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1 GONNOT Gwendoline Collège la Varandaine 71 390 BUXY Comment introduire les « outils de la langue » dans les séquences d’écriture ? Sous la direction de madame VALLOO Capes de Lettres Modernes Avril 2006 Numéro de dossier : 05STA00592

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GONNOT Gwendoline

Collège la Varandaine 71 390 BUXY

Comment introduire les « outils de la langue »

dans les séquences d’écriture ?

Sous la direction de madame VALLOO Capes de Lettres Modernes Avril 2006 Numéro de dossier : 05STA00592

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SOMMAIRE

Quelle place accorder aux outils de la langue dans les séquences d’écriture ?

INTRODUCTION .................................................................................... 4

I) Présentation de l’établissement : le « Collège la V arandaine » ................. 4 II) Présentation de la classe de cinquième deux : un do uble constat ........... 5

1) Une classe hétérogène mais de plus en plus active et pertinente à l’oral :... 5 � L’exemple des séances de lecture : ...................................................... 5

2) Un délicat passage à l’écrit : ......................................................................... 7 III) Le choix d’un mémoire consacré aux outils de la lan gue : ........................ 7

Première partie : Les difficultés des élèves....... ................................. 9

I) Une confusion permanente entre les registres de lan gue :........................ 9 1) Les difficultés lexicales : ............................................................................... 9 2) Les difficultés grammaticales :.................................................................... 10

II) La difficulté de nommer les classes grammaticales e t d’acquérir un bagage métalinguistique minimal :.................. .................................................. 11 III) Un laborieux transfert des connaissances orthograph iques et syntaxiques dans les travaux d’écriture : .......... ............................................... 12

1) Les connaissances orthographiques : ........................................................ 12 2) Les connaissances syntaxiques : ............................................................... 13

Deuxième partie : Mes difficultés .................. .................................... 14

I) Abandonner le cours magistral pour guider les élève s vers la réflexion linguistique : ..................................... ................................................................... 14 II) Réduire les objectifs des séances d’outils de la la ngue pour rendre l’assimilation plus efficace : ..................... .......................................................... 15 III) Introduire l’orthographe et venir en aide aux élève s dyslexiques : ......... 16

1) L’introduction de l’orthographe :.................................................................. 16 2) L’aide aux élèves dyslexiques : .................................................................. 16

Troisième partie : ................................. ................................................... Les stratégies mises en place et la réflexion didac tique élaborée à partir des apports théoriques ...................... ...................................... 18

I) Comment donner du sens à l’apprentissage des « outi ls de la langue » ? ....... 19 1) Rebondir sur leurs difficultés dans une séquence pour construire les objectifs d’outils de la langue de la séquence suivante :.................................... 19

� Les niveaux de langue :....................................................................... 19 � Les répétitions : ................................................................................... 20

2) Soigner la formulation des objectifs pour créer une attente et susciter le questionnement des élèves : ............................................................................. 22

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� La grammaire : .................................................................................... 23 � Le vocabulaire : ................................................................................... 24

II) Comment aborder l’orthographe ? .................... ......................................... 25 1) Lier l’apprentissage de l’orthographe à celui des autres « outils de la langue » : ........................................................................................................... 25

� L’exemple de « l’accord du participe passé » : .................................... 25 2) Comment évaluer l’orthographe ?............................................................... 27

III) Profiter d’une séance de correction d’expression éc rite pour travailler les « outils de la langue » : .......................... ............................................................. 27

� La ponctuation et la syntaxe : .............................................................. 28 IV) La recherche de nouvelles méthodes : ............... ....................................... 29

1) Passer par l’oral pour travailler la syntaxe : ................................................ 29 2) Les « D.M » : une phase d’apprentissage :................................................. 30

Quatrième partie : BILAN ........................... ........................................ 31

I) Du côté des élèves :............................... ...................................................... 32 1) Une prise de conscience de l’utilité des « outils de la langue » : ................ 32 2) Une plus grande implication dans les apprentissages : .............................. 32 3) Les répercussions en expression écrite :.................................................... 33

II) Du côté du professeur : ............................ ................................................... 33 1) Une meilleure organisation des séquences : .............................................. 33 2) Les vertus du dialogue ou l’exploitation des erreurs des élèves : ............... 33 3) Des solutions pour améliorer sa pratique professionnelle : ........................ 34 4) Quelques repères pour prendre en charge les élèves dyslexiques : .......... 35 5) De nouvelles perspectives… ...................................................................... 36

� L'Atelier de Négociation Graphique 36 � La "dictée dialoguée" 36

CONCLUSION: 38 BIBLIOGRAPHIE ...................................... ........................................... 39 ANNEXES ............................................................................................ 41

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INTRODUCTION

I) Présentation de l’établissement : le « Collège l a

Varandaine »

Nommée stagiaire dans mon ancien collège, à Buxy, je n’éprouve aucun

sentiment de dépaysement et peux facilement confronter mon expérience d’élève à

celle de professeur, ce qui s’avère souvent intéressant, mais parfois pesant. En effet,

il me faudrait peut-être davantage de recul pour présenter objectivement un

établissement que certains qualifient de « rural » ou de « populaire ». Je me garderai

donc d’émettre des considérations générales qui n’apporteraient rien à ma

démonstration.

Toutefois, j’aimerais mettre l’accent sur les évolutions de la politique éducative

d’un établissement que j’ai quitté il y a une dizaine d’années. En premier lieu,

l’organisation d’une étude dirigée ouverte aux volontaires, le soir après dix-sept

heures me paraît constituer une avancée pédagogique fort utile aux élèves dont les

parents travaillent souvent à plus de quinze kilomètres du canton. Par ailleurs, la

permanence d’une aide éducatrice chargée, en collaboration avec les professeurs de

français d’aider les sixièmes (et certains élèves de cinquièmes) les plus en difficulté

témoigne de l’efficacité pédagogique dont la direction fait preuve et remplace toutes

les digressions possibles sur la catégorie de l’établissement.

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II) Présentation de la classe de cinquième deux : u n

double constat

1) Une classe hétérogène mais de plus en plus active et pertinente à

l’oral :

Les deux dispositifs précédemment cités témoignent de la rapidité

d’adaptation de l’équipe pédagogique qui se traduit par divers types d’actions. Il y a

eu par exemple, en début d’année un remaniement des classes de sixièmes de

2004-2005. Les élèves les plus turbulents ont été séparés à l’entrée en cinquième ce

qui devait favoriser un retour au calme. J’ai ainsi découvert une classe hétérogène

ou plutôt divisée en deux groupes distincts qu’il m’a fallu rapprocher pendant le

courant du premier trimestre. Le premier est constitué d’élèves attentifs et sérieux

mais réservés tandis que le second cherche en permanence à se faire remarquer.

� L’exemple des séances de lecture :

Les séances de lecture suscitent souvent de l’enthousiasme de la part de

l’ensemble de la classe. Les oreilles sont tendues pendant la lecture, les doigts se

lèvent, bref, les esprits sont en éveil. Or, quelques « leaders » sollicitent

abondamment la parole, se mettent perpétuellement en avant et se plaignent même

parfois quand, au lieu d’écouter leurs propos, j’interroge d’autres camarades. Parfois

envahissants, ils représentent pourtant un « moteur » dans la classe et permettent au

cours d’avancer. En effet, ceux-ci, considérés par la majorité des autres professeurs

comme « pénibles » se révèlent de très bons élèves à l’oral, une fois leurs

interventions canalisées… Vifs, ils se montrent très pertinents et semblent

comprendre très rapidement les textes étudiés.

Toutefois, ce petit noyau dur, persuadé de toujours tout comprendre,

manifeste vite un certain ennui et estime qu’il faut rapidement passer à autre chose.

J’ai peu à peu compris que la capacité de répondre aux questions les plus évidentes

ne signifiait pas systématiquement que l’élève avait vraiment saisi le sens complet et

profond d’un texte et qu’il fallait alors solliciter les élèves les plus timides, moins sûrs

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d’eux mais parfois plus aptes à entrer patiemment dans la lecture, pour en faire

émerger le sens. Mon travail pendant ces séances de lecture a été d’enseigner la

patience aux plus vifs et surtout la tolérance envers les plus craintifs afin d’éviter que

ne se creuse un fossé entre les deux groupes.

Le comportement d’un élève mérite d’être cité dans ce passage consacré à la

présentation de la classe. Florent, jeune « nouveau », participe activement, souvent

de manière brillante, faisant preuve d’une sensibilité littéraire surprenante mais,

malheureusement, sans parvenir à élever suffisamment la voix, ce qui provoque

immédiatement les moqueries de ses camarades contestataires et crée un climat

d’intolérance non propice par ailleurs à l’épanouissement des élèves les plus timorés.

Désarçonnée par ces attitudes, j’ai dû réagir très vite et instaurer une atmosphère de

travail plus agréable pour d’une part, faire cesser les quolibets et d’autre part, faire

en sorte que chacun participe au cours. Ce sentiment que la classe n’était pas

complètement unie a par ailleurs été confirmé par les résultats d’un sondage

organisé par le professeur principal en « vie de classe ».

Cependant, au cours du trimestre, la classe est devenue plus homogène : le

« deuxième groupe », encouragé et mis en confiance s’est mis à participer

davantage. Ayant établi des règles de communication valables en cours et hors de

cours et insisté sur le respect de l’autre, j’ai progressivement transformé un groupe

divisé en groupe homogène, au moins le temps d’une séance de français.

Peu à peu, chaque élève a pu apporter à l’oral sa contribution au bon

déroulement du cours. Les plus actifs ont appris à laisser parler les autres et les plus

timides ont trouvé le courage de s’exprimer et de transmettre eux aussi leurs

richesses.

Satisfaite de la participation des élèves et de leur appétence lors des séances

de lecture, j’ai pu en revanche mesurer l’écart entre l’oral et l’écrit lors de la

correction de l’expression écrite numéro un.

Certes, j’avais déjà pu m’étonner de l’absence de goût pour la lecture

d’œuvres intégrales en début d’année : dans la fiche de présentation, seuls cinq

élèves sur dix-neuf répondaient affirmativement à la question : « Aimez-vous lire ? »

Mais, je n’imaginais pas que certains élèves, pourtant efficaces lors des études de

textes et paraissant aptes à comprendre facilement, puissent avoir autant de lacunes

à l’écrit.

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2) Un délicat passage à l’écrit :

La lecture des premières copies a fait surgir plusieurs faiblesses récurrentes :

le manque de cohérence globale des textes, les répétitions, l’absence de ponctuation

et l’ignorance de la notion de phrase.

Certains devoirs m’ont causé de sérieux problèmes de compréhension :

l’enchaînement chaotique des phrases bouleversait la lisibilité comme dans cet

extrait d’un devoir portant sur la réécriture de la fin du conte des Fées de Charles

Perrault :

« Quand la fille arriva chez sa mère tremblotante. Sa mère lui demanda si allait la fille. Lui

répondait jamais car si un serpent et un crabe sort de sa bouche sa mère aurait très peur. Mais la fille

devait lui répondre, mais non elle ne savait comment ».

Ce court extrait témoigne des difficultés de la majeure partie de la classe.

III) Le choix d’un mémoire consacré aux outils de l a

langue :

Désemparée, j’ai décidé de consacrer mon mémoire professionnel aux

possibilités d’amélioration de l’expression écrite. Convaincue qu’une étude

approfondie des « outils de la langue » permettrait des progrès rapides, j’ai résolu de

réfléchir à leur intégration dans les séances d’écriture. Or, ayant moi-même connu en

tant qu’élève, l’enseignement cloisonné, aux antipodes des méthodes actuelles, j’ai

d’abord rencontré quelques difficultés d’adaptation au travail en « séquences ».

Ce mémoire consacré à la place des outils de la langue dans les séquences

d’écriture est donc pour moi l’occasion d’abandonner mes idées reçues, de réfléchir

aux possibilités pédagogiques offertes par la réforme de 1997 et surtout, de garantir

la progression des élèves.

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Je tenterai de réfléchir au lien entre le plaisir de la découverte linguistique (ou

comment faire de la grammaire « une chanson douce » ?) et un apprentissage

efficace des notions essentielles.

Dans les deux premières parties nécessairement descriptives, je présenterai

d’abord les difficultés des élèves puis les miennes avant d’expliquer dans une

troisième partie la réflexion didactique élaborée à partir des apports théoriques et

surtout des conversations avec ma tutrice. Je terminerai en quatrième partie par un

bilan qui fera état des répercussions de mes diverses expériences sur le travail des

élèves et sur ma pratique d’enseignante.

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Première partie : Les difficultés des élèves

Dans cette première partie, j’exposerai les lacunes les plus courantes.

J’insisterai d’abord sur la confusion entre les registres de langue puis, je

m’intéresserai aux incidences du manque de connaissances linguistiques. Je

terminerai par l’évocation du laborieux transfert des connaissances orthographiques

et syntaxiques dans les travaux d’écriture.

I) Une confusion permanente entre les registres de

langue :

En lisant les premières copies, j’ai constaté que les élèves ne savaient pas

distinguer les registres de langue et estimaient qu’ils pouvaient écrire comme ils

parlaient. Pour la plupart d’entre eux, la grammaire de l’écrit est semblable à la

grammaire de l’oral et le vocabulaire de la vie quotidienne peut être employé dans

les devoirs de français. Afin d’illustrer mon propos, j’ai puisé des exemples dans les

extraits de l’expression écrite numéro un. Je m’intéresserai aux difficultés lexicales et

grammaticales.

1) Les difficultés lexicales :

Certains élèves n’ont pas conscience de l’incongruité des termes familiers.

Aussi, leurs textes regorgent de mots couramment employés dans les cours de

récréation. J’ai été surprise de découvrir les phrases suivantes, attribuées aux

personnages des Fées de Charles Perrault : « Tu te fous de moi » ou encore « Je

vais lui toucher deux mots à cette vieille folle ». Dans un autre devoir, le mot « virer »

est employé à plusieurs reprises, montrant que l’élève n’a qu’une conscience très

faible de la distinction entre l’oral et l’écrit. Un de ses camarades a conclu son devoir

par cette phrase significative : « La mère et l’aînée restèrent dans la rue, sans un sou

et sans rien à se mettre sous la dent ». Ces quelques exemples, lus à haute voix

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pendant la correction n’ont pas choqué l’ensemble de l’auditoire. Une partie de la

classe s’étonne d’ailleurs régulièrement de l’impossibilité d’employer certains termes

familiers voire triviaux dans leurs devoirs. Depuis le cours sur les registres de langue,

les questions les plus étonnantes ont surgi. Une jeune fille m’a demandé si « relou »

était un mot familier, un autre élève a été étonné d’apprendre que « chacal » ne

pouvait désigner un personnage maléfique que dans des conversations entre amis.

D’autres exemples plus ou moins glorieux pourraient s’ajouter à cette liste. Cette

confusion entre le lexique écrit et le lexique oral est en outre difficile à résoudre

puisque nous ne pouvons pas passer l’étendue du vocabulaire en revue. Le second

type de lacunes semble plus facile à combler.

2) Les difficultés grammaticales :

L’indifférenciation des registres se manifeste autant sur le plan syntaxique

que sur le plan lexical. La grammaire de l’oral est souvent retranscrite à l’écrit. En

général, les élèves qui ne peuvent pas choisir un vocabulaire adapté au cadre

scolaire peinent à formuler correctement les phrases interrogatives et négatives.

Ainsi, j’ai pu trouver dans une même copie « Tu étais passée où ? » et « C’est pas

grave ». L’absence de la particule négative « ne » est fréquente. Dans une autre, j’ai

relevé « C’est quoi ces perles et ces diamants qui vous sortent de la bouche ? ».

Un autre phénomène typiquement oral est traduit à l’écrit. Le procédé qui

consiste à mettre en valeur le sujet en le détachant en tête de phrase et en le

reprenant par un pronom personnel est utilisé abusivement dans certains devoirs et

témoigne une fois encore de cette confusion permanente entre écrit et oral. Dans

l’une des copies du premier devoir, j’ai noté deux phrases révélatrices : « Ma mère

m’a demandé d’aller chercher de l’eau au puits comme tous les jours. Ce jour-là, il

n’était pas comme les autres » et « C’est ma mère, elle m’a chassée du logis et elle

ne veut plus me voir ».

Les répliques attribuées aux personnages sont aussi très souvent elliptiques

et marquées par l’oralité : « Voilà, tu veux une femme, eh bien, en voilà une ! ».

Cette absence de distinction entre le registre familier et le registre soutenu,

source de barbarismes à l’écrit révèle vraisemblablement la difficulté à concevoir les

différentes strates de la langue, difficulté qui se manifeste également lorsque les

élèves doivent nommer les éléments d’une phrase.

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II) La difficulté de nommer les classes grammatical es et

d’acquérir un bagage métalinguistique minimal :

Un professeur aiguise rapidement ses sens auditifs ce qui lui permet

d’entendre au détour d’un rang, des phrases fort intéressantes, murmurées à l’oreille

des voisins comme par exemple : « outils de la langue, c’est déjà compliqué comme

expression alors… » ou encore « Ca va nous servir à quoi de savoir que ça s’appelle

comme ça ?». Evidemment, ce genre de propos a immédiatement suscité des

réflexions que j’aurai l’occasion de développer plus loin mais a aussi fait entrevoir les

difficultés que les élèves rencontrent lorsqu’il s’agit de nommer les différentes notions

grammaticales. Ainsi, lors d’une première séance d’ « outils de la langue », après un

rapide tour de table, j’ai pu comprendre que les termes qui désignent les différents

temps étaient souvent employés au hasard. Plus tard, lors d’une séance de soutien

avec six élèves en difficulté, j’ai également pu constater que les classes

grammaticales les plus courantes (nom commun, adjectif qualificatif…) devenaient

dans leur esprit des fonctions.

Pour garantir la clarté du propos, j’évoquerai ici un exemple explicite. Lors

d’une séance consacrée à l’étude des outils de la description, j’ai naïvement utilisé

les termes d’adjectifs qualificatifs et de noms communs sans imaginer que certains

élèves ne savaient pas du tout ce qu’ils représentaient.

Afin de leur faire assimiler les différentes fonctions de l’adjectif qualificatif, je

leur avais donné une série de phrases dans lesquelles on retrouvait à la fois des

adjectifs épithètes, attributs et mis en apposition. J’avais l’intention de leur faire

« sentir » que le mot qui qualifie le nom pouvait occuper plusieurs positions dans la

phrase. Le petit fragment de texte confectionné par mes soins et inspiré du film

Himalaya, l’enfance d’un chef a retenu leur attention dans un premier temps. Les

plus actifs ont pris immédiatement la parole pour donner leurs réponses, ce qui m’a

d’abord confortée dans ma première illusion et m’a porté à croire que la majorité

savait ce qu’était un adjectif qualificatif. Or, peu à peu, j’ai pris conscience des

lacunes des plus faibles. J’ai demandé aux élèves les plus discrets (faibles pour la

plupart…) ce qu’il y avait avant ou après l’adjectif qualificatif. Certains se sont révélé

incapables de me donner la classe grammaticale de « est » ou de « lumière » et

m’ont indiqué tout ce qui leur passait par la tête. Il m’a donc fallu faire un point rapide

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(et bien sûr non exhaustif) sur les classes grammaticales et les fonctions en

rappelant aux plus faibles (et ce, tout en m’aidant des plus forts….) ce qu’était un

sujet, un nom commun, un adverbe…

III) Un laborieux transfert des connaissances

orthographiques et syntaxiques dans les travaux

d’écriture :

Un autre point faible, source pour moi d’étonnement et de perplexité a été à

l’origine de nouvelles activités pédagogiques. Certains élèves de cinquième

réinvestissent laborieusement leurs connaissances orthographiques et

grammaticales dans les travaux d’écriture.

1) Les connaissances orthographiques :

L’écart entre les notes de contrôles d’ « outils de la langue » et les notes

d’expression écrite suscite quelques questions. En effet, un élève ayant obtenu une

bonne note dans une dictée consacrée à l’accord de l’adjectif qualificatif s’est révélé

incapable de l’accorder correctement dans l’expression écrite qui a suivi. Placé en

état de surcharge cognitive, préoccupé par le souci de rédiger correctement, il n’a

pas pu s’attacher à un problème qu’il a pourtant su affronter dans l’exercice de dictée

en se concentrant principalement sur ce point. Ces erreurs d’inattention sont

fréquentes et, loin de témoigner d’une absence de savoir, révèlent davantage la

difficulté à décloisonner les connaissances et à les réunir en permanence. Par

exemple, les mots qui ont certainement été appris à l’école primaire sont souvent très

mal orthographiés dans les expressions écrites. Une élève a écrit « quesceque tu

fais ? » dans le premier devoir, sans détacher les éléments de la locution

interrogative alors qu’elle a été capable de l’orthographier correctement dans le

contrôle consacré aux formes de phrases. Souvent, une simple relecture à voix haute

permettrait d’éviter de nombreuses erreurs. D’autres exemples témoignent

également des habitudes de transcriptions phonétiques acquises en pratiquant les

moyens de communication modernes.

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2) Les connaissances syntaxiques :

En outre, alors que les apprenants les plus faibles admettent facilement, lors

des séances de révision en cours de soutien, qu’une phrase est constituée d’une

majuscule et d’un point et qu’elle ne peut se lire aisément sans ponctuation, ils

persistent à enchaîner les propositions sans donner de répit au lecteur et cela,

parfois, pendant une dizaine de lignes. La remarque de l’un d’entre d’eux a par

ailleurs été révélatrice et m’a permis de comprendre l’origine du problème. Alors que

j’expliquais à l’ensemble de la classe l’importance de la ponctuation en prenant

comme exemple une de ses phrases, il a levé la main pour s’exclamer : « Mais moi,

madame, je me comprends très bien même si je ne mets pas les virgules et les

points! ». Grâce à cette intervention spontanée, j’ai saisi l’absence totale de

décentration dont les élèves de cinquième peuvent faire preuve, oubliant souvent

complètement la présence du destinataire et semblant écrire pour eux.

Toutes ces lacunes relevées principalement au cours des corrections

d’expression écrite ont bien sûr fait émerger mes propres difficultés et sont à l’origine

de nombreuses questions : comment mettre en œuvre des moyens de remédiation

efficaces ? Comment construire une séquence en fonction de l’objectif d’écriture tout

en tenant compte du niveau et des besoins des élèves ? J’expliquerai mon projet

plus tard : en attendant, j’évoquerai plus précisément mes difficultés initiales.

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Deuxième partie : Mes difficultés

Lorsque j’étais moi-même élève au collège, les cours de français étaient

cloisonnés et avant tout consacrés à l’étude de la langue considérée comme une fin

en soi. N’ayant connu que ce modèle pédagogique, j’ai d’abord malaisément

envisagé la mise en place de l’enseignement décloisonné. Ce mémoire me donne la

possibilité de présenter mes difficultés, à savoir l’adaptation à la méthode inductive,

la tentation du « tout enseigner » et l’introduction de l’orthographe ainsi que l’aide

aux élèves dyslexiques.

I) Abandonner le cours magistral pour guider les él èves

vers la réflexion linguistique :

Ma première séance d’ « outils de la langue » a été consacrée à la

conjugaison et à l’emploi de l’imparfait et du passé simple. Ne sachant pas

exactement comment mettre en place de manière efficace la méthode inductive, j’ai

décidé de procéder à ma façon. Ainsi, après deux heures de conjugaison, je me suis

lancée dans une présentation fort monotone des différents cas d’emploi des temps

du récit. Ayant senti que mon exposé se révélait fort indigeste, facile à retrouver dans

n’importe quel livre et très peu pédagogique, j’ai eu l’idée d’élaborer un schéma

censé mettre en valeur la distinction entre les deux temps. Or, au lieu d’éclairer mon

propos, il a davantage embrumé l’esprit des élèves et a accru la confusion générale.

Ont suivi aussitôt les sempiternels exercices de grammaire tirés de la bible de la

méthode déductive : le Bled. Ceux-ci ont évidemment été faits au hasard ou, dans le

meilleur des cas, de façon mécanique. A la fin de la séance, j’ai eu la confirmation

par ma tutrice que les élèves n’avaient rien compris du tout. L’un d’entre eux s’est

même demandé à quoi servait le cours, ce qui m’a laissée perplexe dans la mesure

où mon objectif était de donner du sens à l’emploi des temps.

Après cet épisode malheureux, j’ai relu avec attention les instructions

officielles et me suis mise à envisager les différentes possibilités de « former un

élève susceptible de réfléchir plutôt que de reconnaître, capable donc d’un

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raisonnement véritable face à un phénomène grammatical » et de « le placer

constamment en situation de recherche ».

II) Réduire les objectifs des séances d’outils de l a langue

pour rendre l’assimilation plus efficace :

Lors de la séance évoquée précédemment, j’ai commis un autre impair : ayant

la volonté de transmettre un maximum de connaissances à mes élèves afin de les

préparer au mieux aux diverses échéances de leur scolarité, je leur ai apporté,

comme je l’ai déjà dit plus haut, la liste complète des cas d’emploi des deux temps.

Or, alors que j’avais déjà maladroitement conçu mon cours avec la méthode

déductive, j’ai eu la faiblesse de faire un exposé beaucoup trop ambitieux ! J’ai

progressivement compris qu’il fallait veiller à minimiser les objectifs des séances

d’outils de la langue pour optimiser leur assimilation. Or, cet impératif n’est pas

toujours facile à respecter. En effet, il n’est pas aisé, au début d’une carrière de

professeur d’évaluer ce qu’un élève de cinquième peut intégrer de manière efficace.

Lors d’une troisième séquence consacrée à la description, j’avais prévu

d’étudier l’expansion du nom. Ayant d’abord envisagé de travailler les différentes

fonctions de l’adjectif puis, les compléments du nom et les propositions

subordonnées relatives, j’ai dû me résoudre à ne m’attarder que sur le premier point

dans un premier temps et intégrer l’étude des autres expansions du nom dans la

séquence suivante consacrée au récit de voyage. Déçue et inquiète, craignant de ne

pas pouvoir aborder la totalité des notions, j’ai saisi plus tard, en constatant

l’efficacité de cette répartition, qu’il était préférable d’être moins ambitieux pour

pouvoir garantir une meilleure intégration des savoirs et des savoir-faire.

Cette volonté d’exhaustivité s’accompagne aussi très souvent d’un désir de

tout « contrôler » que j’ai eu quelques difficultés à juguler. Or, j’ai constaté que les

cours de français pouvaient se transformer en une alternance de contrôles et de

corrections si le professeur ne réfléchissait pas à d’autres moyens de vérifier les

acquis. En réduisant le nombre de questions dans les interrogations d’outils de la

langue, j’ai pu également diminuer le temps de correction et varier davantage les

activités au cours des séquences.

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III) Introduire l’orthographe et venir en aide aux élèves

dyslexiques :

1) L’introduction de l’orthographe :

Une des nombreuses difficultés rencontrées en début d’année scolaire a été

d’intégrer l’orthographe. Ayant effectivement consacré beaucoup de temps à la

conjugaison durant la première séquence, je ne pouvais ajouter une séance d’outils

de la langue supplémentaire. En outre, il aurait fallu que celle-ci ait un sens et

s’insère de manière cohérente dans la séquence. Ceci a également été pour moi une

source de questionnement au cours de la séquence deux : m’étant principalement

appuyée sur les difficultés des élèves, diagnostiquées durant les trois premières

semaines, pour construire mes séances d’outils de la langue, je n’ai pas réussi à

introduire l’orthographe (si ce n’est de manière ponctuelle lors des corrections

d’expression écrite) avant la séquence trois.

2) L’aide aux élèves dyslexiques :

Durant ce même trimestre, j’ai rencontré un autre problème auquel je n’ai pas

su faire face dans un premier temps : la prise en compte des enfants dyslexiques.

Dès le quatrième jour de septembre, une mère m’a confié les diagnostics de

l’orthophoniste et m’a fait part des difficultés d’écriture de son fils en me demandant

de « ne pas le saquer » en dictée. En découvrant quelques temps après l’entretien,

les textes de sa progéniture, j’ai compris qu’il allait être difficile de le noter de

manière objective. L’élève en question écrit en caractères minuscules et omet

certaines lettres (surtout les voyelles). J’ai alors perçu que la dyslexie pouvait avoir

plusieurs aspects et ne pas consister uniquement en une simple inversion des

lettres. Le problème de la correction s’est bien sûr immédiatement manifesté et me

laisse parfois encore, perplexe.

Un peu plus tard, un couple de parents est venu me parler de la dyslexie de

leur fils suivi pendant cinq ans par une orthophoniste. Effectivement, cet élève,

quoique brillant à l’oral et par ailleurs grand lecteur, orthographie très mal la plupart

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des mots (même ceux que nous écrivons régulièrement comme « contrôle »,

« appréciation »…). Mais, contrairement au premier qui semble plus facilement

construire des phrases, celui-ci ne ponctue presque pas, ce qui vient gêner la lecture

de ses textes pourtant très inventifs. Ces deux cas d’élèves dyslexiques ont

provoqué de nombreuses interrogations : comment traiter la dyslexie dans le cadre

scolaire ? Comment évaluer les élèves dyslexiques ? Comment diagnostiquer la

dyslexie ? J’aurai l’occasion de revenir sur les solutions apportées en quatrième

partie.

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Troisième partie :

Les stratégies mises en place et la réflexion

didactique élaborée à partir des apports théoriques

Les accompagnements des nouveaux programmes invitent le professeur à

repenser les méthodes d’enseignement de la langue et à abandonner le rôle de

maître détenteur unique du savoir. En relisant la partie consacrée aux « outils de la

langue », j’ai compris qu’il fallait éviter de conduire les élèves au psittacisme pour au

contraire « les placer constamment en situation de recherche.»1

D’abord désemparée par la nécessité de faire raisonner l’élève, j’ai

progressivement mis en place des stratégies d’enseignement qui allaient davantage

le faire réfléchir à l’emploi des outils de la langue. Je me suis inspirée dans un

premier temps de la méthode inductive telle qu’elle est pratiquée dans les centres

d’enseignement du français pour étrangers. En effet, en maîtrise F.L.E, j’ai découvert

que les partisans de la méthode communicative ne faisaient plus apprendre des

règles mais enseignaient la grammaire « en situation ». Dans les manuels de F.L.E

actuels, elle n’est plus apprise pour elle-même mais parce qu’elle sert à exprimer une

opinion, parler du passé, raconter une expérience, etc. J’ai donc décidé de construire

mes séquences en ne perdant pas de vue l’objectif commun aux deux sphères de

l’enseignement du français : « l’étude de la grammaire ne peut être considérée

comme une fin en soi. »2

Dans cette troisième partie, je montrerai d’abord comment j’ai essayé de

donner du sens à l’apprentissage des « outils de la langue » en m’inspirant de mes

lectures et des entretiens avec ma tutrice. J’expliquerai également mon approche de

l’orthographe et présenterai les situations qui m’ont permis de faire réfléchir les

élèves au fonctionnement de la langue à l’écrit pendant les séances de correction

des expressions écrites. Je terminerai en faisant part de ma recherche d’expériences

nouvelles.

1 Accompagnements des programmes du cycle central, page 126.

2 Ibid., page 127.

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I) Comment donner du sens à l’apprentissage des

« outils de la langue » ?

1) Rebondir sur leurs difficultés dans une séquence pour construire

les objectifs d’outils de la langue de la séquence suivante :

L’objectif principal de ma première séquence a été de faire le bilan des acquis

des élèves dans certains domaines. Puisque je voulais commencer par aborder le

récit de chevalerie, il fallait que je m’assure qu’ils savaient identifier les

caractéristiques d’un récit au passé. La révision des temps s’est alors imposée et j’ai

revu la conjugaison du passé simple et de l’imparfait afin de préparer le travail

d’écriture de fin de séquence. Ce dernier m’a fait prendre conscience de leurs

lacunes et m’a permis d’élaborer la seconde séquence intitulée « Qu’est-ce qu’un

roman de chevalerie ? » au cours de laquelle j’ai étudié un récit plus codé. L’écriture

du texte narratif impliquait la maîtrise des connecteurs temporels et d’autres points

que j’aurais pu aborder durant cette seconde séquence. Or, j’ai décidé de réserver

ces outils de la langue pour des séances ultérieures et je me suis concentrée sur les

lacunes de ma classe, convaincue qu’il valait mieux « déterminer les outils de la

langue en fonction des besoins des élèves »3.

� Les niveaux de langue :

J’ai déjà évoqué plus haut l’absence de différenciation entre la langue écrite et

la langue orale. Dans la première expression écrite, le vocabulaire était souvent trop

familier et inapproprié au contexte scolaire. J’ai rebondi sur ce point dans la

correction en consacrant quelques minutes à la différence entre les niveaux de

langue. Je leur ai proposé de « traduire » deux phrases en langage courant ou

soutenu : « sa sœur essayait de la consoler mais, rien à faire » et « tu te fous de moi,

dit la mère ». En écoutant les diverses propositions, je me suis rendu compte que ce

3 Anne-Marie Achard, « Mise en œuvre des nouveaux programmes, les outils de la langue », L’Ecole des lettres

des collèges, 1998-99, numéro un, page 26.

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point méritait d’être approfondi. En effet, les élèves conçoivent difficilement l’enjeu de

l’écriture et ne parviennent pas spontanément à adapter leurs textes au destinataire.

J’ai préparé une première fiche « Outils de la langue » intitulée « Comment

choisir son vocabulaire ? » et j’ai mis les élèves en contact direct avec un texte écrit

en registre familier. Après leur avoir fait lire un extrait de Contes et légendes des

chevaliers de la Table Ronde de Jacqueline Mirande (rédigé dans un français

courant, voire soutenu) qui présentait les personnages et les faits, je leur ai proposé

une parodie de la légende tirée de Merlin va à la plage4 de Sfar et Munuera. Elle a

retenu toute leur attention puisqu’elle exposait les mêmes événements que le texte

vu précédemment tout en ayant une dimension plus ludique. Après avoir confronté

les deux versions et travaillé la compréhension, nous nous sommes intéressés plus

précisément à la forme : le vocabulaire dans un premier temps puis la syntaxe. Ceux

qui s’expriment dans un registre familier à l’écrit ont facilement reconnu les mots

incongrus (« cassait les pieds », « en roupillant », « pépé »…) et j’en ai profité pour

leur faire comprendre qu’il fallait qu’ils écrivent autrement. Je leur ai prouvé qu’ils

avaient conscience des différents niveaux de langue et qu’ils étaient capables d’y

être plus attentifs. Dans ce cas-ci, l’étude des registres de langue leur a paru

complètement justifiée puisqu’elle avait été entraînée par le besoin de pallier une

lacune. Les élèves ont été beaucoup plus réceptifs et motivés, ce qui m’a ensuite

permis d’aborder d’autres difficultés liées à la grammaire de phrase. Si certains ont

été sensibles à la présence du vocabulaire familier dans un contexte parodique, ils

n’ont pas compris que la syntaxe des personnages était fortement relâchée. Ainsi, j’ai

insisté sur certaines phrases comme « c’est quoi le Graal ? » afin de montrer que le

registre familier était autant lexical que grammatical. Nous avons ensuite fait des

exercices de « traduction » qui ont été stimulants et qui les ont sensibilisés à

l’opposition entre les niveaux de langue.

� Les répétitions :

Après avoir mis en évidence la nécessité de choisir un vocabulaire adapté à la

langue écrite, j’ai décidé d’attirer leur attention sur la cohérence de leurs textes. Au

cours de cette même séquence consacrée au roman de chevalerie, j’ai élaboré une

4 Se reporter à l’annexe 1)

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deuxième fiche « Outils de la langue » intitulée « Comment éviter les répétitions ? »5.

Sans perdre de vue l’objectif d’écriture (raconter un combat), je souhaitais les

préparer à écrire un texte clair qui ne devait pas être alourdi par les reprises d’un

même nom. Avant de commencer l’activité, j’ai fait référence à la première

expression écrite dans laquelle certains avaient commis ce genre d’excès et je leur ai

rappelé le travail que nous avions fait en correction. Les élèves, ainsi alertés, ont été

mis en situation d’attente et de questionnement, préparés à aborder un point

nouveau : « les pronoms personnels ». Je me suis appuyée sur un extrait de

Chrétien de Troyes rebaptisé « le combat de Lancelot pour sa reine » étudié et

compris par les élèves et je leur ai demandé, en le relisant, de m’indiquer à quels

personnages (Méléagant, Lancelot, « la jeune fille intelligente », la reine Guenièvre)

les mots soulignés (=les pronoms) faisaient référence. Je leur ai aussi proposé de

s’interroger sur l’identité des personnages désignés par des périphrases comme

« celui qui était passé sur le pont de l’Epée » ou des anaphores comme « les deux

chevaliers », « la jeune fille »…

Cet exercice a permis d’approfondir la compréhension du texte tout en leur

montrant qu’il n’était pas nécessaire de répéter quinze fois «le chevalier » pour être

compris par le lecteur. Après avoir réfléchi ensemble à l’emploi du pronom personnel,

nous avons pu passer aux exercices qui devaient les conduire à manipuler eux-

mêmes la langue. Ils ont complété quelques phrases en ajoutant les pronoms

personnels appropriés. Puis, consciente que mon cours pouvait provoquer l’effet

inverse, à savoir la répétition du même pronom personnel, je leur ai proposé un autre

exercice de repérage en présentant trois phrases :

« Lancelot et Méléagant étaient tout deux sur la place au milieu de la foule. Il

frappa son adversaire avec son épée. Il se retrouva au sol. »

En les confrontant à un exemple dans lequel la répétition du même pronom

pouvait s’avérer ambiguë, je leur ai suggéré qu’il existait deux types de répétitions et

que, dans les deux cas, la clarté du texte en dépendait.

Dans l’expression écrite suivante, j’ai à nouveau insisté sur ce point et j’ai

constaté une amélioration assez nette chez la plupart : la réflexion menée en classe

5 Se reporter à l’annexe 2)

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semblait avoir porté ses fruits. Ce résultat m’a convaincue du bien-fondé d’une telle

démarche. Ayant en effet d’abord une idée très précise de l’enchaînement des

séances d’outils de la langue durant l’année et de l’intégration des points de langue

dans la progression annuelle, j’ai compris qu’il fallait accepter de tenir compte des

lacunes des élèves au lieu de chercher à suivre à tout prix un schéma établi. En

outre, je me suis rendu compte qu’ils se sentaient davantage impliqués par l’exercice

quand je faisais référence à leurs difficultés et que je présentais la fiche « Outils de la

langue » comme un moyen d’améliorer leurs textes et de progresser. Enfin, j’ai perçu

qu’ils pouvaient s’intéresser à la grammaire si je les plaçais en situation de réflexion.

Au lieu d’apprendre par cœur, sans comprendre, la liste des pronoms

personnels, ils les ont intégrés tout en percevant leur utilité. Cet exemple révèle qu’il

faut « tenter de cerner, à propos de chaque notion, ce qui peut être un outil pour les

élèves, non un savoir destiné à rester déclaratif »6.

2) Soigner la formulation des objectifs pour créer une attente et

susciter le questionnement des élèves :

L’apprentissage de la grammaire rebute souvent les élèves qui s’interrogent

alors sur l’utilité d’une leçon portant sur les pronoms, les propositions subordonnées

relatives ou le complément d’objet indirect, etc.

Ayant constaté en début d’année le manque d’enthousiasme des élèves face

aux leçons magistrales, j’ai réagi rapidement en adoptant une démarche qui allait

créer une attente et susciter des questions. Ainsi, au lieu de proposer des titres

nominaux, j’ai choisi de formuler les titres des fiches « Outils de la langue » sous

forme de questions. J’ai donné en même temps plus de sens aux activités

grammaticales en les liant à l’objectif d’écriture. En nommant la quatrième séquence

« Comment décrire un lieu ou un paysage ? », j’ai éveillé leur curiosité. En

présentant la fiche « sommaire » sur laquelle figuraient les différentes activités, je

leur ai expliqué qu’ils devaient posséder un certain nombre d’outils pour pouvoir

décrire et que nous allions les découvrir tout au long de la séquence. Un titre nominal

« La description du paysage » n’aurait peut-être pas eu le même effet tandis qu’un

6 Marc Campana et Florence Castincaud, Comment faire de la grammaire, ESF éditeur, Coll. Pratiques et enjeux

pédagogiques, page

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titre interrogatif les a placés dans une situation de réflexion et les a poussés à être

plus actifs. Les élèves ont été mis face à un problème et ont su qu’ils pourraient le

résoudre en participant aux travaux faits en classe. Ils se sont ainsi sentis beaucoup

plus concernés par les activités linguistiques. La « fiche séquence » leur a présenté

un objectif d’écriture « décrire un lieu ou un paysage » et les différentes activités qui

allaient préparer le travail final.

Par ailleurs, en construisant ma progression annuelle j’ai essayé de

« rechercher des enchaînements de séquences facilitant les apprentissages »7.

Après avoir commencé par étudier ce qui était nécessaire à l’écriture d’un récit

« simple », j’ai peu à peu ajouté des éléments. Après leur avoir fait rédiger un texte

constitué d’un élément perturbateur et de péripéties, j’ai consacré une séquence à la

description seule (S3) et je leur ai proposé de décrire un paysage sans introduire de

péripétie. Puis, à la fin de la quatrième séquence, je leur ai fait écrire un récit de

voyage mêlant des passages narratifs et descriptifs. Viendra bientôt l’apprentissage

du dialogue qui sera à son tour inclus dans un récit. Cette progression me permet de

donner du sens aux séances d’outils de la langue orientées vers l’objectif d’écriture

et de leur donner un titre significatif.

� La grammaire :

J’ai pris l’habitude de présenter le « cours » de grammaire en posant une

question initiale et d’adopter la méthode inductive.

Au lieu d’intituler la fiche « outils de la langue », « Les fonctions de l’adjectif »

et de présenter les différentes catégories sans les faire raisonner, je l’ai baptisée

« quels sont les outils de la langue qui vont nous aider à décrire un lieu ou un

paysage ? »8. Ainsi, en découvrant cette fiche, les élèves étaient dans une situation

d’attente car ils savaient que nous allions apporter ensemble une réponse à la

question et que notre travail allait servir à préparer l’expression écrite finale.

Je leur ai fait observer un court texte en leur donnant comme consigne

d’expliquer ce qui entourait l’adjectif.

7 Anne-Marie Achard, Op.cit., page 27

8 Se reporter à l’annexe 3)

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« Il est 16h30. Eric Valli vient de franchir le col de Jang-Là. La nature est

splendide. Sur l’indigo du ciel de l’Himalaya, des nuages floconneux jouent avec la

lumière éclatante. Majestueux, un vautour passe devant l’homme ébahi.

Cet exercice les a amenés à conclure que le nom pouvait être enrichi par des

adjectifs qualificatifs placés à différents endroits.

Le court paragraphe faisant allusion au réalisateur du film Himalaya, l’enfance

d’un chef a immédiatement éveillé leur curiosité ; ils avaient par ailleurs déjà été mis

en contact avec les descriptions de l’Himalaya. Je suis donc partie du connu (la

description) pour les diriger vers l’inconnu (la fonction de l’adjectif). Guidés par mes

questions, ils ont pu conclure que l’adjectif occupait plusieurs places dans la phrase.

J’ai ensuite ajouté que celles-ci correspondaient à plusieurs fonctions : « mis en

apposition », « attribut du sujet », « épithète ». Nous sommes revenus à la leçon que

nous avons complétée ensemble et j’ai insisté sur l’utilité de l’adjectif en leur

rappelant qu’ils devaient savoir le placer dans une phrase pour pouvoir décrire un

lieu, un paysage ou toute autre chose. Le cours de grammaire n’a pas consisté en un

simple recopiage de leçon mais plutôt en un moment de réflexion autour d’un

problème initial : « Comment décrire ? ». Les élèves ont ensuite fait des exercices

qui ont leur ont permis de consolider l’assimilation de la notion. Cette expérience m’a

prouvé qu’il fallait sans cesse lier les savoirs (ici, l’adjectif) aux savoir-faire (décrire)

pour que les notions utiles aux élèves, notamment lors des épreuves du brevet,

soient assimilées correctement.

� Le vocabulaire :

L’apprentissage du vocabulaire est autrefois souvent passé par l’assimilation

de listes interminables et de définitions… Cette démarche rébarbative avait souvent

peu de sens puisqu’il s’agissait d’apprendre par cœur des mots qui n’avaient pas

beaucoup de liens entre eux. Pratiquée également au début du vingtième siècle dans

l’enseignement du F.L.E, elle consistait à accumuler ce que certains appellent

ironiquement « un sac de mots » et détachait les élèves de leur contexte d’utilisation.

J’ai constaté en début d’année que l’enseignement en séquences permettait

de donner du sens à l’apprentissage du vocabulaire. Lors de la présentation de la

seconde séquence qui avait pour thème le roman de chevalerie, j’ai expliqué aux

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élèves qu’ils allaient devoir raconter un combat et j’ai attiré leur attention sur le fait

qu’ils allaient découvrir un certain nombre de mots nouveaux dans les textes et qu’ils

devaient les retenir pour la fiche de vocabulaire que j’ai intitulée « Quels mots et

expressions utiliser pour raconter un combat ? ». Au lieu d’apprendre par cœur, dès

le début de la séquence, les mots nécessaires, ils ont dû se tenir éveillés et rester

vigilants. Ainsi, ils ont pu facilement compléter le schéma et redonner les expressions

utilisées pour raconter un combat et les groupes nominaux utilisés pour décrire les

chevaliers9.

En adoptant cette méthode, je leur ai montré qu’ils n’étaient pas là pour

ingurgiter bêtement un stock de mots qu’ils oublieraient rapidement mais qu’ils

pouvaient eux-mêmes apprendre en opérant des choix, en sélectionnant le

vocabulaire approprié à leurs besoins d’écriture. L’assimilation fut par ailleurs

renforcée par le travail d’écriture fait en classe, plus efficace qu’un contrôle de

vocabulaire. Je leur ai en effet laissé la possibilité de consulter leur fiche ce qui a eu

pour conséquence de les faire réfléchir au sens de chaque mot en contexte. Cette

expérience m’a confortée dans l’idée qu’il fallait toujours « contextualiser » les

apprentissages. Lorsqu’il s’agit de retenir des mots qui sont rarement employés dans

la vie quotidienne (un heaume, un haubert, un écu…) mais qui sont aussi étudiés en

histoire pour leur valeur culturelle, il est en effet préférable de stimuler la mémoire en

donnant un sens aux objets d’apprentissage.

II) Comment aborder l’orthographe ?

1) Lier l’apprentissage de l’orthographe à celui des autres « outils de

la langue » :

� L’exemple de « l’accord du participe passé » :

Au début de l’année, j’ai eu quelques difficultés à intégrer l’orthographe de

manière pertinente. Certains points me paraissaient impossibles à aborder dans mes

9 Se reporter à l’annexe 4)

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premières séquences. Certes, j’avais travaillé l’orthographe lexicale dans les fiches

de vocabulaire mais il me semblait avoir négligé l’orthographe grammaticale.

J’ai progressivement compris, notamment grâce à ma tutrice, que je pouvais

associer son étude à celle d’autres outils de la langue. Dans une séquence

consacrée au récit de voyage, j’ai fait une fiche « Comment raconter au passé ? »10

dans laquelle j’ai abordé le passé composé, temps apparemment connu pour la

plupart des élèves. Je suis partie d’un point facile, plutôt bien maîtrisé par l’ensemble

de la classe, pour aboutir à l’accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir. Ce

glissement a marqué une gradation de la difficulté et a conféré du sens à une notion

abstraite et compliquée.

En outre, j’avais déjà remarqué que les élèves qui se sentaient en confiance

vis-à-vis de l’apprentissage scolaire étaient dans de meilleures dispositions pour

découvrir des notions nouvelles et délicates. Passer par un temps connu, vu et revu

depuis l’école primaire, m’a permis d’attirer l’attention des plus récalcitrants, des

élèves déroutés par un problème et rapidement découragés par des points

nouveaux. J’ai commencé par leur demander de changer les temps d’un texte écrit

au présent débutant par « Aujourd’hui» en le faisant commencer par « Hier» sans

utiliser le passé simple. Ils ont compris qu’ils étaient en terrain connu et qu’ils

maîtrisaient déjà de nombreuses notions. La révision de la conjugaison du passé

composé a suscité un enthousiasme inattendu, même de la part de ceux qui ont

beaucoup de difficultés. Les élèves ont tous souhaité venir au tableau afin de révéler

leurs connaissances. J’ai choisi des bons et d’autres, moins bons, mais tout aussi

motivés. Les erreurs notées par ces derniers nous ont permis de réfléchir à un

premier problème : la différence d’accord en fonction de l’auxiliaire. Cette mise en

commun des incompréhensions a instauré une remise en question des savoirs

erronés et a permis de clarifier des règles incertaines. Je leur ai montré que même

s’ils savaient conjuguer le passé composé, il fallait qu’ils s’interrogent en présence de

l’auxiliaire avoir. J’ai ainsi « crée le déséquilibre nécessaire à l’apparition du doute,

au développement de savoirs et de savoir-faire »11.

10

Se reporter à l’annexe 5. 11

Ghislaine Haas et Laurence Maurel, « L’Atelier de négociation graphique » in Les Cahiers pédagogiques,

numéro 440, février 2006, page 27.

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2) Comment évaluer l’orthographe ?

Les parents d’élèves attachent beaucoup d’importance à la sacro-sainte dictée

et jugent parfois du sérieux d’un professeur en fonction de la fréquence de cet

exercice. Lors d’une réunion, une mère a avancé une remarque neutre mais derrière

laquelle perçaient les reproches : « Vous n’avez fait qu’une dictée ». J’ai dû lui

démontrer que cet exercice n’était pas le seul moyen de vérifier les connaissances

en orthographe et lui expliquer mes façons de procéder.

Au cours de la séquence consacrée à la description, j’ai réalisé une fiche

intitulée « Comment accorder l’adjectif qualificatif ? » qui nous a permis de revoir

trois types d’accords. Lors de la séance suivante, j’ai fait une dictée destinée non pas

à piéger les élèves mais à vérifier le travail d’apprentissage. Ainsi, j’ai attribué quinze

points à l’accord des adjectifs qualificatifs et cinq points au reste. Cette répartition

valorise les élèves qui travaillent et donne du sens à l’exercice de la dictée. Sous

cette forme, l’exercice peut les réconcilier avec l’orthographe…

III) Profiter d’une séance de correction d’expressi on

écrite pour travailler les « outils de la langue » :

Les corrections d’expression écrite sont souvent l’occasion de travailler la

langue de manière efficace et pertinente. J’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de

confronter les élèves à leurs productions en recopiant noir sur blanc les extraits de

leurs rédactions. Après avoir préparé le terrain en expliquant que ces derniers

n’avaient pas été choisis pour stigmatiser les élèves en difficulté mais pour nous

servir à comprendre comment mieux écrire, je leur ai demandé de lire les bribes et

de me dire ce qui pouvait gêner la lecture. Ils ont alors pu sentir que les répétitions,

l’absence de ponctuation et les phrases averbales ou constituées d’une seule

proposition subordonnée entravaient la lisibilité. Nous avons alors travaillé les « outils

de la langue » en réfléchissant à la construction d’une phrase, à l’opposition entre

proposition principale et proposition subordonnée.

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� La ponctuation et la syntaxe :

A l’occasion des premières corrections d’expression écrite, j’ai constaté que

de nombreux élèves ne maîtrisaient pas la ponctuation. J’ai d’abord pensé consacrer

une séance d’outils de la langue à l’étude de cette notion floue mais, en me

documentant sur le sujet, j’ai découvert une manière plus pertinente de pallier les

lacunes en ce domaine. Dans Ecrire au collège12 par exemple, Sylvie Plane met

l’accent sur l’importance de la correction des rédactions et indique qu’il est préférable

que « les compte rendus utilisent les copies des élèves pour en étudier les faiblesses

et les trouvailles ». Ainsi, j’ai décidé de travailler régulièrement la ponctuation en les

faisant « réviser » leurs textes d’abord collectivement en classe, puis

individuellement à la maison. Je prendrai ici comme exemple la correction de

l’expression écrite numéro cinq13 qui avait pour sujet la description d’un paysage à

partir d’un tableau de Gauguin. Comme ils disposaient pour cela du vocabulaire

étudié en classe, nous nous sommes concentrés en correction sur la syntaxe. J’ai

sélectionné quatre extraits de copies représentatifs des lacunes constatées et je leur

ai donné la consigne suivante : « Lisez les extraits suivants, expliquez ce qui rend

leur lecture difficile puis réécrivez-les correctement ». J’ai pris soin d’éviter de

demander de « ponctuer correctement » puisque j’attendais justement que leur

propre raisonnement aboutisse à cette conclusion. Les auteurs de chaque

« phrase » ont lu et ont compris qu’ils n’avaient pas pu faire de pause pour respirer à

cause de l’absence de virgule ou de point et ils ont convenu, avec l’ensemble de la

classe, de l’utilité de la ponctuation.

Lors de cette correction d’expression écrite, j’ai également attiré l’attention des

élèves sur l’importance de l’utilisation du verbe dans les phrases car certains

emploient abondamment des phrases nominales. Je leur ai donc demandé d’indiquer

ce qui manquait, selon eux, dans les deux phrases suivantes : « A côté, un cheval

marron en train de brouter. Plus loin, de beaux arbres mélangés de couleurs. » Les

réponses ont été spontanées et la plupart des élèves ont convenu de l’intérêt du

verbe, noyau de la phrase. Certes, il est intéressant de leur montrer l’effet provoqué

par les phrases nominales et certains linguistes conseillent de les y habituer dès le

12

Sylvie Plane, Ecrire au collège, Didactique et pratiques d’écriture, Edition Nathan pédagogie, collection

Perspectives didactiques, 1994, page 92 13

Se reporter à l’annexe 6)

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29

collège. Jocelyne Leparmentier notamment remarque qu’il faut « attirer l’attention des

élèves sur l’intérêt des phrases non verbales » et préconise de leur demander « d’en

employer dans leurs productions écrites »14. Or, de nombreux apprenants emploient

des phrases nominales sans en avoir conscience et sans même connaître leur

différence avec les phrases verbales. Avant de leur faire découvrir les effets de style

qu’elles engendrent, il est sans doute préférable de leur montrer comment se

constitue une phrase. L’auteur d’Aimer la grammaire a raison d’affirmer qu’ « il faut

éviter que l’élève assimile phrase et phrase verbale » mais nous pouvons nuancer

son propos et préciser qu’il est préférable que celui qui est dans une période

d’apprentissage de l’écriture sache d’abord élaborer des phrases verbales.

IV) La recherche de nouvelles méthodes :

1) Passer par l’oral pour travailler la syntaxe :

Dès le début de l’année, j’ai réfléchi aux différentes possibilités d’améliorer

l’expression de mes élèves et j’ai pensé que l’écrit ne devait pas être le seul univers

de travail. Je profite donc des séances de lecture pour entraîner les élèves à

s’exprimer avec des phrases correctes. Je pose des questions de compréhension et

demande à l’élève interrogé de reformuler une première réponse donnée

spontanément en insistant sur l’importance de la clarté de son propos.

Lorsque je photocopie un questionnaire et que les élèves doivent répondre par

écrit, je procède de même. L’élève sollicité doit produire une phrase correcte et

complète que j’écris au tableau. Cet exercice a d’abord le mérite de leur redonner

confiance en eux : un enfant qui voit sa propre phrase au tableau prend conscience

de ses capacités d’écriture. Si la phrase donnée n’est pas tout à fait cohérente, je

sollicite les autres et suggère à l’apprenant interrogé de reformuler en tenant compte

des remarques souvent fort pertinentes de ses camarades. Une fois la correction

faite, j’ajoute des commentaires en explicitant le décalage entre le premier jet et la

rectification.

14

Jocelyne Leparmentier, Aimer la grammaire, C.R.D.P. de Basse-Normandie, page 69.

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Je procède parfois autrement en écrivant la phrase telle quelle et en

demandant à son auteur de la relire et de réfléchir seul à sa cohérence. Je pose

plusieurs questions, d’abord générales : « ne manque-t-il pas quelque chose dans

cette phrase? » puis plus précises : « Où est le verbe ? ». Ensemble, nous

parvenons ainsi à produire une réponse cohérente tout en répondant à des questions

d’ordre syntaxique : « qu’est-ce qu’une proposition principale ? », « qu’est-ce qu’une

proposition subordonnée relative ? », « qu’est-ce qu’une phrase nominale ? ».

2) Les « D.M » : une phase d’apprentissage :

J’ai pris l’habitude, en début d’année, d’interroger systématiquement les

élèves à l’écrit pour vérifier que les points de langue travaillés en classe avaient été

bien acquis. Souhaitant absolument m’assurer que les élèves avaient « tout »

compris, j’avais tendance à préparer des contrôles beaucoup trop exhaustifs. Or,

après un entretien avec ma tutrice, j’ai admis qu’un long test n’était pas

indispensable et entraînait une correction tout aussi conséquente. J’ai donc peu à

peu diminué le nombre de contrôles et en même temps recherché des solutions pour

« vérifier» autrement. Après avoir hésité, j’ai décidé de proposer des « devoirs à la

maison» qui devaient me permettre de sonder les élèves sans empiéter sur le temps

des lectures. Réfractaire au début, je me suis rendu compte que cette forme de

vérification pouvait s’avérer bénéfique pour de nombreuses raisons.

Le « D.M » peut effrayer les professeurs qui pensent que l’élève se fera aider

ou appliquera bêtement la leçon sans faire l’effort d’apprendre. Après avoir pendant

un temps partagé cet avis, j’ai compris que l’apprentissage ne pouvait pas être

efficace s’il n’était pas précédé d’une phase de compréhension et j’ai rejoint en cela

la théorie de Michel Tamine qui conseille de viser « la compréhension plutôt que la

mémorisation »15. Lorsqu’il s’agit d’étudier des notions compliquées comme la

proposition subordonnée relative (dont l’assimilation implique la connaissance

d’autres points de langue : qu’est-ce qu’une proposition principale ? qu’est-ce qu’un

15

Michel Tamine, « Enseigner la grammaire au collège » in Nouvelle Revue Pédagogique, numéro 2, octobre

2000, page 12.

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pronom relatif ?), il n’est pas ridicule de proposer aux élèves de se référer à la

« leçon ». En effet, si l’enseignant n’attend pas seulement que l’élève sache

« étiqueter », il paraît plus judicieux de permettre un retour à la synthèse faite en

classe puisque, de toute façon, il lui importe avant tout qu’il sache manier la langue.

Dans ce cas, il est intéressant de choisir, pour les « D.M.», des activités qui placent

directement les apprenants en situation de réemploi des notions étudiées. Au lieu de

proposer un exercice à trous, je leur ai proposé d’employer cinq noms ayant un lien

avec le thème de la séquence (le récit de voyage) dans une phrase complète et leur

ai demandé de les compléter par une proposition subordonnée relative16. Ce travail à

la fois évaluatif et formateur n’a pas simplement consisté en une application de

règles : il les a « mis en condition » pour l’expression écrite de fin de séquence tout

en les faisant travailler le métalangage.

16

Se reporter à l’annexe 7)

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Quatrième partie : BILAN

I) Du côté des élèves :

1) Une prise de conscience de l’utilité des « outils de la langue » :

Pour la plupart des apprenants, la grammaire et l’orthographe représentent

des activités abstraites, dénuées de tout intérêt. En début d’année, l’une de mes

élèves a remis en cause l’utilité de l’apprentissage de l’orthographe et a vanté les

mérites du correcteur informatique tandis que d’autres ont contesté l’importance de la

ponctuation. En liant systématiquement les notions linguistiques aux activités

d’écriture, j’ai pu convaincre l’ensemble de la classe de la nécessité de leur maîtrise.

Et, en expliquant que chaque élève allait être amené dans la vie quotidienne à

raconter et à décrire à l’oral ou à l’écrit en s’exprimant de manière cohérente, j’ai

réussi à démontrer l’obligation du travail de la langue. Les élèves sont ainsi en

majorité mieux disposés pour aborder l’étude des caractéristiques du français.

2) Une plus grande implication dans les apprentissages :

En ayant recours à la méthode inductive, j’ai favorisé la réflexion des élèves

qui sont maintenant, pour la plupart, davantage investis dans leurs apprentissages.

La phase d’observation précédant les moments de synthèse, devenue systématique,

les place en situation d’action et leur prouve qu’ils sont aptes à trouver des solutions

en s’appuyant sur leurs acquis et en faisant preuve de bon sens. Rassurés et mis en

confiance, ils sont d’autant plus entreprenants et se plaisent pour certains à émettre

des hypothèses, à jouer avec la langue. La participation spontanée aux cours de

soutien prouve l’intérêt grandissant d’un certain nombre d’entre eux pour les activités

linguistiques. En effet, en début d’année, j’avais plus souvent l’occasion de désigner

moi-même des « volontaires » qu’actuellement. La séance de « remédiation » est

davantage perçue comme un moyen de valoriser ses connaissances et d’apprendre

à apprendre. En donnant un rôle plus actif aux élèves qui se repèrent plus facilement

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dans le labyrinthe des apprentissages scolaires, j’ai pu faire en sorte que « l’aide se

demande avant de se donner »17.

3) Les répercussions en expression écrite :

Les niveaux initiaux des élèves étant très divers, il nous faut nous pencher sur

quelques cas de progression explicite. Le travail des « outils de la langue » à la fois

en cours de séquence et pendant les corrections d’expressions écrites a donné des

repères solides aux plus faibles. Ceux-ci accordent plus d’attention au choix de leur

vocabulaire et construisent mieux leurs phrases en employant par exemple les deux

adverbes de négation (ne est moins omis qu’avant) et évitent le relâchement de la

syntaxe, propre à la langue orale quotidienne. Ils font dans l’ensemble davantage

attention à la ponctuation car ils sont avertis systématiquement de l’importance du

lien entre la forme et le sens. L’instauration de repères (la ponctuation et le registre

de langue notamment) a contribué à transmettre le goût du maniement de la langue.

Ainsi, les élèves sont plus nombreux à accepter les « réécritures » de leurs textes.

Après chaque expression écrite, ils acceptent en effet plus facilement de réviser

complètement leur devoir pour obtenir des points supplémentaires et le font, pour

certains, avec plus d’intérêt. Tout en prenant conscience de leurs lacunes, ils

évaluent ainsi mieux leurs progrès.

17

Cahiers Pédagogiques, « Aider les élèves », Bruno Robbes (« elle n’est pas toujours là où on l’attend »),

numéro 436, octobre 2005, page 16.

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II) Du côté du professeur :

1) Une meilleure organisation des séquences :

La réflexion menée tout au long de ce mémoire m’a permis de mieux lier la

lecture, l’écriture et les « outils de la langue » tout en me faisant acquérir une

certaine discipline. Craignant initialement de ne pas pouvoir consacrer suffisamment

de temps à la grammaire et à l’orthographe, j’ai progressivement trouvé un équilibre

et dose désormais beaucoup mieux le temps à accorder à chaque activité tout en

évitant le « zapping pédagogique »18. J’ai également découvert la satisfaction

quasiment « esthétique » que procurait la conception d’une séquence tout en

gardant à l’esprit les écueils qu’elle risquait d’entraîner. En effet, je me suis rendu

compte qu’une séquence bien « ficelée » pouvait perdre son intérêt si elle n’était pas

adaptée à la classe et que l’enseignant devait pratiquer son art subtil sans perdre de

vue le public auquel il s’adressait. En outre, tout en réfléchissant à la place des

« outils de la langue », j’ai saisi qu’il fallait éviter tout dogmatisme et ne pas hésiter à

briser le rythme d’une séquence pour intégrer, quand il s’avérait nécessaire, « des

moments de synthèse » pour « rassembler dans des cadres structurants, les

diverses observations que l’on a pu faire au cours de la séquence ou des séquences

précédentes »19.

2) Les vertus du dialogue ou l’exploitation des erreurs des élèves :

En réfléchissant à l’intégration des « outils de la langue » dans les séquences

d’écriture, j’ai pu m’interroger sur les manières d’expliquer le fonctionnement de la

langue et j’ai eu la confirmation qu’il fallait en permanence remettre en question ses

acquis. Ayant l’habitude de fréquenter la « Grammaire méthodique du français », j’ai

quelquefois rencontré des difficultés lorsqu’il m’a fallu expliquer simplement un

problème syntaxique aux élèves sans employer le jargon auquel j’avais l’habitude

18

Ce terme est souvent prononcé dans le milieu du F.L.E pour décrier un enseignement qui se contente d’alterner

les différentes activités sans cohérence. 19

Michel Tamine, Op.cit., page 17.

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d’être confrontée. J’avais déjà vécu une expérience similaire en travaillant, en

maîtrise F.L.E., avec des étudiants étrangers qui s’étonnaient de certaines

particularités grammaticales du français qui me semblaient pourtant évidentes. Avec

les cinquièmes, j’ai quelquefois du mal à concevoir leurs incompréhensions et ne

parviens pas toujours à envisager le cheminement qui conduit à un raisonnement

erroné.

J’ai donc pris l’habitude de sonder l’ensemble de la classe pour savoir si

d’autres élèves partageaient les mêmes doutes. J’ai peu à peu compris que cette

circulation de la parole était bénéfique puisqu’elle faisait émerger les

incompréhensions du plus grand nombre et me permettait d’adapter mes explications

au niveau de mes élèves. J’ai également pris conscience de l’incohérence du cours

magistral et de la nécessité de « prendre en compte les savoirs antérieurs de l’élève,

ses modes de représentation »20. Je suis désormais convaincue qu’il faut souvent

abandonner le statut de « maître » pour adopter le rôle de guide et mieux les

accompagner sur le chemin des apprentissages.

En découvrant les vertus du polylogue, j’ai changé mes pratiques

d’enseignement et j’ai fait évoluer ma conception du métier. Pendant les séances d’

« outils de la langue », j’ai compris qu’il ne fallait pas seulement mesurer « les écarts

par rapport à une norme » et punir l’absence supposée d’apprentissage mais plutôt

décortiquer les erreurs afin de les comprendre et partant, les résoudre.

Ainsi, lorsque je corrige des expressions écrites, je garde à l’esprit les

quelques questions posées par certains chercheurs en didactique et je ne me dis

plus « Combien de fautes d’orthographe ? » mais « Quel genre d’erreurs ? » et

« Comment les résoudre ? »21.

3) Des solutions pour améliorer sa pratique professionnelle :

Consciente qu’il était parfois difficile d’adapter les explications grammaticales

aux élèves, j’ai réfléchi aux possibilités d’améliorer ma pratique. En corrigeant le

« D.M » numéro deux qui portait sur les groupes prépositionnels et les propositions

subordonnées relatives, j’ai constaté que certains mélangeaient les groupes

20

Michel Tamine, Op.cit.., page 17. 21

Catherine Brissaud et Daniel Bessonnat, L’Orthographe au collège, pour une autre approche, Editions

Delagrave, C.R.D.P de Grenoble, Collection 36, page 126.

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prépositionnels compléments du nom et les groupes prépositionnels compléments

circonstanciels et que d’autres (parfois les mêmes), donnaient des propositions

subordonnées complétives au lieu des relatives attendues. J’ai pensé que leurs

incompréhensions étaient dues à un manque d’anticipation de ma part puisque

j’avais effectivement défini ces notions sans faire allusion à celles avec lesquelles ils

risquaient de les confondre. L’idée m’est donc venue de recopier les réponses

erronées afin de réfléchir aux possibilités de les éviter. En me nourrissant des

incompréhensions des apprenants, je serai à l’avenir, mieux armée pour anticiper les

erreurs possibles.

4) Quelques repères pour prendre en charge les élèves dyslexiques :

Au début de l’année scolaire, j’ai rencontré des parents d’élèves préoccupés

par la dyslexie de leurs enfants. Inexperte en la matière, j’ai cherché des

renseignements et j’ai découvert la complexité du trouble. Tout en sachant que je ne

pourrais me substituer à l’orthophoniste, j’ai souhaité néanmoins apporter mon aide à

ces jeunes qui portent chaque année et ce, depuis l’entrée en primaire, cette

étiquette malheureuse.

Dans la plupart des ouvrages spécialisés, les auteurs insistent sur

l’importance du soutien psychologique et la nécessité de valoriser « chez eux leurs

autres qualités », de voir « en eux leurs capacités dans d’autres domaines »22. Ainsi,

tout en continuant à noter l’orthographe dans leurs expressions écrites, j’ai

davantage valorisé leurs qualités d’invention et j’ai veillé à rédiger des appréciations

précises qui mettaient en valeur leur imagination et leur originalité. Pour l’un des

deux élèves concernés, souvent découragé et turbulent, la mise en valeur de ses

idées a été un déclencheur qui lui a permis de prendre davantage plaisir à écrire,

sans penser systématiquement à la « faute » d’orthographe.

J’ai également compris que les élèves dyslexiques avaient besoin, plus que

les autres encore, de repères clairs. En lisant par ailleurs le dernier numéro des

Cahiers pédagogiques, j’ai découvert son portrait : « l’enfant dyslexique (…) a du mal

à s’organiser et besoin de méthode, de plan de travail, de construction en tableaux,

22

Genenviève Marouby-Teriou, « La dysorthographie », in Les Cahiers pédagogiques, numéro 440, février

2006, page 42.

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en fiche »23. Ainsi, je me déplace davantage vers l’un d’entre eux pour m’assurer qu’il

a bien compris où nous en sommes. Je n’hésite donc pas à consacrer quelques

minutes en fin de cours, parfois à sa demande, à la vérification de son classeur.

Suite à un entretien avec ma tutrice, j’ai par ailleurs retenu les conseils

valables pour la prise en charge des élèves dyslexiques pour travailler avec

l’ensemble de la classe en faisant preuve par exemple de davantage de clarté dans

la présentation des fiches « Outils de la langue », consciente qu’il est important de

multiplier les adjuvants à l’apprentissage.

5) De nouvelles perspectives…

• L’Atelier de Négociation Graphique :

Le temps m’a manqué pour mettre en pratique toutes les idées puisées dans

mes lectures. Ayant fait des progrès didactiques et pédagogiques, notamment en

favorisant l’« oralisation » des incompréhensions grammaticales, j’aimerais

davantage développer ce genre d’approche pendant les séances d’orthographe.

J’espère pouvoir bientôt mettre en place un A.NG tel qu’il est pratiqué dans

l’enseignement primaire24. La confrontation au tableau des productions des élèves

me paraît propice au développement de compétences métalinguistiques bénéfiques

favorisant l’assimilation.

• La dictée dialoguée25 :

Souhaitant faire de la dictée un exercice plus formatif que sommatif, j’ai

découvert qu’il était possible de pratiquer la « dictée dialoguée ». Celle-ci me

permettrait de travailler la ponctuation avec les élèves puisque, si j’en crois l’article

de Marc Arabyan, le professeur lit sans la signaler : « l’énoncé dicté est une phrase

et c’est aux élèves de lui prévoir le point qui convient :… !? »26. L’exercice perd son

aspect « artificiel » et se rapproche de l’activité d’écriture.

Après cette première étape, les élèves confrontés à un problème peuvent

verbaliser leurs doutes sans nommer les lettres, sans demander s’il faut « mettre -e

23

Genenviève Marouby-Teriou Op.cit. 24

Se reporter à l’article de Ghislaine Haas et Laurence Maurel dans les Cahiers pédagogiques, numéro 440,

février 2006, pages 27-28. 25

Se à l’annexe 8) pour connaître le déroulement précis de la dictée dialoguée. 26

Marc Arabyan, « la dictée dialoguée » in l’Ecole des lettres, numéro spécial, mai 1990, page 79.

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ou –ent ». Les autres peuvent guider leur cheminement sans « souffler la réponse »

et poser des questions du type : «as-tu observé le sujet ? Est-ce qu’il est singulier ou

pluriel ? ». Pendant ce temps, le professeur distribue la parole, empêche les

« fuites » éventuelles et intervient s’il est sollicité. Cet exercice a le mérite d’entraîner

au maniement du métalangage et permet d’intérioriser le fonctionnement de la

langue. La dictée conserve ainsi son statut d’évaluation formative et constitue une

étape de l’apprentissage garantissant la compréhension et la mémorisation des

règles.

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CONCLUSION

En mettant le point final à ce mémoire, j’ai conscience d’avoir entamé une

réflexion qui est loin d’être achevée et s’enrichira de lectures mais aussi

d’expériences nouvelles au contact d’autres élèves. J’ai tiré un grand profit de ce

passage par l’écrit, lieu d’introspection idéal qui s’est révélé indissociable de ma

progression. Certes, je rencontrerai probablement d’autres difficultés avec des

niveaux différents mais les recherches didactiques et pédagogiques menées à

l’occasion de la conception du mémoire m’ont permis de développer des méthodes

de travail utiles pour l’avenir. Elles m’ont également convaincue de la nécessité d’une

remise en question permanente et m’ont appris à ne pas me reposer sur mes acquis.

Plus à l’aise dans ma pratique quotidienne, je souhaite maintenant améliorer

mes méthodes de « remédiation » en me penchant sur les moyens de faire

progresser efficacement les élèves en difficulté lors des cours de soutien en groupes

restreints. En effet, en organisant chaque semaine, des aides individualisées, je suis

confrontée à des apprenants volontaires dont les niveaux sont très divers. J’aimerais

mettre en place une pédagogie différenciée, adaptée au rythme de chacun, propice à

l’épanouissement intellectuel de tous et ne stigmatisant pas les plus faibles.

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BIBLIOGRAPHIE

LIVRES :

Brissaud Catherine et Bessonnat Daniel, L’Orthographe au collège, pour une autre

approche, Editions Delagrave, C.R.D.P de Grenoble, Collection 36.

Campana Marc et Castincaud Florence, Comment faire de la grammaire, ESF

éditeur, Coll. Pratiques et enjeux pédagogiques.

Leparmentier Jocelyne, Aimer la grammaire, C.R.D.P. de Basse-Normandie.

Plane Sylvie , Ecrire au collège, Didactique et pratiques d’écriture, Edition Nathan

pédagogie, collection Perspectives didactiques.

REVUES PEDAGOGIQUES :

« Aider l’élève » in Cahiers pédagogiques, numéro 436, octobre 2005.

« Orthographe » in Cahiers pédagogiques, numéro 440, février 2006.

ARTICLES :

« La dictée dialoguée » Marc Arabyan, in l’Ecole des lettres des collèges, numéro

spécial, mai 1990, pages 59 à 79.

« Mise en œuvre des nouveaux programmes, les outils de la langue », Anne-Marie

Achard, L’Ecole des lettres des collèges, 1998-99, numéro un, page 26.

« Enseigner la grammaire au collège », Bruno Doucey et Michel Tamine in Nouvelle

Revue Pédagogique, numéro 2, octobre 2000, pages 11 à 18.

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SITES :

http://www.education.gouv.fr/banqoutils

http://www.ccdmd.qc.ca/fr/

http://www.orthographe-recommandee.info/

http://www.sdv.fr/orthonet/

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ANNEXES

1) Extrait de la bande dessinée « Merlin va à la plage » de Sfar et

Munuera.

2) Fiche O.L « Comment éviter les répétitions ? »

3) Fiche O.L « Comment décrire un lieu ou un paysage ? »

4) Fiche O.L : « Quels mots et expressions utiliser pour raconter un

combat ? »

5) Fiche O.L : « Comment raconter au passé ? »

6) Fiche de correction de l’expression écrite numéro cinq.

7) Devoir à la maison numéro 2.

8) Extrait de l’article de l’article de Marc Arabyan, in l’Ecole des lettres

des collèges, numéro spécial, mai 1990, pages 59 à 79.