10 mille dollars américains, on peut
avoir un bon MakerLab dans lequel on peut offrir
des formations, des projets de recherche et favori-
ser le partage d’idées.
M. Gianmichele TOGLIA. Ing.
Informaticien
Responsable du MakerLab de l’Ecole Supé-rieure d’Infotronique d’Haïti (ESIH)
« Je pense que la philosophie du Maker movement fait par- tie depuis toujours de la vie des Haïtiens.
Au Makerlab, nous faisons la démonstration de commentl’individu peut utiliser des technologies à bon marché pour
apporter des réponses à ses propres besoins. »
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COUT APPROXIMATIF D’UN PROJET
M AKERL AB Le coût d’un projet dépend beaucoup des objectifs
du projet. Par exemple, différents types de cartes
mères peuvent être utilisées dépendamment du
projet. Dans notre MakerLab, nous utilisons surtoutdeux types de cartes mères : l’Arduino et le
Raspberry pi. Le prix des cartes mères que nous
avons ici tourne autour de 40-50 dollars américains.
Arduino
L’Arduino, c’est les muscles. Avec une carte Ar-
duino, on peut gérer les circuits électriques car elle
embarque beaucoup d’input et output. Elle est ex-
ploitée par exemple dans nos projets de maisons
contrôlées à distance : programmer une machine à
café qui se met en marche toute seule le matin à la
même heure ; une porte qui s’ouvre via une com-
mande envoyée sous la forme d’un sms à partir d’un
téléphone.
Raspberry pi
Le Raspberry pi, c’est le cerveau. Il a un circuit, un
système d’exploitation. Il n’a pas beaucoup d’input
et d’output, mais possède une puissance de calcul
très élevée. Avec cette carte, on peut gérer du strea-
ming vidéo par exemple. Pour revenir à l’illustration
de la maison, on peut, avec le Raspberry pi, en gérer
le réseau informatique domestique et des systèmesde stockage. Un Cloud domestique en quelque
sorte.
Les deux peuvent être exploitées pour réaliser par
exemple le système de gestion à distance de notre
maison ; pour réaliser un prototype de panneau so-
laire intelligent ou encore, pour réaliser une station
météo capable d’envoyer des données météorolo-
giques sur Internet. Sans doute pas une station mé-
téo professionnelle, mais tout de même capable
d’être exploitée pour des études de recherche.
On peut donc réaliser différents types de projets
pour différentes situations avec ces outils.
F ACILITER LE PROTOTYPAGE Dans le MakerLab, nous réalisons surtout des proto-
types. La production à grande échelle ne fait pas
partie de la philosophie du MakerLab. Ce qui est im-
portant, c’est de pouvoir concevoir des prototypes
dont la production pouvait coûter des milliers de
dollars avant. Pour certains travaux de prototypage
relativement complexes, il fallait en effet faire appel
à des experts. Aujourd’hui, avec une imprimante
3D, il est juste nécessaire d’avoir des connaissances
de modélisation 3D et le tour est joué.
POSSIBILITE D’INDUSTRIALISATION Un prototype du Makerlab peut être vu comme une
première étape pour la production à grande échelle.
Je précise, cependant, que le MakerLab n ’a pas laproduction industrielle comme vocation. Il sert sur-
tout la production individuelle et le prototypage en
favorisant l’utilisation de technologies à très bon
marché.
Cependant, si un produit que l’on cherche à déve-
lopper ne marche pas dans le MakerLab, on peut
être sûr qu’il ne va pas marcher au niveau industriel.
Si on a effectué tous les tests de vérification d’un
produit au MakerLab, on peut approcher avec con-
fiance un potentiel investisseur pour développerplus en avant ce produit.
DEMONSTRATIONS
Panneau solaire intelligent
Je vous présente un panneau solaire intelligent que
nous avons créé dans notre MakerLab. Le panneau
solaire embarque plusieurs capteurs qui lui permet-
tent de détecter la direction de la lumière. Sur la
base de cette information, il se met dans la position
optimale pour pouvoir capter un maximum de
rayons lumineux. Autrement dit, le panneau solaire
intelligent va toujours se diriger et se positionner là
où la lumière brille le plus.
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Smart Home
Je vous présente Smart Home, un projet de notre
Makerlab conçu pour contrôler à distance certaines
tâches dans une maison. Par exemple, à partir d’une
application développée dans le cadre du projet, on
peut éteindre et allumer à distance les lumières dela maison à partir d’un smartphone, d’une tablette
ou d’un ordinateur. Comme vous pouvez le voir, on
peut aussi contrôler des appareils tel que le ventila-
teur, l’éteindre et le rallumer juste à partir d’un té-
léphone muni d’une connexion internet.
Ce projet a été réalisé avec un Raspberry pi qui fait
office de serveur, des capteurs, une connexion WiFi
et une application Android.
Station météorologique
La station météorologique (weather station, en an-
glais), fabriquée au Makerlab, permet de recueillir
des données sur la météo, enregistrées par diffé-
rents capteurs. Cela peut être la direction ou la vi-
tesse du vent ou encore des données pluviomé-
triques recueillies par un pluviomètre numérique.
Dans cette démonstration, on peut lire les données
météorologiques sur le petit écran d’affichage de la
station.
Voiture pilotée à distance
Cette voiture peut être pilotée à partir d’un réseau
Wi-FI ou de n’importe où dans le monde dès que
l’on a accès à Internet.
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SESSION 2 : INNOVER DANS L’EDUCATION Modérateur : M. Patrick ATTIE, Ing.MS.
Directeur Général de l’ESIH .
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Oser moderniser le bagageéducationnel en HaïtiMots clés : Enseignement, pédagogie, innovation dans l’éducation
INTRODUCTION Avant de commencer, je voudrais partager avec
vous quelques réflexions qui nous ont guidés sur le
choix des stratégies que nous avons mises en place
au collège Catts Pressoir. Je vais me concentrer sur
les plus importantes. Par exemple : le temps d’accès
à l’information qui aujourd’hui est réduit à presque
rien ; du passage de notre génération des TIC (les
Technologies de l’Information et de la Communica-
tion) au TICE (Technologies de l’Information et de la
Communication pour l’Education) et également deNBIC (Nanotechnologie Biotechnologie Informa-
tique et Cognitive). Nous parlerons, en d ’autres
mots, de l’utilisation de la technologie au niveau de
l’enseignement.
Aujourd’hui, tout le monde le sait, nous pouvons
payer nos factures par téléphone, la technologie
permet de numériser les odeurs, etc. Mais ce qu’il
est important aussi de dire, c’est que ces grandes
découvertes creusent davantage le fossé entre les
classes possédantes, les classes moyennes et les dé-
munis, parce que la technologie a un coût. Donc,n’importe qui ne peut s’en approprier. Les systèmes
éducatifs doivent s’adapter justement pour per-
mettre à tout un chacun, quel que soit son niveau
socio-économique de pouvoir s’approprier de la
science et de la technologie.
Au collège Catts Pressoir, notre préoccupation, celle
qui nous a amenés à changer vraiment les stratégies
que nous utilisons, se résume dans ces questions :
quelle est l’adéquation entre l’éducation, les va-
leurs véhiculées dans nos écoles et ces grands défis
du 3e millénaire ? Peut-on continuer à faire étudier
nos élèves par cœur ? Peut-on continuer à deman-
der aux élèves de réciter des théorèmes de mathé-
matiques, des lois de la physique par cœur sans
pouvoir les appliquer ? D’autant plus que nous
constatons en fait que les écoles et les universités
deviennent de plus en plus des industries d’exa-
mens.
Qu’est ce qui fait la valeur d’une école là mainte-
nant ? C’est son taux de réussite au baccalauréat.
Quel baccalauréat ? Quel examen ? Tous ces étu-
diants qui réussissent le baccalauréat, même quand
le pourcentage est très faible, quand ils ont leur cer-
tification du ministère de l’éducation, ils ne peuvent
entrer dans aucune faculté d’État sur concours.
Donc, que valent les connaissances qu’ils ont ac-
quises ? C’est là qu’on constate que certaines écoles
supérieures, universités, certaines écoles classiques
accentuent de préférence leurs formations sur
l’examen final, la note à donner. Et l’enfant arrive à
la maison, on lui dit : « Bravo, tu as 9 de moyenne.
Tu es un bon élève ! ». Mais il y a une petite panne
d’électricité dans la maison, on ne peut rien faire, ilfaut appeler un technicien, ce qui veut dire que les
écoles en général, ne préparent pas les étudiants
pour la vie.
La préoccupation pour nous est de savoir comment
préparer les enseignants pour qu’ils répondent vrai-
ment à ces grands défis ? Au collège Catts Pressoir,
nous avons travaillé longtemps pour identifier les
barrières qui empêchent aux écoles d’aller vers la
créativité. Nous avons travaillé longtemps pour
identifier le chemin de la créativité pédagogique et,
nous avons ajouté, opérationnelle. On va créer mais
M. Guy ETIENNE
Enseignant
Directeur du Collège Catts Pressoir
« Nous avons donc décidé au collège de faire de l’innova- tion pédagogique les poumons de l’école.
Tout ce que les élèves apprennent à l’école, ils doivent êtrecapables de les utiliser pour le développement de leur fa-
mille, de leur communauté, du pays et maintenant nous parlons du monde entier. »
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pour faire quoi ? Et finalement aujourd ’hui le tri-
nôme qui mène l’école est le suivant : imaginer,
créer et apprendre. Et c’est ce que nous faisons au
collège Catts Pressoir : nous donnons la possibilité à
tous les enfants, de 5 à 18 ans, d’imaginer, de créer
et ensuite d’apprendre à partir de leurs créations.
Souvent, on n’est pas obligé de dire aux élèves :
« Aujourd’hui nous allons faire un cours de mathé-
matiques sur la notion d’ensemble. ». Nous les met-
tons en situation pour qu’il aille chercher les no-
tions. Il imagine puis il crée et, à ce moment-là, l’ap-
prentissage devient beaucoup plus facile.
STRATEGIES PEDAGOGIQUES Nous avons testé plusieurs choix de stratégie péda-
gogique au collège Catts Pressoir. La pédagogie par
objectif –on s’est rendu compte tout de suite qu’elle
était complètement limitée. L’approche par compé-tence : on l’a utilisée, mais on s’est rendu compte
aussi de ses limites. Le projet pédagogique : les
élèves, en fin d’année scolaire, doivent présenter un
projet. Nous allons en parler plus loin. L’approche
conceptuelle : nous avons tenté cette approche
puis, avec un peu du recul, on s’est dit qu’elle était
un peu difficile. Actuellement, nous sommes au
stade de la modélisation pédagogique. Cela veut
dire quoi pour nous ?
Cela veut dire que tout ce que les élèves apprennent
à l’école, ils doivent être capables de l’utiliser pour
le développement de leur famille, de leur commu-
nauté, du pays et maintenant nous parlons du
monde entier. C’est la stratégie qui nous guide au
collège Catts Pressoir. J’aime bien cette petite
phrase de René Char : « Ce qui vient au monde pour
ne rien troubler, ne mérite ni égards, ni patience ».
Qu’est-ce que le choix des stratégies pédagogiques,
pour nous, doit développer ?
Un esprit critique. Cela choque certains parents de
nous entendre dire à nos élèves : « Si vous ne dou-tez pas de ce que vous dit un professeur, vous n’êtes
pas des élèves. Allez chercher pour vérifier ! ». Un
jugement rationnel ; une force de caractère mais
aussi l’empathie. Nous apprenons à nos élèves que,
quelle que soit leur idéologie religieuse, qu ’ils soient
Témoins de Jéhovah, Vodouisants, Protestants, Ca-
tholiques, ils doivent apprendre à penser ensemble,
à construire ensemble et surtout à réussir en-
semble. Pour nous, c’est extrêmement important
dans les stratégies que nous développons au collège
Catts Pressoir : un leadership opérationnel. Ce n’estpas seulement être un leader et bientôt être parmi
les 70 candidats à la présidence –parce que mainte-
nant, nous en avons 54, mais bientôt, quand nos
élèves auront l’âge d’être candidats, on en aura
peut-être 70, peut-être une centaine – mais déve-
lopper vraiment le leadership opérationnel.
ORIENTATIONS PHILOSOPHIQUES Nous pensons que l’école est réellement le support
de formatage des jeunes cerveaux pour le 3e millé-
naire. Nous ne pouvons pas continuer à étudier le
Moyen-Age, le 17e siècle, alors que le monde est là
devant nous avec des besoins de plus en plus pres-
sants, de plus en plus urgents. Nous pensons de pré-
férence au 3e millénaire. Et pour nous finalement les
relations entre l’école et la communauté représen-
tent l’autoroute du développement. Une école n’a
pas de valeur si elle ne s’implique pas dans la com-
munauté. Une communauté ne peut pas se déve-lopper si elle n’a pas une école de qualité.
Nous avons donc décidé au collège de faire de l’in-
novation pédagogique les poumons de l’école. Nous
n’avons jamais eu peur d’investir, même dans les si-
tuations difficiles. Nous sommes en ce moment-
même, en train d’investir parce que nous venons de
commander, avec les spécifications données par M.
Attié (Directeur Général de l’ESIH), deux impri-
mantes 3D et nous sommes en train d ’installer
notre laboratoire de robotique et nous allons instal-
ler notre premier FabLab. Tout le monde nous parle
de la situation politique difficile du pays. C’est à ce
moment-là qu’il faut investir. Cependant, économi-
quement, ce n’est pas facile. C’est pourquoi nous
avons décidé de faire fonctionner l’école sur un mo-
dèle d’entreprise mais en accordant la priorité à la
qualité du service donné. Vous savez que le collège
Catts Pressoir est une école privée, laïque, non-sub-
ventionnée. Tout ce que nous faisons est financé
avec l’argent des parents, avec l’argent de l’écolage.
Donc, il faut certaines fois jouer avec les entrées
pour pouvoir prendre des décisions d’investisse-ment.
La qualité, l’excellence de l’éducation que nous of-
frons est indispensable et nous la cherchons sans ar-
rêt. C’est un défi que nous nous sommes donné.
Donc, nous avons travaillé pour générer des fonds
pour moderniser les équipements et le matériel
éducatif et nous cherchons également à recruter les
meilleurs enseignants de la place. Nous pouvons
vous dire par exemple qu’à l’école, plus particuliè-
rement en section primaire, nos enseignants ont un
salaire deux fois plus élevé que le salaire du marché.
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Nous continuons à équiper nos laboratoires : nous
avons fait l’acquisition d’un microscope électro-
nique. Partout où nous allons, nous ramassons des
échantillons de pierres, de roches, pour pouvoir en
faire une collection. Nous étions préoccupés par le
relèvement du niveau du lac Azuéi suivi du même
phénomène au niveau de l’étang de Miragoâne.
Nous avons contacté le bureau des mines et le bu-
reau de la protection civile avec monsieur Eric Calais
qui était en Haïti à cette époque, et l ’ingénieur Pré-
petit qui nous a beaucoup aidé aussi. En 2009, envi-
ron un an avant le séisme, nous avons organisé une
conférence à l’école avec une équipe de la protec-
tion civile. Nous avions décidé en octobre 2009,
d’installer une station sismologique au collège.
Nous avions eu la recommandation de monsieur Ca-
lais pour une compagnie du nom de Guyale qui fit
faillite et n’a pas pu nous livrer le matériel de sur-veillance. En janvier, nous avons contacté une autre
compagnie, SISMO, avec laquelle nous avons finale-
ment installé notre station sismologique. Malheu-
reusement, elle a été installée après le séisme mais
c’est une station qui aide énormément les scienti-
fiques nationaux et internationaux.
L’ENSEIGNEMENT ET L’ APPRENTISSAGE
AUTREMENT
Des projets qui stimulent l’apprentissage et
servent la communauté
Pourquoi avons-nous choisi d’installer une station
sismologique à l’école ? Parce que, premièrement,
l’école doit servir à la communauté et, deuxième-
ment, parce que c’est une station sismologique qui
a un volet scientifique. Ceci signifie que déjà nous
orientons nos élèves vers la sismologie. On n’a pas
d’ingénieur sismologue en Haïti. Nous avons l ’excel-
lent ingénieur Claude Prépetit qui est géologue et
qui s’implique et nous aide beaucoup dans ce do-
maine, mais on n’a pas encore de sismologue en
Haïti. Donc, en choisissant d’installer au collègeCatts Pressoir la station sismologique, on a fait le
choix en même temps d’une station éducative qui
permet aux élèves de s’intéresser à cette possibilité
de carrière.
Nous avons vu tout à l’heure avec plaisir la station
météorologique créée à l’ESIH. Cela fait 7 ans que
nous avons installé de notre côté une station mé-
téorologique. Nous venons d’en installer une deu-
xième dans les hauteurs de Kenscoff. L’objectif pour
nous est d’installer une station par département
pour que le collège Catts Pressoir puisse avoir la
toile d’araignée de la météorologie et fournir des in-
formations. Là encore, nous sommes en train d’in-
téresser nos élèves aux changements climatiques,
nous sommes en train d’introduire, d’impliquer nos
élèves dans la protection de l’environnement. Et en
même temps, les équipements que nous mettons
au collège permettent aux étudiants de s’intéresser
également vers ce choix de carrière. Les données de
nos deux stations météorologiques sont disponibles
sur le site de l’école et tout le monde peut y avoir
accès.
Depuis 2009, nous avons aussi introduit la robo-
tique à l’école. Les élèves apprennent aussi désor-
mais à programmer des robots. On ne peut plus
continuer à enseigner aux élèves le courant dérivé,
la loi de Pouillet, sans leur donner la possibilité de
les appliquer.
Depuis 3 ans, nous faisons une magnifique expé-
rience à l’école. Nous avons demandé aux élèves de
5-6 ans de la 1ere année fondamentale, d’imaginer
un robot avec des matériels récupérés dans des dé-
chets. Ils devaient donc imaginer, créer et cons-
truire un petit robot à partir, par exemple, d ’une
bouteille de spray, de fourchettes, de cintres en
plastique, de bouchons de gallons d’eau Culligan.
Pour ce projet, nous avions demandé aux parents de
ne pas dépenser un seul centime et qu’il fallait ab-
solument s’assurer que le matériel utilisé était unmatériel récupéré qui, au lieu d’aller à poubelle, sert
à la création.
Lorsque nous avons vu ce que ces élèves ont réalisé,
nous nous sommes dit que cette promotion, qui est
aujourd’hui en 3e année, est une promotion capable
de suivre une formation en robotique jusqu’en Ter-
minale. Donc, l’année d’après nous avons demandé
aux élèves de la 2e année de créer des robots cette
fois-ci mécanisés. Et là, on s’est heurté aux parents.
Ils nous ont dit : « Attention ! Là, nous ne sommes
pas capables d’accompagner les enfants parce
qu’on n’a jamais fait de robotique ! » Automatique-
ment, la direction de la section primaire a mis en
place des ateliers de formation pour les parents.
Donc, les parents sont aussi à l’école maintenant. Ils
viennent le samedi pour apprendre également la ro-
botique. Celui qui s’occupait de notre premier ate-
lier se préoccupait du nombre de parents que nous
devions prévoir. On en espérait une cinquantaine en
se basant sur l’effectif des deux classes de 2e année,
soit 70 élèves et prévoyant que certains parents ne
pourraient pas forcément se libérer pour ces ate-liers. On s’est donc procuré le matériel nécessaire
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pour une cinquantaine de participants. A notre
grande surprise, on avait 110% des parents pré-
sents. Cela veut dire que maman et papa venaient,
papa venait avec un frère aîné, etc. car tout le
monde voulait venir apprendre la robotique.
Nous avons commandé des kits de robots que Pa-trick Attié nous avait recommandés avec des Co-
réens qui étaient à l’époque en Haïti. Les élèves, des
enfants de 7-8 ans, ont appris à monter ces robots
et cette année, ils apprennent à les programmer.
Nous y tenons car pour nous la robotique est un do-
maine d’avenir.
Nous avons aussi développé un projet de reboise-
ment qui donne des résultats assez intéressants.
Tous les matins, les élèves arrivent avec des pépins
de fruits qu’ils ont consommés à la maison et ap-
prennent à faire des pépinières. Ils ont dit qu’ils ont
choisi le reboisement par les arbres fruitiers et ils
cherchent des endroits du pays qui ont besoin
d’être reboisés. Là encore, ils apprennent à com-
prendre leur communauté et à penser pour elle. En
effet, ils se disent que s’ils plantent des arbres fo-
restiers, les paysans risquent de les couper pour
faire du charbon de bois alors qu’ils ont moins ten-
dance à couper des arbres fruitiers. Ils préfèrent
être sur la cour de l’école à mettre des pépins en
terre que d’être en salle de classe et apprendre ce
que c’est qu’une semence. Nous développons cesnotions à l’école par la pratique. Ils ont été au
morne Sarrasin où ils ont été à la rencontre des pay-
sans et échangé avec eux sur comment planter les
arbres fruitiers et en récupérer plus tard les fruits.
La numérisation du matériel et des mé
thodes pédagogiques
Nous utilisons sérieusement le numérique comme
support pédagogique actuellement : toutes nos
classes des deux premiers cycles du fondamental,
sont équipées d’un écran de télévision. Nous n’utili-sons presque plus les tableaux avec de la craie, les
professeurs exploitent largement des contenus vi-
déo. Tous les enseignants disposent d’un ordinateur
portable et préparent leurs cours sur support numé-
rique. Nous sommes maintenant en train de mettre
en place l’utilisation des livres numériques, ce qui
veut dire que nos enfants de 5-6 ans n’auront plus
de sacs à dos remplis de livres, mais juste une ta-
blette avec leurs manuels enregistrés dessus. Tous
les livres que nous produisons à l’école sont déjà nu-
mérisés et nous avons un accord avec les EditionsDeschamps ainsi que la compagnie d’édition Na-
than, pour que, moyennant paiement des licences,
nous puissions avoir les versions numériques des
livres que nous commandons chez eux.
Au niveau du secondaire de l’école, nous avons fait
une enquête récemment qui nous a révélé que 70%
des élèves disposent d’une tablette ou d’un ordina-
teur portable. Nous sommes maintenant en traind’expérimenter les devoirs par email. Les élèves en-
voient leurs devoirs sur support numérique à l’en-
seignant. Celui-ci les corrige et retourne ses correc-
tions aux élèves. Nous prenons la précaution par
contre de mettre la direction ainsi que les parents
en copie de ces échanges parce que le numérique,
l’informatique, la technologie peuvent aussi être
dangereux.
Développement personnel et responsabili
sation des élèves
Exploiter des outils technologiques pour l’appren-
tissage ne suffit pas. Il faut que les élèves appren-
nent à s’affirmer et, pour ce faire, il faut encourager
leur développement personnel et leur sens de la
responsabilité. De ce fait, nous avons introduit à
l’école un cours de développement personnel et de
gestion de projets à partir de la 7e année fondamen-
tale, pour nos élèves de 11 ans. Maintenant, pour
tous les projets qu’ils réalisent, ils doivent en esti-
mer le coût de réalisation. Ils doivent présenter un
bilan, un budget, de telle sorte que, quand ils de-
mandent de l’argent pour ce projet à papa et à ma-
man, ces derniers peuvent dire si oui ou non, ce coût
est dans leur budget, ce qui leur permet de com-
prendre concrètement ce qu’un budget veut dire.
Dans ce cours, nous apprenons à chaque élève à
construire sa « molécule personnelle ». Cela veut
dire que chacun va apprendre à identifier sa qualité
principale, sa passion première, sa plus grande va-
leur et, le plus important, identifier le problème du
monde qui le touche le plus. Nous refusons d’enfer-
mer nos élèves dans les salles de classe et les encou-rageons à s’ouvrir sur le monde. Les temps ont
changé, les époques ne sont plus les mêmes. Nous
leur apprenons à se connaître et leur disons que la
molécule que chacun représente, a la capacité d’in-
fluencer le monde. Nous avons impliqué aussi les
parents dans cette formation.
Nous avons également introduit un cours d’entre-
prenariat très formel à partir de la classe de Troi-
sième pour lequel ils ont aussi un projet à présenter
en fin d’année. Par exemple, il y a un exercice d’en-
treprenariat que nous sommes en train de faire ac-tuellement. Nous prêtons 25 gourdes à chaque
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élève de Seconde. Ils doivent trouver un projet qui
leur permet de faire fructifier ces 25 gourdes en res-
pectant certaines contraintes. Par exemple, si le
projet n’est pas innovant, ils auront des taxes à
payer sur l’argent qu’ils ont récupéré. Mais si le pro-
jet est innovant, on les exonère des taxes à payer. Il
y en qui arrivent à réaliser 1.000 gourdes à partir des
25, avec des projets innovants.
Implication dans des projets sur des préoc
cupations internationales
Nous sommes impliqués dans le projet Cop21, dont
la conférence se déroulera prochainement en
France. Des écoles à travers le monde s’associent
pour pouvoir faire des démonstrations et impliquer
encore plus les jeunes dans la protection de l’envi-
ronnement. Nous venons de monter notre docu-
mentaire que nous avons d’ailleurs envoyé ce matinen France.
Changement profond des méthodes d’éva
luation
Cela fait plus de 26 ans, au collège Catts Pressoir,
que les élèves n’ont plus d’examens de fin d’année
type « que savez-vous de… », « problèmes à ré-
soudre » ou encore « récitation de théorèmes ».
Dès le mois de janvier, les élèves ont leurs examens
de fin d’année en main. Une partie de l’examen a
rapport à leur curriculum, leur programme de cours,et l’autre partie a rapport à un besoin de dévelop-
pement de la communauté. La classe est divisée par
groupes et chaque groupe se charge d’un sujet et
soumet un agenda de présentation. A la fin de l’an-
née, nous organisons deux journées portes ouvertes
à l’école, les expo-sciences, au cours desquelles les
élèves présentent leurs projets, leurs réflexions,
leurs créations qu’ils partagent avec le grand public.
Tout le problème pour nous est de sanctionner ces
travaux par une note. Comment attribuer cette
note ? C’est facile lorsqu’on donne un examen à dix
questions : si l’élève répond correctement à 8
d’entre elles, il a 8 sur 10. Pour nous, le processus
est extrêmement difficile parce qu’il faut évaluer le
cheminement du travail de l’élève du jour où il a eu
le projet en main jusqu’à la présentation. L’objectif
principal, c’est de développer un enseignement des
sciences pour préparer des acteurs de changement.
L’école devient alors un lieu incubateur où ils peu-
vent expérimenter, évaluer et présenter leurs pro-
jets.
A l’expo-science 2015, les enfants de 7, 8 et 9 ans
étaient très heureux de montrer les robots qu ’ils
avaient programmés. Nous avions par exemple un
terrain de football et des robots footballeurs qu’ils
ont construits et programmés.
Tout ceci est récupéré pédagogiquement. Commentréfléchit l’enfant maintenant comparé à d’autres
qui récitent des notions apprises par cœur et non
assimilées ? Ils pensent autrement, parce qu’on en-
courage et stimule la rationalité de leur jugement.
Avec un robot, une vis mal installée peut empêcher
l’ensemble de fonctionner. Avec l’informatique, ils
apprennent à organiser leurs documents et à les re-
trouver en utilisant la bonne orthographe. Dans la
méthode d’évaluation la plus répandue, une faute à
une dictée fait perdre 1 point, pour 10 fautes l’élève
obtient 0… 15 fautes, toujours le même zéro ; 20fautes, il a toujours le même zéro. Dans la méthode
que nous préconisons, les élèves apprennent l’im-
portance des mots et celle de bien les orthogra-
phier.
QUELQUES EXEMPLES DE PROJETS REA-
LISES PAR NOS ELEVES A titre d’exemple, l’une de nos classes avait pro-
grammé un robot qui souhaitait la bienvenue aux vi-
siteurs à notre expo-science 2015. Sur chaque carte
d’invitation, on avait mis un numéro que nous
avions aussi enregistré dans une base de données
avec le nom de l’invité auquel il était associé. On de-
mandait à l’invité d’entre son code sur un pad à l’en-
trée et le robot lui souhaitait la bienvenue en pro-
nonçant son nom.
Un groupe d’élèves a fabriqué, en guise d’examen
de fin d’année en classe de 3e, une maison qu’ils ont
appelée « maison écolo-technologique ». Elle est
alimentée à 100% par des panneaux solaires. Ils se
sont basés sur l’exemple de l’école car, présente-
ment, nous sommes autonomes à 60% en énergieélectrique grâce aux panneaux solaires. D’ici deux
ans, nous comptons nous affranchir entièrement de
l’EDH. Pour la construction de leur maison écolo-
technologique, les élèves ont installé eux-mêmes
les panneaux solaires. Ils ont installé les batteries,
l’inverter et un système de relais capable de rece-
voir des commandes envoyées à partir d’un télé-
phone portable, d’une table ou d’un ordinateur. Ces
commandes permettent par exemple d’allumer et
d’éteindre à distance les lumières de la maison,
entre autres. Ils ont installé également une petite
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caméra digitale qui permet d’avoir une vidéo sur-
veillance de la maison de n’importe où dans le
monde.
Certains de nos élèves de 9 ans, ont aussi imaginé
un petit coin écologique et ont mis en place une cul-
ture hydroponique de choux. Il s’agissait de leurexamen de fin d’année de sciences natu-
relles : « Comment parvenir à faire de la culture
dans un espace restreint ? ».
CONCLUSION L’un des « problèmes » que nous avons aujourd’hui
à l’école, c’est que les élèves refusent de rentrer
chez eux. Nous devons parfois appeler les parents
pour leur demander de venir chercher leurs enfants
parce que, à 5h de l’après-midi, nous en avons en-
core 150 à l’école.
Nous continuons à imaginer les nouvelles forma-
tions que nous devons donner à nos élèves. Avec
ces stratégies éducatives, nous changeons leur
mentalité, nous changeons leurs attitudes, nous
changeons leurs aptitudes et ils sont impliqués réel-
lement dans le développement de leur commu-
nauté.
Je termine avec cette petite phrase que j’aime beau-
coup : « Les choses n’arrivent pas, on les fait arri-
ver. ». Nous faisons ce qu’il faut pour que nos élèves
ne s’autorisent plus à dire : « Sa w ’ vle m’ fè, peyi a
se konsa li ye ! » ou « On ne peut rien faire parce
que… ». C’est difficile mais vous devez chercher les
moyens d’y arriver. Il y a cette petite phrase qui s’est
développée à l’école –ce n’est pas français, je m’en
excuse – « Il y a toujours moyen de « moyonner ».
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Produire et exploiter destraces éducationnelles : versune précision fine des services
tutorielsMots clés : Jeux sérieux, analyse de traces d’apprentissage, processus de
traitement de données
INTRODUCTION Vous avez tous entendu parler du Big Data. Il y a de
plus en plus de données produites avec les outils nu-
mériques et on propose divers moyens d’exploiter
ces données pour en faire de l’information, des con-
naissances. C’est pareil dans le domaine de l’ap-
prentissage, spécifiquement, le domaine de l’ap-
prentissage assisté par ordinateur incluant l’utilisa-tion des Environnements Informatiques pour l’Ap-
prentissage Humain (EIAH), les Systèmes Tutoriels
Intelligents, et autres MOOCS, etc. On a une grande
quantité de données produites dans ce type de dis-
positif et on veut pouvoir les analyser.
Pour ce faire, il y a plusieurs problèmes à prendre
en compte. Principalement les suivants.
Ces données sont produites en différents en-
droits et ne sont pas partagées. Il en va de
même des « opérateurs » d’analyse : les outilsinformatiques nécessaires à leurs traitement
et analyse.
Les données sont souvent produites par les en-
seignants, les opérateurs, par les informati-
ciens et il manque la jonction entre les deux.
La question que nous nous sommes posée et à la-
quelle nous cherchons à répondre c’est, comment
peut-on améliorer le partage des données, des opé-
rateurs et donc des scénarios d’analyses.
Comment gérer les cycles de vie des données ?Comment construire des processus d’analyses ?
Personne ne s’efforce vraiment à faire un processus
d’analyse de données de manière naturelle. Donc,
comment est-ce qu’on peut guider les gens dans ce
travail ? Comment garantir le partage et la dissémi-
nation de ces informations ?
En tant que chercheurs, une fois ces questions po-
sées, on regarde s’il y a des solutions qui existent.
UN PETIT TOUR DE L’ETAT DE L’ ART Au niveau des plateformes de traitement de don-
nées, qu’est-ce qui existe ? Essentiellement, des
plateformes qui permettent de faire du Data Mining
et des outils qui permettent de conceptualiser le
processus d’analyse de données.
J’ai identifié trois types de plateforme pour chacune
desquelles je vous dresse les avantages et inconvé-
nients.
Les plateformes de stockage de données
data storage platform)
Ces plateformes facilitent le stockage des données
et métadonnées (ex : Tincan, Mulce). Elles sont très
intéressantes parce qu’elles permettent de détailler
énormément les métadonnées, ce qui très impor-
tant pour la réutilisation des données. Par contre,
elles offrent très peu de flexibilité pour pouvoir
stocker ces données : elles utilisent des structures
de stockage souvent rigides donc difficiles à adapter
à tous les types de données.
Mme Nadine MANDRAN
Ing MS
Statisticienne
Ingénieure d’études au Centre National de la
Recherche Scientifique (CNRS). Laboratoire
d’Informatique de Grenoble
« Il y a de plus en plus de données produites avec les outilsnumériques et on propose divers moyens d’exploiter ces don- nées pour en faire des connaissances. C’est pareil dans le do-
maine de l’apprentissage assisté par ordinateur. Le travail présenté ici a permis de faire avancer la recherchedans ce domaine du point de vue conceptuel, et les outils dé- veloppés ainsi que les données et le processus de traitement,
peuvent être réutilisés par d’autres chercheurs . »
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Les plateformes d
’
analyse de données ana-
lysis platform)
Pour ce type de plateformes, nous avons, entre
autres, SAS, R, Orange, ou encore RapidMiner. Elles
offrent beaucoup d’opérateurs et permettent d’évi-
ter, dans la plupart des cas, de gros travaux de dé-veloppement d’algorithmes. Par contre, elles ne
sont pas du tout spécifiques, et de ce fait, difficiles
à exploiter directement pour les données d’appren-
tissage humain qui nous intéressent. Dans, ce cas, il
faut développer ses propres opérateurs.
Les plateformes de stockage et d
’
analyse
storage and analysis platform)
Dans ces plateformes, tel que Datashop par
exemple, on peut aussi bien stocker les opérateurs
et les processus d’analyse des données. Les don-nées et opérateurs d’analyses sont stockés au
même endroit. Par contre, la difficulté d’implémen-
tation et de design de ces plateformes est très éle-
vée.
SCHEMAS DE PROCESSUS Ce qui nous intéresse, c’est de stocker données et
opérateurs au même endroit mais aussi de définir
les schémas de processus utilisant ces opérateurs,
pour le traitement des données. Il existe dans l ’état
de l’art des travaux traitant des schémas de proces-
sus mais ils ont tous des terminologies bien spéci-fiques et des organisations spécifiques des proces-
sus de traitement. Nous avons tout d’abord re-
gardé, parmi ces schémas existants, s’il y’en a un qui
pouvait correspondre à nos besoins.
Le travail de Bishop
On a donc commencé par regarder un processus dé-
dié au traitement de données en sciences sociales,
qui était proposé par [Bishop, 2011]. Tout d’abord,
qu’est-ce que c’est que le traitement de données ?
Il faut tout d’abord créer, collecter, les données quel’on veut traiter. On construit un protocole pour
créer les données puis on procède au traitement de
ces données. En détaillant son processus, Bishop
précise que ce traitement inclut la saisie des don-
nées, leur transcription, leur validation, leur net-
toyage, leur anonymisation quand c’est nécessaire,
leur description, etc. Ensuite, dans ce processus, les
prochaines étapes sont : l’analyse des données ; la
préservation des données (leur sauvegarde) ; la dif-
fusion des données pour assurer que d’autres y
aient accès ; et enfin, la réutilisation des données.
Le schéma de ce processus est présenté dans
l’image ci-dessous.
Processus de traitement de données selon Bishop
J’attire votre attention en particulier sur l’étape
« check, validate, clean data ». Bishop intègre cette
étape dans le processus or, c’est une étape très con-
fidentielle et nous, ce que l’on observe là-dessus,
c’est que le temps de prétraitement des données re-
présente 80% du temps de travail de l’analyste de
données. Un statisticien, par exemple, passe 80% de
son temps à nettoyer les données avant d’en faire
vraiment l’analyse. Cette étape-là du schéma de Bis-
hop ne nous convenait donc pas tout à fait.
Dans le processus de Bishop, elle propose aussi une
étape d’analyse des données puis, une étape de par-
tage des données, suivie d’une étape de réutilisa-
tion des données. Or, la réutilisation des données
consiste en fait à analyser à nouveau les données.
En termes de méthode, dans ce processus, la pre-
mière et la deuxième analyse représentent la même
chose.
Cet aspect-là ne correspond pas à ce que nous cher-
chons. De plus, d’une part, les opérateurs ne sont
pas identifiés : Bishop ne parle, dans cette proposi-
tion, que des données. Dans notre cas, nous voulons
identifier de manière distincte les opérateurs et les
données. Nous considérons aussi que le prétraite-
ment est confidentiel et ne peut être noyé dans la
masse des autres tâches. Enfin, ce processus se ré-
sume en trois objectifs : processus des données,
analyse des processus et partage. Nous, nous consi-
dérons plus d’étapes dans le processus de traite-
ment des données.
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Le travail de Stamper
Le travail de Stamper [Stamper & Koedinger, 2011]
est à la base de Datashop, la plateforme qui fait ré-
férence dans le domaine de l’entreposage, du par-
tage et de l’analyse de données.
Le processus qu’il propose est différent (Cf. Figure
ci-dessous) : on a d’abord un design de données
puis on procède à la collecte des données et à l’ana-
lyse des données ; ensuite, on publie les résultats de
cette étape d’analyse, on archive les résultats et,
ensuite, on effectue une seconde analyse.
Processus de traitement de données selon Stamper &
Koedinger
Ce qui est intéressant dans ce processus, c’est que
Stamper mentionne les opérateurs d’analyses qui
n’étaient pas présents ailleurs. Ensuite, on peut voir
aussi sur le schéma que différentes interactions
entre les étapes sont ajoutées. En fait, l’analyse de
données est un processus très itératif. Ce n ’est pas
du tout linéaire. Donc, ces flèches marquant les ité-rations dans le processus, nous intéressent beau-
coup.
Stamper parle aussi de seconde analyse, c’est à dire
qu’il a bien conscience que les données doivent être
réutilisables. Enfin, il parle de l’archivage des don-
nées.
Par contre, pour nous, l’étape d’archivage arrive un
peu tard, pratiquement à la fin du processus. Or, si
on veut bien utiliser les données, il faut avoir iden-
tifié tout ce qui s’est passé en amont. Et surtout, ilne parle pas de prétraitement des données et
comme je l’ai déjà mentionné, cela représente 80%
du temps de notre travail.
En résumé, les points faibles de ce schéma pour
nous sont les suivants : l’absence d’étape de prétrai-
tement et cette étape d’archivage qui arrive bien
trop tard dans le processus.
Pourquoi c’est important de réutiliser les données ?
Parce que les données ont un coût et il est élevé. A
l’époque où je travaillais en science politique, dansle cadre de nos enquêtes avec des cohortes de
1.000 personnes, cela coûtait 300 euros par per-
sonne.
Les données ont donc un coût élevé et il faut pou-
voir les réutiliser. Aussi et surtout parce qu’il est im-
portant de rendre reproductibles les résultats. La
démarche scientifique l’exige : d’autres personnesdoivent toujours être capables, pas forcément de
reproduire vos résultats, mais au moins de répéter
la méthode que vous avez utilisée pour valider vos
données.
Donc, en résumé, pourquoi ces deux propositions
ne correspondent pas tout à fait à nos besoins ? Le
premier processus n’intègre que les données et pas
les opérateurs ; l’étape de prétraitement des don-
nées n’est pas vraiment prise en compte et il y a dif-
férents objectifs dans le même cycle : l’analyse ap-
paraît à plusieurs endroits.
Dans le second processus, l’archivage arrive à
chaque fois bien trop tard. De plus, pour nous, l’ana-
lyse secondaire est une nouvelle étape à part en-
tière dans le cycle de vie des données.
PROPOSITION : LE PROCESSUS DOP8Après avoir regardé l’existant, l’objectif maintenant
est de proposer une nouvelle idée. Cette nouvelle
proposition consiste à combiner dans le processus
les cycles de vie des données et des opérateurs.
Nous avons appelé cette proposition DOP8 [Man-
dran et al., 2015]. C’est une proposition concep-
tuelle qu’il faut après instancier en utilisant une pla-
teforme informatique.
Schéma du processus DOP8
DOP8, c’est d’une part, un cycle qui va porter sur les
données en haut et sur les opérateurs en bas. Ce
cycle intègre 4 étapes au niveau « données » : (1) la
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préparation des données ; (2) la collecte et le stock-
age des données ; (3) la validation des données ; (4)
l’enrichissement des données. Il s’agit là des étapes
de prétraitement que l’on distingue très clairement
dans le processus.
Au niveau des opérateurs, nous avons les étapessuivantes : (1) la conception d’algorithmes ; le déve-
loppement d’opérateurs intégrant ces algorithmes ;
(3) la validation des opérateurs, à savoir, l’évalua-
tion de ses performances.
C’est seulement à partir de là que l’on peut passer
dans la phase d’analyse des données.
Nous avons aussi ajouté les itérations nécessaires
entre différentes étapes et intégré l’archivage des
données tout au long du processus. En fait, de notre
point de vue, il est tout aussi important de stockerles données que de détailler la démarche de déve-
loppement d’un opérateur d’analyse ; il est tout
aussi important de savoir comment un algorithme a
été conçu que de savoir comment les données ont
été produites. L’idée par-là, est de garantir la qualité
du travail tout au long du processus.
En résumé, si je compare notre processus à ceux de
l’état de l’art évalués, les apports sont les suivants :
Les cycles de vie des données et des opéra-
teurs de traitement sont combinés Le prétraitement est détaillé en 2 étapes : la
validation et l’enrichissement des données
Au lieu d’inclure deux niveaux d’analyse des
données, on inclut plus de boucles itératives
L’archivage est présent à chaque étape du pro-
cessus.
Au niveau de l’implémentation informatique qui a
été gérée par Michael ORTEGA, nous avons mis en
place deux bases : une base contenant les données
et une base contenant les opérateurs. Derrière ces
bases, il y a un outil qui assure la jonction entre les
données et les opérateurs d’analyses.
Concrètement, nous avons une plateforme, Under-
Tracks, qui nous permet de stocker les processus
d’analyses de données et qui intègre un outil qui
permet d’accéder aux données et aux opérateurs
impliqués dans ces processus. La plateforme Under-
Tracks est basée sur un outil existant qui s ’appelle
Orange, mais a été adaptée à nos propres données.
Ce que l’on vise concrètement avec UnderTracks,
c’est de pouvoir récupérer toutes les traces d’acti-
vité de nos étudiants quand on fait des expérimen-
tations et de partager les processus de traitement
de ces traces. Par exemple, dans une expérimenta-
tion, nous avons mis en lien un dispositif tangible
pour l’apprentissage de la numération par des en-
fants et notre plateforme. L’activité des enfants est
complètement tracée par ce dispositif et les traces
sont directement envoyées sur UnderTraks où elles
sont stockées et pourront être analysées.
Donc, aujourd’hui, ce que nous avons développé
dans le cadre de notre recherche, c’est vraiment
une plateforme d’analyse de données et qui est
complètement partagée.
Je vais maintenant détailler comment cette plate-
forme a été exploitée avec un autre cas d’étude.
EXPLOITATION DE NOTRE PROPOSITION AVEC T AMAGOCOURS
Le jeu sérieux Tamagocours
Tamagocours est un jeu sérieux développé dans le
cadre des recherches de deux chercheurs en didac-
tique, Eric Sanchez et Valéry Emin [Sanchez et al.,
2015].
Ce système a été conçu pour enseigner aux ensei-
gnants de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, à
donner des cours sur des règles juridiques à des étu-
diants qui ne sont pas du tout intéressés par cesconcepts.
Il y avait 200 étudiants, très peu motivés à former,
en un temps très court. Le challenge était élevé.
Comme résumé dans la figure ci-dessous, le jeu Ta-
magocours fonctionne comme suit. Il y a une biblio-
thèque dans laquelle on peut récupérer des res-
sources éducationnelles. Ces dernières sont des
textes que l’on veut utiliser pour enseigner à des
étudiants. Elles peuvent être utilisées seulement si
elles sont dans le domaine public. Les enseignantsdoivent s’en assurer avant de les diffuser à leurs
étudiants. Les ressources éducationnelles choisies
sont ensuite posées dans un « frigo ». Une fois po-
sées dans le frigo, les apprenants peuvent travailler
ensemble dessus. Ils sont par groupe de 3 et peu-
vent discuter, autour des ressources choisies, dans
l’environnement de tchat du jeu. Après discussion,
ils vont ensuite nourrir un Tamago. Si le choix d’une
ressource n’est pas justifié, le Tamago passe au
rouge sinon, il reste vert. S’il devient rouge, c’est
que leur choix était erroné ils doivent retrouver uneautre ressource, rediscuter entre eux et nourrir à
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nouveau le Tamago. Enfin, à la fin du jeu, ils peuvent
débriefer avec le tuteur pour comprendre ce qu’ils
ont réussi et là où ils ont échoué, et continuer à
jouer ou pas. C’est un jeu amusant mais il y a des
objectifs pédagogiques derrière.
Interface du jeu sérieux Tamagocours
A quoi cela sert-il concrètement ? L’objectif de re-
cherche à la base de ce jeu est de déterminer s’il est
possible de concevoir un modèle comportemental
des apprenants/joueurs [Wenger, 1987]. Si oui,
comment y parvenir ? En d’autres mots, comment
conceptualiser les traces enregistrées à partir du
jeu ?
Production de traces
Plusieurs études empiriques ont été conduites dans
cet objectif. Il y a tout d’abord eu un pilote qui a étéfait en octobre 2013 avec 18 étudiants. Ensuite, un
premier test a été réalisé avec 16 étudiants (en no-
vembre 2013) puis, un deuxième test, avec 9 étu-
diants, en février 2014. Ces deux tests ont été réali-
sés avec les étudiants se trouvant dans la même
salle et jouant au même moment Et enfin, une
étude à plus grande échelle a été réalisée en avril
2014 et nous a vraiment permis de capturer des
traces. Elle a été faite avec 193 étudiants répartis
dans 81 groupes. Ils étaient à distance et pouvaient
participer au jeu à n’importe quel moment.
Traitement des traces
Les traces produites dans le jeu sont à l ’état brut et
doivent être codées. Elles contiennent juste des in-
formations telles que le nom d ’une action, l’utilisa-
teur qui l’a exécutée et le moment (timestamp) où
l’action a été exécutée. Les traces ne sont donc pas
codées au départ. Les chats par exemple sont des
verbatim des discussions des étudiants autour du
choix et de la validation des ressources éducation-
nelles.
Une fois codées selon le modèle théorique requis,
les traces sont envoyées dans la plateforme Under-
Tracks. A partir de là, elles peuvent être analysées.
Les résultats des analyses constituent des feedbacks
à la fois aux enseignants, aux apprenants, aux infor-
maticiens qui développent les opérateurs et aux
chercheurs.
Ces feedbacks peuvent être utilisés pour améliorer
le jeu Tamagocours, voire, améliorer le modèle
théorique derrière les objectifs pédagogiques du
jeu.
Visualisation et analyse des données
Dans UnderTracks, des modèles de visualisation des
données sont utilisées pour les analyser.
Visualisation des données dans UnderTracks
Dans l’image ci-dessus, nous avons une ligne par
étudiant et chaque bâtonnet représente une action
exécutée par un étudiant. Cette visualisation des
données nous permet de voir une grande diversité
des comportements. Par exemple, les bâtonnets
orange représentent des actions de tchat. On peut
donc voir que l’étudiant 5 à tendance à participer
beaucoup plus au tchat que l’étudiant 4 dont la ligne
d’actions ne comporte aucun bâtonnet orange.
Nous avons donc un ensemble de données séquen-
tielles que constituent les traces de toutes les ac-
tions des étudiants au fil du temps. Les données sé-
quentielles sont difficiles à analyser. Pour faciliter
cette tâche, il faut les agréger. Dans notre cas
d’étude, cela représente un premier niveau d’ana-
lyse qui consiste à regrouper les actions des étu-
diants de même équipe ainsi que la durée de leur
travail, et de comptabiliser ensuite leurs actions ré-
ussies et leurs actions erronées.
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Patternsd ’ actions
Ce que l’on va également regarder, ce sont les ob-
servations qui ont pu être faites au niveau des
traces et qui permettent de définir des patterns. Les
patterns sont des suites d’actions à partir desquels
le comportement ou l’activité des étudiants peut
être évalué. Par exemple la suite d’actions « nourrir
le Tamago > mettre une ressource dans le frigo >
nourrir le Tamago » est une mauvaise série d’ac-
tions. Par contre, le pattern « consulter une res-
source de la bibliothèque > ajouter la ressource
dans le frigo > nourrir le Tamago » représente un
comportement correct.
On peut donc ainsi distinguer différents comporte-
ments. Dans l’image ci-dessous, le comportement
du Joueur 1 est très différent du comportement du
Joueur 4.
Patterns d ’ actions des joueurs
Le joueur 1 prend le temps de lire la ressource po-
sée dans le frigo et de prendre connaissance de son
contenu. Ensuite, ils discutent avec ses camarades
et décident seulement après ces discussions de
nourrir ou pas le Tamago. C’est un comportement
correct.
Dans le pattern du Joueur 4, on n’observe que deuxactions : la ressource est récupérée sans être con-
sultée et le Tamago est directement nourri sans dis-
cussion préalable avec le groupe. Cette stratégie est
évidemment très mauvaise.
Cela représente une première manière d’analyser
les données, c’est-à-dire, observer tout simplement
à travers une représentation visuelle, les actions des
étudiants tracées au fil du temps. Nous avons pu
ainsi identifier deux différents patterns de compor-
tements des étudiants sur les données séquentielles
(actions exécutées par les étudiants au fil du temps).
Corrélationentrepatternsd ’ actionsetperformances
Ce qui nous intéresse aussi, c’est de pouvoir déter-
miner, quand les étudiants exécutent des patterns
d’actions corrects et obtiennent des résultats
justes, à quoi cela peut être corrélé. Nous utilisons
pour cela, l’analyse factorielle de correspondances
qui permet de mesurer la relation entre différentes
variables.
Sur le graphe ci-dessous, on peut voir qu ’il y a deux
stratégies qui se distinguent : d’une part, ceux qui
ont un comportement, suite d’actions, correcte et
d’autre part ceux qui exécutent des patterns d’ac-
tions incorrects. Ce graphe permet d’observer que
ces deux stratégies complètement opposées, sont
indépendantes du nombre de tchats des étudiants.
En d’autres mots, la tendance à collaborer des étu-
diants ne détermine pas s’ils vont avoir des straté-gies correctes ou incorrectes.
Analyse en composantes principales
Nous avons pu dégager deux types de comporte-
ments. Ce qui nous intéresse ensuite c’est de savoir
quels étudiants ont quels types de comportements
car l’objectif est d’arriver à définir des classes d’étu-diants.
Par la méthode de Classification Ascendante Hiérar-
chique, nous parvenons à distinguer des classes
d’individus : ceux qui ont un comportement qui per-
met de mieux réussir (ils prennent connaissance des
contenus des ressources avant de nourrir le Ta-
mago) et ceux qui ont un comportement menant
plutôt vers l’échec (ceux qui nourrissent le Tamago
sans prendre le temps de consulter le contenu des
ressources) (encerclés en bleu sur le graphe ci-des-
sus). On peut aussi distinguer ceux qui chattent leplus (encerclé en rouge) et on constate que les deux
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stratégies identifiées sont indépendantes du
nombre de tchat des apprenants.
Classes de joueurs trouvées
Si nous laissons ces méthodes dites agrégées pour
revenir sur la représentation séquentielle du com-
portement des étudiants, nous retrouvons 5 classes
de joueurs qui sont représentés par les « timelines »
de l’image ci-dessus. Nous avons les joueurs effi-
cients qui vont très vite et réussissent très vite ou
encore les « gaveurs » qui nourrissent le Tamagosans consulter le contenu des ressources. Nous
avons aussi les bavards qui échangent beaucoup et
les experts.
Tout ce travail statistique nous a amené à montrer
qu’on peut arriver à passer d’un ensemble de don-
nées dites séquentielles, difficilement analysables, à
des données agrégées, qui permettent de résumer
l’information, et ensuite revenir à un niveau d’ana-
lyse séquentiel.
CONCLUSION Ce travail a été réalisé selon le processus DOP8. En-
suite, il y a eu un travail informatique d’instancia-
tion. La recherche présentée ici est une réutilisation
de l’instanciation du processus dans UnderTracks.
Les données utilisées dans cette étude ont été en
effet stockées sur la plateforme UnderTracks, puis
analysées avec les opérateurs d’UnderTracks et
d’Orange.
La réalisation de cette plateforme a été faite en in-
terne dans notre laboratoire. Elle a permis de faire
avancer la recherche du point de vue conceptuel, et
les outils développés ainsi que les données et le pro-cessus de traitement, peuvent être réutilisés par
d’autres chercheurs.
Le développement de cette plateforme va continuer
dans le cadre d’un projet ANR (Agence Nationale de
la Recherche). L’objectif est de guider les cher-
cheurs dans la construction de données selon le
cycle DOP8, le développement d’opérateurs, la
création de processus et d’assurer que cela puisse
être partagé et réutilisé.
RÉFÉRENCES [Bishop, 2011] Bishop, L. 2011. UK Data Archive Re-
sources for Studying Older People and Ageing.
[Mandran et al., 2015] Mandran, N., Ortega, M., Luengo,
V., Bouhineau D. 2015. DOP8 Cycle: Merging both data
and analysis operators life cycles for Technology En-
hanced Learning. LAK 2015.
[Sanchez et al., 2015] Sanchez, E., Emin Martinez, V. &
Mandran, N. 2015. Jeu-game, jeu-play, vers une modéli-
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[Stamper & Koedinger, 2011] Stamper, J. and Koedinger,
K.R. 2011. Human-machine student model discovery and
improvement using data. Proceedings of the 15th Inter-national Conference on Artificial Intelligence in Educa-
tion.
[Wenger, 1987] Wenger, E. 1987. Artificial intelligence
and tutoring systems. Los Altos, California: Morgan Kauf-
mann Publishers.
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Vers de nouvelles méthodesd’évaluation automatisée de
l’apprentissage Intervention effectuée à distance par vidéoconférence Mots clés : Méthodes d’évaluations, Automatisation des évaluations, EIAH
INTRODUCTION Je vais vous parler aujourd’hui de méthodes auto-
matisées pour l’apprentissage. Mon domaine de
compétence principale est l’informatique, spéciale-
ment les environnements informatiques pour l’ap-
prentissage humain (EIAH).
L’objectif des travaux de recherche en EIAH, en gé-
néral, est de concevoir ou de réfléchir à la réalisa-tion d’environnements informatiques dédiés à sup-
porter un apprentissage humain dans lesquels des
agents humains ou artificiels peuvent interagir. En
d’autres mots, ce sont des environnements qui per-
mettent de faciliter des interactions, que ce soit
entre les humains directement via un environne-
ment informatique, ou entre les humains et l’envi-
ronnement informatique, le tout pour soutenir ou
accompagner une activité d’apprentissage, une ac-
tivité pédagogique. Il y a des ressources pédago-
giques produites qui sont généralement accessibles
et les informaticiens contribuent à les automatiser
et à faciliter leur mise à disposition de façon numé-
rique.
Les EIAH constituent surtout un domaine de re-
cherche pluridisciplinaire. Ce domaine requiert en
fait, outre la compétence d’informaticiens, le travail
de chercheurs en science de l’éducation, en psycho-
logie, en sociologie, entre autres. Toutes les
sciences humaines peuvent participer aux travaux
du domaine ainsi que d’autres domaines technolo-
giques.
L’objectif en EIAH est, globalement, d’étudier, con-
cevoir, expérimenter des dispositifs pédagogiques
qui intègrent les technologies de l’information et de
la communication. Ils visent en fait à concevoir des
environnements informatiques innovants. L’innova-
tion peut être au niveau pédagogique, dans la mise
en œuvre d’une pédagogie originale, nouvelle ou
différente, en dehors des outils informatiques. Elle
peut être aussi informatique, c’est-à-dire, s’appuyer
sur des principes, des méthodes, des algorithmes,
des performances informatiques inédits.
Dans quelle mesure l’informatique peut-elle contri-
buer à cette composante de l’activité de l’apprentis-
sage qu’est la partie évaluation ?
Dans une activité d’apprentissage, à un moment
donné, on doit se poser la question : « Qu’est-ce
que les apprenants ont réellement acquis au cours
d’une session d’apprentissage ? La question à la
base de cette présentation est donc : « Est-ce quel’informatique peut aider à supporter ou assister
cette activité d’évaluation ? »
EVALUATION DES APPRENTISSAGES
Quid de l’évaluation ?
Evaluer signifie « déterminer la valeur ». Le La-
rousse décrit l’évaluation pour l’enseignement
comme l’action de « Mesurer à l’aide de critères dé-
terminés les acquis d’un élève, la valeur d’un ensei-
gnement ».
Mme Céline JOIRON
PhD
Informaticienne
Maître de conférences à l’Université de Pi-
cardie Jules Verne
« L’évaluation est avant tout un outil essentiel pour la con- ception, la mise en œuvre et la régulation d’une situation
d’enseignement-apprentissage.L’automatisation partielle ou totale d’une évaluation doit
répondre à un besoin pédagogique ou une contrainte logis- tique, l’idéal étant que l’informatisation apporte quelque
chose de concret à la pédagogie sans appauvrir ce que l’onferait de manière non automatisée. »
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C’est, pour Musial et al. (2012), le fait de « situer un
acte par rapport à une référence, juger de la diffé-
rence entre cet acte et cette référence ». Cet acte
peut être celui de l’élève ou relatif aux perfor-
mances d’un groupe. Il peut également être celui
des buts de l’apprentissage à atteindre (les attendus
du programme, du curriculum).
L’évaluation est avant tout un outil essentiel pour la
conception, la mise en œuvre et la régulation d’une
situation d’enseignement-apprentissage. Elle
pousse à mobiliser des connaissances ce qui permet
de renforcer l’apprentissage. Elle est complémen-
taire à toutes les activités pédagogiques qui ont pu
avoir lieu au préalable.
Critères d’une évaluation de qualité
Evidemment, quand on est enseignant, concevoirune évaluation n’est pas une tâche très facile. Une
évaluation de qualité doit reposer sur un certain
nombre de critères. Le premier de ces critères est la
pertinence : une évaluation doit mesurer ce qu’elle
prétend mesurer. Elle doit être également fiable,
c’est-à-dire précise et objective. Une évaluation de
qualité doit également être fidèle : ce qui est consi-
déré comme excellent aujourd’hui au cours d’une
évaluation, doit encore être excellent demain. En
d’autres mots, il ne faut pas que, d’une année à
l’autre ou d’une session d’évaluation à l’autre, les
critères d’excellence divergent. Une évaluation de
qualité doit aussi être sensible : on doit, en fait,
avoir une notation qui varie suffisamment en fonc-
tion de la qualité des travaux. Deux travaux résolu-
ment différents ne peuvent pas avoir une différence
de notation de seulement quelques dixièmes de
points par exemple.
TYPES D’EVALUATIONS Il existe trois principaux types d’évaluation large-
ment exploités dans la littérature : il s’agit des éva-
luations sommatives, formatives et diagnostiques.
Evaluations sommatives
Les évaluations sommatives ou certificatives inter-
viennent en fin de formation avec l’objectif de vali-
der l’atteinte d’un certain niveau de compétences,
de capacités, de connaissances. Derrière ce type
d’évaluations, il y a la notion de diplôme ou de cer-
tification ou encore, au moins, la notion d’attesta-
tion de réussite, de bulletins ; quelque chose qui of-
ficialise l’atteinte des objectifs de l’apprenant.
Evaluations formatives
Les évaluations dites formatives sont pratiquées en
cours de formation et n’ont aucun objectif de vali-
dation. Leur but est de permettre à l ’apprenant de
se situer et de renforcer son apprentissage. Ces
exercices d’évaluation, pratiqués de manière régu-lière, permettent d’assurer le renforcement de l’ap-
prentissage tout au long de la formation.
Evaluations diagnostiques
Enfin, les évaluations dites diagnostiques sont des
évaluations mises en place par l’enseignant ou le tu-
teur, en début ou en cours de formation . L’objectif
de ce type d’évaluations n’est pas de sanctionner, ni
de vérifier ou de valider, mais plutôt d’orienter ou
de réguler l’apprentissage. On pratique ces évalua-
tions pour diagnostiquer les capacités ou les con-
naissances d’un apprenant, dans l’optique de mieuxorienter le travail requis en formation, pour éven-
tuellement personnaliser ou adapter ce travail.
CONCEPTION D’UNE EVALUATION Lorsqu’on conçoit une évaluation, on doit se poser
un certain nombre de questions pour s’assurer
qu’elle soit correcte et objective.
Donc la première chose à laquelle il faut réfléchir
c’est, quels sont les apprentissages qu’on veut éva-
luer ? Il faut clarifier ce que je souhaite évaluer. Par
exemple, je viens de faire un certain nombre
d’heures de cours sur un thème ou un sujet en par-
ticulier, qu’est-ce que je souhaite vérifier que l’en-
semble de mes apprenants ont appris ? Comment
vais-je vérifier que ces apprentissages ont bien été
acquis ? Donc, comment vais-je collecter les
preuves de cet apprentissage ? Qu’est-ce que je vais
leur donner à faire pour qu’ils m’apportent cette
preuve que l’apprentissage est acquis et qu’ils ont
bien atteint les objectifs pédagogiques que j’avais
fixés ?
Je dois aussi me demander comment analyser cette
preuve d’apprentissage ? Comment vais-je corri-
ger ? Quelle notation, quel barème vais-je appli-
quer ?
Après, il y a des questions qui sont peut-être un peu
moins prioritaires mais néanmoins nécessaires :
Pourquoi est-ce que j’évalue ? Est-ce que mon but
c’est de sélectionner ? Sanctionner ? Valider ? Mo-
tiver ?
Il faut aussi avoir conscience de qui on évalue et
pour qui on évalue : est-ce pour moi en tant qu ’en-
seignant ? Est-ce pour une institution ? Est-ce que
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c’est l’apprenant seulement qui a besoin de se posi-
tionner ?
Le moment où l’évaluation est appliquée est aussi
important : en début ou en fin de cours ? Ou encore,
en fin d’apprentissage ?
Enfin, qui mène l’évaluation ? Cela peut être l’ensei-
gnant ou l’apprenant lui-même dans le cadre d’une
évaluation auto-réalisée. Cela peut aussi être
d’autres apprenants qui en évaluent un autre. Ou
encore des acteurs externes.
Ce sont là des questions à se poser lorsqu’on mène
une évaluation dans le but de balayer toutes les cir-
constances et les dimensions qu’elle peut requérir.
AUTOMATISATION DES EVALUATIONS
Pourquoi est-ce que l’on souhaiterait automatiserles évaluations ? Il y un certain nombre de raisons
possibles.
Le processus d’évaluation est le suivant :
CONCEPTION → COLLECTE DES PREUVES → CORRECTION→
ANALYSE → RESTITUTION
L’automatisation concerne tout ou partie de ce pro-
cessus.
Dans le cadre des évaluations formatives
L’automatisation est pertinente en contexte de for-
mation à distance (ou en complément d’une forma-tion en présentielle) lorsqu’on met en place des
évaluations formatives dans le but de permettre à
l’apprenant de s’auto-former et s’autoévaluer.
L’automatisation dans ce contexte permet de s’af-
franchir de la présence ou la participation de l’en-
seignant. L’apprenant peut ainsi avoir une restitu-
tion automatique sur ses performances.
Dans le cadre des évaluations sommatives
L’automatisation est particulièrement intéressante
aussi pour les évaluations sommatives lorsque, en
contexte de formation à distance, on a une grande
cohorte d’apprenants à évaluer. Cependant, à ce ni-
veau, certains problèmes sont à considérer : les pro-
blèmes d’équité de l’évaluation pour l’ensemble des
apprenants et les problèmes relatifs à l’identité ré-
elle de l’apprenant. En d’autres mots, est-ce que
tous les apprenants sont évalués sur une même
base considérant que certains peuvent avoir re-
cours à des aides ou faire passer l‘évaluation par
d’autres en leur nom ?
1 https://www.imsglobal.org/question/index.html
Dans le cadre des évaluations diagnostiques
Dans le cadre des évaluations diagnostiques, en
contexte de formation à distance ou présentielle,
l’automatisation peut faciliter l’analyse des profils
des apprenants et, ainsi, l’adaptation ou la person-
nalisation des parcours d’apprentissage.
AUTOMATISATION DES EVALUATIONS :
EXEMPLES D’ APPLICATION
utomatisation d’évaluations formatives
Les tests en ligne de la plupart des plateformes de
formation à distance, intègrent des outils d’automa-
tisation basés sur des standards tels que IMS-QTI®.
IMS-QTI1 est un format standard pour la représen-
tation des contenus d'évaluations et de leurs résul-
tats. Ce format favorise l’échange de ce matériel
d’évaluation entre différents systèmes de gestionde l'apprentissage. Je peux aussi citer le système AS-
KER (Authoring tool for aSsessing Knowledge genE-
rating exeRcises) [Lefèvre et al., 2015], un généra-
teur automatique d’exercices d’auto-formation et
les exerciseurs type QuickMath2.
utomatisations d’évaluations sommatives
Les certifications CISCO, les certifications C2i (Certi-
ficat Informatique et Internet) ou encore les
« badges » d’attestation d’acquisition de connais-
sances/compétences dans les MOOC (Massive
Open Online Courses), exploitent des outils d’auto-
matisation de l’évaluation pour de grandes cohortes
d’apprenants.
Génération automatique de sujets d’évalua-
tion différenciés et équitables
Dans le cadre du projet DIFAIR, mené en collabora-
tion entre l’Université de Picardie Jules Verne et
l’Ecole Supérieure d’Infotronique d’Haïti, nous tra-
vaillons sur la
génération automatique de « QCM
différenciés et équitables ». C’est le sujet de thèse
de doctorat en cours de Richardson CIGUENE, en co-tutelle avec les deux universités.
La différentiation des sujets d’évaluations fait réfé-
rence à l’objectif de garantir une distance minimum
entre chaque paire de sujets générés. Pour ce faire,
on utilise la distance calculée sur la structure des su-
jets. On cherche ainsi à maximiser la disparité des
énoncés de questions, et en cas de questions iden-
tiques, maximiser la disparité des réponses asso-
ciées.
2 http://www.quickmath.com/
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L’équité est le fait de
minimiser l’écart-type entre le
niveau de difficulté de chaque paire de sujets géné-
rés. Pour cela, il faut, bien entendu, pouvoir mesu-
rer le niveau de difficulté d’un sujet.
Architecture de l’outil DIFAIRT-G pour la génération dede sujets d’évaluation différentiés et équitables
La figure ci-dessus schématise le fonctionnement
d’un outil conçu dans le cadre du projet DIFAIR pour
pouvoir générer les tests respectant ces critères de
de différentiation et d’équité. Il s’agit du système
DIFAIRT-G.« Le cycle de fonctionnement de DIFAIRT-G débute par la
constitution de cette base de TestItemPatterns. Cette der-
nière peut être construite directement par l’enseignant,
importée depuis des questions sources établies dans
YMCQ ou encore depuis des items respectant le standardIMS-QTI. Vient ensuite la génération automatique des
FairTests (tests équitables), paramétrée également par
l’enseignant qui définit les éléments tels que le nombre de
questions souhaité par sujet généré, le nombre de sujets
différents souhaité ou enfin le niveau moyen de difficulté
attendu. A partir de là sont créés en parallèle les sujets
d’examen (NonAnsweredTest) et les corrigés de chacun
des sujets générés (CorrectAnsweredTest). Une fois que
l’étudiant a composé, les copies rendues par l’étudiant
(StudentAnsweredTest) peuvent ensuite être réintégrées
dans le système en vue d’une correction automatique1.
Les résultats sont conservés dans la base des “TestRe-
sults”. Cette dernière doit pouvoir être par la suite analy-
sée sémantiquement et statistiquement en vue d'enrichir
la base des TestItemPatterns d’indicateurs visant à affiner
la caractérisation de la difficulté des questions construites
à partir de ces TestItemPatterns. » [Ciguené et al.,
2015].
Evaluations croisées
L’automatisation est aussi exploitée dans le cadre
des évaluations croisées ou évaluations par les
pairs. Cette méthode est notamment utilisée dans
le MOOC ITyPA.
ITYPA : INTERNET TOUT Y EST POUR AP-
PRENDRE ITyPA (http://www.itypa.mooc.fr/) est le premier MOOCconnectiviste (cMOOC) français et francophone. Iltraite des outils, méthodes et stratégies pour opti-miser l’usage d’Internet.
Organisation de la plateforme
L’organisation de la plateforme est faite autour de 5
animateurs. Tel qu’illustré dans la figure ci-dessous,
son contenu est réparti en divers onglets dont 1
blog général géré par les animateurs, des blogs indi-
viduels avec gestionnaire de flux RSS, des forums et
des groupes de travail, entre autres. Elle comprend
aussi un fil de discussion sur Tweeter, une chaîne
YouTube et exploite la plateforme Claroline
(http://www.claroline.net/) pour la gestion des évalua-
tions et des certifications.
Interface du MOOC ITyPA
Organisation de la formation sur la plate
forme
Les formations sur ITyPA sont organisées sur 10 se-
maines et sont thématisées. La première semaine
de formation est lancée avec une conférence web
animée par l’un des cinq animateurs. La conférence
comprend une intervention d’un expert ou témoi-
gnage d’un acteur et la présentation d’un défi et/ou
proposition d’activités lancée aux participants. Elle
est diffusée en direct sur la chaîne YouTube de la
plateforme. Les participants interagissent aussi en
direct en posant des questions ou en postant des
commentaires sur Twitter et YouTube. L’enregistre-
ment de la conférence peut aussi être retrouvée
après sur la chaîne YouTube.
Les activités sont réalisées par les participants et ils
se chargent aussi de la publication des résultats. Le
résumé d’actions et de productions liées à la forma-
tion sont aussi diffusées à travers une newsletter.
Des groupes locaux IRL (In Real Life) s’organisent au-
tour de l’ensemble de ces activités. Deux éditions de
ces formations ont été réalisées en 2012 et 2013.
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L’évaluation sur ITyP
L’évaluation sur le MOOC ITyPA se fait à travers la
plateforme Claroline où les apprenants doivent
s’inscrire. Cette plateforme permet de délivrer des
badges attestant des compétences acquises par les
participants. Une évaluation croisée du dossier depreuve de connaissances acquises de chaque parti-
cipant, est réalisée. Cette évaluation croisée met à
contribution 3 co-apprenants qui effectuent leur
évaluation selon une grille prédéfinie. Chaque ap-
prenant voulant être ainsi évalué s’engage à évaluer
lui-même d’autres co-apprenants.
La note finale attribuée aux participants est le résul-
tat de la moyenne des notes issues de ces trois éva-
luations. Cependant, si nécessaire, un arbitrage sur
la note finale à donner, en dehors des évaluations
par les co-apprenants, peut être effectué.
AUTRES ACTIVITES D’EVALUATIONS AUTO-
MATIQUES
Evaluation de l’apprentissage dans les COP
L’automatisation des évaluations est aussi prati-
quée dans les Environnements Informatiques sup-
ports à l’interconnexion de Communautés de Pra-
tiques (COP). Une COP permet à un groupe d’ac-
teurs de partager et échanger sur leurs pratiques
professionnelles. Dans une COP, les participants ap-
prennent les uns des autres sans aucun guidage pé-dagogique.
L’un des aspects de la mesure de la valeur dans une
COP est la possibilité pour chaque membre d’esti-
mer l’amélioration de compétences, connaissances
et savoirs des autres. L’apprentissage qui y est éva-
lué est l’acquisition ou le développement de com-
pétences et de savoir-faire. Cette évaluation est ré-
alisée principalement au bénéfice des membres de
la communauté (individuellement ou pour l’en-
semble des membres). L’évaluation est réalisée par
les membres eux-mêmes, par l’organisation, ou en-
core, éventuellement, par un community manager
ou d’autres acteurs impliqués.
Les preuves d’apprentissage sont obtenues par la
collecte automatique de traces d’activités et l’utili-
sation de certaines métriques. D’autres formes
d’évaluations peuvent éventuellement être appli-
quées : tests, productions individuelles ou collec-
tives, constitution de portfolios, etc.
L’analyse et la restitution des preuves d’apprentis-
sage peuvent aussi prendre différentes formes : no-
tations, validation du « niveau d’expertise » sur la
base des critères de la communauté ou encore par
une certification, entre autres.
Evaluation de
l’acti
vité dans un environne
ment pédagogique
Dans un environnement pédagogique l’analyse des
données d’une évaluation est effectuée dans l’ob-
jectif d’améliorer la planification pédagogique et le
protocole d’évaluation.
Cette analyse peut faire partie du travail d’analyse
de traces sur une plate-forme d’enseignement à dis-
tance à l’instar de la construction de tableaux de
bords pour guider l’apprentissage et l’automatisa-
tion des analyses de données d’apprentissage (Lear-ning Analytics).
CONCLUSION L’évaluation doit être pensée dès la conception du
dispositif d’apprentissage car cela aide à clarifier les
objectifs et à mettre en place les bonnes stratégies.
L’automatisation de l’évaluation doit être aussi pen-
sée dès ce moment-là. L’automatisation partielle ou
totale d’une évaluation doit répondre à un besoin
pédagogique ou une contrainte logistique, l’idéal
étant que l’informatisation apporte quelque chose
de concret à la pédagogie sans appauvrir ce que l’on
ferait de manière non automatisée.
Pour aller plus loin dans la thématique de cette pré-
sentation, je vous invite à consulter le contenu de
l’atelier « Evaluation des Apprentissages et Environ-
nement Informatique. EAEI 2015 » qui a été réalisé
lors de la conférence EIAH2015 à Agadir, au Maroc.
Il est accessible sur le lien suivant : http://liris.cnrs.fr/na-
thalie.guin/EAEI/EAEI2015.html .
REFERENCES [Ciguene et al., 2015] Ciguene, R., Joiron, C. & Dequen, G.2015. Vers la génération automatique de tests d’évalua-
tions différenciés et équitables en contexte universitaire.
Évaluation des Apprentissages et Environnements Infor-
matiques (EIAI 2015), Agadir, Maroc
[Lefevre et al., 2015] Lefevre, M., Guin, N., Cablé, B. &
Buffa, B. 2015. ASKER : un outil auteur pour la création
d’exercices d’auto-évaluation, Évaluation des Apprentis-
sages et Environnements Informatiques (EAEI 2015).
[Musial et al., 2012] Musial, M., Pradère, F. & Tricot, A.
2012. Comment concevoir un enseignement ? Editeur :
DBS Pédagogie.
8/16/2019 Actes de la JSESIH2015
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Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015
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38
SESSION 3 : RECHERCHE, INNOVATION ET SOCIETE Modérateur : M. Evens Emmanuel, Ing. PhD-HDR.
Directeur du Collège Doctoral d ’Haïti (CDH).
8/16/2019 Actes de la JSESIH2015
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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti
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39
La recherche scientifique pourla modernisation des soins desanté dans un pays à faibles
ressourcesMots clés : recherche en médecine, maladies infectieuses, gestion de soins
INTRODUCTION Je vais commencer par vous faire l’historique des
centres GHESKIO de 1979 à 2015 en mettant l ’ac-
cent sur l’apport, du point de vue de modernisation
de la médecine, particulièrement au niveau des la-
boratoires, des essais cliniques et de la recherche.
Chronologie sommaire des études cibles du
GHESKIO
1979-1982. Premières études sur les diarrhées in-
fantiles : première cause de mortalité infantile
1982-2015
Le VIH/SIDA : première cause de décès des
adultes
Les Infections Sexuellement Transmissibles
La tuberculose : 3e cause de décès des adultes
La malnutrition : cause majeure de mortalité
et morbidité des enfants Le Choléra qui a déjà fait 9.000 morts
2010-2015. La santé globale
GHESKIO signifie Groupe Haïtien d ’ Etude du Sar-
come de Karposi et des Infections Opportunistes. Ce
groupe a existé avant que le SIDA ait un nom. Il fal-
lait d’abord définir la maladie. Nous nous deman-
dions est-ce qu’il s’agissait des mêmes infections
opportunistes qu’on observait aux Etats-Unis ? Est-
ce qu’on pouvait les traiter ? Quels sont les modes
de transmission ? Ensuite, nous avons été plus au-
dacieux en nous demandant si l’épidémie pouvait
être contrôlée ?
Nous avons défini un modèle de préventions et de
soins en trithérapie. En 2003, on a étendu le modèle
GHESKIO à travers tout Haïti dans 47 centres. Il y
avait beaucoup d’insécurité à l’époque et lescentres GHESKIO se trouvaient dans des zones
rouges (fortement sensibles).
A partir de 2010, nous avons intégré la prise en
charge des urgences liées au séisme, l’épidémie de
choléra et les cyclones. A partir de 2012, nous avons
défini notre modèle de santé globale.
Nous sommes à l’origine de la première étude à
avoir jamais été réalisée dans un pays en voie de dé-
veloppement sur le SIDA et ses principaux symp-
tômes : les diarrhées chroniques, les manifestationscutanées et les manifestations pulmonaires.
Les diarrhées chroniques étaient causées par des
coccidies et le traitement contre ces coccidies a été
découvert en Haïti par notre groupe. Les manifesta-
tions cutanées, spécifiquement les sarcomes de Kar-
posi et les lésions prurigineuses, ont été décrites par
le Dr Liautaud.
Les manifestations pulmonaires étaient, pour plus
de 50% des patients observés, des cas de tubercu-
lose.
M. Jean William PAPE
MD.
Interniste et infectiologueFondateur des centres de recherche et de
soins GHESKIO
L’OMS nous a combattus pendant 20 ans en disant que nostraitements contre la tuberculose allaient créer des résis-
tances. Il y a à peu près 5 ans, au vu de nos résultats, elle a ad- mis que notre intervention était l’intervention publique la plus
utile du point de vue coût/efficacité.Nous pratiquons une gestion intégrée, simultanée de plus de
50 projets de services et de recherche, une gestion du proces- sus de recrutement avec suivi des candidats dès l’université . Et
nous avons plus de 250.000 patients/visites par année.
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L A MORTALITE INFANTILE LIEE A LA
DIARRHEE Entre 1965 et 1979, une étude a été faite par le Dr
Lambert Jasmin, dans le cadre d’une thèse en Bel-
gique, sur la mortalité infantile. Les résultats ont in-
diqué que la mortalité était autour de 40 à 44%. Cerésultat a été confirmé dans mes travaux en 1979.
La mortalité infantile était tellement importante
que j’ai dû arrêter des études sur l’étiologie pour dé-
velopper une marche à suivre pour contribuer à la
diminuer.
Pourquoi les enfants mouraient ? On ne meurt pas
de diarrhée mais de déshydratation. La situation
était la suivante. Les enfants arrivaient à l’hôpital,
dans la salle d’attente où ils continuaient de se dés-
hydrater. Quand, enfin, ils voyaient le médecin, ce-
lui-ci prescrivait des antibiotiques, des anti-diar-rhéiques –on sait que ça ne servait à rien – et égale-
ment des solutés intraveineux. Les parents allaient
chercher ces médicaments à la pharmacie. Quand et
s’ils arrivaient à les trouver en tout ou en partie,
l’enfant était déjà décédé.
A l’époque, il n’y avait pas Internet. J’ai été à Cornell
University pour essayer de voir ce qui se faisait dans
les études sur la diarrhée. Il s’est trouvé qu’il y avait
une étude sur le choléra, menée au Bangladesh, où
ils proposaient une solution de réhydratation orale
avec du glucose. L’absorption du glucose favorise
l’absorption de l’eau et des électrolytes. J’ai importé
cette solution en Haïti et cela a permis de faire chu-
ter la mortalité à moins de 1%.
Deux ans après, le Ministère de la Santé a mis en
place un programme national de lutte contre la diar-
rhée avec notre unité comme centre de formation.
Nous avons pu ainsi former plus de 14.000 travail-
leurs de santé et plus de 155.000 parents et il y avait
désormais un centre de réhydratation dans chaque
département du pays. En l’an 2000, le nombre d’ad-missions a chuté à 200 contre 7.000 en 1979. La
mortalité infantile nationale qui était de 144 pour
1.000 quand on a débuté a chuté à 57 pour mille (Cf.
Graphes ci-contre).
Dans une étude réalisée par le CDC-EMMUS [Pape,
1988], on a pu voir qu’entre 50 et 72% des mères,
en fonction de leurs connaissances, utilisent le sé-
rum oral. Cette étude a été extrêmement utile
quand le choléra est arrivé.
Taux de mortalité infantile enregistrés à l ’ Hopital de
l ’ Université d ’ Etat d ’ Haiti entre 1965 et 2000
Taux de mortalité infantile nationale entre 1980 et 2008
Les autres maladies infectieuses liées à la
diarrhée.
Lafièvretyphoïde
Il y avait un diagnostic très répandu qui était celuide « typho-malaria ». Ce diagnostic n’existe pas : on
est atteint soit par la typhoïde, soit par la malaria.
Le problème venait du fait que les médecins utili-
saient un test connu sous le nom de Vidal, qui don-
nait des faux positifs pour la typhoïde.
De notre côté, nous avons mené une étude avec hé-
moculture, et documenté l’efficacité d’un autre an-
tibiotique pour traiter la typhoïde [Pape et al.,
1986].
LeCryptosporidium
25% des cas de diarrhée chez les enfants. C’était, en
1986, la première documentation d’importance
dans le pays là-dessus [Pape et al., 1987].
Lesparasitesintestinaux
25 à 75% de cas de diarrhée sur une cohorte de
6.000 enfants scolarisés au niveau national [Cham-
petier de Ribes et al., 2005].
DE LA DIARRHEE DES ENFANTS AU SIDAMes collègues internistes à l’HUEH (Hôpital de l’Uni-
versité d’Etat d’Haïti) m’ont demandé de voir desadultes qui souffraient de diarrhées chroniques. Je
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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti
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41
me suis trompé au départ car j’ai cru qu’il s’agissait
de tuberculose. En fait, 50% avaient effectivement
cette pathologie. On les traitait en conséquence
mais la tuberculose récidivait.
J’avais constaté que des patients observés à l’hôpi-
tal Sloan Catherine Memorial à New York, spécialiséen cancer où j’ai passé deux ans, présentaient des
similarités avec ceux observés à l’HUEH. En fait, il
s’agissait des premiers cas de SIDA dans le pays.
On a formé un groupe qui va donner naissance aux
centres GHESKIO avec Dr Vergnaud Pean, patholo-
giste, Dr Marine Myrtha Saint-Amand, gastro-enté-
rologue, Madame Rossi, technicienne de labora-
toire –malheureusement, ces trois personnes ne
sont plus des nôtres aujourd’hui – les Dr Claude La-
roche, Pathologiste, Jean Robert Mathurin, inter-
niste, cardiologue, Franck Thomas, chirurgien en-
doscopiste et Bernard Liautaud, dermatologue.
Dès le départ, on a mis en place un service de for-
mation avec des partenariats nationaux et interna-
tionaux et projeté de faire de l’excellence en re-
cherche. Certains de nos travaux ont été récompen-
sés en conséquence.
Reconnaissance nationale
Prix Léon Audain (AMH)
Secteur Privé : Création de la Fondation
FHAME (1993)
Etat : Statut d’Utilité Publique (2000)
Reconnaissance Internationale
Prix Mérieux Institut de France (Paris)
Prix Carlos Slim (Mexico)
Prix Bill and Belinda Gates (Washington, DC)
Prix OMS STOP TB (Cape Town)
LES DEFIS DU GHESKIO DE 1982 A 2015Les plus âgés peuvent se rappeler que Centers for
Disease Control (CDC) avait mis les Haïtiens dans lacatégorie des quatre « H » : les Homosexuels, les
Héroïnomanes, les Hémophiles et comme les
Haïtiens n’étaient dans aucune de ces trois catégo-
ries, ils ont pensé à quelque chose de proprement
Haïtien qui constituait le quatrième « H ». Cela a fait
énormément de tort à la population Haïtienne. Une
étude a montré que les Haïtiens avaient en réalité
les mêmes facteurs de risque que les autres peuples
du monde.
En 1983, 50% de la population des séropositifs
étaient des homos/bisexuels, jusqu’à 70% deshommes, 25% avaient reçu une transfusion de sang
et 50% des femmes l’avaient reçue de la banque de
sang qui utilisait des donneurs payés. Et un petit
groupe d’environ 20% pour lesquels il n’y avait pas
de facteurs de risque [Pape & Johnson, 1988].
Lorsqu’on a parlé de transmissions hétérosexuelles,
personne n’y a cru parce qu’on pensait qu’il fallaitabsolument être dans les catégories répertoriées
pour être séropositif. En 1985, le CDC a enlevé les
Haïtiens des groupes à risque et les a placés dans la
catégorie « Autres », en raison des études épidé-
miologiques suggérant que la transmission hétéro-
sexuelle et l’exposition aux individus contaminés
jouent un rôle dans la transmission. Pour cela, ils
ont fait référence à deux de nos études [Pape et al.,
1983 ; Pape et al., 1984]. Les choses évoluant rapi-
dement, à partir de 1987, la transmission hétéro-
sexuelle est devenue la plus importante et reste laplus importante aujourd’hui à travers le monde.
Les maladies sexuellement transmissibles
Les maladies sexuellement transmissibles favori-
sent la transmission du SIDA. Nous avons fait une
étude sur 475 couples discordants, c’est-à-dire des
couples dont l’un des partenaires est infecté et
l’autre, homme ou femme, non infecté.
Tel que présenté dans le graphe ci-dessous, quand
le partenaire non infecté a des ulcères génitaux,
cela augmente de presque 7 fois les risques detransmissions. Quand il a la syphilis presque, de 3
fois et des pertes génitales, de 2,5 fois.
Facteurs influençant les risques de contamination au VIH
Est-ce que les préservatifs protègent ? Absolument.
Si vous n’utilisez pas de préservatifs, les risques
d’attraper le SIDA sont 7 fois plus élevés. Nous
avons donc commencé à nous attaquer à ces mala-
dies sexuellement transmissibles.
On n’entendait pas beaucoup parler de la syphilis
congénitale, et pourtant c’est une maladie très
grave qui se transmet plus facilement de la mère à
l’enfant que le VIH-SIDA.
Nous avons fait deux interventions au départ :
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Rendre le test de syphilis plus accessible
aux patients
Tester systématiquement pour la syphilis
quand on faisait un test pour le VIH
Ces deux interventions ont permis de réduire consi-
dérablement le nombre de cas de syphilis congéni-tales. Ensuite nous avons eu la chance d’être l’un
des quatre centres au monde disposant d’un test ra-
pide pour la syphilis qui permet en quelques mi-
nutes d’avoir le diagnostic. Pourquoi est-ce impor-
tant ? Parce que le traitement est facile, il suffit
d’une seule injection de pénicilline pour empêcher
la transmission de la mère à l’enfant et deux injec-
tions pour traiter la mère. C’est une maladie que
nous avons à cœur d’éliminer en Haïti.
Cancer du col et HPVVous avez peut-être entendu parler du cancer du col
de l’utérus et de son association avec le virus du pa-
pillome humain (HPV). Haïti est malheureusement
le pays où il y a le taux le plus élevé de cancer du col.
Ce cancer du col est associé à certains sérotypes de
virus du papillome humain, pas tous ; il fallait donc
savoir quels seraient les sérotypes rencontrés en
Haïti. Nous avons mené une étude de population
sur une population de femmes séropositives et une
autre avec des travailleuses du sexe. Pour ces deux
populations, respectivement 55% et 35,5% avaient
déjà des sérotypes cancérigènes. On a pu isoler ces
sérotypes.
Nous avons actuellement un test disponible depuis
deux ans chez nous, qui permet de faire le diagnos-
tic de ces sérotypes et qui est beaucoup plus précis
que tout autre test de détection du cancer du col.
Le SIDA et la trithérapie
Revenons maintenant au SIDA et la trithérapie.
Pourquoi j’en parle ? Parce que des ténors, comme
le professeur Robert Gallo, avaient affirmé qu’il nefallait pas que la trithérapie soit pratiquée dans les
pays en voie de développement car « cela va entraî-
ner des résistances. Et ces résistances vont retour-
ner chez nous ».
Ce n’était pas du tout le cas. La première étude que
nous avons faite sur 1.000 patients dont les résul-
tats ont été publiés en 2005 [Severe et al., 2005],
montre que, à 1 an, la survie est de 90%, alors que,
quand il n’y avait pas de trithérapie, 90% des séro-
positifs mouraient en 1 an (Cf. graphe ci-dessous).
Estimation de Kaplan-Meier de la survie des patients re-
cevant la trithérapie en Haïti
Les résultats d’une deuxième étude sur la même co-
horte ont montré que la survie à 5 ans est de 75%.
Nous avons un autre papier accepté par « The New
England Journal of Medicine » et qui sera publié
dans les prochaines semaines, sur une étude qui
montre une survie à 10 ans de 65% sur la même co-horte. Ce sont les mêmes résultats obtenus par les
études sur des cohortes américaines.
Maintenant, pour les enfants nous avons la même
situation : sans trithérapie ils meurent très tôt. Nous
avons fait une étude sur des populations d ’enfants
Haïtiens à Miami et d’enfants Haïtiens en Haïti et
avons pu constater que, pour les deux populations
en l’absence de trithérapie, les enfants d’Haïti mou-
raient plus vite que ceux de Miami. La cause était la
malnutrition. Avec la trithérapie, il y a 80% de survie
à 2 ans.
Nous nous sommes penchés également sur les pro-
blèmes de malnutrition. Nous avons d’abord intro-
duit un supplément qui est le médicament Mamba,
fabriqué en Haïti (au Cap-Haïtien) et qui est très
riche en protéine au bénéfice des enfants exposés
au VIH. Nous avons continué par l’éducation des
mères, un support social avec le club des mères,
pour qu’elles partagent entre elles leurs expé-
riences.
Nous avons aussi intégré à ce programme des ser-vices de facilitation d’accès aux vaccins, au sérum
oral, à l’eau potable. Avec ces interventions, les re-
tards de croissance chez les enfants ont chuté de
65%. Depuis sa création, plus de 5.000 enfants ont
pu en bénéficier.
Tuberculose et SIDA
Nous avons fait une étude qui a montré que les sé-
ropositifs ont 10 à 20 fois plus de chances de déve-
lopper la tuberculose que les personnes non infec-
tées par le VIH. Nous avons utilisé un médicament,
l’Isoniazide, dont on a prouvé l’efficacité pour em-
pêcher l’apparition de la tuberculose maladie.
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Recherche scientifique, innovation et développement dans un pays du Sud : Haïti
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L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) nous a
combattus pendant 20 ans en disant que cela allait
créer des résistances etc. Il y a à peu près 5 ans,
ayant vu qu’il n’y avait pas de résistance, cette or-
ganisation a admis que notre intervention était l’in-
tervention publique la plus utile du point de vue
coût/efficacité.
Une troisième étude a montré que les personnes
qui viennent nous voir pour un dépistage du SIDA et
qui toussent, ont 33% de chance d’avoir une tuber-
culose maladie active. Nous sommes sans doute
l’une des rares institutions au monde à faire le dia-
gnostic et le traitement de la tuberculose le même
jour.
FORMATION DES TRAVAILLEURS DE SANTE
En parallèle à nos activités de recherche, nous assu-rons aussi de la formation. Nous avons une forma-
tion pour différents travailleurs de santé et égale-
ment pour la communauté. Nous avons également
des formations spécialisées que nous assurons en
particulier avec l’université Quisqueya, la fondation
Mérieux et Cornell University.
En collaboration avec le laboratoire national de
santé publique du MSPP (Ministère de la Santé Pu-
blique et de la Population), nous avons mis en place
un programme pour la formation de techniciens de
laboratoire en 2003. Nous avons mis en place notrepremier programme de maîtrise en Santé Publique
en 2005 et de spécialisation en Soins Infirmiers
VIH/TB en 2009.
Au niveau de nos services, en 2015, 33% de tous les
patients qui reçoivent des antirétroviraux en Haïti,
les reçoivent dans notre réseau. En 2015, il y a un
peu plus de 65 000 personnes qui reçoivent les an-
tirétroviraux en Haïti et la prévalence du VIH a chuté
dans le pays. A Port-au-Prince, la prévalence est à
1,9%, un pourcentage moins élevé qu’à Washington
DC.
CONSTRUCTION DE NOUVEAUX CENTRES
DE SOIN En 2009, nous avons monté à Tabarre, près de l’Am-
bassade Américaine, le centre Warren Johnson et le
laboratoire Rodolphe Mérieux. Malheureusement,
moins d’un an après, nous avons eu, comme vous
savez, ce séisme dont nous avons tous beaucoup
souffert. Quatre membres de notre staff sont morts,
20% avaient perdu un membre de leur famille, 70%
ont eu leur maison détruite et 65% des immeubles
des deux centres GHESKIO ont été détruits ou sé-
rieusement endommagés.
L’hôpital pour la tuberculose à Siguenau avant et après le
séisme du 12 janvier 2010
Vous pouvez voir sur l’image ci-dessus l’hôpital pour
la tuberculose à Siguenau avant le séisme (à gauche)
et après le séisme (à droite). Nous avons dû placer
les gens sous des tentes.
Nous avons constitué un centre pour déplacés, dans
les locaux de GHESKIO, qui a reçu plus de 10.000
personnes. Nous avons dû mettre en place un hôpi-
tal d’urgence parce qu’on ne recevait plus seule-
ment des patients séropositifs. Nous recevions des
gens qui étaient terriblement blessés et il fallait en
prendre soin. Près de 2.000 opérations ont été pra-
tiquées dans l’hôpital d’urgence. Puis, les Dr Hans et
Jessie Larsen ont mis en place chez nous une unité
de réhabilitation où ont été traitées plus de 8.000
personnes.
Il fallait assurer un programme de santé global pour
les déplacés qui étaient nombreux et qu’il fallait ai-
der. Ce programme leur a assuré l’approvisionne-
ment en eau potable dès le premier jour. Il fallait
aussi mettre en place un comité pour gérer le camp,
effectuer des enquêtes journalières sur les patients
avec de la fièvre, toux, diarrhée et éruptions cuta-
nées, immuniser les enfants et les femmes en-
ceintes, organiser la prévention de la violence du
genre et des Infections Sexuellement Transmissibles
(IST), mettre en place une école primaire et voca-
tionnelle. Ce qui est arrivé était dur pour nous,
parce que nos enfants étaient à l’école alors que
nous voyions ces enfants tourner en rond. Nous
avons d’abord commencé cette école sous des
tentes et mis également en place une école voca-
tionnelle qui était, au départ, dédiée aux métiers de
la construction.
L’ ARRIVEE DU CHOLERA Moins de 10 mois après le séisme arrivait le choléra.
Cette épidémie de choléra est la plus grave que le
monde n’ait jamais connu. En 1991, le Pérou était le
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pays avec la prévalence au choléra la plus impor-
tante. Celle d’Haïti est 4 fois plus élevée que celle du
Pérou. Ce n’est donc pas étonnant que nous ayons
à déplorer 9.000 morts des suites de cette épidé-
mie.
L’arrivée du choléra a créé une forme de panique.Le staff médical portait des masques, ce qui est tout
à fait absurde, car cela ne se transmet pas par voie
aérienne contrairement à la tuberculose. Certains
patients disaient qu’ils préféraient avoir le SIDA, les
fidèles à l’église ne se donnaient plus la main, les
hôpitaux et les parloirs funèbres refusaient de rece-
voir des patients décédés du choléra.
Nous avons mis en place des salles de traitement de
choléra dans les deux centres GHESKIO. Les seules
autres organisations qui étaient sur le terrain
étaient des organisations étrangères. Nous avons
monté une usine de chlore et on a proposé le vaccin
oral contre le choléra. Nous avons mis en place des
points de réhydratation à l’intérieur du bidonville
Cité de Dieu où on nous amenait les patients par
brouettes.
Notre usine de chlore a une capacité de production
pouvant traiter 100.000 personnes. Nous avons dis-
tribué des jerricanes, organisé des séances de la-
vage des mains. La communauté nettoie mainte-
nant énormément le bidonville et les gens disentqu’ils n’ont plus honte d’habiter là. La catastrophe
quand l’Etat ne nettoie pas le canal du Bois de
Chêne est qu’on hérite des lots de détritus qui ren-
trent chez nous.
Nous avons poussé très fortement le vaccin contre
le choléra. J’ai eu à le faire personnellement dès le
lendemain de la déclaration de l’épidémie. Le CDC
était contre, l’OMS était contre, PARO était contre.
Ils nous ont mené une guerre. Nous avons pu, grâce
au soutien de quelques amis, administrer 100 000
doses de vaccins dans des grands bidonvilles. Quelsont été les résultats ? Nous avons eu plusieurs pu-
blications et l’OMS, à la suite de nos études, a
changé son guide de traitement pour recommander
l’usage des vaccins pendant les épidémies de cho-
léra. Il y a eu plus de 10 million de doses adminis-
trées dans le monde dont 600.000 en Haïti. Nous
n’avons plus le choléra dans notre zone d’interven-
tion.
Dans le graphe (ci-dessous) nous avons la situation
du choléra en Haïti en 2015 et une comparaison
d’Haïti à l’Afrique. En 2015, Haïti a eu beaucoup
moins de cas de choléra soit un peu plus de 2000
cas. Cependant, nous avons quand même plus de
cas de choléra que les 3 épidémies réunies en
Afrique (Cf. graphe ci-dessous). La majorité des cas,
plus de 50%, se trouvent dans 4 départements :
l’Ouest, le Nord, l’Artibonite et le Centre.
Nombre de cas de choléra en Haïti comparés aux
nombres de cas dans les pays les plus touchés en Afrique
Sur le graphe ci-dessous, nous avons les courbes des
nombres de cas qui ont été admis chez nous. La
courbe d’en haut (en bleu) représente tous les cas
qui ont été admis (diarrhées, choléra et autres). En
vert, ce sont les cas de choléra venus de l ’extérieur
de notre zone d’influence et la courbe en rouge, ce
sont les cas qui sont dans notre zone d ’influence.
Aucun de ces patients n’avait été vacciné.
Nombre de patients admis dans les centres GHESKIO
entre janvier et août 2015
AVANCEES : CENTRE DE TRAITEMENT DES
DIARRHEES Installations de biodigesteurs
Nous avons monté un centre de traitement des diar-
rhées, pas seulement du choléra, d’une capacité de
100 lits avec le plancher en hypoxie qui empêche la
transmission des germes. Mais ce qui est le plus im-
portant, c’est que nous avons quatre biodigesteurs
sous l’hôpital qui nous permettent d’éliminer/stéri-
liser des déchets humains sur place. En Haïti, la ma-
jorité de la population vit dans les zones côtières,
c’est-à-dire, au niveau le plus proche du niveau de
la mer. Nous ne pouvons donc pas utiliser des la-trines ou des toilettes normales. Quand on chasse,
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tous ces déchets vont dans le sol et vont infiltrer
notre nappe phréatique. Ces 4 biodigesteurs empê-
chent par conséquent la destruction de notre nappe
phréatique et sont dans ce sens extrêmement im-
portants.
Diagnostic des diarrhées
Nous disposons de deux appareils MAGPIX de la
compagnie Luminex qui nous permettent de déter-
miner en 90 minutes et simultanément les causes
de la diarrhée infectieuse pour 15 des germes les
plus fréquents représentant 99% de tous les cas de
diarrhées. Avant, au tout début, cela prenait 6 mois
pour isoler un seul germe et on ne pouvait pas le
faire en Haïti : il fallait envoyer les échantillons en
Virginie (Etats-Unis).
LES NOUVELLES PRIORITES DE GHESKIOLa tuberculose multi résistante
Un mot important sur la tuberculose multi-résis-
tante car cette pathologie va devenir plus impor-
tante pour nous que toutes autres maladies. En ef-
fet, nous traitons la tuberculose de façon régulière.
Ce traitement dure 6 mois et coûte à peine 25 dol-
lars américains. Le traitement de la tuberculose
multi-résistante dure 24 mois et coûte 10.000 dol-
lars américains par année. C’est une vraie catas-
trophe car elle s’attrape de la même façon.
Le graphe ci-dessous montre le nombre de cas de
tuberculose traités à GHESKIO de 2009 à 2014, en 3
groupes différents : le groupe pédiatrique (en bleu),
les adolescents (en rouge) et les adultes (en vert).
Nombre de cas de tuberculose diagnostiqués de 2009 à 2014,
chez des enfants, des adolescents et des adultes, dans les
centres GHESKIO
Les enfants sont ce qu’on appelle des cas senti-
nelles, c’est-à-dire, chez eux l’infection devient ma-
ladie très vite. Regardez sur le graphes l’augmenta-
tion du nombre de cas dans le groupe pédiatriqueaprès le séisme en 2010. Quand nous avons vu cette
augmentation, nous avons su qu’on avait un pro-
blème.
Le tableau ci-dessous regroupe les données des dix
plus grands centres de tuberculose d’Haïti. En 2014,
nous avions 2.719 cas. Les autres centres en rappor-
taient un peu moins tel que le Sanatorium de Port-au-Prince avec 737 cas. Le nombre de cas total pour
ces dix centres s’élevait à environ 6.000. Les Etats-
Unis comptaient 9.421 cas pour la même période.
Nombre de cas traités dans les 10 plus grands centres de
traitement de la tuberculose en Haïti
Au laboratoire P-3 de Rodolphe Mérieux où les tech-
niciens peuvent manipuler plusieurs germes infec-
tieux grâce à un niveau de protection maximal, nous
disposons d’un test par Gen-Xpert de la compagnie
Cepheid, qui permet de faire le diagnostic de la tu-
berculose en 1h30 contre un délai pouvant aller
jusqu’à deux mois auparavant. En 2014 nous avons
réalisé 43.000 tests. A titre de comparaison, le labo-
ratoire de référence à Albanie en effectue à peine
1.000 par année. Nous sommes le seul laboratoire
en Haïti à effectuer ces tests et nous constatons que
le nombre de cas de tuberculose multi-résistante
augmentent. C’est inquiétant.
Nous avons monté en ce sens un hôpital de cam-
pagne pour les cas de tuberculose multi-résistante
où nous utilisons des tentes pour recevoir les pa-tients, à raison d’une tente par patient. Récem-
ment, nous avons inauguré le pavillon Ludwig qui
offre aux patients devant passer un long séjour à
l’hôpital, un milieu agréable. Nous avions eu deux
cas de suicide auparavant, à cause de la mauvaise
qualité des médicaments. Mais ce sont les seuls
dont nous disposons. Très souvent les patients ne
veulent pas les recevoir et les infirmières ne veulent
pas les leur administrer.
Le patient passe 4 à 6 mois à l’hôpital, et à peu près
20 mois chez lui. Nous avons une équipe mobile
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avec une moto. Celle-ci dispose d’un GPS et la mai-
son du patient est aussi géolocalisée. De ce fait, on
peut s’assurer que la moto arrive à destination où le
personnel mobile prend les signes vitaux du patient
et la photo du patient en train de prendre son mé-
dicament. Toutes ces informations sont ensuite en-
voyées à une base de données.
Avec ce programme très contraignant, parce qu ’il
est fait deux fois par jour, et dans les deux centres
GHESKIO, nous couvrons jusqu’à Léogâne. Notre ré-
ussite est de 80% de survie. La réussite internatio-
nale est de 40%. Le programme est très dur mais
nous pensons qu’il est nécessaire pour sauver nos
patients.
La santé globale
Dans un pays comme Haïti, il est possible pour beau-coup de se dire : « A quoi ça sert de se préoccuper
de sa santé si on ne peut pas envoyer ses enfants à
l’école, si on souffre de malnutrition ou si on n’a pas
de travail ? ». C’est ce qui nous a poussés à monter
l’Ecole Primaire Prince Albert II de Monaco. J ’étais
très inquiet au départ car ce n’est pas ma spécialité.
Nous avons donc fait appel à la BDE qui nous a beau-
coup aidé. Tous nos élèves ont réussi l’examen de
Certificat (6 année fondamentale) et nous avons
même eu trois lauréats.
Nous avons actuellement un centre nutritionnelmère-enfant qui n’est pas encore ouvert et une
école vocationnelle que nous avons mise en place
pour les travailleuses du sexe et pour les femmes
qui ont été violées. Le résultat du talent de ces per-
sonnes est extraordinaire.
LES CENTRES GHESKIO AUJOURD’HUI
EN QUELQUES CHIFFRES
Recherche et publications
La productivité en recherche se mesure par les pu-
blications scientifiques. Comme on dit en anglais :« Publish or Perish ».
De 2012 à octobre 2015, nous avons eu 75 publica-
tions, soit près de deux publications en moyenne
par mois.
La qualité de la recherche est importante ainsi que
l’organisation et la participation à des conférences
internationales. Nous faisons partie du réseau inter-
national ACTG (AIDS Clinical Trials Group) pour le
traitement du SIDA. Parmi tous les sites internatio-
naux de ACTG, GHESKIO est le site le plus perfor-mant depuis 2012.
Nous avons organisé des conférences avec le CCA-
SANET (Caribbean, Central and South America Net-
work), qui implique 8 pays de l’Amérique Latine, un
pays de la caraïbe, Haïti et un pays de l’Amérique du
Nord, les Etats Unies. Nous avons eu cette année à
organiser la conférence Charles Mérieux (le 25 fé-
vrier 2015) avec les doyens de différentes facultés
de médecine.
Ce qui a contribué à notre réussite, ce sont nos par-
tenaires nationaux et internationaux ; l’intégration
et l’implication de la communauté ; notre affiliation
à plusieurs réseaux internationaux de recherche ;
l’augmentation de la capacité de l’institution : les in-
vestissements dans les laboratoires, la collection et
la gestion des données, la recherche clinique,
l’éthique.
Nous faisons partie des réseaux de recherche sui-
vants et sommes membres fondateurs de plusieurs
d’entre eux :
1.
NIH HIV Vaccine Trial Network (HVTN)
2.
NIH Adult Clinical trial group (ACTG)
3.
Founder and Member Caribbean, Central
America, South America, Network (CCASANET)
4.
Founder and Member Trans-Caribbean
HIV/AIDS Research Initiative (TCHARI)
5.
Member Caribbean HIV/AIDS Regional Train-
ing Center (CHART)
6.
Founder and Member of the GABRIEL networkof Fondation Mérieux
On ne peut pas envisager de faire de la bonne re-
cherche sans éthique. Chacun de nos projets de re-
cherche est soumis au comité d’éthique du
GHESKIO, composé de 10 membres indépendants,
au comité d’éthique de Cornell et au comité
d’éthique national. Nous avons publié un certain
nombre de papiers sur l’éthique.
Informatisation
Nous avons aussi à cœur l’innovation informatique
dans nos activités. GHESKIO est l’unique institution
en santé en Haïti avec des dossiers médicaux inté-
grés, totalement informatisés, créés pour les be-
soins propres de l’institution ; avec des opérations
de saisies des données dans nos points de services
(réalisées par des prestataires externes) ; une base
de données avec plus de 500.000 patients uniques
avec des milliers de variables, sur près de 30 ans.
Nous avons un réseau informatique intégré sur nos
deux sites comprenant plus de 300 ordinateurs, 2serveurs, une Active Directory pour contrôler l’accès
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au système, un Firewall avec filtrage de contenu et
système de prévention d’intrusion ; des salles de
serveurs verrouillées, des systèmes d’alimentation
électrique sans interruption (UPS) à très grande ca-
pacité sur les deux sites, une protection antivirus
centralisée.
Equipes et organisation
Nous sommes aujourd’hui un staff de 16 personnes
qui comprend des programmeurs, des statisticiens,
des gestionnaires de données et des ingénieurs de
réseaux. Nous disposons d’un dossier électronique
médical intégré et multi-site, avec 6 modules cli-
niques, 2 modules de laboratoire et 3 modules pour
la pharmacie. Nous pratiquons une gestion inté-
grée, simultanée de plus de 50 projets de services et
de recherche, une gestion du processus de recrute-
ment avec suivi des candidats dès l’université. Nousavons plus de 250.000 patients/visites par année.
CONCLUSION En résumé, malgré la situation difficile du pays,
GHESKIO est devenu le plus grand centre de traite-
ment du SIDA et de la tuberculose des Amériques.
Nous avons pu arriver à cela grâce à des méthodes
nouvelles et modernes. Cela comprend les tests ra-
pides introduits pour le diagnostic et la prise en
charge des diarrhées infectieuses incluant le cho-
léra, le VIH-SIDA et autres maladies sexuellement
transmissibles, et la tuberculose, pour développer
des modèles intégrés de prévention et de traite-
ment et faire avancer la médecine en Haïti.
Ces réalisations ont été possibles grâce à un parte-
nariat local et international qui n’a fait que s’inten-
sifier et continue de se renforcer.
L’équipe principale des centres GHESKIO
Nous avons plusieurs équipes mais ceux-là sont les plus
anciens de notre institution et ils sont très importants.
Principaux collaborateurs internationaux
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Réponse aux catastrophes na-turelles : en quoi la rechercheest-elle vraiment uti le ?Mots clés : gestion de risques et désastres, catastrophes naturelles, surveil-
lance sismique, surveillance tsunamique
INTRODUCTION Je remercie l’ESIH de m’avoir invité à participer à
cette 3e journée scientifique. Ce qui me donne l’op-
portunité de partager avec vous quelques réflexions
sur le rôle de la recherche dans la gestion des
risques et des catastrophes. Evidemment, nous par-
lons de recherche scientifique fondamentale, et son
corollaire, la recherche appliquée. Pour introduire la
question, faisons un constat. Presque tous les jours,on annonce dans les médias, une catastrophe à tra-
vers le monde. Ou encore, on commémore l’anni-
versaire d’une catastrophe. Ce qui veut dire que la
question de la gestion des risques et désastres, c’est
une question qui est toujours d ’actualité. La de-
mande d’explications, de prévisions et d’anticipa-
tion est donc forte. Cette demande d’explications
est aujourd’hui en pleine évolution à travers le
monde et ceci pour trois raisons majeures.
La première, c’est que l’on n’accepte plus ces phé-
nomènes naturels comme une fatalité. Autrefois
les gens pensaient, quand il y avait un phénomène
naturel, que c’était dû à une volonté divine : Dieu
voulait punir ses enfants, donc c’est une fatalité. Au-
jourd’hui, la science est en mesure d’expliquer l’ori-
gine de ces phénomènes donc les gens n’acceptent
plus ceci comme une fatalité.
La deuxième raison, c’est que les risques vont crois-
sants avec l’explosion démographique. Autrement
dit, plus il y a de gens à occuper un espace, plus les
risques seront importants. En 1965, il y a 50 ans decela, la population mondiale était de 3.3 milliards
d’habitants. Aujourd’hui, nous sommes à 7.3 mil-
liards d’habitants. Donc les risques vont augmenter
surtout dans les pays en voie de développement.
Et la troisième raison, c’est qu’il y a un besoin de
sécurité qui s’accroît dans toutes les sociétés. Au-
jourd’hui, à travers le monde, on n’accepte plus
qu’après une catastrophe les dirigeants viennent
nous dire que « Je suis désolé, on ne savait pas ». Il
y a maintenant des moyens pour prévenir tout ça.
De ce fait, une professionnalisation s’impose. C’est
devenu une nécessité. Et ces gestionnaires ont be-
soin de données fiables fournies, pour la plupart,
par une constellation de satellites équipés de détec-
teurs qui collectent des données dans toutes les ré-
gions du spectre électromagnétique, d’où l’immix-
tion de la recherche appliquée en gestion des
risques et des désastres.
Donc le souci d’engager un développement durable
prenant en compte ces risques dans les bassins oùils sont présents, constitue un cadre désormais in-
contournable. Quel que soit le pays à travers le
monde, là où les risques peuvent impacter une ré-
gion, il faut se dévouer à la gestion des risques et
des désastres.
RISQUES ET CATASTROPHES Nous allons parler de risques et de catastrophes.
Faisons le point sur ces termes. En gestion des
risques et désastres, le risque est le croisement
entre l’aléa d’une part et les enjeux et leurs vulné-
rabilités d’autre part. L’équation du risque est la sui-
vante :
M. Claude PREPETIT
Ing.
Géologue
Ingénieur au Bureau des Mines et de
l’Energie d’Haïti
« Le pays est exposé à des phénomènes naturels d’ordre géo- logiques, hydrologiques et météorologiques.
Il nous faut une autre approche dans la gestion des risques etdes désastres ; il nous faut professionnaliser ce métier de ges-
tionnaire du risque et donner l’importance qu’il faut à lascience. »
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Risque = Aléa ou menace + la vulnérabilité des en-
jeux
La première composante du risque est l’aléa ou me-
nace qu’il faut savoir évaluer. L’aléa est un proces-
sus naturel. On n’a donc pas trop d’emprise dessus.
Par contre, on peut le maîtriser, et pour cela, il fautl’identifier. Tandis que la vulnérabilité, c’est l’impact
de l’aléa sur les vies et les biens. Pour ce qui est des
enjeux, il en existe plusieurs types : la population,
l’habitat, les infrastructures routières, les infrastruc-
tures électriques sont des enjeux. La question est de
savoir est-ce que ces enjeux-là sont vulnérables. En
croisant la composante aléa ou menace qu ’il faut
évaluer à la vulnérabilité qu’il faut également éva-
luer, on obtient le risque.
Quelles sont les menaces naturelles ? Pour citer des
menaces majeures, on peut parler des séismes, des
tsunamis, des cyclones, des inondations, des mou-
vements de terrain, de l’érosion des sols, de la sé-
cheresse, des volcans.
Maintenant, à quel moment y a-t-il catastrophe ?
C’est uniquement lorsque la vulnérabilité dans un
pays est mal gérée. Si la vulnérabilité est mal gérée,
on obtient la catastrophe ou encore le désastre qui
se manifeste par :
d’importantes pertes humaines, matérielles
ou environnementales ;
une rupture grave du fonctionnement de la
communauté touchée ;
et l’incapacité des structures locales à faire
face aux actions nécessaires de secours et de
rétablissement.
On parle souvent de catastrophe naturelle. La catas-
trophe n’est pas naturelle. La catastrophe n’est pas
un phénomène naturel physique, c’est un phéno-
mène social.
CYCLE DE GESTION DES RISQUES Dans l’équation risque = menaces + vulnérabilités, si
on agit sur la vulnérabilité on peut réduire le risque.
Voilà pourquoi on est parvenu à définir ce que l ’on
appelle le cycle de gestion du risque. On a la boucle
de gestion du risque qui comporte 4 étapes et 3
temps. Commençons par les trois temps :
1.
Avant l’évènement : donc pendant la période
de calme. Il faut se préparer ;
2.
Pendant l’évènement : la période de crise ;
3.
Et après l’évènement : la reconstruction.
Les quatre étapes :
1.
La première étape est celle d’atténuation ou
de mitigation. Ce sont des mesures destinées
à réduire les risques et éviter qu’ils ne se trans-
forment en catastrophes. Donc, on peut ré-
duire les dégâts si on prend des mesures de
mitigation. C’est à ce niveau-là que la re-
cherche scientifique va vraiment intervenir ;
2. La deuxième étape dans la gestion du risque
est la préparation opérationnelle. C’est la pla-
nification préalable à la catastrophe, notam-
ment l’élaboration de stratégies de communi-
cation, de systèmes d’alerte rapide, etc. ;
3.
La troisième étape est la réponse pendant
l’évènement. C’est la mise en œuvre d’un plan
d’urgence, particulièrement d’un plan de con-
tingence après une catastrophe ; notamment,
la mobilisation des services d’urgence, la coor-
dination de la recherche, des secours et de lacartographie de l’ampleur des dégâts ;
4.
Et enfin, la quatrième étape est la reconstruc-
tion qui vient après l’évènement. C’est la réha-
bilitation d’une région, souvent à travers la re-
construction et la réhabilitation des infrastruc-
tures avant de se concentrer à nouveau sur des
mesures d’atténuation. Et on recommence
après.
Quelle est la relation qui existe entre les étapes 1 et
4 : mitigation et reconstruction ? La relation est la
suivante. La mitigation coûte beaucoup moins cher
que la reconstruction. On a donc intérêt à investir
dans la prévention. Si on ne le fait pas, les autres
étapes seront beaucoup plus chères et on n’est pas
sûr de pouvoir les maîtriser si on n’est pas préparé.
OUTILS SCIENTIFIQUES POUR LA GESTION
DES RISQUES ET DESASTRES Je vous expose une liste d’outils. Elle n’est pas ex-
haustive.
La télédétection
D’après moi, le plus grand de tous ces outils est la
télédétection (remote sensing). Il s’agit de l’utilisa-
tion à distance de vecteurs tels que des avions, des
ballons, des fusées sondes, des satellites, des ba-
teaux, permettant l’acquisition d’informations sur
l’environnement avec des capteurs tels que : des
appareils photographiques, des lasers, des radars,
sonars, sismographes et gravimètres. Donc on voit
un engin qui est en train de faire, de prendre, de re-
cueillir les images du sol et ces images doivent être
traitées.
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Les domaines d’utilisation de la télédétection en
gestion des risques et désastres sont multiples. En
voici quelques-uns :
l’élaboration de cartes topographiques à partir
de paires stéréographiques, de photos aé-
riennes permettant de recréer une image entrois dimensions ;
la localisation des tremblements de terre ef-
fectuée a posteriori en comparant des sismo-
graphes enregistrés en différents lieux (je vais
y revenir plus loin);
l’interférométrie, à l’aide de radars, pour la
production de modèles numériques de terrain
(MNT) ;
la cartographie des fonds marins grâce à
l’usage des sonars ;
l’imagerie aérienne et satellitaire (incluant l’in-frarouge) pour les inventaires forestiers (tels
que le comptage d’arbres, évaluation de la bio-
masse, de l’état de stress et de santé des
arbres) ;
et, dans le cadre de la lutte contre la désertifi-
cation (LDC), la télédétection facilite le suivi et
la surveillance à long terme des zones à
risques, la définition des facteurs de désertifi-
cation.
Alors, si nous revenons aux quatre étapes de la ges-
tion du risque (à savoir : atténuation, préparation,
réponse et reconstruction), on voit que la télédétec-
tion est applicable pour les cyclones et les séche-
resses. Particulièrement au niveau de l’atténuation,
dans la modélisation du risque. Le principe est le
même pour tous les types d’aléa : il faut d’abord ca-
ractériser le problème et ensuite modéliser le risque
et parvenir à la cartographie de l’aléa. C’est cette
cartographie qui est utilisée pour les campagnes
d’information préventive.
Vous pouvez voir que la télédétection peut être ap-pliquée à tous les niveaux du cycle de gestion du
risque : tant pour l’atténuation, la préparation, la
réponse que la reconstruction. Pour la mitigation,
elle peut être exploitée pour la cartographie des
zones exposées aux cyclones, sécheresses, séismes,
tsunamis et inondations. De même, au niveau de la
préparation opérationnelle, on voit l’alerte pré-
coce : cartographie de la pluviométrie pour les inon-
dations, pour les glissements de terrain. La télédé-
tection peut aussi être utilisée à l’étape de la re-
construction pour l’évaluation des dommages lors-
que le phénomène s’est produit.
La géophysique
Le deuxième outil que je vais vous présenter est la
géophysique. La géophysique est l’étude des carac-
téristiques physiques de la terre ou d’autres pla-
nètes, utilisant des techniques de mesures indi-
rectes tels que la gravimétrie, le géomagnétisme, lasismologie et la méthode électrique, le radar géolo-
gique, la résistivité apparente, la tomographie, etc.
La géophysique est surtout exploitée au niveau de
l’atténuation (mitigation) et de la préparation. Elle
est particulièrement utilisée pour les séismes, les
tsunamis et les glissements de terrain. On peut car-
tographier le risque à partir de certaines mesures de
géophysiques tels que le MASW ou encore le H/V
dont on parlera tout à l’heure. Pour les glissements
de terrain, elle peut être utilisée pour la modélisa-
tion du risque, la cartographie du risque, le modèle
numérique d’élévation, etc.
Les Technologies de l’Information et de la
Communication
Le troisième outil utilisé pour la gestion des risques
et désastres, ce sont les technologies de l’informa-
tion et de la communication. Il s’agit de l’ensemble
des techniques et des équipements informatiques
permettant de communiquer à distance par voie
électronique (câble, téléphone, internet, etc.). Ces
technologies sont particulièrement utilisées pour
les séismes, les tsunamis et les cyclones. Au niveaude l’atténuation, on pratique la surveillance sis-
mique, la surveillance des tsunamis et la surveil-
lance cyclonique. Et pour la préparation, la phase
d’alerte peut être gérée à partir de ces outils.
Station météo automatique
Sur l’image ci-dessus, nous avons un exemple de
station météo automatique avec des équipements
sur le terrain qui peuvent envoyer des données à un
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poste de travail d’observateurs ou encore à un sys-
tème informatique central. Ces données sont re-
çues par les prévisionnistes, les contrôleurs qui en
font le dépouillement et ensuite nous donnent les
informations.
Sur l’image ci-dessous, nous avons un poste de jau-geage et de contrôle des crues d’une rivière. Dès
que l’eau atteint un certain niveau, les données sont
enregistrées et envoyées dans un centre de don-
nées et l’alerte peut être transmise. Avec le télé-
phone portable, l’alerte peut être envoyée à tout le
monde par SMS.
Poste de jaugeage
Les drones
Enfin, nous avons un nouvel outil avec les drones té-
lécommandés qui permettent de survoler les es-
paces où les phénomènes se produisent. Là où on
n’a pas accès à ces phénomènes par voie terrestre
ou par d’autres moyens, ces drones sont envoyés
pour capter des images et informer de l’évolution
de ces phénomènes.
CONFIGURATION D’H AÏTI ET MENACES NA-
TURELLES
Géographie et démographie
Voyons tout d’abord l’état de la situation. Sur la
carte ci-dessous, les parties vertes sont les zones de
plaines : la vallée de l’Artibonite, la plaine du Nord,
la Plaine du Cul-de-Sac, la plaine de Léogâne et la
plaine des Cayes. Tout le reste, ce sont des mon-
tagnes. Sur le tableau, on peut voir ces plaines et
plateaux ainsi que des pentes très faibles de 0 à
10%, représentent seulement 29,5% de la surface
du pays. Haïti fait 29.750 km2 de superficie. Tout le
reste, soit les plateaux et piémonts, piémonts et
mornes, mornes et cols raides, pentes abruptes su-
périeures à 40%, représentent près de 70% du terri-
toire national. C’est dans cet espace-là que les
haïtiens vivent.
Maintenant, en termes de population, en 1965, on
avait seulement 5 départements géographiques et
la population était estimée à peu près à 4,9 millionsd’habitants avec une densité de 176 habitants par
kilomètre carré. Aujourd’hui, 50 ans plus tard, le
nombre de départements est passé de 5 à 10 et la
population est estimée à 10.413.211 habitants, soit
presque le double, et une densité de 385 habitants
par km2. Plus haut, on a vu que plus la population
augmente, plus les risques augmentent. Avec un
rythme de croissance de l’ordre de 2.3% l’an, la po-
pulation haïtienne sera de 16 millions d’ici 2030 si
aucune politique démographique n’est appliquée
pour contrôler cette croissance. Tandis que la popu-lation augmente, la superficie reste telle quelle et la
densité augmente.
Environnement
La croissance démographique, en l’absence d’une
croissance économique comparable, nourrit direc-
tement la pauvreté. On constate que, avec l’accrois-
sement de la population et de son état de pauvreté,
le bois et le charbon de bois représentent actuelle-
ment 72 % des sources d’énergie en Haïti. Le niveau
de déboisement est très élevé et l’érosion des terres
conduisant à la désertification du territoire, aug-
mente rapidement. La situation environnementale
du territoire s’est dégradée et est aujourd’hui très
fragile.
Menaces naturelles
Le pays est exposé à des phénomènes naturels
d’ordre géologiques, hydrologiques et météorolo-
giques, ce qui constitue des facteurs aggravants.
Haïti a une saison cyclonique chaque année. La sai-
son pluvieuse va d’avril à juin et la saison cyclo-
nique, de juin à novembre. Nous avons des faillesmajeures qui traversent Haïti. Si on a une saison cy-
clonique de juin à novembre, on a une saison sis-
mique qui part du 1e janvier au 31 décembre de l’an-
née. Nous sommes aussi exposés au risque de tsu-
namis parce que nous avons des failles sous-ma-
rines et plus de 1.500 km de côtes. On peut donc
avoir des tsunamis à champ proche, à champ régio-
nal et à champ lointain. Nous sommes également
exposés aux risques d’inondation, de cyclones et de
glissements de terrain. Les mouvements de terrain
se produisent là où il y a des pentes et nous avons70 % de mornes, de reliefs. La menace de séche-
resse est aussi très en vue actuellement.
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Presque tous les phénomènes naturels montrés
précédemment peuvent donc impacter l’ île. La plu-
part des villes à forte densité démographique se si-
tuent soit dans des plaines inondables, soit en bord
de mer, soit sur les pentes ou près des failles sis-
miques. Ce qui veut dire que la vulnérabilité de la
population est très élevée. Si nous prenons par
exemple la faille qui traverse presque toute la
presqu’ île du Sud, elle touche 5 départements géo-
graphiques. Cela représente à peu près 60 % de la
population. Et la faille du Nord concerne 3 départe-
ments géographiques : le Nord-ouest, le Nord, le
Nord-est, soit 20 % de la population. Donc, 80 % de
notre population de 10 millions d’habitants sont
concernés par des failles sismiques.
Selon l’indice mondial de risque, Haïti figure parmi
les 15 premiers pays ayant atteint l’un des indicesde prédisposition de catastrophes naturelles les
plus élevés au monde. Ceci devrait vous faire réflé-
chir à l’urgence d’avoir une politique pour la gestion
des risques et des désastres. D’où la nécessité, en
Haïti, d’imposer une professionnalisation du métier
de gestionnaire du risque tout en accordant l’impor-
tance qu’il faut à la recherche scientifique afin d’évi-
ter que les risques ne se transforment en catas-
trophes.
L’UTILISATION DES OUTILS SCIENTIFIQUES
DE GESTION DES RISQUES ET DESASTRES
EN H AÏTI Où en sommes-nous en Haïti en ce qui a trait à l’uti-
lisation des outils scientifiques pour la gestion des
risques et désastres ?
La géodésie spatiale
C’est ce dépouillement de ces mesures de géodésie
spatiale qui nous permettent de connaître la vitesse
de déplacement de la plaque caraïbe.
Haïti, Jamaïque, Porto Rico et les petites Antillessont sur la même petite plaque qu’est la plaque ca-
ribéenne et, au-dessus, il y a la plaque nord-améri-
caine qui est en subduction, c’est-à-dire qui glisse
sous la plaque caribéenne. Les mesures de géologie
spatiale nous indiquent que cette plaque se déplace
dans la direction indiquée par les flèches (voir image
ci-dessous) à la vitesse de 2 cm par an. La plaque
nord-américaine qui glisse sous la Caraïbe, s’en-
fonce à la même vitesse de 2 cm par an. Ce sont ces
deux plaques qui, par collision, provoquent les frac-
tures à l’origine des failles qui traversent Haïti. Et ce
sont ces failles-là qui sont les sources des séismes.
Voilà donc une première information obtenue à
partir des mesures de géologie spatiale. Ces me-
sures sont effectuées en Haïti depuis 2003 et, éga-
lement, en République Dominicaine. Les résultats
de ces mesures nous montrent que l’ île est soumise
à un cisaillement entre le Nord et le Sud avec une
vitesse de 2 cm par an. On a mesuré la vitesse de
déplacement sous la faille septentrionale et on a
mesuré également la vitesse de déplacement de la
faille de la presqu’ île du Sud qui fait 250 km tout au
long de celle-ci. Les résultats ont montré que, avec
une vitesse de 7 mm par an –le dernier séisme re-
montant à 1770, il y a près de 250 ans – il y a un dé-
ficit de glissement de 1,80 m pour la presqu ’ île du
Sud et un déficit de glissement de 1,98 m pour la
faille septentrionale. Ce qui veut dire qu’on peut
s’attendre à ce que, sur la faille septentrionale, on
ait des séismes de magnitude 7,8 jusqu’à 8 et sur lafaille de la presqu’ île du Sud, des secousses sis-
miques de magnitude pouvant aller jusqu’à 7,2.
Ces résultats ont été donnés avant 2010. Malheu-
reusement, en Haïti on fait toujours l’impasse sur la
science et on n’a pas foi en ce type de données. Le
12 janvier nous avons eu le séisme. Avec une magni-
tude entre 7 et 7,2, on a cru que c’était la faille de la
presqu’ île du Sud qui avait provoqué le tremble-
ment de terre. Mais par la suite, on allait voir que ce
n’était pas cette faille qui avait bougé.
Etudes post séisme
Après le 12 janvier, il y a eu une campagne océano-
graphique scientifique avec le bateau français,
L’Atalante, autour d’Haïti. On a voulu avoir le tracé
exact entre la pointe Tiburon et la Jamaïque (Plan-
tain Garden). Cette campagne a pu donner le tracé
exact des failles au niveau de la presqu’ île du Sud et
du Nord. Nous avons ensuite reçu des universités
étrangères pour l’utilisation de la technique des
tranchées.
En paléo-sismologie, des tranchées sont creusées
pour repérer et dater d’éventuelles déformations
des couches sédimentaires. Par analyse, on peut re-
monter dans le temps et savoir quels sont les
séismes survenus dans la zone à partir de ces failles.
Nous avons donc creusé une tranchée pour retrou-
ver la trace des séismes passés.
Un autre dispositif utilisé après le 12 janvier est l’in-
terférométrie radar qui permet de déterminer la
zone du séisme. Comme mentionné avant, après les
mesures de géodésie spatiale que nous avons faites,et constatant que le séisme du 12 janvier était de
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magnitude 7, avec un épicentre localisé à côté de
Gressier, nous avons cru au départ qu’il était provo-
qué par la faille de la presqu ’ île du Sud. Mais une
fois arrivés sur les lieux, on n’a pas trouvé de traces
de ruptures de la faille. Nous avons juste observé
une anomalie dans la zone de Léogâne où il y a eu
un soulèvement de 40 cm qui a fait apparaître des
récifs coralliens hors de l’eau. On s’est dit que ce
n’était peut-être pas cette faille-là qui a bougé. Il fal-
lait investiguer davantage.
On a placé des appareils sur toute la faille et tous les
points noirs que vous voyez sur la photo ci-dessous
sont des répliques qui ont été enregistrées après le
séisme du 12 janvier. Pendant deux ans, on a enre-
gistré les répliques et on a vu qu’elles ne se situaient
pas sur la faille enregistrée mais au-delà : au niveau
de la mer, sur une autre faille. On est donc arrivé àla conclusion que le séisme ne s’est pas produit sur
la faille de la presqu’ île du Sud mais sur une autre
que l’on ne connaissait pas avant. C’est une faille
aveugle et qu’on a baptisé la faille de Léogâne.
Les répliques se répartissent sur une cinquantaine
de km englobant la zone de rupture du séisme prin-
cipal comme on peut le voir sur l’image ci-dessous.
Variation des contraintes de rupture de Coulomb. Les
zones rouges sont celles d ’ augmentation des contraintes
– les répliques y sont favorisées. Les zones en bleu indi-
quent une diminution des contraintes -les répliques ysont inhibées.
C’est une étude qui a été réalisée par des compa-
triotes haïtiens à Purdue University. Ils ont pris les
résultats de ces répliques et ils ont montré que les
zones rouges sont celles d’augmentation des con-
traintes. Donc le séisme du 12 janvier a provoqué
une augmentation des contraintes dans la zone des
Trois Baies tandis qu’il y a eu une diminution des
contraintes dans les zones en bleu. Qu’est-ce que
cela veut dire ? Suite à une rotation de contraintes
au-delà de la zone de rupture, celle-ci a maintenantaccumulé une certaine quantité d’énergie et c’est
donc probablement de là que le prochain séisme
viendra. Puisque la faille de la presqu’ île du sud n’a
pas provoqué le séisme du 12 janvier et qu’elle con-
tinue d’accumuler de l’énergie, le séisme qu’on at-
tendait avant le 12 janvier n’est pas encore arrivé.
Voilà ce que cela veut dire.
Une autre étude réalisée sur la faille de la presqu’ île
du Sud montre trois segments (Cf. Image ci-des-
sous) : le segment de Port-au-Prince, le segment
central –le séisme du 12 janvier a eu lieu sur le seg-
ment central – et le segment qui part de Petit-Goâve
jusqu’à Miragoâne.
Variation des contraintes de Coulomb dans le plan de la
faille Enriquillo
Chacun de ces segments accumule sa propre éner-
gie. Ce qui veut dire que même si on a un séisme sur
l’un de ces segments, quelques années après, on
peut avoir un autre séisme sur un autre segment. Et
puisque le séisme a eu lieu sur le segment central
tout près de Gressier, il est possible que le prochain
séisme et son épicentre seront situés beaucoup plus
près de Port-au-Prince. Beaucoup de maisons qui
ont résisté au séisme du 12 janvier peuvent ne pas
résister au prochain.
L A SURVEILLANCE SISMIQUE EN H AÏTI
Installation d’appareils de surveillance
Un pas à avoir été franchi après le 12 janvier 2010,
fut l’acquisition et l’installation d’appareils de sur-
veillance sismique tels que des stations sismiques à
larges bandes, des sismographes de type Guralp,
des accéléromètres de types Netquakes. Actuelle-
ment, nous avons installé cinq appareils : un à Léo-
gâne, un au Juvenat, un à Jacmel, un à Hinche et un
au Cap Haïtien. Ces appareils sont opérationnels et
il est prévu d’en installer d’autres sur l’ensemble du
territoire.
Nous enregistrons des données en temps réel avec
ces appareils. Ils émettent en temps réel vers uneantenne satellite qui achemine ces données vers
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notre centre de données hébergé à Delmas, au Bu-
reau des Mines. Nous recueillons les données, nous
en faisons le dépouillement et, à l’aide de nos sis-
mogrammes, nous calculons les magnitudes et les
coordonnées des épicentres des activités sismiques.
Nous bénéficions du service de deux anciens étu-
diants de l ’ESIH, qui sont d ’ailleurs présents dans
l’auditoire, et qui gèrent le réseau informatique de
l’unité technique de sismologie. Ils ont reçu une for-
mation à l’Observatoire volcanologique et sismolo-
gique de la Martinique. Nous avons donc mainte-
nant des haïtiens qui sont en mesure de faire de la
surveillance sismique dans le pays.
Nous émettons depuis 2015 des bulletins sismiques
pour pouvoir informer la population. Nous sommes
en train de préparer un catalogue des secousses
pour l’avenir. De même, au niveau de la surveillancetsunamique on commence à placer des appareils.
Nous avons en effet placé un marégraphe sur le quai
du Cap-Haïtien pour mesurer la relation du niveau
d’alerte près de la côte. Il est prévu également d’ins-
taller des marégraphes sur l’ensemble du territoire.
Réseau des marégraphes prévu en Haïti
Actuellement, au Semanah, il y a une entité qui s’ap-
pelle le CODOMAR qui est la salle de contrôle des
tsunamis. Elle sert à faire les calculs nécessaires et à
alerter la population dès qu’il y a une montée du ni-
veau de la mer.
Nous avons ci-contre une carte qui nous montre le
tracé de la faille de la presqu’ île du Sud au niveau de
Laboule dans la zone des carrières de sable. La faille
suit exactement le tracé de la Rivière Froide. Et, au
niveau de la chaîne des Matheux, il y a encore
d’autres failles et on voit bien que la Capitale
haïtienne et la Plaine du Cul-de-Sac se trouvent en-
travées entre deux failles actives. De plus, cette
carte nous montre le degré d’exposition de cer-taines communes par rapport à la faille de la
presqu’ île du Sud. Par exemple, si vous regardez Pé-
tionville, cette ville est pratiquement sur la faille, de
même que Kenscoff. Port-au-Prince est à 3 km de la
faille.
Le tracé de deux failles actives dans l ’ Ouest et le Sud
d ’ Haïti
Donc, dans cette zone-là, il y a près de 3 millions
d’habitants qui sont directement exposés à l’activité
de la faille.
Etudes sur les types de sols dans les zones
exposées
Après le séisme on a pu cartographier les dom-
mages provoqués, ce qui nous a montré que toutes
les zones n’ont pas été affectées et même certaineszones avec une forte concentration de bâtiments. Il
fallait en connaître la raison. On s’est rendu compte
que, en dépit du fait que l’épicentre du séisme ait
été à 25 km de Port-au-Prince, il a pu faire beaucoup
de dégâts dans la Capitale. L’explication est que la
zone de Port-au-Prince est un bassin constitué de
sols mous et il y a donc eu des effets de sites géolo-
giques. Autrement dit, les ondes sismiques, en par-
courant les sols mous sédimentaires, ont été pié-
gées dans ces types de sols et se sont amplifiées.
Après le 12 janvier, nous avons procédé à une étudedu microzonage sismique de l’agglomération de
Port-au-Prince et des grandes villes du Nord. La
technique de géophysique qui a été utilisée est le
MASW. Cette technique consiste à créer un choc
dont on étudie la vitesse de propagation des ondes
dans le sol jusqu’à 30 m de profondeur.
C’est ce qu’on appelle le Vs4. Cette technique a été
réalisée, dans le cadre de l’étude, par des compa-
triotes ingénieurs du Laboratoire National du Bâti-
ment de la République. Les mesures effectuées ont
été utilisées pour créer une carte des différents
types de sols au niveau de l’agglomération de Port-
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au-Prince. D’après le code IBC (International Buil-
ding Code), en vigueur en Haïti et dans presque
toutes Antilles, les sols sont classés en A, B, C, D, E
et F. Si vous avez une vitesse supérieure à 1.500
mètres par seconde, cela veut dire que vous êtes sur
un rocher. C’est un très bon sol où l’onde passe ra-
pidement et ne reste pas. En cas de séisme, une
maison sur ce type de sol va être secouée mais a
beaucoup de chances de ne pas s’effondrer car
l’onde passera vite. Par contre, si vous êtes sur un
sol dont la vitesse varie entre 180 et 360 mètres par
seconde, vous êtes sur un sol classé D. Les sols clas-
sés D, E et F sont très mauvais en ce sens qu’ils am-
plifient les ondes sismiques. Voilà, sur l’image ci-
dessous, les résultats pour l’agglomération de Port-
au-Prince.
Classement IBC des types de sol de l’agglomération de
Port-au-Prince
A Pétionville par exemple, on a des très bons sols de
classes A et B. Mais, pour Delmas et le Centre-ville
de Port-au-Prince, ce sont des sols classés C et D. En
cas de séisme, ces zones vont enregistrer d ’impor-
tants dégâts. Pour le Cap-Haïtien, on avait fait cette
même étude. Les 80% de la zone étudiée sont clas-
sés D et E. L’aéroport du Cap-Haïtien qui a été amé-
nagé dernièrement est situé sur un sol classé E. Le
port de la ville se trouve aussi sur le même type de
sol. Ceci montre que ces outils devraient être systé-
matiquement exploités avant la construction de ces
infrastructures.
Il existe une autre méthode beaucoup plus fine qui
permet de classer les sols. Elle consiste à croiser les
données issues de la géologie, des mesures de la
géophysique tel que le MASW, ou le H/V (ou mesurede bruit de fond) qui détermine la résonnance
propre du sol ; des sondages géotechniques avec
des analyses de laboratoires. En croisant toutes ces
données, on arrive à une autre classification beau-
coup plus élaborée.
Pour la zone de Port-au-Prince, on a vu qu’il y a 7
classes de sols. La classe 0, c’est le rocher, qui do-mine la ville : Boutillier, PétionVille. Pour chaque
classe de sol, on va avoir un spectre de réponses.
Pour la classe 2, par exemple, le spectre de réponse
que l’on a doit être interprété par exemple comme
une recommandation à ne pas construire des bâti-
ments de plusieurs étages dans cette zone. Tandis
que d’autres spectres de réponses pour les classes
4 à 6 par exemple, nous indiquent qu’on peut avoir
des effets de site même pour des bâtiments sans
étage. C’est donc un instrument qui peut être utilisé
dans la construction parasismique. Des cartes simi-laires ont été faites pour l’agglomération de Port-
au-Prince, pour le Cap-Haïtien, Fort-Liberté, Ouana-
minthe, Port-de-Paix et Saint-Louis-du-Nord. En fait,
on devrait avoir ce travail sur l’ensemble du terri-
toire national.
Nous avons aussi des cartes MNT (Modèles Numé-
riques de Terrain) qui ont été utilisées pour analyser
la structure des sols. On a aussi le réseau hydrogra-
phique à partir des modèles numériques de terrain.
Tout ceci nous a permis de faire une carte de géolo-
gie à l’échelle 1/25.000 pour l’agglomération dePort-au-Prince, ce qui montre que l’information
géologique varie d’un quartier à un autre. Cette
étude nous a permis de mettre en évidence d’autres
failles qui n’étaient pas encore connues, qui vont de
Bourdon jusqu’au Morne Calvaire en passant par Ja-
lousie. L’image ci-dessous montre les failles décou-
verte à partir de cette étude.
Carte des faciès géologiques de l’agglomération de Port -
au-Prince
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ETUDES SUR DIVERS ALEAS A TRAVERS LE
PAYS Les méthodes décrites plus haut sont également uti-
lisées pour les glissements de terrain. Elles nous
permettent de cartographier les glissements et des
mesures de topographie permettent de détecter laprofondeur des glissements.
Nous avons aussi réalisé une carte d’aléa liquéfac-
tion pour la zone du Cap-Haïtien. La liquéfaction est
le phénomène observé lorsque certains types de sol
fins tels que les sables, les vases, sont gorgés d’eau
sous l’effet d’un fort séisme. Cela veut dire que les
sables, noyés dans l’eau, peuvent remonter en sur-
face et tout ce qui se trouve en surface, plonge. Les
indices de liquéfaction dans la zone du Cap-Haïtien
sont très élevés et l’aéroport de la ville est implanté
dans une zone liquéfiable.
Nous avons aussi produit une carte d’aléa inonda-
tion pour la vil le des Gonaïves. Nous connaissons les
inondations qui ont eu lieu en 2004 et en 2008 dans
cette zone. Sur cette carte, nous avons identifié les
zones d’aléa extrême. Nous avons une carte d’aléa
inondation pour le Cap-Haitien et là encore, on a pu
constater que l’aéroport est situé dans une zone
inondable.
Nous avons produit une carte pour ce qui concerne
les tsunamis, en envisageant le scénario qu’il y aitun séisme de magnitude 8,7 dans le Nord. C’est une
carte qui identifie les zones qui seront affectées par
le tsunami pour différents niveaux de l’eau jusqu’à
10 m de hauteur. Là encore, l’aéroport se trouve
dans une zone exposée pouvant être recouverte par
1 à 3 m d’eau. Si ce scénario se produit, comme cela
a déjà été le cas en 1842, une grande partie de la
ville serait inondée. En 1842, la ville était recouverte
par 3 m d’eau à la suite d’un séisme de magnitude
8. Cela s’est produit dans le passé et dans le futur
on va encore en avoir. Ce séisme a eu lieu il y a 174ans. On ne sait pas quand cela pourrait se répéter
au Cap-Haïtien. Certains prédisent des intervalles de
100 ans, 150 ans pour ces phénomènes. Dans tous
les cas de figure, nous avons dépassé cette période.
On est donc pratiquement sur « woulib ».
MESURES DE PREPARATION ET DE PRE-
VENTION Un autre pas a été franchi en ce qui a trait à la pré-
paration à l’avènement de ce type de phénomène.
Nous avons créé une carte d’évacuation du Cap-
Haïtien en cas de tsunami, à partir d’une étude au
cours de laquelle il y a eu une caractérisation de
séisme, une numérisation du risque. Nous avons
identifié les zones où les gens peuvent s’abriter en
cas de tsunami et nous avons placé, dans les rues de
la ville, des panneaux tsunamiques indiquant les
routes à suivre pour atteindre ces abris. Ce travail a
été fait au Cap-Haitien, et également pour la zone
de Fort-Liberté (Cf. Image ci-dessous).
Carte d ’ évacuation de la ville du Cap-Haitien en cas
d ’ alerte de tsunami
Les emplacements de ces abris ont été décidés à
partir d’études scientifiques, sur la base de certains
scénarios, pour savoir exactement les endroits qui
ne peuvent pas être atteints par les vagues provo-
quées par des tsunamis. Cette étude a été faite éga-
lement pour la zone de Port-De-Paix.
Ce sont là des outils qui peuvent être utilisés pour la
prévision et la prévention.
CONCLUSION Cette question, si je vous la pose maintenant : « Est-
ce que la recherche scientifique est utile pour la pré-
vention des catastrophes naturelles ? », votre ré-
ponse sera : « Absolument ! », Mais quelle est la fi-
nalité de tout ça ? Il ne s’agit pas de faire des cartes
pour la beauté du geste. C’est une condition néces-
saire mais pas suffisante, car nous avons encore
d’autres étapes à franchir. Tout d’abord, ces outils
doivent être maîtrisés par des professionnels
haïtiens. Il nous faut des gestionnaires du risque,
des gens compétents, des hommes et des femmes
qui sont en mesure d’exploiter ces outils locale-
ment.
Deuxièmement, nous sommes en train de parler
d’outils. Une carte d’aléa est quelque chose de très
technique. Mais les décisions politiques ne sont pas
prises par les scientifiques, mais bien par les politi-
ciens. Ces cartes ne disent absolument rien aux po-
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liticiens. Donc, la deuxième étape, c’est la traduc-
tion opérationnelle de ces outils techniques en do-
cuments de prévention accessible aux décideurs,
particulièrement aux collectivités territoriales, les
élus, les maires, ASEC, CASEC car ce sont eux qui doi-
vent prendre au final les décisions nécessaires. S’il
n’y a pas une appropriation de tous ces outils, de
tous ces résultats, pour pouvoir diminuer vraiment
la vulnérabilité, tout cela est inutile. Ce sont des do-
cuments qui vont rester dans les tiroirs. Actuelle-
ment, le Cap-Haïtien est la ville la mieux étudiée du
pays du point de vue risques. Mais, qu ’ont fait les
autorités avec ces outils-là ? Jusqu’à présent, rien.
Pour terminer, on n’avait pas de sismologues dans
le pays avant le 12 janvier, mais nous avons au-
jourd’hui près d’une douzaine de professionnels
haïtiens qui étudient dans des universités de Bel-gique, de France, des Etats-Unis et qui vont revenir
avec des doctorats en sismologie. Cependant, s’il
n’y a pas un cadre approprié pour les recevoir, si
leurs compétences ne peuvent être mises à contri-
bution et valorisées, ils s’en iront. Nous sommes en
train de voir la possibilité d’installer en Haïti un mas-
ter en géoscience et géo-risque et d’utiliser ces
gens-là qui sont très bien formés, pour la formation
d’autres professionnels.
Si on continue à faire l’impasse sur la science, on va
rester dans ce cercle vicieux : lorsqu’on est pauvre,
on est vulnérable ; si on est vulnérable, on est sou-
mis aux désastres ; lorsque les désastres se produi-
sent, on devient encore plus pauvre ; plus on est
pauvre, plus on est vulnérable... Finalement, on ne
s’en sort pas. Et, pendant que ce cercle-là tourne,
on assiste avec impuissance à la détérioration de
l’environnement et des ressources naturelles. Or, la
simple réalité biologique veut que toute espèce qui
détruit son environnement finit par se détruire elle-
même.
Nous avons un taux de couverture forestière qui est
de moins de 2 % actuellement, alors que l’équilibre
écologique est rompu à partir de moins de 30 % de
couverture forestière. Pour briser ce cercle-là, il
nous faut des gens formés à l’université ; il nous faut
restructurer l’université ; il nous faut une autre ap-
proche dans la gestion des risques et des désastres ;il nous faut professionnaliser le métier de gestion-
naire du risque et donner l’importance qu’il faut à la
science. Sinon, nous allons continuer à assister avec
impuissance à cette détérioration de notre environ-
nement. Détérioration de l’environnement veut
dire pertes sociales, pertes économiques et envi-
ronnementales élevées et récurrentes, et le déve-
loppement est chroniquement interrompu et
stagne. Nous creusons nos propres tombes si nous
refusons de briser ce cercle vicieux et de nous enga-
ger dans la voie de la prévention. C’est la seule issue
possible.
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SESSION 4 : RECHERCHE ET INNOVATION : QUELQUES CAS
PROBANTS Modérateurs : Mme Marlène SAM et M. Patrick ATTIE. ESIH.
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Interaction 3D : Principes etDomaines d’ ApplicationsMots clés : Interaction 3D, Modélisation 3D, réalité virtuelle
INTRODUCTION Je vais faire le lien avec la présentation de M. Pré-
petit. Sans entrer dans la polémique des définitions,
on pourrait différencier deux sciences : la science du
naturel, ce que fait M. Prépetit, et la science de l’ar-
tificiel qui s’occupe de concevoir les outils dont les
gens de la science naturelle vont se servir. Mon tra-
vail se situe à ce niveau.
Ma présentation sera en deux parties : je vaisd’abord vous présenter les principes de l’interaction
3D sous forme d’un petit cours. Comme je sais qu’il
y a beaucoup d’étudiants dans l’assistance, cela
tombe très bien. Ensuite, je vous en présenterai les
domaines d’application.
Mais tout d’abord, qu’est-ce que l’interaction 3D ?
L’INTERACTION 3DPour moi, l’interaction 3D est un axe de recherche.
En fait, dans le grand monde de la science, il y a la
recherche en informatique, et dans la recherche eninformatique, il y a tout un pan qui se base sur l’in-
teraction entre les humains et la machine. A l’inté-
rieur de ces interactions homme-machine, il y a dif-
férents domaines qui utilisent l’axe de recherche
qui est l’interaction 3D.
L’interaction 3D a été défini en 2010 par M. Boman
de la facon suivante : « C ’ est l ’ interaction entre un
homme et une machine dans laquelle la tâche de
l ’ utilisateur est effectuée directement dans un con-
texte spatial tridimensionnel ».
Si je définis un peu plus les termes, « interaction »
veut dire qu’on a des actions sur la machine qui
nous renvoient des informations en direct. Nous dis-
posons aujourd’hui de cartes graphiques sur les or-
dinateurs qui sont très performantes et qui nous
permettent d’interagir directement avec les don-
nées : ce n’est plus comme à l’époque des années
60 où on devait tout entrer en lignes de commande.
Maintenant, quand on veut ouvrir un fichier par
exemple, on va directement sur le fichier et on voittout de suite ce qu’on fait.
« Contexte spatial tridimensionnel » fait référence à
des données tridimensionnelles spatialement si-
tuées. Pour illustrer par un contre-exemple,
quelqu’un nous a parlé aujourd’hui dans une pré-
sentation, de la météo. Il nous a montré un disposi-
tif, une station météo, qui capturait des données sur
la pluviométrie, la direction du vent et la force du
vent. Dans ce cas-là, nous avons une donnée tridi-
mensionnelle mais pas du tout spatialement située.
Nous, nous travaillons plutôt sur des points 3D dans
l’espace.
Données de base de l’interaction 3D
Il y a deux types de données de base à considérer.
Le premier type, ce sont les points dans l’espace 3D
qu’on définit en général par x, y, z.
Lespointsdansl ’ espace3D
Quand on a des points dans l’espace, on peut les re-
lier puis ensuite faire des faces et obtenir des objets
tridimensionnels. Ces données de base peuventêtre de différents types :
M. Michael ORTEGA
PhD
Informaticien
Ingénieur de Recherche au Centre National de
la Recherche Scientifique (CNRS). Laboratoired’Informatique de Grenoble
« On peut distinguer la science du naturel et la science del’artificiel qui s’occupe de concevoir les outils dont les gens
de la science naturelle vont se servir.L’interaction 3D est un travail se rapportant à la création et
l’amélioration d’outils de conception, de visualis ation etd’analyse de données tridimensionnelles spatiales. Les do-
maines d’application sont divers : la visualisation de donnéesscientifiques, la thérapie, les jeux ou encore l’industrie. ».
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Ces données peuvent être surfaciques. Par
exemple, sur le visage représenté dans la figure ci-
dessous, on a des points 3D qui représentent uni-
quement la surface du visage
Exemple d ’ affichage 3D surfacique
Elles peuvent être volumétriques. Dans ce cas on a
une matrice tridimensionnelle : on a des points dans
toutes les zones de l’espace. Dans ces cas particu-liers on définit une densité. Par exemple, sur le scan
de la momie ci-dessous, nous avons des densités qui
représentent les os de la momie.
Exemple d ’ affichage 3D volumétrique
Les données peuvent aussi être sémantiques. Ce
sont des données qui sont indépendantes de leurs
représentations comme par exemple, sur l’image ci-
dessous, nous avons une molécule avec les points
qui la définissent et les liens entre ces points. Nous
avons représenté cette molécule ici par des boules
et des cylindres, mais cela pourrait être autre chose.
Représentation 3D sémantique d ’ une molécule
La perspective
Nous avons un autre type de données de base, à
part les points dans l’espace 3D. Regardez la photo
ci-dessous. Pour l’obtenir, on a « manipulé » des ob-
jets 3D qui sont des personnes, des vraies per-
sonnes.
Exemple de manipulation de la perspective dans le
monde réel
A quoi a-t-on dû faire attention pour prendre la
photo ? A la perspective. La perspective représente
en fait la position de l’appareil photo tout simple-
ment. Un membre de l’assistance a répondu : « le
nombre de pixels ». Ce n’est pas du tout ça. Là, on apositionné les personnages dans l’espace et on a
porté une attention particulière à la position de l’ap-
pareil photo pour obtenir les effets que l’on a sur la
photo. On appelle cela la caméra, avec des données
intrinsèques qui sont la définition de l’objectif, la
distance focale, l’ouverture etc., et des données ex-
trinsèques qui sont la position de la caméra dans
l’espace.
M ANIPULATION ET NAVIGATION Ce sont donc là, les deux types de données de base
qu’on manipule en interaction 3D : les points dans
l’espace 3D et la perspective. Quand on manipule
les premières, on dit qu’on fait de la manipulation
d’objet et quand on manipule les deuxièmes, on dit
qu’on fait de la navigation. Quand vous jouez par
exemple sur votre smartphone, un jeu de course de
voitures par exemple, vous manipulez un point de
vue. En d’autres mots, vous avez un environnement
et vous vous déplacez à l’intérieur de l’environne-
ment. Cela représente une manipulation de la ca-
méra et permet de naviguer dans l’espace.
Donc l’interaction 3D, est une boucle où on a des
données points caméra et des fonctions d’affichage
qui vont afficher ces données. L’utilisateur voit ces
points, interagit dessus, ils sont réaffichés et cela
tourne en boucle.
Le graal pour certains utilisateurs, c’est ça : la mani-
pulation d’objets 3D que l’on voit dans le film Iron-
man (Cf. Image page suivante).
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Manipulation d’objets 3D dans le réel (Capture d’image
du film de science-fiction « Ironman »)
Dans sa main, l’utilisateur a un objet tridimension-
nel qu’il peut voir comme un objet réel sauf qu’il est
virtuel avec tous les avantages que cela offre. On a
aussi des objets positionnés dans l’espace qui sont
2D, comme par exemple les images.
Le problème auquel on se confronte aujourd’hui,
c’est que, quand on fait de l’interaction 3D, on est
incapable de faire des hologrammes. On a donc tou-
jours des affichages. De ce fait, dans l’interaction
3D, il faut toujours prendre en compte l’affichage en
2D.
DIFFERENTS TYPES D’ AFFICHAGES Si je prends la situation classique avec un utilisateur,
sa main et l’objet 3D. Lorsqu’il est sur un bureau et
qu’il interagit avec les objets 3D, il a son écran posi-
tionné entre la main et la scène.
Quand on va dans la réalité virtuelle ou la réalité
augmentée, on a différents types d’affichages,
comme par exemple les affichages rétiniens qui
sont beaucoup utilisés en chirurgie. Vous en avez un
exemple sur l’image : c’est un dispositif qui est ac-
croché à la tête et qui, à l’aide d’un laser, va direc-
tement afficher l’information sur la rétine de l’utili-
sateur.
Dispositif d ’ affichage rétinien
Cela peut faire un peu peur, c’est sans doute l’une
des raisons qui expliquent pourquoi ce n’est pas très
développé aujourd’hui. Mais ce système a un cer-
tain nombre d’avantages : c’est léger, la main est
derrière cette fois-ci, on peut donc superposer tout
un tas d’informations devant ce qu’on est en train
de faire.
Ensuite on a les visiocasques. Le succès de ces dis-
positifs est en train de croître sérieusement parce
qu’il y avait des contraintes technologiques qui ont
pu être supprimées. Les visiocasques sont des dis-positifs un peu plus lourds que ceux des affichages
rétiniens, mais comme ceux-ci, on les positionne sur
la tête, devant les yeux tel qu’illustré dans l’image
ci-dessous).
Exemples de visiocasques
On peut un seul écran pour les deux yeux ou un
écran par œil. Il existe même des visiocasques qui
ont 12 écrans pour pouvoir obtenir une grande dé-
finition, et dans les systèmes les plus perfectionnés,
on a aussi des petites caméras positionnées devant
le visiocasque. Avec ces caméras, on capture le
monde réel, on le filme et on le met dans la ma-
chine. On a aussi, dans la machine, le monde virtuel,
et on est donc capable de les mélanger et de les af-
ficher à l’utilisateur. On lui donne alors l’impression
qu’il est dans un monde à la fois virtuel et réel et on
peut exploiter les avantages des deux.
Nous avons ensuite les systèmes qui s’appellent
« Fish Tank », aquariums, qui sont des écrans placés
cette fois, non pas sur l’utilisateur, mais entre sa
tête et sa main. Vous en avez un exemple dans
l’image ci-dessous. Techniquement, c’est assez
simple : il y a un miroir sans teint, semi-transparent,
qui reflète l’image de l’écran positionné au-dessus.
Et comme c’est semi-transparent, l’utilisateur voitégalement sa main. C’est donc aussi une façon de
mélanger le virtuel et la main réelle pour interagir
de façon intuitive et efficace.
Exemple de Fish Tank
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AFFICHAGES STEREOSCOPIQUE ET
« HEAD COUPLED DISPLAY »Si je veux aller un peu plus loin dans les affichages,
il en existe deux autres grandes catégories. Pour les
présenter, je vais d’abord définir deux termes d’in-
teraction 3D qui sont assez classiques : la stéréosco-pie et le « Head coupled display ».
La stéréoscopie
La photo ci-dessous présente une seule image d’un
officier. En cliquant, j’ai deux images de l’officier. En
les faisant passer l’une et l’autre de façon très ra-
pide, vous avez une impression de 3 dimensions,
une impression de profondeur : on arrive à voir que
le personnage se détache du fond. C’est un artéfact
qui est low-cost mais en utilisant le même principe,
en alliant deux images et en affichant une image sur
chaque œil, actuellement on arrive à avoir cet effet
au cinéma ou encore dans les visiocasques dont j ’ai
parlé précédemment. On arrive ainsi à restituer
l’impression de profondeur et l’impression d’avoir
vraiment les objets dans l’espace en face de nous.
Le « Head Coupled Display »
Le head coupled display est, en fait, le principe tout
simple de capturer la position de la tête de l’utilisa-
teur en face de son écran et de changer l’affichage
en fonction de cette position : l’affichage est recal-
culé en permanence en fonction de la position de latête.
Pour revenir à nos systèmes d’affichage, avec les lu-
nettes stéréoscopiques, on peut imaginer avoir
l’écran qui est au milieu de la scène tridimension-
nelle et d’avoir l’impression que les objets se déta-
chent alors qu’ils sont derrière.
On peut aussi avoir des écrans qui sont positionnés
derrière : c’est une autre catégorie d’affichage
qu’on appelle « CAVE » ou l’on a carrément les gens
qui sont dans une pièce et sur chaque mur de lapièce on a un affichage (Cf . Images ci-dessous).
CAVE ™ cinq faces (PSA Peugeot Citroen)
Représentation d ’ une montagne avec la technologie
CAVE
Sur la photo ci-dessus, on voit une montagne. La
personne se trouvant devant la scène voit cette
montagne avec l’effet de profondeur grâce aux lu-nettes. La position des lunettes est aussi capturée,
c’est-à-dire que la position de la tête de l’utilisateur
en face de cette montagne est aussi prise en
compte. L’affichage va être recalculé selon les mou-
vements de la tête : si l’utilisateur se déplace vers la
droite par exemple, il va voir le flanc droit de la mon-
tagne, ce qui est impossible si la position de sa tête
n’est pas capturée.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Nous avons vu dans cette première partie de la pré-sentation : la stéréoscopie, le head coupled display ,
quelques dispositifs d’affichage. Il existe beaucoup
d’autres dispositifs d’interaction entre l’homme et
la machine que je n’ai pas le temps de développer
plus en détails ici. Il y a, par exemple, l’haptique qui
simule le toucher et donne l’impression à l’utilisa-
teur qu’il touche vraiment les objets virtuels. Je re-
viendrai là-dessus un peu plus loin.
J’en arrive à la fin de cette petite partie cours sur
l’interaction 3D et je vais en aborder maintenant les
domaines d’application.
DOMAINES D’ APPLICATION
Le tourisme et le jeu
Parmi les domaines d’application de l’interaction
3D, il y a le tourisme et le jeu. Je crois que dans la
présentation d’après vous avez une intervention sur
le tourisme, avec la réalité virtuelle appliquée à la
visite de la Citadelle Henry. Je vais donc laisser l’ora-
teur suivant vous en parler un peu plus.
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La thérapie
Un autre domaine d’application très en vogue dans
la réalité virtuelle, c’est la thérapie. M. Hoffman a
montré qu’il arrivait à soigner des gens de l’arach-
nophobie [Hoffman et al., 2003]. La personne a un
casque donc ça veut dire qu’elle ne voit pas la réa-lité : elle voit un monde virtuel où on lui affiche des
araignées. Hoffman a mis en évidence que, en mé-
langeant cette virtualité avec un peu de réel en lui
donnant aussi des sensations de toucher avec des
« vraies » araignées en plastique, on arrive à soigner
cette personne. A la fin de l’expérimentation, elle
arrive à toucher des vraies araignées.
Application de la réalité virtuelle au traitement de
l ’ arachnophobie
On arrive à soigner un certain nombre de phobies
avec cette méthode : l’arachnophobie, ornithopho-
bie (la peur des oiseaux) et la phobie d’autres créa-
tures. On arrive également à soigner de la peur du
vide, de la claustrophobie, de l’agoraphobie etc.
Cette méthode permet aussi de faire de la réhabili-
tation, c’est-à-dire, de permettre à des personnes
qui ont eu un traumatisme, de revenir à un état nor-
mal. C’est donc très utilisé en milieu militaire. Lors-
que les soldats reviennent d’une guerre, ils ont sou-
vent du mal à revenir au monde normal. On les met
donc dans des situations virtuelles qui simulent vrai-
ment le réel et progressivement on les ramène à la
vie normale. C’est également utilisé pour la réédu-
cation à la suite d’un accident.
Les avantages d’utiliser l’interaction 3D et la réalitévirtuelle sont donc les suivants : on peut mettre en
situation d’une manière sécurisée, contrôler les
conditions de mise en situation de façon fine, pro-
gressive et adaptée. Par exemple, pour une per-
sonne qui a peur du vide, on n’est pas obligé de la
monter en haut d’une falaise du premier coup : on
peut progressivement la mettre en situation. C’est
pareil pour ceux qui souffrent de la peur des arai-
gnées ou d’autres créatures. On n’est pas obligé de
traumatiser des animaux pour guérir des personnes
qui ressentent une peur en leur présence.
La visualisation scientifique
L’ observationdepiècesenarchéologie
On utilise l’interaction 3D dans le domaine de l’ar-
chéologie. Sur l’image, vous voyez un scientifique
qui a scanné une pièce de musée ou une pièce qu’il
a trouvée sur le terrain. Il va pouvoir interagir avec,l’observer sous toutes les coutures. Cela présente
divers avantages dont ceux du numérique : on peut
zoomer sur la pièce scannée, la regarder sous tous
les angles car on n’a plus de problèmes physiques
pour la retourner dans tous les sens surtout si elle
est lourde. On va pouvoir l’envoyer à ses collègues,
la partager, etc.
Manipulation d ’ un scan 3D d ’ une pièce d ’ archéologie
L’ assemblagedepiècesenarchéologie
Un autre exemple avec l’archéologie est la possibi-
lité d’assembler différentes pièces scannées d’unmême objet : chacune de ces pièces peut être tour-
née dans tous les sens pour pouvoir être observée,
bougée et faciliter l’assemblage. Si la pièce entière
est finalement assemblée elle va pouvoir être par-
tagée avec des collègues par exemple.
L’ observationdansdesmodèlesvolumétriques
J’ai un troisième exemple, celui-là, un petit peu
vieux (elle date des années 2000), avec cette fois un
modèle volumétrique. Un modèle volumétrique,
comme je l’ai expliqué implique une matrice tridi-
mensionnelle et, dans l’espace, on a des densités.
Sur cet exemple, il y a plusieurs densités : la peau,
les os, le cerveau. Des chercheurs ont fait une étude
pour savoir quels seraient les outils les mieux adap-
tés pour faire des observations à l’intérieur de ces
données volumiques. En effet, contrairement aux
données surfaciques, quand on affiche des données
volumétriques, on a comme une boîte remplie d’ob-
jets et c’est très difficile d’accéder à ces objets pour
les observer.
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C AS D’ETUDE 1 : LA SELECTION D’OBJETS
MOBILES DANS UN ENVIRONNEMENT 3DJ’ai un quatrième exemple qui fait le lien un peu
avec la présentation de Nadine Mandran (Cf. Pro-
duire et exploiter des traces éducationnelles : vers
une précision fine des services tutoriels). Dans cetteprésentation, Nadine Mandran expliquait la dé-
marche scientifique qui consiste, pour un problème
observé, à vérifier les solutions proposées par la
communauté scientifique. Si ces propositions ont
des manques, on les identifie, puis on propose de
nouvelles idées. On conçoit ces idées, les formalise,
les expérimente puis on publie les résultats obte-
nus.
Problématique
Dans notre exemple, vous avez un rob : un petit
sous-marin qui peut aller au fond des océans et que
IFREMER (Institut Français de Recherche pour l’Ex-
ploitation de la MER) utilise pour faire des observa-
tions au fond des océans. Les chercheurs pilotent le
rob de leur bateau. Le rob dispose de bras avec les-
quels il peut récupérer des outils, faire des manipu-
lations et placer des échantillons dans une caisse
avec des marqueurs. La photo suivante montre le
genre d’images dont disposent les scientifiques
quand le rob est au fond de l ’océan : il s’agit juste
d’une image 2D.
Vue renvoyée par le rob
Le problème avec ce type de dispositif est le sui-
vant : le rob est censé être stationnaire sauf qu ’au
fond de l’eau, il y a des courants, il est donc toujours
en mouvement. Donc, si la personne qui le pilote à
distance décide de mettre le bras dans une position
donnée, elle va envoyer cette instruction à partir de
son interface de pilotage mais l’endroit ciblé bouge
en permanence. On ne peut pas, ou difficilement,
sélectionner des objets en mouvement permanent.
On s’est rendu compte, dans un premier temps, que
le problème de sélectionner des objets mobiles
était beaucoup plus large que le problème du rob.
Le problème se pose aussi pour les cas de simula-
tions où des chercheurs veulent sélectionner une
petite molécule, ou encore dans les jeux vidéo. A
titre d’illustration, imaginons que vous regardez un
match de basket et vous voulez sélectionner un
joueur pour pouvoir afficher ses statistiques. C’est
difficile car il bouge.
Ceci est donc notre problème de base et on va re-
garder si l’existant propose ou pas des solutions qui
conviennent.
Revue de l’existant
Les solutions existantes étaient les suivantes. Dans
la première, on proposait de mettre en pause maisdans le cas du rob, lorsqu’on arrête les prises de
vue, il continue de dériver à cause des courants. On
ne sait pas où il va et quand on revient à la réalité, il
faut le rattraper. Cette première solution ne nous
semblait donc pas adaptée car on perd le contexte
pendant la pause et puis c’est mono-utilisateur.
Dans le cas du match de basket, si vous mettez en
pause pour avoir les statistiques d’un joueur alors
que tout le monde est en train de regarder, vous
pouvez rater une action décisive et ainsi gêner les
autres spectateurs.
Une autre solution proposée est la « technique co-
mète » qui se base sur une loi qu ’on appelle la « loi
de fixe ». Je ne vais pas entrer dans les détails mais
le principe est simple : les chercheurs essaient de
grossir ou marquer les cibles à sélectionner. Cela
s’appliquait dans le contexte de contrôle de trafic
où on voulait sélectionner des véhicules. Le système
était capable de mettre une espèce de traînée aux
véhicules ciblés et faciliter ainsi la sélection. Mais
cette solution ne fonctionne pas quand on est dans
des environnements très denses, remplis de beau-coup d’objets.
Proposition et résultats
Nous avons proposé une technique différente. Tout
d’abord, nous avons observé des gens à qui nous
avons demandé de cliquer sur un objet qui bouge de
manière aléatoire dans un cube (voir image sui-
vante). Leur comportement était le suivant : ils
poursuivaient la cible avec le curseur, la chassaient
en quelque sorte, et cliquaient dessus lorsqu’ils es-
timaient que c’était le bon moment.
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Ce comportement-là est facilement détectable en
informatique. En d’autres termes, le système peut
observer la relation entre les cibles en mouvement
et le curseur de l’utilisateur au fil du temps. Partant
de là, nous avons conçu un système, Hook, capable
d’estimer quelle cible est en train d’être suivie par
l’utilisateur et l’aider à l’atteindre. Nos expérimen-
tations ont démontré que le système arrive à assis-
ter efficacement l’utilisateur même dans des envi-
ronnements 3D denses, remplis d’objets qui se dé-
placent aléatoirement et à très grande vitesse.
Observation du comportement d’utilisateurs pour la sé-
lection d’une cible mobile dans un environnement dense
Les résultats montrent clairement que Hook sur-
passe les méthodes existantes tant au niveau du
temps de pointage des utilisateurs qu ’au niveau de
leurs taux d’erreur, pour des cibles lentes et pour
des cibles rapides. Tous les participants ont aussi
confirmé la facilité d’utilisation qu’offre le système
[Ortega, 2013 a].
C AS D’ETUDE 2 : L’ ASSISTANCE A LA CON-
CEPTION D’OBJETS VIRTUELS
Problématique
Il existe des logiciels qui permettent de construire
des objets 3D. L’un des intérêts directs pour la plu-
part d’entre vous, c’est la possibilité d’imprimer ces
objets-là. L’interaction 3D pendant la construction
des objets est ce qui nous intéresse de près. Pre-
nons l’exemple d’une personne qui modélise un vi-
sage (image ci-dessous).
Captures d ’ écran d ’ une vidéo montrant l ’ évolution du
travail de modélisation 3D d ’ un visage
La personne manipule l’objet mais navigue égale-
ment : elle passe une grande partie de son temps à
bouger l’objet sous différents angles, dans toutesses dimensions, comme ferait un sculpteur et mani-
pule les points 3D. Elle doit combiner ces deux
tâches pour arriver à modéliser l’objet qu’il va par la
suite imprimer peut-être ou utiliser dans un film
d’animation.
Partant de l’observation que les gens passaient
beaucoup de temps à bouger la caméra lors de la
construction d’objets 3D, on s’est demandé s’il était
possible d’améliorer cela. Donc là on s’est posé un
objectif de performance.
Revue de l’existant
On a observé que la plupart des gens utilisent un
type de configuration qui est la configuration 4
vues. S’ils veulent construire un objet, le modéliser,
tel que montré sur l’image ci-dessous, ils vont avoir
en haut à droite une vue générale, qu’ils peuvent
tourner pour pouvoir observer l’objet en construc-
tion. Dans les trois autres vues, on a un affichage
prédéfini différent dans lesquelles ils peuvent faire
leurs manipulations pour construire l’objet.
Configuration 4 vues pour la modélisation d ’ objets
en 3D
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Une autre méthode qui est parfois utilisée consiste
à passer d’une vue à une autre avec un bouton. Par
contre cette méthode a un coup cognitif car, à
chaque fois qu’on arrive sur une nouvelle vue, on
doit la redécouvrir. Cela prend un peu de temps
avant qu’on puisse s’en servir.
Proposition et résultats
Nous avons proposé une technique qui s’appelle
« UICA » qui utilise des animations de caméra entre
des vues. Le système est suffisamment intelligent
pour savoir quelle vue est nécessaire à l’utilisateur.
Nous avons développé un logiciel, on a été contacté
du coup par une boîte allemande qui voulait l’inté-
grer dans son propre logiciel. L’objet tourne et
passe d’une vue à une autre tout seul. Nous avons
effectué une enquête auprès de designers qui nous
ont donné leur retour là-dessus.
Nous avons aussi mené une expérimentation en la-
boratoire qui nous a permis d’évaluer la technique
sans biais. Durant cette expérimentation, la per-
sonne devait mettre une boule blanche dans une
boule bleue en utilisant notre technique. Avec le clic
gauche, elle passait dans une vue verticale et avec
le clic droit, dans une vue horizontale. L’avantage de
cette technique, c’est qu’on peut enchaîner les deux
vues et obtenir ainsi un mouvement tridimension-
nel avec deux mouvements bidimensionnels précis.
Nous avons évalué la technique en demandant à des
gens de faire un grand nombre de fois l’exercice
avec des boules de tailles différentes. La taille de la
boule cible (celle dans laquelle il fallait mettre
l’autre), définissait la difficulté de l’exercice : plus la
cible était grande, plus c’était facile et rapide d’y
placer l’autre boule et plus elle était petite, plus
c’était difficile d’y mettre l’autre boule.
Nous avons, à la fin de l’expérimentation, obtenu
des résultats sur le temps moyen pour chaque diffi-
culté. Notre technique, IUCA, faisait gagner 15% de
temps d’interaction comparativement aux tech-
niques existantes. Au niveau des erreurs, c’était à
peu près similaire [Ortega, 2013 b].
C AS D’ETUDE 3 : L’ENTRAINEMENT A UN
GESTE Le dernier domaine d’application de l’interaction 3D
que je vais vous présenter est l’entraînement. On va
parler ici de réalisme : l’objectif, ce n’est pas d’aller
vite mais d’essayer de simuler le réel avec le virtuel.
C’était le sujet de ma thèse de doctorat en 2006, encollaboration avec l’entreprise automobile PSA-
Peugeot-Citroën qui a beaucoup investi dans la réa-
lité virtuelle à un moment parce qu’elle souhaitait
concevoir beaucoup de prototypes en numérique et
les éprouver le plus possible dans ce format-là avant
de passer à la fabrication réelle. La raison est que
cela coûte forcément moins cher de produire et
d’éprouver des prototypes en numérique que d’en
concevoir des réels à chaque fois.
Le cas particulier que nous avons étudié, c’est la dé-
pose de mastic pour les joints. Dans les usines de la
compagnie automobile, quand la voiture sort de son
premier bain, les morceaux de tôle qui la compo-
sent sont simplement soudés. Pour éviter que de la
poussière ou de l’eau y entre lorsqu’elle sera utili-
sée, on doit étanchéifier les joints entre les tôles. Un
opérateur est chargé, toute la journée, de déposer
du mastic dans les joints de tôles avec un pistolet àmastic. Pour réaliser ce travail, il est parfois debout
et au niveau ergonomique, le geste est plutôt
simple. Par contre, quand il doit aller à l’intérieur du
capot, se pencher, se courber pour aller positionner
son pistolet sur un joint, c’est beaucoup plus problé-
matique. Donc, PSA-Peugeot-Citroën souhaitait
pouvoir étudier cela pour l’améliorer avant d’en-
voyer une voiture en production. Cela peut paraître
très précis mais c’est une recherche qui peut être
généralisable.
Pour simuler le travail de l’opérateur, on a utilisé ceque l’on appelle un « workbench » [Ortega et al.,
2006].
Représentation d ’ un workbench
Sur l’image, vous avez une simulation qui repré-
sente un personnage face à 2 grands écrans : un
écran vertical et un écran horizontal. Dans les pe-
tites boules vertes, on a placé des moteurs. De ces
moteurs partaient des câbles qui étaient attachés
au pistolet à mastic. Donc, en contrôlant la force de
tension de ces moteurs, on a simulé le toucher et le
contact du pistolet avec la voiture virtuelle. On a
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ainsi simulé tout le processus de la sensation du tou-
cher et l’utilisateur est obligé de prendre des vraies
postures qu’il prendrait dans la vie réelle pour dé-
poser son mastic. A partir de là, on va donc pouvoir
étudier ces postures et anticiper les problèmes dans
la chaîne de production.
CONCLUSION Pour finir, je fais juste un petit rappel : l ’interaction
3D est plutôt un travail se rapportant à la création
et l’amélioration d’outils de conception, de visuali-
sation et d’analyse de données tridimensionnelles
spatiales. Les domaines d’application sont divers :
cela peut être les sciences, la santé, le loisir ou en-
core l’industrie.
RÉFÉRENCES
[Hoffman et al., 2003] Hoffman, H. G.; Garcia-Palacios, A.;Carlin, C..; Furness, T.A. III; Botella-Arbona, C. 2003. Inter-
faces that heal: Coupling real and virtual objects to cure
spider phobia. International Journal of Human-Computer
Interaction, 15, pp. 469-486.
[Ortega, M. 2013 a] Ortega, M. 2013. Hook: Heuristics for
Selecting 3D Moving Objects in Dense Target Environ-
ments. In Proceedings of the IEEE 8th Symposium on 3D
User Interfaces (3DUI 2013), pp. 119-122.
[Ortega, M. 2013 b] Ortega, M. 2013. 3D object Position
using Automatic Viewpoint Transitions. In Proceedings of
the international conference on Human factors in compu-
ting systems (CHI 2013), pp. 193-196.
[Ortega et al., 2006] Ortega, M., Redon, S., Coquillart, S.
2006. A six degree-of-freedom god-object method for
haptic display of rigid bodies. Virtual Reality Conference
2006, Alexandria, Virginia, United States. pp. 191 –198.
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Expérience d’immersiondans un environnement tou-rist ique virtuel : la Citadelle
HenryMots clés : Réalité virtuelle, Tourisme virtuel, Citadelle Henry
Marc Henry Jeanty
INTRODUCTION Imaginez un instant pouvoir visiter n’importe quel
monument historique, en Haïti ou ailleurs, sans
avoir à se déplacer ? Cette idée est celle qui motive
notre travail sur la modélisation de la Citadelle
Henry. Aujourd’hui, ce modèle est prêt. L’utilisateur
muni d’un casque Oculus Rift et d’un gant interactif
peut se déplacer en immersion au sein de ce modèle
et visiter le monument.
Nous avons aussi pensé à rendre possible des visitesen groupe au sein des répliques virtuelles de ce type
de monuments. Pour y arriver, nous envisageons
d’utiliser la technique « Cave » dont nous a parlée
Dr Michael Ortega dans la présentation précédente.
Le principe est de faire des projections sur les quatre
murs munis de capteurs dans une salle. Les
projections reconstitueront l’intérieur du
monument et, grâce aux capteurs, les visiteurs
pourront interagir avec l’environnement virtuel.
PRINCIPE DE LA VISITE VIRTUELLE Nous utilisons un système de gant combiné avec
l’utilisation d’un casque Oculus Rift.
Le système visuel projette une image de
l’environnement virtuel. Cette image est répliquée
sur chacun de nos yeux de manière synchronisée, de
sorte qu’on ait la même image de l’environnement
pour chaque œil. En haut de chaque image nous
avons une petite partie représentant une carte pour
permettre à l’utilisateur de s’orienter et de circuler
au sein du modèle virtuel.
3 Vous pouvez accéder à cette vidéo sur notre page Youtube ensuivant ce lien hypertexte ou en scannant le QR Code au débutdu document.
Gilbert Torchon va vous faire une démonstration de
navigation dans l’environnement virtuel avec les
gants.3
Démonstration de navigation avec les gants dans le mo-
dèle virtuel de la Citadelle Henry
LE TRAVAIL DE MODELISATION Pour rendre possible ce projet, des milliers de
photos ont été prises sur place pour reconstituer
toutes les vues de la Citadelle. L’intervention d’un
ingénieur et l’exploitation de plans de la Citadelle
ont également été nécessaires afin de prendre les
mesures réelles du monument pour une réplique
exacte en image virtuelle. Ce travail a permis de reconstituer en 3D certaines
pièces du monument actuellement inaccessibles au
public pour des questions de sécurité. C’est le cas
pour l’ensemble du sous-sol et de la poudrière de la
Citadelle par exemple.
La modélisation des quatre étages de la Citadelle est
entièrement achevée. Le sous-sol et les paysages
autour du monument sont en cours d’élaboration
pour que cette visite soit complète.
MM. Marc-Henry JEANTY et Gilbert TORCHON
Informaticiens
Développeurs de l’équipe Réalité Virtuelle. La-
boratoire SITERE, ESIH
« Des milliers de photos ont été prises sur place pour re-
constituer toutes les vues de la Citadelle.
Ce travail a permis de reconstituer en 3D certaines
pièces du monument actuellement inaccessibles au pu-
blic pour des questions de sécurité. »
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69
Une particularité que comporte la visite virtuelle qui
ne pourrait être possible lors d’une visite réelle, c’est
la possibilité d’avoir une vue aérienne complète de
la Citadelle.
PERSPECTIVES
La réplication de ce travail est envisagée pourd’autres monuments historiques du patrimoine
haïtien.
Une évolution possible du projet est la visite en
groupe avec l’intervention d’un guide. Cela
permettrait aux visiteurs de profiter de la visite du
monument en étant orientés. Ce type de réalisation
nécessite l’utilisation d’un « corner cave ». Les
visiteurs pourraient se voir les uns et les autres et
partager ainsi la visite virtuelle comme on peut le
faire lors d’une visite réelle.
Ces visites groupées pourraient être mises àdisposition des touristes dans un hôtel par exemple
ou sur un bateau de croisière, permettant ainsi une
visites complète de monuments si on est dans
l’incapacité d’y aller physiquement.
INTERACTIONS AVEC LE PUBLIC La modératrice (Madame Marlène Sam) :
« Je voudrais poser une question avant de passer
la parole aux membres de l ’ assistance : « Combien
parmi vous dans la salle sont déjà allés à la Cita-
delle Henry ? ». A l ’ évidence, même pas 50% de lasalle.
Pouvez-vous nous montrer les accessoires permet-
tant de naviguer dans l ’ environnement virtuel ? »
Les accessoires permettant l’interaction :
Gilbert Torchon
L’Oculus Rift utilisé dans ce projet est un visiocasque
de première génération. Il en existe une deuxième
version qui est une version sans fil.
Le gant n’est pas util isé pour permette de toucher etde valider une sélection comme c’est le cas
habituellement. Son utilisation, ici, permet aux
visiteurs de se déplacer dans la projection virtuelle
de l’Oculus Rift. Pour cela, la personne doit exécuter
une série de mouvements avec les doigts, ce qui lui
permet de se diriger dans l’environnement virtuel.
« Ces deux outils technologiques externes, sont-ils
reliés à un ordinateur ? »
Oui, ces accessoires sont des périphériques reliés à
un ordinateur.
Question d ’ un membre de l ’ assistance :
« Vous avez dit au début qu’ il y avait des salles qui
n’ étaient pas visitables, mais à partir de ce pro-
gramme, de façon virtuelle, on peut les visiter. Est-
ce purement de l ’ imagination ? »
Non, ce n’est pas de l’imagination. Nous avons uti-
lisé les plans de la Citadelle et nous avons été sur
place prendre certaines photos. Même si on ne peut
pas s’y rendre physiquement, dès lors que l’on dis-
pose du plan et des photos, on peut arriver à modé-
liser ces espaces.
Question d ’ un membre de l ’ assistance :
« Je suis architecte et j ’ ai travaillé sur la Citadelleégalement. Je pense ne pas avoir saisi au départ si
vous l ’ avez mentionné, mais j ’ aimerais savoir com-
ment vous vous y êtes pris pour la modélisation,
quel logiciel avez-vous utilisé ?
Ma deuxième question. Je sais que l ’ on est dans le
virtuel mais pourquoi est-ce si peu réel ? Le rendu
semble ne pas être tout à fait au point Je sais que
par exemple sur le logiciel Sketchup, avec lequel j ’ ai
l ’ habitude de travailler, le rendu peut être plus
proche de la réalité. On peut obtenir un rendu qui
donne l ’ impression de voir les images comme on lesverrait en photos. Si je visite la citadelle pour la pre-
mière fois comme les touristes, j ’ aurais aimé avoir
une meilleure qualité d ’ image par exemple. »
Pour la première question, on a utilisé pour la mo-
délisation le logiciel 3DS Max parce que c’est le logi-
ciel le plus compatible avec les outils et logiciels que
nous utilisons pour simuler l’immersion.
Pour la deuxième question sur le rendu, on a dû uti-
liser une résolution de 1440 × 900 pixels pour
rendre la navigation plus fluide. Lorsqu’on passe àune meilleure résolution, 1920 × 1080 pixels par
exemple, nous avons certaines parties du modèle
qui ralentissent. Je précise aussi que la projection de
l’image et ce que l’on voit réellement lorsqu’on uti-
lise le casque sont très différents. Lorsqu’on utilise
le casque le rendu est meilleur.
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Un Système Tutoriel Intell igentdédié à la chirurgieMots clés : Systèmes Tutoriels Intelligents, Connaissances perceptivo-ges-
tuelles, Data Mining
INTRODUCTION Un système tutoriel intelligent, est tout d ’abord un
logiciel informatique ou un environnement infor-
matique intégrant différents logiciels et périphé-
riques, favorisant l’apprentissage d’un domaine.
Un système tutoriel intelligent (STI) de base intègre
les modules suivants :
un module de communication qui est une in-
terface à travers laquelle le contenu pédago-gique est proposé à l’apprenant
un module « modèle de l’apprenant » dont le
rôle est de modéliser les connaissances et le
comportement de l’apprenant et ainsi en dres-
ser un profil
un module « modèle pédagogique » qui guide
l’apprenant au regard des objectifs d’appren-
tissage et de paradigmes d’enseignement spé-
cifique
le module « modèle du domaine » comprend
les connaissances du domaine que l’on veuttransmettre à l’apprenant.
Dans cette architecture, le système capte les actions
et comportements de l’apprenant à travers le mo-
dule de communication. Grâce aux données obte-
nues à partir de l’enregistrement de ces actions, il
calcule le niveau de l’apprenant au regard des con-
naissances du domaine et lui renvoie des instruc-
tions en se basant sur les objectifs du modèle péda-
gogique.
Ces instructions sont adaptatives, c’est-à-dire, auplus proche du profil de l’apprenant. Elles peuvent
concerner l’évaluation de ses acquis, la génération
de feedbacks sur ses actions et son comportement
dans le but de le guider, l’avertir et d’assurer la pro-
gression de son apprentissage.
A différents niveaux de cette architecture, le STI
peut intégrer des paradigmes de l’Intelligence Arti-
ficielle. Par exemple, le système peut être capable
de déduire que l’apprenant en face de lui est un dé-
butant en se basant sur les connaissances qu ’il a
déjà du comportement et du savoir d ’un expert.
Partant de là, il peut apprendre des experts, aug-
menter son ensemble de connaissances, incrémen-
ter ainsi le modèle du domaine, dans le but de
mieux guider l’apprentissage des apprenants. Il
existe différentes techniques d’apprentissage auto-
matique permettant ainsi aux STI d’accroître leurs
bases de connaissances d’un domaine. Cette capa-
cité à apprendre de manière automatisée, à chaque
fois qu’il est utilisé, est une fonctionnalité qui per-
met de dire d’un système tutoriel qu’il est intelli-
gent.
C’est donc, en résumé, un logiciel informatique
conçu pour simuler le comportement et le guidage
d’un enseignant humain avec en plus la capacité de
suivre chaque apprenant individuellement. Ceci a
pour avantage de permettre au système, non seule-
ment de déterminer les échecs et les succès de
chaque apprenant au regard d’un domaine, mais
aussi de cibler les causes de ces échecs et les raisons
de ces succès.
Il peut exister autant de STI que de domaines. Cer-tains domaines sont plus complexes que d’autres.
M. Ben-Manson TOUSSAINT
PhD
Informaticien
Directeur du laboratoire SITERE
« Un Système Tutoriel Intelligent est conçu pour simuler lecomportement et le guidage d’un enseignant humain avec en
plus la capacité d’offrir des services tutoriels individualisés et
adaptatifs. Entre autres services tutoriels, le STI peut non
seulement déterminer les échecs et les succès de chaque ap-
prenant, mais aussi de cibler les causes de ces échecs et les
raisons de ces succès. »
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71
La conception d’un STI pour un domaine exige de
pouvoir en modéliser les connaissances. Certaines
connaissances, en considérant même un seul do-
maine, sont plus complexes que d ’autres. Il existe
des domaines dits bien-définis où les connaissances
sont facilement modélisables même en étant com-
plexes. Les mathématiques en sont un exemple. De
l’autre côté, il y a les domaines dits mal-définis
parce qu’il est impossible, par exemple, de dresser
un cadre formel complet de toutes les connais-
sances qu’il contient. C’est le cas, par exemple, de
tous les domaines impliquant la création ou des
tâches de conception : l’architecture, la program-
mation informatique, la production de texte, etc.
Certains domaines impliquent des connaissances
dites multimodales, c’est-à-dire, faisant intervenir
des connaissances de modalités différentes. Parexemple, les sports en général impliquent à la fois
des habiletés motrices, des gestes, des prises d’in-
formations perceptuelles ainsi que des connais-
sances théoriques. Un tennisman réalisant un par-
fait back flip possède une maîtrise qui passe par un
entraînement spécifique de ce geste et qui implique
différentes connaissances telles que l’angle optimal
de frappe de la balle en mouvement en prenant en
compte sa vitesse et sa trajectoire. On rencontre ce
même type de connaissances en chirurgie où la réa-
lisation du geste chirurgical fait intervenir des con-
naissances perceptivo-gestuelles. Je vais revenir sur
ce domaine mais d’abord, voyons un peu plus ce
que sont les connaissances multimodales et en par-
ticulier les connaissances dites perceptivo-ges-
tuelles, spécifiquement, leur prise en charge dans la
conception des STI.
CONNAISSANCES MULTIMODALES ET SYS-
TEMES TUTORIELS INTELLIGENTS Les connaissances multimodales sont souvent em-
piriques et tacites. En d’autres mots, ce sont des
connaissances que les experts du domaine ne peu-vent pas expliciter uniquement de manière déclara-
tive. Leur acquisition et assimilation se font par la
pratique. C’est un défi pour la conception des STI
dans la mesure où ce type de connaissances est dif-
ficile à capter, à modéliser et à traiter.
La difficulté augmente lorsque ces connaissances
proviennent d’un domaine mal-défini où il n’y a pas
de cadre théorique formel et où une question peut
avoir plusieurs réponses, chacune de ces réponses
pouvant éventuellement être remise en cause
[Lynch et al., 2006].
Pour parvenir à enregistrer des connaissances mul-
timodales dans les STI, on a recours à différents cap-
teurs : l’enregistrement du comportement percep-
tuel lié aux visualisations requiert un oculomètre,
l’enregistrement des gestes, un bras haptique, etc.
Les traces produites par ces différents outils sont
hétérogènes. La tentation serait de traiter l’aspect
de ces connaissances jugé le plus pertinent au détri-
ment des autres. Mais il est essentiel, en dépit de la
difficulté que cela pose, de pouvoir considérer et
traiter ces connaissances dans leur ensemble.
LE CAS DE LA CHIRURGIE ORTHOPEDIQUE
PERCUTANEE Dans le cadre de mes travaux de recherche sur la
modélisation et le traitement des connaissances
multimodales dans les STI, la chirurgie orthopé-
dique percutanée était mon cas d’étude. Les con-naissances dans cette spécialité de la chirurgie, sont
multimodales et plus précisément, perceptivo-ges-
tuelles. Les opérations sont réalisées à travers la
peau du patient : le chirurgien ne dispose donc pas
d’une visibilité directe sur les zones anatomiques ci-
blées. Il est guidé, tout au long de l ’opération, par
des radiographies prises avec ce que l’on appelle un
fluoroscope.
Les prises d’information visuelles sont ici cruciales.
Le chirurgien doit faire cet effort cognitif qui est de
combiner des images en deux dimensions, pour
pouvoir se représenter la progression de ses outils
vers la zone anatomique ciblée en trois dimensions.
Dans le cas de la vertébroplastie que je vais prendre
en exemple tout au long de cette présentation, la
zone ciblée est une vertèbre fracturée : la vertébro-
plastie est un type d’opération chirurgicale percuta-
née réalisée pour traiter des vertèbres fracturées en
y injectant un ciment médical à l’aide d’un trocart.
Au niveau du geste intervient la manipulation du
trocart, l’outil chirurgical qui est inséré à travers lapeau du patient pour atteindre une zone anato-
mique spécifique. Il s’agit de définir la bonne trajec-
toire du trocart (intra-pédiculaire, oblique, ortho-
doxe, etc.) pour atteindre la zone ciblée en fonction
du cas clinique du patient. Les zones anatomiques
traversées par le trocart sur cette trajectoire sont de
consistances différentes. Les perceptions haptiques
ressenties par le chirurgien constituent des informa-
tions perceptuelles qui l’aident à guider et adapter
son geste. Selon le chirurgien, il peut y avoir diffé-
rentes décisions sur la trajectoire à adopter pour le
trocart. C’est là la dimension mal-définie du do-
maine.
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Nous avons donc un domaine mal-défini faisant in-
tervenir des connaissances perceptivo-gestuelles,
connaissances multimodales impliquant des per-
ceptions, des gestes et des connaissances théo-
riques en anatomie.
Le STI TELEOS [Luengo et al., 2006] a été conçu pourpouvoir capter ces différentes modalités de con-
naissances au cours de simulations d’opérations chi-
rurgicales orthopédiques percutanées. Je vous dé-
cris l’essentiel de son fonctionnement avant d’aller
plus loin sur les méthodologies de modélisation et
de traitement de ces connaissances.
L’ENVIRONNEMENT DE SIMULATION D’OPE-
RATIONS CHIRURGICALES TELEOSL’environnement d’apprentissage orienté simula-
tion TELEOS (Technology Enhanced Learning Envi-ronment for Orthopedic Surgery) intègre les princi-
paux artéfacts d’une salle d’opération chirurgicale
percutanée (image ci-dessous).
Interface du simulateur TELEOS
Pour le modèle 3D du patient, des vraies coupes de
radiographies de patients du Centre Hospitalier Uni-
versitaire de Grenoble ont été utilisées. Elles ont été
intégrées dans le système pour générer le modèle
en trois dimensions. Pour pouvoir capter les diffé-
rentes modalités d’interactions qui entrent en jeu
au cours d’une simulation de chirurgie orthopé-
dique percutanée, l’environnement de simulation
(illustrée dans la figure ci-contre) intègre deux péri-
phériques en complément de l’interface de simula-
tion. Il comprend, en fait, un oculomètre permet-
tant de capter les visualisations de l’apprenant et un
bras haptique permettant de capter ses gestes. Les
actions ponctuelles intervenant au cours de la simu-
lation sont captées à partir de l’interface de simula-
tion illustrée dans la figure précédente. Le bras hap-
tique permet de simuler la progression de l’outil chi-
rurgical jusqu’à la zone anatomique ciblée et simule
la résistance que le chirurgien ressent en traversant
les tissus sur sa trajectoire jusqu’à l’impact avec l’os
et à travers celui-ci.
L’ environnement de simulation TELEOS
MODELISATION DES VISUALISATIONS DE
L’ APPRENANT Je reviens sur la modélisation des visualisations de
l’apprenant parce que, à ce niveau, c’est un point
extrêmement important dans la mesure où le chi-
rurgien est guidé dans son geste par des radiogra-
phies pour lesquelles il faut des analyses visuelles
précises. Pour pouvoir déterminer si les vérifica-
tions visuelles pour le guidage du geste chirurgical
au cours d’une vertébroplastie sont effectuées, les
points d’intérêt de chaque vertèbre à opérer ont été
définis. Pour monitorer et enregistrer de manière
plus large le comportement visuel, différenteszones d’intérêt de l’interface de simulation ont aussi
été définies [Jambon & Luengo, 2012].
Concernant les points d’intérêt des vertèbres, nous
partons d’un ensemble de coupes en deux dimen-
sions des vertèbres fracturées à proposer dans les
exercices de simulation de la plateforme. Pour rap-
pel, il s’agit de vrais cas cliniques et donc des coupes
de radiographies de fractures réelles. On demande
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73 Processus de modélisation des points d ’ intérêts des vertèbres dont l ’ opération est simulée dans l ’ environnement d ’ apprentis-
sage TELEOS
ensuite à un expert de déterminer manuellement
les différents points de la vertèbre qui aident au gui-
dage de l’outil chirurgical tout au long de l’opéra-
tion. Ces annotations incluent le nom du point d’in-térêt de la vertèbre ainsi que ses coordonnées sur
l’image. Les coupes annotées sont ensuite reconsti-
tuées en trois dimensions permettant ainsi de pro-
jeter les points d’intérêt à suivre sur les radiogra-
phies générées sur l’interface de simulation avec le
fluoroscope. Ce processus est illustré dans la figure
ci-dessus
Cette démarche nous permet de capter les diffé-
rents points fixés par l’interne au cours d’une simu-
lation d’opération et de déterminer si les vérifica-
tions requises sont effectuées tout au long du pro-
cessus.
Concernant les zones d’intérêt de l’interface, nous
avons la section comprenant la reproduction en
trois dimensions du corps du patient ainsi que le tro-
cart, la section d’affichage des radiographies prises,
les panneaux de manipulation du fluoroscope et de
différents autres outils.
Lorsque l’apprenant visualise ces zones et points
d’intérêt, le système les enregistre, faisant ainsi la
chronologie de ses prises d’informations visuelles.
PROBLEMATIQUE Le challenge pour l’analyse de l’apprentissage et la
production de services tutoriels adaptés dans ce
contexte, est de parvenir à modéliser et à traiter ces
connaissances multimodales d’un domaine com-
plexe. Comment parvenir à modéliser ces connais-
sances en prenant en compte, de manière cohé-
rente, les différentes facettes qui les composent ?
Pr Vanda Luengo a proposé le concept de connais-
sances perceptivo-gestuelles [Luengo et al., 2006]
et mon travail a été de proposer une méthodologie
pour formaliser, représenter et traiter ce type de
connaissances.
Verrous scientifiques et techniquesLes verrous scientifiques et techniques à considérer,
pour atteindre cet objectif, ont été les suivants :
trouver le modèle adéquat pour la représentation
des séquences d’interactions perceptivo-gestuelles
impliquant des perceptions, des gestes et des con-
naissances théoriques ; prendre en charge l’hétéro-
généité des traces de ces interactions dans la me-
sure où la multiplicité des périphériques utilisés
pour capter ces interactions est à l’origine d’un en-
semble de traces hétérogènes à différents niveaux ;
rendre possible le traitement et l’exploitation de ces
séquences, à des fins de Learning Analytics et d ’ Edu-
cational Data Mining, et les connaissances percep-
tivo-gestuelles qu’elles sous-tendent ; concevoir les
outils adaptés aux traitements visés.
En résumé, les propositions à formuler doivent pou-
voir prendre en charge le traitement de traces (don-
nées) brutes, multi-sources et hétérogènes pour
pouvoir les représenter sous forme de séquences
d’interactions reflétant la nature multimodale des
connaissances qu’elles sous-tendent.
REVUE DE L’ETAT DE L’ ART Dans la littérature, les perceptions sont générale-
ment exploitées pour analyser les méta-connais-
sances des apprenants, c’est-à-dire, la manière dont
ils utilisent leurs perceptions pour pouvoir organiser
leur apprentissage [Conati & Merten, 2007]. Les
perceptions sont aussi utilisées, dans certains tra-
vaux de recherche, pour évaluer certains para-
mètres cognitifs tels que les efforts déployés par
l’apprenant en situation d’évaluation [Lach, 2013].
Toujours dans la littérature, les gestes et percep-
tions sont souvent utilisés comme soutien à l’acqui-sition d’une habileté motrice comme par exemple,
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75
charge l’hétérogénéité interne des traces dans le
processus d’extraction de patterns.
EVALUATIONS DES PROPOSITIONS ET RE-
SULTATS Nous avons conduit des expérimentations pour éva-
luer ces différentes propositions, à savoir, le modèle
de formalisation des séquences perceptivo-ges-
tuelles, le framework capable de traiter ces sé-
quences et réifier le modèle et l’algorithme permet-
tant d’exploiter les séquences générées par le fra-
mework.
Evaluation du modèle de représentation et
du framework de traitement
Pour notre première expérimentation la question a
été de savoir dans quelle mesure le modèle permet
l’analyse des connaissances de l’apprenant en pre-nant en compte toutes les modalités impliquées.
Pour se faire nous avons voulu analyser la corréla-
tion entre le comportement de l’apprenant lié à ses
prises d’informations visuelles et ses performances.
Les résultats obtenus nous ont permis de démon-
trer que le modèle proposé permettait d ’analyser
de manière précise le comportement de l’appre-
nant quant à ses prises d’informations visuelles tout
au long des sessions de simulation. Nous avons pu
ainsi observer que les internes dont les visualisa-
tions dénotaient une stratégie favorisant une ana-
lyse précise des radiographies de guidage et du po-
sitionnement de l’outil sur le modèle du patient
après chaque action ou geste exécuté, commet-
taient moins d’erreurs et avaient moins besoin de
revenir sur leurs décisions pour la validation de
chaque phase de l’opération simulée [Toussaint et
al., 2015 a].
Cette expérimentation a aussi démontré la cohé-
rence des séquences perceptivo-gestuelles géné-
rées par le framework de traitement proposé.
Evaluation de l’algorithme
La deuxième expérimentation conduite visait l’éva-
luation de l’algorithme à deux niveaux : (1) ses per-
formances computationnelles comparativement à
l’état de l’art (2) la pertinence de ses résultats du
point de vue des experts du domaine.
Les résultats de cette expérimentation ont montré
que l’algorithme PhARules avait une consommation
mémoire plus élevée et une vitesse d’exécution
moindre que l’algorithme auquel il a été comparémais de meilleures performances au regard du
nombre de patterns de connaissances extraits. Ce-
pendant, le nombre de patterns extraits par un al-
gorithme n’étant pas un critère suffisant pour dé-
terminer la qualité d’un algorithme, il était néces-
saire de vérifier la précision de ces patterns compa-
rativement à l’algorithme existant. Cette évaluation
a démontré que PhARules pouvait extraire les pat-
terns de connaissances importants dans toutes les
phases des opérations simulées. L’algorithme exis-
tant, quoique plus performant du point de vue com-
putationnel, n’a pu détecter les patterns que dans
une seule phase de ces opérations [Toussaint &
Luengo, 2015].
Partant de là, l’idée a été d’évaluer l’intérêt des ré-
sultats de l’algorithme pour les humains, en l’occur-
rence, des experts du domaine. En fait, ce qu ’un al-
gorithme trouve pertinent ne l’est pas forcémentpour un humain dans la mesure où un humain
puisse trouver incohérents, tautologiques, non per-
tinents donc inintéressants les résultats d’une opé-
ration d’extraction de connaissances d’un algo-
rithme.
Nous avons soumis un échantillon de ces résultats à
un panel d’experts chirurgiens pour en évaluer l’in-
térêt du point de vue du domaine.
Les scores attribués par ces experts aux patterns ont
traduit l’intérêt de ces patterns pour leur perti-nence didactique, la possibilité de les réutiliser dans
une situation d’apprentissage dans le monde réel, la
pertinence des informations sur les visualisations et
sur les états de la simulation qu’ils rapportent. Ces
scores ont démontré que ces patterns n’appor-
taient pas d’informations nouvelles sur les connais-
sances du domaine mais permettaient d’expliciter
et de pointer des informations sur la réalisation
d’une vertébroplastie qu’ils ne pensent pas forcé-
ment à expliciter lorsqu’ils enseignent à des in-
ternes.
Nous avons aussi évalué le niveau d’accord des ex-
perts entre eux sur les scores attribués à chaque
pattern de l’échantillon. Les résultats obtenus ont
permis de conclure à un niveau d’accord élevé entre
eux sur l’évaluation des patterns pour chacun des
paramètres susmentionnés.
En résumé ces expérimentations ont démontré que
l’algorithme PhARules permettait d’extraire de ma-
nière plus précise que l’existant, des patterns de
connaissances perceptivo-gestuelles à partir de la
base de séquences générées avec le framework Pe-
TRA ; que les résultats obtenus par l’algorithme sont
8/16/2019 Actes de la JSESIH2015
http://slidepdf.com/reader/full/actes-de-la-jsesih2015 76/78
Actes de la 3e édition des Journées Scientifiques de l’ESIH. JSESIH 2015
© 2016 Laboratoire SITERE-ESIH
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pertinents du point de vue des experts du domaine
tout en révélant la perfectibilité de ses perfor-
mances computationnelles.
Evaluation de la généricité des propositions
Ces propositions ont été développées dans un souci
de généricité. En d’autres mots, l’idée a été de pro-
poser un ensemble de solutions capables de traiter
des connaissances multimodales de n’importe quel
domaine et non seulement de la chirurgie.
Pour évaluer cette généricité, nous avons conduit
une expérimentation avec des données obtenues à
partir d’un environnement de simulation dédié à un
autre domaine que la chirurgie impliquant des con-
naissances perceptivo-gestuelles : l’aviation [Tous-
saint, 2015 ; Ch. 10]. Avec cette expérimentation,
nous avons fourni la preuve de concept qu ’il étaitpossible de représenter des traces issues d’un do-
maine différent du cas d’étude principal –avec des
traces aux format et structure différents –, selon le
modèle et avec les outils proposés. Nous avons
aussi fourni la preuve de concept que l ’algorithme
proposé arrivait à extraire des patterns de connais-
sances qui rendent compte de la multi-modalité des
interactions et des connaissances qu’elles sous-ten-
dent pour ce domaine.
PERSPECTIVES ET CONCLUSION L’une des principales perspectives envisageables estd’exploiter ces propositions dans le but de modéli-
ser de manière complètement automatisée le profil
des apprenants : leur niveau de connaissances, leur
comportement et surtout leurs stratégies de résolu-
tion de problème en prenant en compte toutes les
modalités de leurs interactions.
Une autre perspective est aussi d’exploiter ces ou-
tils pour l’automatisation de l’acquisition des con-
naissances d’un domaine. L’intérêt serait, dans le
processus de modélisation des connaissances du
domaine pour la conception ou l’évolution d’un STI,
de réduire la contrainte de faire expliciter les con-
naissances exclusivement par des experts.
Une application essentielle de ces propositions est
de proposer des services tutoriels automatisés et
adaptatifs (proches du profil de l’apprenant) qui in-
tègrent le caractère perceptivo-gestuel des connais-
sances du domaine. En d’autres mots, rendre pos-
sible l’évaluation des connaissances et le guidage
pédagogique en analysant de manière ciblée, là où
c’est nécessaire, chacune des facettes des interac-tions et des connaissances de l’apprenant.
Des applications à encore plus de domaines inté-
grant ou non des connaissances multimodales peu-
vent aussi être envisagées. L’exploitation de ces ou-
tils sur des données autres que des traces d’appren-
tissage : données de transactions, la création de
processus de traitement réutilisables par d’autres
pour leurs propres besoins de traitements des don-
nées sont des perspectives qui sont envisagées pour
de prochains travaux.
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RECHERCHE SCIENTIFIQUE
, INNOVATION ET
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