GUERRES ET PAIX 1914-1945

Florence Giry, lycée Duhamel du Monceau, Pithiviers

II - Guerres et paix (1914-1946) (10 -

12h)

A -L’Europe au cœur des grands

affrontements : les bouleversements

territoriaux liés aux deux guerres

mondiales, les totalitarismes contre

les démocraties, les génocides

les événements militaires à l’aide de

cartes. La Première Guerre mondiale marque

durablement les sociétés par le

renforcement de l’Etat et par l’expérience

de la violence.

On posera la question du consentement

des opinions.

La Seconde Guerre mondiale franchit de

nouveaux seuils dans la violence du fait

des objectifs du nazisme et de

l’impérialisme japonais, de l’implication

des civils, des armes utilisées (bombe

atomique).

Guerres et paix, 1914-1945 (10 – 12h)

A - L’Europe, un espace marqué par

deux conflits mondiaux

double étude :

- celle des dimensions géopolitiques

des deux conflits mondiaux, de leurs

caractères spécifiques, de la violence

vécue par les combattants et par les

civils ;

- celle des génocides perpétrés durant

la Première et la Seconde Guerre

mondiale. Cette étude inclut un travail

sur le complexe de camps

d’Auschwitz : il constituait un élément

de la politique concentrationnaire nazie

et surtout un instrument majeur de la

politique d’extermination des juifs

d’Europe ; il est devenu un lieu de

mémoire.

Cette double analyse amène à

présenter la question du

consentement des opinions.

STMG

UN PROJET PEDAGOGIQUE POSSIBLE

Une progression peut être organisée autour des notions-clés du cours - Une caractérisation des deux conflits, en centrant l’approche sur la

notion de guerre totale, en montrant la totalisation progressive de la Première Guerre mondiale et en abordant le concept de « guerre d’anéantissement » pour la Seconde Guerre mondiale (BO: guerre totale, crime contre l’humanité, crime de guerre)

- Une réflexion sur la place des hommes en s’intéressant aux violences subies, consenties et posent la question de la brutalisation des sociétés européennes, celle aussi du consentement ou non consentement de la population. ( BO résistance)

- Une réflexion sur la question des génocides, difficile à conduire car il y a « le mot », la qualification juridique et le concept utilisé par les historiens pour qualifier des crimes sans nom. (BO génocide)

- Une réflexion plus géopolitique sur le devenir de l’Europe après deux conflits mondiaux et la place de la question nationale (BO nationalisme).

1914-1918 1939-1945 % de la

population de

1914

mili

tair

es

mili

tair

es

civi

ls

France 1.36 0.2 0.3 4.8

Allemagne 1.8 3.85 3.8 14.5

Angleterre 0.9 0.3 0.15 3.2

Italie 0.6 0.23 0.15 2.8

URSS 1.7 13.6 13 27

Pologne 0.32 4.5 5.5 32

Bilan de deux guerres mondiales

D’après, Guerres, paix et sociétés, 1911-1946, dirigé par Frédéric Rousseau, Atlande, 2004

Bernard Bruneteau, Le siècle des génocides , Violences, massacres et processus génocidaires de l'Arménie au Rwanda, Armand Colin, 2004 A lire, le compte-rendu d’une conférence de Joël Kotek http://www.histoire.ac-versailles.fr/old/histoire/enseignermemoire.htm

LE COMPLEXE DE CAMPS D’AUSCHWITZ

BULLETIN OFFICIEL

• Un élément de la politique concentrationnaire nazi

• Un instrument majeur de la politique d’extermination des juifs

• Un lieu de mémoire

Une évidence………

Les collections de l’histoire n°3 Octobre 1998

Des enjeux multiples • Historiques: cf. la réflexion de Tal Bruttmann, « Auschwitz et la Shoah », les

cahiers de l’IRICE n°7, 2011: « la focalisation sur Auschwitz brouille la réalité du processus de destruction »; Question de l’unicité de la Shoah

Comment faire comprendre la spécificité des génocides, leurs mécanismes ? • Mémoriels: comment enseigner une question où les enjeux sociaux,

politiques, culturels et identitaires sont encore aussi forts? • Civiques: La question du vivre ensemble: Comment ne pas alimenter le

« supermarché de la souffrance », les revendications mémorielles et la concurrence des mémoires? la question de la prévention des génocides et de la lutte contre les négationnismes ?

• Pédagogiques: Comment enseigner l’extermination des juifs d’Europe à travers un lieu aussi exceptionnel qu’Auschwitz ? Faut-il « une méthode exceptionnelle pour enseigner quelque chose d’exceptionnel » (Henry Rousso) ? Comment intégrer la problématique des lieux de mémoire sans passer par une sacralisation des lieux et déboucher sur un « devoir de mémoire » contre-productif?

DEMARCHES POSSIBLES 1) Ne pas traiter Auschwitz comme un « isolat » Intégrer la question des génocides à une réflexion plus globale sur les génocides au XXème siècle (réflexion intégrée dans le programme de STMG à travers une perspective qui peut être comparatiste puisqu’on évoque les génocides de la Première et Deuxième guerre mondiales). 2) Historiser Auschwitz et mesurer sa spécificité dans l’extermination des juifs d’Europe Comprendre les mécanismes de l’extermination des juifs d’Europe Montrer la spécificité d’Auschwitz dans le processus d’extermination Souligner que la spécificité de ces crimes sans nom à donner naissance à une nouvelle catégorie juridique 3) Montrer la construction d’un objet de mémoire, en soulignant les enjeux et tensions qui peuvent exister, mais aussi ce que révèle ce lieu de mémoire sur les sociétés actuelles: « la mémoire, c’est le présent du passé », Paul Ricoeur.

UNE APPROCHE COMPARATIVE DU PHENOMENE GENOCIDAIRE: LE

GENOCIDE ARMENIEN

1878 : la Russie tente d’annexer l’Arménie Turque

Juin 1878 : Les Européens décident que l’Arménie reste dans l’Empire Ottoman

1895-1896 : Massacre par les Turcs de plus de 100 000 Arméniens qui réclamaient des réformes pour une meilleure

reconnaissance

1909 : Massacre d’Adana (près de 25 000 morts)

1915 : l’Empire ottoman se range aux côté des empires centraux contre l’Entente

Janvier 1915 : premiers massacres d’Arméniens

24 avril 1915: le gouvernement turc procède dans la nuit à l'arrestation de toutes les personnalités arméniennes

intellectuelles et politiques d’Istanbul

De mai à juillet 1915 puis fin 1915: Une période de déportations systématiques tend, à partir des provinces où la

guerre se déroule, à l'élimination complète de l'élément arménien du territoire turc, en deux phases:

séparation des hommes qui, liés par petits groupes, sont exécutés dans les environs de la ville ; évacuation de la totalité

de la population arménienne répartie en convois de femmes, d'enfants et de personnes âgées qui quittent la ville à

intervalles réguliers; enlèvement dans le convoi de femmes et d'enfants conduits dans des foyers musulmans;

décimation régulière des convois par les gendarmes chargés de les escorter

24 mai 1915: déclaration conjointe des alliés qui évoquent déjà un « crime de la Turquie contre l’humanité ».

1919-1920 : procès de Constantinople ; condamnation des jeunes turcs et de certains ministres (mais le terme

d’Arménien n’est pas prononcé). Puis la victoire des Kémalistes met fin au processus et progressivement des lois

d’amnistie sont prononcées.

1973 : l’ONU, dans son rapport final sur la prévention et la répression du génocide évoque à partir de 1915, le premier

génocide de l’histoire

1987 : Reconnaissance par le Parlement européen.

2001 : reconnaissance du génocide par la France.

2012: adoption d’une loi en France punissant la négation du génocide arménien, censurée par le conseil constitutionnel.

Le 30 juin, Monsieur, j'ai l'honneur d'informer l'ambassade de l'une des mesures plus sévères jamais prises par un gouvernement et l'une des plus grandes tragédies de toute l'Histoire. [...] Pratiquement tous les hommes arméniens un tant soit peu en vue ont été arrêtés ou jetés en prison. Beaucoup ont été soumis aux plus cruelles tortures et certains n'y ont pas survécu. [...J Cependant, une autre méthode a été trouvée pour détruire la race arménienne. Il ne s'agit pas moins que de la déportation de la population arménienne tout entière, pas seulement de cette province mais, d'après ce que j'ai compris, des six qui composent l'Arménie. [...] Pour ces Arméniens sur le chemin de l'exil, une mort certaine attend la majorité d'entre eux. [...] Ces trois derniers jours, des foules de personnes sont venues au consulat où à la Mission américaine demander de l'aide. [...] Tous ont le sentiment d'aller à mort certaine. Rapport du consul américain de la ville d'Harput, adressé à l'ambassadeur des États-Unis à Constantinople, juin 1915. Cité par John Horne, in Bruno Cabanes et Édouard Husson (sous la dir.), Les Sociétés en guerre 1911-1946, Armand Colin, 2003.

A mettre en parallèle avec des extraits de la correspondance du ministère des affaires étrangères allemands sur la question arménienne pendant les années 1914-1918 (publié par le Dr Johannes Lepsius) http://www.imprescriptible.fr/documents/lepsius/

AUSCHWITZ, CAMP DE CONCENTRATION, ELEMENT MAJEUR DE

LA POLITIQUE D’EXTERMINATION DES JUIFS

Chronologie du camp

Le 01/09/1939 : les Allemands attaquent la Pologne : plus d’armée polonaise donc plus besoin de

caserne.

fin 1939 : les prisons sont pleines, une solution est trouvée : Oswiecim, mais un premier rapport juge les

installations inadaptées.

Avril 1940 : l’inspection des camps de concentration (service de la SS) envoie une seconde commission

conduite par Rudolf Höss : le verdict est positif mais il faudra quelques réaménagements.

Mai 1940 : Rudolf Höss est nommé commandant du camp et arrive avec une poignée de SS;

construction d’un camp de concentration et de travail forcé

14/06/1940 : arrivée des premiers internés : 728 prisonniers polonais composés de soldats et d’étudiants

qui essayaient de franchir le frontière slovaque, parmi eux quelques Juifs qui sont transférés dans la

prison de Tarvow. Les premiers aménagements sont réalisés par 300 Juifs d’Oswiecim

mars 1941: le village de Brzezinka, à trois km au nord-ouest est rasé pour construire un nouveau camp

(Auschwitz II). Dans le même temps, à 7 km à l’est, des détenus sont affectés à la construction d’une

zone industrielle (Auschwitz III).

20 Janvier 1942 : Conférence de Wannsee pour la coordination de l’extermination systématique des

Juifs d’Europe.

Mars 1942: arrivée des premiers convois de la RSHA et début des sélections; les gazages ont lieu dans

des chambres à gaz provisoires (Bunker B1 et B2) Mars-juin 1943 : à Birkenau, 4 complexes chambre à gaz/ crématoire sont mis en fonction : à l’époque tous les camps ont des crématoires, mais seul Birkenau a cette double fonction. 7 octobre 1944 : Révolte du Sonderkommando (le crématoire IV est partiellement dynamité par une résistance juive armée). Novembre 1944 : arrêt des gazages à Auschwitz-Birkenau. On estime que près d’un million de Juifs y sont morts.

Fin 1944: évacuation massive des détenus du camp, devant les avancées soviétiques.

20 janvier 1945 : les SS font sauter les crématoires II et III.

27 janvier 1945 : libération d’Auschwitz par les soviétiques

Origine des victimes Juives

Pologne 250 à 300 000

Hongrie 437 000

France 69 000

Pays-Bas 60 000

Grèce 55 000

Protectorat de Bohême-Moravie 46 000

Slovaquie 27 000

Belgique 25 000

Allemagne 23 000

Yougoslavie 10 000

Italie 7 500

L’origine des victimes

Tal Bruttman, Auschwitz- Birkenau et la Shoah, les cahiers de l’IRICE, n° 7, 2011

75 000 polonais, 21 000 tziganes, 15 000 prisonniers soviétiques, 10 000 à 15 000 détenus d’autres

nationalités.

Document 1 : plan du complexe

d’Auschwitz en 1943

D’après Auschwitz, la solution finale,

les collections de l’histoire, n° 3,

octobre 1998

Photographie prise par un avion de reconnaissance britannique le 25 août 1944 coll. Département des archives de reconnaissance aérienne de l'université de Keele

http://www.cndp.fr/crdp-creteil/concours/resistance/482

Photographie prise par un aviateur allié, 26 juin 1944 coll. Musée d'Etat d'Auschwitz- http://www.cndp.fr/crdp-

creteil/index.php/animation/concours/concours-de-la-resistance/467-ressources-axe2

Quels documents utiliser ?

- Les images d’Auschwitz

http://www.cegesoma.be/docs/media/chtp_beg/chtp_02/chtp2_008_Image_Buch.pdf

Des photos présentes dans de nombreux manuels………..

L’album d’Auschwitz

Les photos montrent l'arrivée des Juifs hongrois de carpato-Ruthénie. Beaucoup d'entre eux venaient du ghetto Berehov, qui était un point de rassemblement pour les juifs de plusieurs autres petites villes.

Les femmes et les enfants sur le quai d'arrivée Birkenau connue sous le nom de la rampe ». Les Juifs ont été retirés des trains de déportation vers la bretelle où ils rencontrent un processus de sélection, certains ont été immédiatement envoyé à la mort, tandis que d'autres ont été envoyés aux travaux forcés.

Juifs soumis au processus de sélection sur le quai d'arrivée Birkenau connue sous le nom de la rampe. Un certain nombre de détenus vétéran peut être vue d'aider les nouveaux arrivants. Des détenus ont été contraints par les SS de rester sur la bretelle "" pour assurer un "processus" en bon ordre de sélection.

http://www1.yadvashem.org/yv/en/exhibitions/album_auschwitz/index.asp

• Personnes âgées les hommes et les femmes, sélectionnés pour la mort, en attente sur la rampe avant d'être conduit à la chambre à gaz. A Birkenau, les personnes âgées ont été presque immédiatement envoyés aux chambres à gaz où elles ont été jugées «inaptes au travail".

Les femmes et les enfants sont emmenés par le biais du secteur BII du camp des crématoires IV et V. A Birkenau, les femmes âgées et les enfants étaient presque toujours immédiatement envoyés à la mort dans les chambres à gaz comme ils ont été jugés «inaptes au travail".

Juifs qui ont été classés comme «non apte au

travail" en attente dans un bosquet à l'extérieur crématoire IV avant qu'ils ne devaient être gazés. À ce stade, les Juifs étaient épuisés et en état de choc des horreurs de la route et le processus de sélection qui leur venait d'endurer. La grande majorité n'avait aucune idée de ce qui les attendait.

Hommes aptes au travail après le processus d'épouillage.. La désinfection de ceux qui n'étaient pas sélectionnés pour les chambres à gaz, et le rasage de la tête faisait partie de l'enregistrement "" processus dans le camp.. Après avoir fini, ils ont donné des uniformes rayés.

http://www.ushmm.org/museum/exhibit/online/ssalbum/auschwitz_album/

L’album des SS de Karl Höcker, sur le site du Mémorial de l'Holocauste à Washington – 2007 Quelques analyses http://sonderkommando.info/actu/hocker.html

Photo prise clandestinement par un déporté, membre du Sonderkommando depuis le Crématoire V et transmise à la résistance polonaise.

Un krematorium Bloc II à V lavis et encore de Chine sur Papier, musée des combattants des Ghettos, israël.

Davide Olère, dans la salle des fours (1945) lavis et encore de Chine sur Papier, musée des combattants des Ghettos, israël.

http://sonderkommando.info/skauschwitz/temoignages/art/olere/

Schéma réalisé par David Olère en 1946

Photographie autorisée par les SS, prise en juin 1943

coll. Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau

http://www.cndp.fr/crdp-creteil/component/ressources/?task=view&id=459

Hachette p 63, manuel de terminale générale

http://fr.wikipedia.org/wiki/Kurt_Gerstein

AUSCHWITZ, LIEU DE MEMOIRES

Des mémoires plurielles

Chronologie 1947 : le parlement polonais décide de faire d’Auschwitz un musée à la mémoire des victimes polonaises. 1967 : construction d’un monument international à la mémoire des victimes du fascisme 1979 : lettre tribune envoyée par Faurisson au Monde, « le problème des chambres à gaz ou la rumeur d’Auschwitz » 1982 : canonisation du Père Kolbe, mort à Auschwitz. 2005 : proclamation par les Nations Unies du 27 janvier comme journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de l’Holocauste.

Fosse commune de victimes des nazis découverte a la libération du camp. Funérailles des dernières victimes

Couverture de programme du gala organise au profit des déportés d'Auschwitz, le 21 décembre 1945.

Mémorial international à la mémoire des victimes du fascisme, 1975

Monument de 1967

Le pavillon juif du musée d’Auschwitz crée en 1961 est resté clos jusqu’en 1978, date à laquelle le ministre polonais de la Culture, Janusz Wieczorek, prononce une allocution ambiguë qui aux yeux de certains, tend à mettre en avant, encore une fois, le parallèle entre le sort des juifs et celui des Polonais : « Ici, sur cette tombe, sur cette nécropole des espérances humaines, dans ce théâtre de l’inconcevable, il faudrait avant tout rester silencieux. Mais rester silencieux pourrait vouloir dire se résigner, alors que notre présence, aujourd’hui, signifie exactement le contraire.

Nos connaissances n’ont cessé de s’enrichir, grâce aux découvertes faites par les spécialistes, sur le martyre des États et des nations condamnés à l’extermination politique et biologique par l’Allemagne nazie. Parmi ces malheureux, les juifs et les Polonais étaient au premier rang. […] Les spécialistes ont aujourd’hui réussi à préciser les effectifs des victimes juives et polonaises qui ont péri dans cet holocauste. Oswiecim, Treblinka, Chelmno, Plaszow, Belzec, Sobibor, Lodz, Bialystok et le ghetto de Varsovie, et des douzaines d’autres lieux du Wartegau et du Gouvernement général sont autant de lieux de l’extermination, autant de stations du chemin de croix des juifs polonais et des juifs amenés ici des quatre coins de l’Europe. Nous savons aujourd’hui ce que fut leur calvaire, ce que fut le malheur des Polonais »

Nouvelle plaque apposée

depuis 1994, remplaçant

la plaque de 1967 où

était inscrit « 4 millions

de personnes souffrirent

et moururent ici aux

mains des meurtriers

nazis entre 1940 et

1945 »

Une nouvelle mémoire dans les années 90

Rapport Accoyer du 18 novembre 2008, « Rapport d’information fait en application de l’article 145 du règlement au nom de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur les questions mémorielles ». Il propose une synthèse analytique de toutes les politiques publiques mémorielles menées en France et revient sur la notion de « devoir de mémoire » dans ces termes : « cette invitation au souvenir du “devoir de mémoire” se fait toujours au nom du présent et de l’avenir au motif qu’il ne faut pas “oublier” certaines facettes de l’histoire. L’objectif est en effet de tirer des leçons positives de l’histoire en évitant ainsi le retour de vieux démons qui ont pu écarter un pays de son cheminement vers plus de démocratie, plus de respect des droits de l’homme et plus de tolérance ».

Le Pavillon français du Mémorial d'Auschwitz, en Pologne, a été par Jacques Chirac, président de la République, le 27 janvier 2005, dans le cadre du 60e anniversaire de la libération des camps d'Auschwitz. http://www.aidh.org/auschw/fr-pavillon.htm

Annette Wiervorka, à propos de sa participation à l’installation du nouveau pavillon français. « J’ai effectué un autre travail de commande, qui a consisté à concevoir une nouvelle exposition pour le pavillon français d’Auschwitz. La demande venait du premier ministre Raffarin, qui en avait fait la promesse lors du dîner annuel du CRIF, sans que cela ne lui ait été demandé . Il faut dire que l’ancienne exposition qui datait de 1979, de l’époque où on redécouvrait l’histoire de Vichy notamment à la suite du livre de Paxton, proposait une vision peu claire et était complètement bricolée. Dans ce cadre, l’influence de l’époque s’est également fait sentir, notamment à travers cette décision de faire porter l’histoire d’Auschwitz par des personnes, de l’"incarner". L’exposition articule donc la présentation du sort de cinq personnes qui viennent incarner le destin des déportés d’Auschwitz : l’écrivaine Charlotte Delbo pour les résistants, un des enfants d’Isieu pour les enfants, Jean Lemberger pour les résistants des FTP-MOI, pour les "Israëlites" – c'est-à-dire ces hommes et ces femmes totalement intégrés – l’ancien sénateur Pierre Masse. Nous, les historiens, avons choisi ces personnes, mais l’idée que l’histoire devait être incarnée par des destins singuliers, était une idée de notre époque. Peut-être que dans trente ans, quand on refera le pavillon, on trouvera que cette idée n’est plus pertinente. » http://www.nonfiction.fr/article-5221-p2-une_historienne_dans_la_cite__entretien_avec_annette_wieviorka.htm

Allocution de Mme Simone Veil au nom des anciens prisonniers juifs à l’occasion de la cérémonie internationale de commémoration du 60e

anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau

Auschwitz - Birkenau (Pologne) - jeudi 27 janvier 2005

Le cœur serré par l’émotion, c’est à vous tous, ici rassemblés, que je m’adresse. Il y a soixante ans, les barrières électrifiées d’Auschwitz Birkenau tombaient,

et le monde découvrait avec stupeur le plus grand charnier de tous les temps. Avant l’arrivée de l’Armée Rouge, la plupart d’entre nous avions été emmenés

dans ces marches de la mort au cours desquelles beaucoup ont succombé de froid et d’épuisement.

Plus d’un million et demi d’êtres humains avaient été assassinés : le plus grand nombre d’entre eux gazés dès leur arrivée, simplement parce qu’ils étaient

nés juifs. Sur la rampe, toute proche d’ici, les hommes, les femmes, les enfants, brutalement débarqués des wagons, étaient en effet sélectionnés en une

seconde, sur un simple geste des médecins SS. Mengele s’était ainsi arrogé droit de vie ou de mort sur des centaines de milliers de juifs, qui avaient été

persécutés et traqués dans les coins les plus reculés de la plupart des pays du continent européen.

Que serait devenu ce million d’enfants juifs assassinés, encore des bébés ou déjà adolescents, ici ou dans les ghettos, ou dans d’autres camps

d’extermination ? Des philosophes, des artistes, de grands savants ou plus simplement d’habiles artisans ou des mères de famille ? Ce que je sais, c’est que

je pleure encore chaque fois que je pense à tous ces enfants et que je ne pourrai jamais les oublier.

Certains, dont les rares survivants, sont, il est vrai, entrés dans le camp, mais pour y servir d’esclaves. La plupart d’entre eux sont ensuite morts

d’épuisement, de faim, de froid, d’épidémies ou eux aussi, sélectionnés à leur tour pour la chambre à gaz, parce qu’ils ne pouvaient plus travailler.

Il ne suffisait pas de détruire notre corps. Il fallait aussi nous faire perdre notre âme, notre conscience, notre humanité. Privés de notre identité, dès notre

arrivée, à travers le numéro encore tatoué sur nos bras, nous n’étions plus que des " stucks ", des morceaux.

Le tribunal de Nuremberg, en jugeant pour crimes contre l’humanité les plus hauts responsables, reconnaissait l’atteinte portée non seulement aux victimes

mais à l’humanité tout entière.

Et pourtant, le vœu que nous avons tous, si souvent exprimé de " plus jamais ça " n’a pas été exaucé, puisque d’autres génocides ont été perpétrés.

Aujourd’hui, 60 ans après, un nouvel engagement doit être pris pour que les hommes s’unissent au moins pour lutter contre la haine de l’autre, contre

l’antisémitisme et le racisme, contre l’intolérance.

Les pays européens qui, par deux fois, ont entraîné le monde entier dans des folies meurtrières, ont réussi à surmonter leurs vieux démons. C’est ici, où le

mal absolu a été perpétré, que la volonté doit renaître d’un monde fraternel, d’un monde fondé sur le respect de l’homme et de sa dignité.

Venus de tous les continents, croyants et non croyants, nous appartenons tous à la même planète, à la communauté des hommes. Nous devons être

vigilants, et la défendre non seulement contre les forces de la nature qui la menacent, mais encore davantage contre la folie des hommes.

Nous, les derniers survivants, nous avons le droit, et même le devoir, de vous mettre en garde et de vous demander que le " plus jamais ça " de nos

camarades devienne réalité.

La pédagogie des lieux

On sait que les traces les plus dérangeantes, chambres à gaz et crématoriums de Birkenau, ont été dynamitées par les nazis avant leur fuite en 1945. Ce qui est visible, le Krema I d’Auschwitz, n’avait pas été détruit car il ne servait plus aux assassinats de masse mais d’abri antiaérien. Après la guerre, les Soviétiques et les Polonais ont procédé à de nouvelles modifications dans l’intention de reproduire l’agencement original du bâtiment : transfert de fours d’autres camps et érection d’une nouvelle cheminée, abattage des murs rajoutés en 1944 pour transformer la chambre à gaz en abri antiaérien, réouverture d’une porte et de quatre des cinq orifices d’introduction du Zyklon B dans le toit.

Bibliographie Sur les guerres, des approches croisées S. Audoin-Rouzeau, La guerre au XXe s. 1. L'expérience combattante, La documentation photographique n° 8041 (2004) M-C Bonneau-Darmagnac, F. Durdon, P. Hervé, La Grande Guerre, collection trait d’union, scéren CRDP Poitou-Charentes, 2008. B. Bruneteau, le siècle des génocides, Armand Colin, 2004. J. Chapoutot, le nazisme, une idéologie en actes, la documentation photographique, N° 8085, janvier-février 2012. J-L Dufour, M. Vaïsse, la guerre au XXème siècle, carré histoire, hachette supérieur, 2004. A. Duménil, La guerre au XXe s. L'expérience des civils la documentation photographique n° 8043 (2005) B. Lefebvre, S. Ferhadjian, Comprendre les génocides du XXème siècle, Bréal 2007 F Rousseau (dir.), Guerres, paix et sociétés, 1911-1946, Atlande, 2004

Sur la question de la mémoire Pour mémoire : l’armistice du 11 novembre 1918, site réalisé par le CNDP qui offre des ressources multiples http://www.cndp.fr/entrepot/index.php?id=2 A l'initiative des ministères de la Défense (Anciens Combattants) et du Tourisme, ce site recense les lieux susceptibles d’entretenir la mémoire collective. L’histoire des fortifications, la guerre de 1870-1871, 1914-1918, 1939-1945 sont abordées. Un accès géographique ou thématique est proposé. De nombreuses ressources sont associées. http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/ Histoire et mémoires des deux guerres mondiales, site crée par J-P Husson http://www.cndp.fr/crdp-reims/memoire/

Des réflexions sur les liens entre l’histoire et la mémoire

A écouter à l’occasion des commémorations du 60 ème anniversaire de la fin de la

guerre

http://www.savoirs.ens.fr/diffusion/audio/2005_04_14_histoire.mp3

Devoir de mémoire et travail d'histoire. Iannis Roder (professeur agrégé d'histoire), Henry

Rousso (CNRS) et Annette Wieviorka (CNRS)

Site du comité de vigilance sur les usages publics de l’histoire

http://cvuh.blogspot.fr/

A voir

Et puis les touristes: Auschwitz, lieu de mémoire

http://www.zerodeconduite.net/blog/index.php?itemid=18580

Auschwitz, lieu central de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale : Wierviorka, Auschwitz, 60 ans après, Robert Laffont, 2005. J-F Forges, P-J Biscarat, Guide historique d’Auschwitz, Autrement, 2011. Le futur d’Auschwitz Actes de la journée d’études du 11 mai 2010, Université Paris-I Panthéon-Sorbonne en partenariat avec la Commission « Mémoire et transmission » de la Fondation pour la mémoire de la Shoah http://irice.univ-paris1.fr/IMG/pdf/pdf_Volume_integral_Cahier_7_-_copie.pdf Anne Grynberg, La pédagogie des lieux, Les Cahiers de la Shoah 1/2005 (no 8), p. 15-56. http://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-la-shoah-2005-1-page-15.htm

Groupe de travail histoire-géographie de Besançon

http://artic.ac-besancon.fr/lp_lettres/groupedetravail/temoignage/part3auschwitz.htm

A VOIR

Encyclopédie multimédia de la Shoah

http://www.ushmm.org/wlc/fr/

A visiter Le Cercil http://www.cercil.fr/

Annette Wieviorka – Oui. Pour l’historien, l’idée d’un "devoir de mémoire" est parfaitement stupide. C’est Ricœur qui a le plus écrit là-dessus, et comme il l’exprime si bien, les deux mots sont presque antithétiques. La mémoire fonctionne comme elle fonctionne, mais surtout pas par devoir. Du reste, on peut aussi se demander à quoi sert le "devoir de mémoire" ? Qu’il y ait une nécessité de faire de l’histoire, et de l’enseigner aux jeunes générations, oui, mais pas ce "devoir de mémoire". Là encore, ma position n’est pas originale, et tous les historiens, comme tous les philosophes et intellectuels, récusent cette idée. Ca a été une sorte de slogan et ce qui est très intéressant, c’est comment il est arrivé. Les survivants des camps ont dit : "Nous devons nous souvenir de nos morts", ce qui est en fait une sorte de devoir d’homme civilisé, de la même façon qu’on va sur les tombes le jour de la Toussaints pour les catholiques, pendant les jours du Yahrzeit pour les juifs. Dans nos civilisations comme dans les autres, on honore nos morts, et il n’y a pas de civilisation sans rites funéraires ni sans façons d’honorer, aussi différents soient-ils. Après la libération, les survivants actent donc un devoir de se souvenir de leurs morts ; et ils le font, en mettant des plaques, en rajoutant des noms aux monuments aux morts, etc. Puis c’est au moment du procès Barbie en 1987, qui a été un grand événement, qu’a été popularisée l’idée sortie de son contexte qu’il y avait un devoir de mémoire ; un devoir de mémoire dont on n’a jamais trop su ce qu’il était, sauf qu’il fallait "empêcher que ca recommence". Et comme en même temps, chaque fois qu’on veut comparer des situations, par exemple au moment de l’expulsion d’enfants sans papiers ou à la suite du discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy, on hurle : "Attention ! On ne les emmène pas à la chambre à gaz ! Il ne faut pas comparer ! C’est obscène de comparer !", on se demande à quoi peut servir ce devoir de mémoire, puisque la mémoire pour la mémoire, ca n’existe pas. Il devient du rien. Le "plus jamais ca", ce n’est rien du tout non plus, puisqu’il n’y a finalement jamais de réflexion pour savoir comment ne plus jamais faire ca, et que bien plutôt, on charge le ressenti de vacciner contre la fébrilité future. Or on sait très bien que les hommes se décivilisent très facilement. C'est-à-dire que si on ne s’entre-tue pas dans la rue, si on ne vole pas le voisin, si il y a un certain nombre de choses qu’on ne fait pas, ce n’est pas seulement parce qu’on est bon, mais c’est tout simplement parce que la société nous l’interdit et qu’on obéit à ses interdits. Dans les périodes de guerre, on s’aperçoit que ce qui est de l’ordre du fait divers devient la norme, et on sait que c’est parce que la situation l’autorise. Donc ce n’est pas en éduquant les élèves en leur disant : "Attention si tu ne connais pas bien ton Primo Levi tu vas devenir un petit nazi" qu’on empêchera que ces situations se reproduisent. Car c’est seulement en veillant à ce que le monde ou la société dans laquelle on vit ne crée pas une situation ou tout le vernis de la civilisation éclate. Je viens de lire dans Books un article de quatre-cinq pages absolument passionnantes sur une étude faite à partir d’écoutes de conversations de prisonniers de guerre allemands détenus en Angleterre, qui se raconte leurs faits d’armes. Par exemple, des aviateurs racontent comment ils visent leurs cibles et comment ils s’éclatent en poursuivant une femme qui court dans la rue et en l’explosant. Et la conclusion de l’article est celle que je viens de vous donner et avec laquelle je suis bien-sûr d’accord. Dans toute société, disent-ils, il y a 5% de personnalités sadiques, etc., mais ce n’est pas ceux-là qui vont commettre tous ces crimes : c’est parce que la société les autorise.

http://www.nonfiction.fr/article-5221-p4-une_historienne_dans_la_cite__entretien_avec_annette_wieviorka.htm