Wallon-Cómo Se Desarrolla en El Niño La Noción de Cuerpo Propio
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omment
se développe
chez
Fenfant
la notion du
corps propre
1)
Etudier par quels degrés
l'enfant
parvient
à
réaliser une notion
suffisamment cohérente et unifiée
de son être physique, c'est, en même temps
que poser un problème particulier de psychogenèse, montrer la complexité
réelle
d'une
notion couramment
utilisée en
psychologie et
en
psychopathologie comme
une sorte
d'élément primitif
ou
de
facteur
ultime, que
l'analyse
n'aurait
pas à
dépasser et
qui
pourrait
servir à expliquer
certaines
variations
de
la
conscience,
simplement
en
lui
supposant
des
variations
correspondantes.
La
nécessité, généralement incontestée,
de reconnaître aux
faits
de la
vie psychique
des
corrélations
organiques fait souvent,
en effet, donner
comme
substrat
au sentiment
de
personnalité la
sensibilité du
corps
propre,
ou
cénesthésie.
Qu'à deux
moments
ou à
deux périodes
de son existence
un
individu
ait peine à se reconnaître comme le même, c'est la
cénesthésie qui
a
changé ;
et
cette explication commode a sans doute
contribué
pour beaucoup,
naguère,
à accréditer,
la suggestion
aidant, les
cas
aujourd'hui
introuvables
de
double
ou triple
personnalité.
Dans les délires d'influence, qui donnent
au
malade l'impression
d'être
sans frontières
vis-à-vis
d'autrui,
de
telle sorte
qu'il
croit tour à tour ses
actes, ses
paroles,
ses
pensées
perçues ou imposées
par
d'autres, les formes
de cette illusion
qui
sont usuellement
regardées
comme fondamentales,
bien que les plus
particulières
et souvent les plus tard venues clinique-
ment,
sont
celles qu'il
paraît
possible d'attribuer, comme à leur
cause
essentielle, à des
troubles
cénesthiques et sensoriels. Voix dans le ventre, dans la
poitrine, dans la tête,
et
d'aventure dans les oreilles. Soi-disant hallucinations
cénesthésiques ou auditives.
Alors qu'un
trouble primitif
de
la
sensibilité
devrait avoir pour premier
caractère une localisation, un
siège, sinon
toujours
parfaitement
circonscrit,
du
moins
suffisamment constant,
bien
loin
de
là,
il
arrive que les mêmes voix
soient
situées successivement dans le ventre
ou dans
la
tête.
Et,
pour
quelques malades qui affirment les
avoir
entendues,
comme de juste,
par
les oreilles,
tout
clinicien
connaît
les hésitations,
réticences et contradictions de la plupart, s'il s'agit de leur faire
véritablement assimiler
ces voix à des voix naturelles, de
siège
auriculaire
et
d'origine extérieure.
Mais le
besoin,
qui
paraît si
impérieux chez tous,
de
donner
à
leur trouble une expression
spatiale
et
de
le situer, avec une réussite
d'ailleurs très
variable,
dans
leur
corps ou dans le
monde extérieur,
est bien une
(i)
Article
extrait
du
Journal
de
Psychologie,
nov.-déc.
193
1.
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H.
WALLON
preuve
que ces localisations
et leur
cortège
sensoriel
sont
un
aboutissement
ou une
simple rencontre,
plutôt qu'un point
de départ
ou une
cause. Ce
que donne
l'observation, débarrassée
du préjugé
sensualiste,
c'est
strictement, avec cette tendance
à
localiser
les
états
de conscience
quelque part,
l'impuissance à maintenir la distinction de l'actif
et
du passif, du
moi et
d'autrui. Des
troubles,
par conséquent, qui
sont bien
en
deçà du simple plan
de
la
cénesthésie.
C'est encore
par une
altération de la cénesthésie que sont
communément
expliquées les
idées
de négation corporelle,
d'énormité et
d immortalité, sans
qu'il y
ait
de
cette altération d'autre
preuve
que ces idées elles-
mêmes. Est-il d'ailleurs possible d'imaginer
une
cénesthésie à
leur
mesure <
Et
ces idées monstrueuses ne sont-elles pas plutôt l'expression, au delà de
toute limite imaginable, de l'angoisse éperdue
et sans
mesure
qui
toujours
leur est synchrone (1) ?
Abolition
ou obtusion de la cénesthésie, dit-on souvent aussi,
pour
rendre
compte
des mauvais
traitements ou
des mutilations que peuvent
s'infliger
à
eux-mêmes l'idiot
et
le
dément.
Mais
leur
prétendue insensibilité
ne
serait jamais
qu'une condition purement
négative de non-empêchement
et ne suffirait
pas à rendre
compte
du goût
qu'ils ont
à
exercer
des
sévices
sur
eux-mêmes.
Pour l'idiot,
son
acharnement à se
frapper ou
à se mordre
coïncide
toujours, au contraire, avec une activité très différenciée, bien
que
monotone, qui paraît
ne pouvoir être réglée
ou suscitée
que
par
des
nuances souvent très fines
d'impressions
cénesthésiques
ou sensorielles (1).
Ce que
traduisent
les coups
ou
les caresses
qu'il
se
donne, c'est, je l'ai
montré, le
conflit,
chez lui
persistant
et
à
son paroxysme,
entre deux
systèmes
de sensibilité
et
de réactions,
dont
à l'état normal l'un réduit l'autre : le
système des
relations
avec l'extérieur
et
le système des ébranlements
intimes.
Leur concurrence,
en s'exaspérant,
fait
que
les
spasmes,
manifestation
combinée de
la
sensibilité
et
des
réactions subjectives, ne
se
laissent
plus réduire
sinon par
des excitations périphériques graduellement plus intenses. Et c'est
ce qui s'observe,
en
dehors de
l'idiotie,
dans les crises émotives où la
sensibilité
organique
et
affective tend à
l'emporter sur l'autre (2). Au
sommet
de la colère ou
du
désespoir
on
voit des
enfants
et même des
adultes
se
frapper, se
tordre
les mains, se mordre, s'arracher les cheveux.
Quant
au dément, bien des réactions partielles, bien des fantaisies
hypocondriaques montrent que la
cause de
ses
automutilations
n'est
pas
son in-
senbilité cénesthésique.
Ce qui semble les favoriser,
quel qu'en soit le motif
occasionnel,
c'est
la
dissolution
de
cet
ensemble
cohérent
et
coordonné
qu'une activité
adulte
et
normale
tend
à constituer
et
à reconstituer
sans
cesse à l'égard,
non
seulement de ses buts extérieurs, mais
aussi
de l'être
intime, condition
de
leur réussite. Au
pouvoir de réalisation mentale se
substitue l'émiettement
des
automatismes et
des sensibilités,
émiettement
dans la durée comme
dans
l espace, reproduisant ce qui peut s'observer chez
le tout petit enfant, mais avec les
conséquences
beaucoup plus graves
qu'entraînent les
occasions,
les habitudes, les
mécanismes d'activité propres
à
(i) H.
W.
-
Psychologie
pathologique,
Alcan, 1926, p.
58.
(1) H.
W.
- L'Enfant turbulent.
Alcan, 1925, p.
104
sqq.
(2) H.
W
- Le
comportement émotionnel, Revue des Cours et Conférences, 28 fé-
vr er
et
30
mars
1930, pp.
329-546,
702-712.
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LA
NOTION
U CORPS PROPRE
123
l'âge
adulte.
Au lieu que l'impression
subie
ou la velléité naissante
suscitent la
réponse
où
se totalisent les
intérêts et
les possibilités du
moment,
il
se produit des court-circuits souvent baroques.
La souffrance ressentie
reste
comme
.étrangère à l'automatisme
qui
en est la
cause.
Elle
peut même
indirectement contribuer à l'entretenir par l'ébranlement indifférencié qu'elle
diffuse
autour
d'elle.
Pour
jouer
les rôles
qui
lui
sont
si facilement attribués, ces exemples
montrent que la
cénesthésie devait
être
considérée
comme tout autre
chose
qu'une
sensibilité élémentaire
et brute. Mais
elle
n'est
même pas
réellement
envisagée comme
telle par ceux
qui
l'utilisent. Faite pour donner
l'illusion,
sous
le couvert
d'un
mot commode,
d'introduire
dans
les
problèmes
de
psychologie la
considération
de
l'organisme,
elle est en fait le simple reflet
des notions
auxquelles
elle
est censée
servir de support
et
ne saurait
donc
absolument rien
y
ajouter.
Ignorante des
études
qui
ont
pu
être
entreprises
sur la sensibilité
intéro-
et proprioceptive,
sur
la sensibilité
protopathique,
sur les rapports de la sensibilité
et
des états
affectifs,
sur les écarts de vitesse
nerveuse
entre
les
diverses
formes
de
sensibilité
(1),
elle
reste,
sous
sa
forme
globale,
la
conscience du
corps,
c'est-à-dire
une simple spécialisation de la
conscience
telle
que la peut définir l'introspection. Elle
consiste dans
l application
du sens intime à l'organisme,
dont
elle serait la représentation
immédiate ;
et cette représentation en
exprimerait
l'essentielle,
l'efficace
réalité.
C'est donc
toujours, non
seulement réduire le domaine de la
psychologie
à
celui
de
la conscience,
mais
vouloir, par une sorte d'illusion
animiste,
expliquer
la
conscience
par la conscience, mettre la
cause dans
les effets
eux-mêmes. Bien inutilement. Quels que soient les subterfuges employés,
décomposition du
tout en images particulières et
de catégories
diverses,
puis
recomposition
par
des
artifices
ou
mécanismes variables,
le
résultat
ne
peut,
en définitive,
rien
donner
de plus
que
les données
initiales. Pur jeu verbal
ou, tout au
plus, d'analyse conceptuelle, enfermé
en lui-même et sans
contact avec les
actions,
rencontres
et
conséquences du réel.
Le remède à ce que peuvent avoir d'immobilisant
pour
la vie
psychique sa réduction à
des
aperceptions en quelque sorte statiques et leur
fragmentation en
images
également inertes
a
été cherché, mais vainement, dans
l'affirmation de son
dynamisme global ou
dans sa fragmentation en dynamis-
mes
partiels,
en tendances
de diverse nature.
Car ce n'est
là
rien ajouter
d'autre à leur
définition,
sinon que le temps et le devenir
sont
nécessaires à
la
révélation
de
leur
contenu.
Sans
doute
n'est-il
plus
alors
donné
qu'en
puissance,
au lieu d'être explicitement
saisissable
d'emblée,
mais
il n'en
est pas
moins une
donnée définitive d emblée, dans
la
mesure du moins
où le
devenir
invoqué
est un devenir particulier, le devenir
de
quelque chose.
Mettre sous
forme
progressive
l'explication
de l'effet par lui-même, ce
n'est
pas changer
beaucoup
à l'explication.
Entre autres objets,
l étude du psychisme peut se
proposer de connaître
l'origine ou le rôle de ce qui prend
formule
consciente et
s'offre
ainsi
à
l'introspection. Mais
il
n'y
a là,
pour
elle, que des
faits
parmi les
faits
et
non
des principes d'explication.
Au
lieu,
par suite, d'accorder aux
impressions
(i)
Sherrington,
Head, H.
Wailon,
H.
Ptéron.
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124 H. WALLON
et notions de conscience le pouvoir de révéler à chacun ce qui se passe,
non
seulement en lui-même, mais
chez autrui,
et de leur
attribuer ainsi
une
signification stable et
universelle,
le psychologue ne les envisagera
jamais
à
l'état
pur
et pour elles-mêmes, mais il les interprétera dans leurs
manifestations actuelles, c'est-à-dire
dans
leur
façon concrète de se manifester,
et
dans
leurs rapports
avec
les possibilités
que
leur
offrent
à
ce moment-là
le
sujet
ou
les
circonstances.
C'est
la
seule méthode
qui
permette
d'éviter
les
fausses assimilations, les anachronismes
et qui puisse
faire découvrir,
sous
les
aspects ou les formules conventionnels de la vie
psychique,
ses vrais moyens
de réalisation.
Rien
ne peut, à
cet
égard, être fertile, en erreurs ou en
enseignements comme la
psychologie
de l'enfant. Confondre ou distinguer les
étapes
qui séparent ses façons de
réagir et
de
penser
de celles que
s'attribue
l'adulte, c'est
ou
prolonger les
illusions
de la
psychologie introspective par
la
plus
truquée des perspectives ou
reconnaître
plan par
plan
les fonctions
qui
ont
dû
successivement intervenir et s'intégrer les unes aux autres pour
aboutir
à
ces unités supérieures de la vie consciente ou de la vie psychique,
dont
nous sommes
souvent
tentés
de
prendre
l'unité
actuelle
pour
une
simplicité essentielle
et primitive.
Il importe
donc,
en
étudiant l'enfant,
de
confronter
entre elles ses
manifestations
d'activité, de
manière
à leur
donner
leur
vraie
signification
en reconnaissant d'âge
en
âge quelles sont ses
possibilités
fonctionnelles.
•
De même que la notion du
moi psychique implique,
avec
une
suffisante
organisation des réactions
soit simultanées soit successives et
de leurs
motifs
intimes ou externes, l'opposition
plus
ou moins latente et
virtuelle
à
sa
propre
personnalité de
personnalités
étrangères,
pour
le
moi
corporel, sa
notion
ne
se
borne
pas
à
l'intuition,
même
suffisamment
coordonnée,
des
organes
et
de
leur
activité
:
elle exige que la distinction se fasse
entre
ce
qui
doit être rapporté au
monde
extérieur en regard de ce qui peut être
attribué
au
corps propre et considéré comme le
définissant
sous ses différents
aspects.
Une condition indispensable, sinon automatiquement suffisante, c'est
donc
que
la liaison
soit
possible entre
l'activité qui
est
tournée
vers le
monde extérieur
et
celle qui se rapporte plus
immédiatement
aux
besoins
et
aux
attitudes
du
corps.
Or
l'état
du système nerveux à la naissance s'y
oppose,
suivant les
constatations
de
l'anatomiste
C. von Monakow. Entre
les
deux,
pas d'intégration
fonctionnelle tant que
ne se
sont
pas myélinisées
les
fibres
nerveuses
du
système
vestibulaire,
du
noyau
ventral, du corps
trapézoïde, de l'olive supérieure, des
noyaux
moteurs.
La
soudure ne
commence à se faire qu'après
le
troisième
mois,
elle se poursuit jusqu'au
sixième
et n'est pas achevée avant le douzième.
Pour commencer,
il
y a
donc
dissociation
entre
les différents domaines
fonctionnels : le domaine intéroceptif
qui
est celui de la
sensibilité
viscérale, le domaine proprioceptif
qui
comprend les sensations liées
à
l'équilibre,
aux attitudes, aux
mouvements,
et le
domaine extéroceptif
ou celui
de
la
sensibilité
tournée
vers
les excitations
d'origine
extérieure. Entre eux l'écart
chronologique
que
traduisent
leurs manifestations est considérable. Les
fonctions intéroceptives
sont
les plus précoces, les fonctions extéroceptives
les
plus
tardives.
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LA
NOTION U CORPS
PROPRE 125
De toutes les
manifestations
organiques ce sont celles
en rapport
avec
le tube
digestif
et
l'alimentation qui
semblent
avoir
le
plus de
concomitants
dans
le développement
psychique de l'enfant. Le
cœur
bat dès la période
foetale,
et,
si
son
rythme,
son
rôle
se modifient
à la
naissance,
si dans tout
le cours
de l'existence son
activité
est perpétuellement
influencée par
les
péripéties de la
vie
organique
et psychique, s'il est
l'origine de sensations souvent
violentes,
ses
fonctions
ne
sont pourtant pas
directement
un
motif
d'activité.
Mêmes
remarques
pour
les
fonctions vaso-motrices.
La
respiration
commence avec la vie extra-utérine ; elle
en
est le
premier événement. Le réflexe de refroidissement
périphérique
qui aboutit
à la première
inspiration
est suivi, dès les
premières
minutes,
par d'autres
réflexes
ou réactions qui ont
leur
point de départ ou leur siège dans l'arbre
respiratoire : éternuements,
cris et
même
bâillement;
si du
moins,
conformément
à l'opinion courante, le bâillement est bien
une
simple
modification
respiratoire
;
je
le rattacherais plutôt,
par l'intermédiaire
de
retirement,
à la
sensibilité
articulaire
et
aux réactions toniques, c'est-à-dire
au
domaine proprioceptif. Il
n'y a
pas révélateur
des
alternatives par lesquelles
passe
l'activité
psychique
plus
sensible
que
les
variations
respiratoires
(2).
Elles n'obéissent pas, comme la
circulation,
à des commandes
purement
réflexes
ou
automatiques ; elles sont
aussi sous
la dépendance directe de
la volonté. Si elles tiennent une
place
de premier plan dans les automatismes
de l émotion
: rire,
sanglots,
soupirs, c'est
aussi
d'elles
que
sont
issus le
chant et la
parole,
activités pleines d'automatismes sans doute, mais d'origine
mentale
et
perpétuellement soumises
au
contrôle
mental.
Les impressions
respiratoires pénètrent
de bien des
manières la sensibilité psychique.
L assimilation
que
fait Freud de
l'angoisse au retour
des
impressions qui furent
liées
à
la première inspiration
du
nouveau-né n'a, sans doute, que la valeur
d'un mythe ;
mais
la vérité de ce mythe c'est l'altération respiratoire qui
signale
tout
événement
de
la
vie
ou
de
l'activité
psychiques. Pourtant
lorsque la respiration devient
pour elle-même
un motif
d'activité,
cette
occupation, qui est assez
précoce chez
le petit
enfant
et parfois extrêmement
diversifiée,
répond
moins
à
des appétits
organiques
ou affectifs qu'à une
gymnastique très spécialisée, qui va
pouvoir
fournir
au langage ses
mécanismes sensori-moteurs.
Les premiers réflexes alimentaires ne retardent
guère sur
les réflexes
respiratoires.
Au cours
de l'accouchement, alors
que
seule encore
la
tête du
nouveau-né
était
sortie, Preyer a
pu
obtenir, par excitation
des
lèvres, un
réflexe de
succion.
Succion
et déglutition s'apparentent par la forme, par
l enchaînement,
par l'étroite
et
précise coordination
de
leurs
mouvements,
au
péristaltisme
œsophagien, gastrique, intestinal
et n'en diffèrent
que
par leur
siège périphérique
et leur
plus grande différenciation.
Mais
c'est
là
une
particularité
de grande conséquence.
Ayant
à
ouvrir ou
fermer
le tube
digestif, l'activité buccale développe et affine ses connexions, ses mécanismes,
ses aptitudes
discriminatives.
Elle devient une sorte
d'intermédiaire entre
les besoins de l'organisme
et
le milieu extérieur. Dans les premiers temps,
le seul
réflexe de
défense
alimentaire
est
la régurgitation.
Au
bout d'un mois,
(1) H.
W. Le
comportement fonctionnel du nourrisson, Revue des Cours et
Conférences,
15 février 1930, p. 411.
(2)
Benussi.
La
suggestione
e
l'ipnosi,
Bologne,
N.
Zanichelli,
1923, p.
58
sqq.
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126
H.
WALLON
la
réaction devient
préventive
et
se
transporte
sur
le
devant de la bouche.
Sous
l'influence
de
la
satiété, d'un
malaise digestif, la
pointe de
la
langue
frappe
contre le mamelon ou la
tétine, les
lèvres repoussent et crachent.
Après le
deuxième mois,
la
faim peut,
en dehors
de
toute
excitation locale,
provoquer des mouvements de succion. Avec la poussée dentaire apparaît
la tendance à mordre. A
un
an,
quand
la soudure de Monakow s'est
faite,
l'enfant
est
capable
de
prendre
spontanément
sa
nourriture.
Dans
les
premières
semaines de son
existence, il
est,
en tétant,
tout
absorbé
par
les mouvements de sa bouche
et
de son parynx, paupières closes,
poings
légèrement fermés, avant-bras
fléchis.
Pendant le
deuxième mois,
il
ouvre déjà largement les yeux. Après le quatrième,
il
sourit
à
sa nourrice,
tourne la
tête vers
une personne proche, s'interrompt
pour
une faible
stimulation auditive
ou
visuelle. Les
excitations
extéroceptives peuvent déjà
disputer
son attention à
ses
fonctions
intéroceptives. Mais bientôt
les
organes
intéroceptifs vont servir
d organes
extéroceptifs, le
monde
extérieur
prenant
une
importance graduellement plus grande
pour
l'enfant, à mesure
que
des
connexions
s'établissent entre
ces deux domaines de son activité. Portant
tout
ce
qu'il
saisit
à
sa
bouche,
comme
à
la
région
de
son corps dont
la
sensibilité
est
le plus
en
éveil,
il
apprend à
distinguer
les
choses
entre
elles.
C'est ce que W. Stern
appelle
la
période
de l'espace buccal. Espace
qu'il
ne
faut
évidemment pas entendre au sens de l'espace homogène et
en
quelque
sorte indépendant des
choses,
dans
lequel
nous avons appris à les
distribuer
et
à les
ordonner,
mais comme le système le plus précis de
références qui permette
à
un
enfant
de cet âge d'attribuer aux choses leurs
qualités
de volume et de forme. La sensibilité de la langue et des lèvres, ayant à
régler
leur
délicat modelage sur le mammelon et sur le jet lacté, le
degré
de
leur
pression, la suite de
leurs
contractions,
est en effet,
dès la naissance,
des
plus
différenciées
et
des
plus minutieusement
coordonnées. Mais,
pour
ajouter au
contrôle de l'automatisme des fonctions d'investigation,
il
faut
que, par des connexions nouvelles, elle se
soit
transposée
du
système
intéro-
ceptif vers le système extéroceptif.
C'est autour d'un
an que,
s'intégrant
à
l ensemble, la sensibilité uri-
naire permet à l'enfant de contrôler ses mictions. Mais elle
ne
les met pas,
chez l'homme, comme chez le chien par exemple,
sous
l'étroite et
visible
dépendance
de
certains
facteurs
psychiques
comme l'odorat. La dépendance
est, sans
doute,
plus
souple
et
moins
exclusive. Elle
paraît aussi intervenir
moins
profondément
dans
sa
vie
affective.
Il
n'y a
peut-être là, d'ailleurs,
qu'une apparence, due simplement à
l'éducation
et
à
la
décence.
L'intérêt
secret
que
l'adulte
peut
prendre
à
ses
fonctions
urinaires, les
satisfactions
ou le
malaise qu'elles peuvent
lui causer s'extériorisent volontiers
chez
l'enfant.
Sans doute il peut s'y mêler, par initiation
réciproque
ou par
découverte personnelle, un certain appoint de curiosité et de
jouissance sexuelles.
Et l association peut rester
durable.
Mais ces
plaisirs
écartés, l'impatience
urinaire est fréquente dans la vie psychique de l'enfant. Elle n'est qu'un
prétexte lorsqu il
trépigne pour
se soustraire à une contrainte
qui
le
tient
écarté
de l'occupation
souhaitée.
Car elle accompagne d'habitude
ses
moments de grande stimulation, d'attente ou
d'angoisse.
Quant
à l'intérêt
qu'il
prend
souvent au jet de son
urine
ou même
à
son
urine
récoltée
dans un
vase,
ce
sont
des
manifestations
qui
traduisent
plutôt
les
sentiments élémen-
-
8/18/2019 Wallon-Cómo Se Desarrolla en El Niño La Noción de Cuerpo Propio
8/31
LA NOTION
U
CORPS PROPRE 127
taires et confus de puissance fonctionnelle, de création, «
d appartenance » (1) dont l'enfance, comme d'ailleurs
l'involution
sénile et le simple
état de distraction
en
fournissent tant
d'exemples
à l'occasion des actes
organiques, des fonctions naturelles, des déjections
et
déchets
corporels.
Effacement
de
distinctions, qui se feront plus tard dans le sensorium
commune,
ou qui se sont
abolies, entre
le corps propre et ce qui s'y rattache par
quelque
lien sensible,
entre
l'existence
et
l'action,
entre
les
différentes
formes
de l'activité, organique, psychique
ou
extérieure.
Mais
ces effets divers, liés à
la sensibilité urinaire, sont relativement complexes, tardifs
et s'étendent
sur
plusieurs années de la
première enfance.
La sensibilité proprioceptive
contribue pour
une part éminente à
constituer la notion
du
corps propre.
Ses
premières manifestations
sont
contemporaines de la naissance et remontent même
à
la
période
fœtale.
Elle
est
en rapport
avec un système de fonctions qui ont suivi le
développement de
l'activité motrice
depuis son
état le
plus archaïque
jusqu'à ses
possibilités actuelles,
et qui
répondent à la
solidarité
intersegmentaire de
Torganisme dans
le
mouvement
et dans la station,
à son unité dynamique
dans
l'action,
statique
vis-à-vis
des
forces
extérieures.
Ainsi
se sont
graduellement superposés des mécanismes,
depuis
les plus rigides dans leur exécution
et
dans leurs conditions
jusqu'aux
plus
diversifiés et aux
plus mobiles, les
derniers
venus
ayant le
pouvoir de
suspendre
l'action de ceux
qui
les ont
précédés.
A la
naissance
certains ont déjà
perdu toute autonomie
et ne peuvent
plus
être
mis en
action directement et isolément. D'autres n'apparaissent
que dans le
cours des premiers
mois
et
même des
premières
années.
Tous
consistent en systèmes
synergiques de mouvements
et d'attitudes,
c'est-à-
dire
constitués
de telle sorte que
le
déplacement effectué
par une partie
du
corps et
les
résistances
rencontrées provoquent dans le
reste
du
corps
les
attitudes
et
mouvements
qui
peuvent
le
mieux
maintenir
l'équilibre général
et
concourir à l'action poursuivie.
C'est
d'eux que dépend la double
condition
assignée
par Monakow au
mouvement : unité
et
cohésion dans l espace,
juste distribution et continuité dans le temps. Elle intéresse,
à travers
l'activité musculaire,
la tenue
de
l'activité psychique (1).
Parmi les synergies
qui
ont
déjà
perdu
leur
autonomie
au
moment de
la
naissance,
Magnus et Kleijn ont su identifier
celles
qu'ils ont
classées
sous le nom de
réflexes
cervicaux et de
réflexes
labyrinthiques. Ils les ont mis
en
évidence
chez l'animal par une
section
de
l'encéphale,
qui les soustrait
au
contrôle des centres
où
s'opère
leur
intégration à des actions
d'un
type
supérieur. Ces
réflexes ont été rencontrés exceptionnellement
chez
l'homme,
dans
le
cas
de
lésions
ayant
réalisé
une
semblable
amputation
des
centres
qui sont superposés
à
leurs
centres
d'origine. Ils s'obtiennent normalement
durant
une
certaine
période
du
développement fœtal. Les
réflexes cervicaux
ont
leur
point de départ
dans
la sensibilité articulaire des vertèbres
cervicales,
lorsque
le
pivotement de
la
tête
en
change
la position
réciproque.
Ils
ont
pour effet de
mettre
les
segments sous-jacents, en particulier les
membres supérieurs,
dans
une
attitude déterminée, qui est inverse pour les deux
bras et qui
se renverse si la tête pivote
en
sens inverse. Liés à des rapports de
(i)
Lévy-Bruhl.
(i)
H. W. L'Enfant turbulent,
P.
II,
ch. Ier, Syndrome d'asynergie
motrice et
mentale.
-
8/18/2019 Wallon-Cómo Se Desarrolla en El Niño La Noción de Cuerpo Propio
9/31
128 H. WALLON
l'organisme
avec
lui-même,
ils sont de
type
archaïque
et destinés
à être
absorbés
dans les
systèmes
de
réactions
qui, se
superposant
entre eux,
s'orientent
progressivement
vers
le
milieu
extérieur,
de manière à répondre
avec
une
appropriation croissante
à
ses excitations différenciées. Ils
montrent,
en
même temps que l'origine
intersegmentaire
de la sensibilité pro-
prioceptive, la prépondérance
prise
par le segment
céphalique, dont
les
déplacements
commandent
ceux
des
autres segments.
Avec
les
réflexes
labyrinthiques,
ce sont
encore
des systèmes invariables
d'attitudes qui
sont
provoqués chacun par une excitation déterminée. Mais le siège de ces
excitations est
un
organe spécial,
qui
s'est différencié dans le crâne,
et ces
excitations traduisent les changements de
position
que
prend
l'organisme
par
rapport à la pesanteur,
et non
plus
par rapport à
lui-même.
D'autres
synergies, qui sont
en rapport
avec des excitations venues
du monde extérieur
et non
de l'organisme lui-même,
au
lieu d'être dès la
naissance dépouillées de
leur
individualité,
ne
font
leur
apparition que dans
le
cours des premières semaines
ou
des premiers mois. Au septième
jour,
les
globes
oculaires n'ont
pas
encore
leurs
mouvements
conjugués
avec
ceux
de
la tête (1)
;
au douzième, ils
s'abaissent plus
vite que
les
paupières, et
il
faut attendre
jusqu'à
la dixième semaine pour constater
un
synchronisme
parfait ; durant les deux
premières
semaines
leurs
déplacements sont
asymétriques, et
le strabisme intermittent
ne disparaît
complètement que dans
le
cours du deuxième
ou
du
troisième
mois ; les paupières commencent
à
s'ouvrir simultanément le onzième jour,
mais
durant le premier mois leur
ouverture peut rester inégale ; le plissement du front accompagnant
l'élévation du regard n'apparaît que passé
trois
mois,
et
une coordination
parfaite
entre
les mouvements des
yeux,
des paupières
et
du
front ne
se réalise
qu'à
neuf mois. A ces
progrès sont nécessairement
liés ceux d'une prospection
exacte,
rapide,
étendue,
stable
et
bien réglée.
En même temps que se constituent les synergies
partielles,
mais plus
graduellement
encore, vont se
développer
les
synergies généralisées
auxquelles se ramène l équilibre
du
corps. C'est au cervelet
qu'est
dévolue leur
régulation.
Dans
les premiers jours et les
premières
semaines,
il
arrive bien
que l'enfant, posé la face contre
l'oreiller,
puisse détourner le visage
pour
respirer (1)
;
qu'il le déplace
sur
le sein
de
sa nourrice jusqu'à ce que ses
lèvres
atteignent
le
mamelon ;
que sa
tête
ait
des
gestes d'évitement. Mais
c'est seulement entre
le premier et le second mois qu'il commence
à
la dresser
vers
la poitrine de sa mère (2),
entre
deux et trois mois qu'il la lève,
étant
en décubitus
ventral. Entre
la
onzième
et
la
seizième
semaine,
la
tête,
jusque-
là
pendillante,
commence
à
se
fixer
en position
droite,
d'abord
pour
quelques
instants seulement,
puis petit à petit de
façon
durable
(Ch.
B.).
Pour certains
enfants, il faut même attendre
jusqu'au
cinquième
ou au
sixième
mois
(Pr.).
Entre quatre et dix mois se produisent avec un succès croissant les efforts
pour
s'asseoir,
pour modifier, en
se retournant, une
position
incommode (Pr.).
Cette
marge de six mois
est
grande ; mais les fonctions d'équilibre sont de
(i) Preyer.
L'Ame
de
l'enfant, trad.
Varigny, Paris, Alcan, 1887.
(1) Mary Gray
Blanton.
Psych Rev., XXIV,
6,
1917,
456-483.
(2)
Charlotte
Bùhler. Soziologische u.
psychologische Studien iiber
das erste
Lebensjahr,
Jena,
Fischer,
1927.
-
8/18/2019 Wallon-Cómo Se Desarrolla en El Niño La Noción de Cuerpo Propio
10/31
LA
MOTION U CORPS PROPRE 129
celles
dont le
développement
a la rapidité la
plus variable
d'un sujet
à
l'autre
;
il a été incontestablement lent chez
l'enfant
de Preyer. Un
enfant
robuste
et dont
les fonctions cérébelleuses
ne
présentent pas de
retard
sait
vers cinq mois
s'étayer
sur
les
deux mains
(Ch.
B.), à cinq ou
six mois se
tenir assis (Heyf
elder),
changer une position
dorsale
en position
latérale
ou
droite et un peu plus tard une position
dorsale
en ventrale ou
réciproquement
(Ch. B.). A
partir
de
ce moment,
entre
huit
et
neuf mois,
s'annoncent
les
premières tentatives
de locomotion.
Leurs
composantes
d'abord
: se
tourner, s'asseoir,
se
dresser sur ses pieds, mais en s'accrochant
des deux
mains.
Puis insensiblement des tentatives
pour
glisser
sur le derrière,
pour
ramper
et enfin pour
marcher à quatre pattes.
L'enfant
peut alors commencer
à
faire
des
rétablissements pour mieux
voir
ce
qui
l'intéresse.
Entre neuf
et
dix
mois
il lui
arrive de se tenir debout tout seul, d'essayer quelques pas,
mais
à
condition d'être soutenu. La marche debout n'est possible, suivant
les enfants,
qu'à
des dates très
variables,
qui peuvent s'échelonner
entre
dix
et
dix-huit
mois. La rapidité
de
ses progrès, ses procédés d'équilibre, sa
stabilité, sa vitesse, son rythme présentent
de
grandes différences
individuelles.
Et
cette
diversité
se
retrouve dans
tous
les
domaines
où
interviennent les
fonctions de synergie posturale et motrice, c'est-à-dire dans ce
qui
sert de
support,
non
seulement à l'activité
motrice, mais aussi à
l'activité sensorielle
et psychique.
L'importance, à cet égard, des aptitudes synergiques
s'annonce
dès les
premiers efforts d'équilibre
qui s'imposent
à l'enfant. Mme Bûhler a
constaté (1)
qu'à dix
semaines, s'il
est mis
en position
assise ou si
seulement
sa
tête est maintenue droite, même
en
position commode, son regard devient
errant et
ne
sait
plus
rien voir. Cette impuissance persiste
tant
qu'il n'est
pas maître de son équilibre.
Cinq
ou six semaines plus tard,
il
peut,
couché,
retirer
la
serviette
posée
sur
son
visage, mais
n'en
est
plus
capable
assis.
A
cinq ou
six
mois encore, placé
vis-à-vis
d'un
autre
enfant, il
fait des
gestes vers
lui
s'il est couché, mais assis, il devient
insensible à sa
présence.
Est-ce
simplement,
comme elle suppose, impuissance de l'enfant
à
se
partager entre
deux occupations
quelconques ? Mais
l'équilibre en est
une
qui
accompagne nécessairement et essentiellement
toutes les
autres, sauf le cas
du sommeil
et celui aussi
du
décubitus avec résolution complète
des muscles,
où fatalement la
pensée
se dissout
en
songerie.
Rien
ne
peut, comme les
défaillances momentanées de l'équilibre, suspendre totalement l'activité
psychique (2)
: vertiges d'origine diverse ; abolition du tonus
musculaire, sous
l'influence
de
la
peur par
exemple
;
secousses
labyrinthiques
ou
encore
obstacle
aux réactions
d'équilibre
par suite
des
circonstances
extérieures
:
dérobement
des
points d'appui, chute ou projection dans l'espace, accidents
de montagne, de cheval ou d'auto. A
violence
égale ou très
supérieure,
d'autres
atteintes de
l'organisme,
même
soudaines, mais qui
ne
mettent
pas
l'équilibre
en jeu, n'entraînent
pas
non
plus
cette brusque suppression
de
toute possibilité motrice
et
mentale.
Au sentiment habituel de son
insuffisance
se
lie un
état
latent
d'angoisse qui se traduit
par
des
phobies.
A son
insuffisance réelle, une inaptitude
d'adaptation
exacte, régulière et continue
(1) Loc. cit.
(2)
H. W.
Psychologie
pathologique,
p.
85
sqq.
-
8/18/2019 Wallon-Cómo Se Desarrolla en El Niño La Noción de Cuerpo Propio
11/31
130
H.
WALLON
aux objets de l'activité qui se traduit par des trous et des
erreurs dans
l'effort
sous
toutes
ses formes : motrice,
sensorielle
et
mentale (1).
La dépendance où
l'équilibre
tient le
mouvement se comprend aisément.
Il
lui assure
à
chaque instant de son exécution le point
d'appui
nécessaire.
Ce
point
d'appui
doit
pouvoir
proportionner
sa résistance aux
résistances
rencontrées
;
faute
de
quoi
il
est
disloqué,
renversé
ou
laisse
le
mouvement
sans force. Il doit
pouvoir s'étendre à des
segments nouveaux
du
corps et
les fixer
en position
voulue, à
mesure
que
le
mouvement devenant plus
minutieux, se
limite davantage
aux extrémités des
membres ;
sinon
il lui
interdit d'être précis, libre,
souple
et ferme. Il doit au contraire, si le
mouvement intéresse le
corps
entier, comme
dans
la
course
ou
dans
le
bond,
faire place
à
toute la
suite
d'attitudes
compensatrices
et
de mouvements
qui permettent
de
retrouver
l'équilibre
au contact
du sol. En réalité, même
sous son aspect rigide de point d'appui, l'équilibre
n'est
qu'un système
incessamment modifiable de réactions compensatrices, qui semblent
à
tout
instant modeler
l'organisme
sur les forces
opposées
du monde
extérieur et
sur
les
objets
de
l'activité
motrice.
Les synergies nombreuses que les sens mettent
en
jeu
pour
s a c commoder à
leurs
objets, les
transformations et
agencements
successifs
qu'exigent
d'elles les besoins de
l'investigation
sont une
activité
exactement de même
ordre, qui
met
en
jeu des
attitudes
et, dans les appareils accommodateurs,
la fonction
plastique des
muscles, tout comme
les
attitudes
des muscles
locomoteurs.
Malgré l'extrême différenciation de ses organes
et
l'individualisation
de ses
centres, il
n'est donc pas surprenant que l'activité
sensorielle
participe
aux mêmes causes de
fléchissement ou
d'insuffisance que la fonction
des
attitudes et
de l'équilibre. Leur
manque
simultané de
sûreté et
de
résistance
dans
la neurasthénie en est un exemple,
de même que
la discontinuité
de
leur
action
et
leurs
défaillances
chez
l'enfant
asynergique.
Entre
l'activité psychique
enfin et
les fonctions d'accommodation
musculaire
la concordance
est
semblable. Leurs
désordres
sont également
simultanés.
Mêmes
irrégularités dans l'ajustement
et le débit
de
l'effort. Mêmes
à-coups
et mêmes trous dans le rendement. Même défaut de
cohésion dans
l'espace
et
dans le temps. A ce que Rossolimo appelait
tonus
psychique
répond bien une
régulation organique. Et
cette
régulation de son
activité
par l'organisme
lui-même relève
des
fonctions proprioceptives. Sans
leur
intervention, pas d'unité
stable
dans l'action, ni
dans
les formules qui lui
répondent au physique et au moral : le
sentiment
immédiat du corps
propre
et
de
la
personnalité.
Les réactions à des impressions proprioceptives sont des tout premiers
moments de la vie. C'est d'impressions se produisant dans l'appareil vesti-
bulaire que
résultent,
selon
Magnus, les
premiers
mouvements
d'orientation
des
yeux.
Leur pouvoir
est le seul qui
puisse se
mesurer,
chez
le
nouveau-né,
avec celui de la faim. Ses cris s'apaisent s'il
est bercé
latéralement
ou balancé
de
haut en
bas,
en position
verticale
ou
horizontale. Impressions encore
toutes passives.
Mais
bientôt, dans
la
tiédeur de son
bain ou libéré
de
ses
langes,
il
se livre à des
gesticulations et
à des
soubresauts,
puis à des explo-
(i) H.
W.
L'Enfant
turbulent,
P.
H.,
ch.
Ier.
-
8/18/2019 Wallon-Cómo Se Desarrolla en El Niño La Noción de Cuerpo Propio
12/31
LA
NOTION
U CORPS PROPRE
131
sions vocales
et
à des gazouillements
dont l'origine est manifestement une
sensibilité qu'ils
satisfont
et
qui
devient l'origine de la
joie
(1).
Vers cinq
mois, cette exultation motrice se produit à propos de tout ce qui semble
un
succès à l'enfant,
par
exemple lorsqu'il lui arrive
pour
la
première fois
de
pouvoir
suivre
des
yeux un
objet qui se déplace. A
sept
mois,
il
opère entre
tous ces
mouvements
et leurs sièges une sorte de discrimination et de
repérage.
L'agitation
cesse
d'être
complètement
diffuse
et
les
différentes
parties
du
corps d'y
intervenir
au
hasard ou
par
simple
impulsivité
motrice. A
propos du
même acte l'enfant
use
alternativement de ses deux mains ou
de ses deux pieds, comme s'il découvrait la bilatéralité
du
corps
et,
complé-
mentairement, l'unité de ses parties, capables
à
volonté
d'exécuter
le même
acte. C'est
ainsi
qu'il
fait à
plusieurs reprises passer sa
jambe
d'une
main
dans l'autre
;
qu'il porte un lange
à sa bouche
alternativement
de
la main
droite et de la main gauche
;
ou même qu'il frappe un
objet
suspendu
tour
à
tour
de la
main
droite
et
de la
main
gauche (Ch.
B.).
Ces jeux se
répètent
et
se diversifient durant plusieurs semaines. Pendant
un
temps,
stéréotypie
fréquente chez
l'idiot,
il
a
pour occupation
de
regarder tantôt
d'un
œil
et
tantôt
de
l'autre,
sans doute
intéressé
par
les
ressemblances
et
les différences simultanément éprouvées dans le champ de ses impressions
visuelles et
de
ses impressions musculaires (neuf mois). Dès lors ses exercices
vont
bifurquer, les
uns tournés vers la
reconnaissance du corps propre
et
les autres vers les eSets extérieurs de son activité.
La
sensibilité
extéroceptive, qui seule peut
donner
l'ensemble des
impressions opposables, comme monde extérieur, au corps propre, commence
par
ne
susciter que des effets sans rapport avec le monde extérieur.
Aux
excitations sensorielles ou périphériques répondent, dans
les deux
premières
semaines,
soit des réflexes locaux,
isolés et élémentaires, soit
des
réactions
qui
appartiennent, non
à
la
vie
de relation,
mais
exclusivement
à
celle
de
l'organisme. Sans
doute, la
lumière
retient le regard
du
nouveau-né,
mais
il ne
semble pouvoir se détourner d'une tache
claire
vers
une autre que
vers
le
quatorzième jour, ni accompagner
un objet en
déplacement
lent
que vers le vingt-troisième, et il faut attendre une
période
très ultérieure,
la
huitième
semaine,
pour
que
l'enfant
sache
suivre un
objet mobile avec
suffisamment de rapidité, de
précision et une mine satisfaite
ou
attentive.
Le réflexe
palpébral
de
protection
oculaire
ne
se produit pas
encore
dans
les
premières
semaines à moins que la clarté
ne soit
intense ou que le doigt
n'arrive au contact
des
cils et
de la cornée. La réaction
au
bruit
n'est
pas
auditive ; c'est le
sursaut, qui
appartient
au
domaine proprioceptif.
La
sensibilité
au
contact semble,
de
toutes
les
sensibilités
périphériques,
la
plus
précoce.
Mais elle est encore obtuse et
ne
provoque pas de réaction chez
l'enfant en
train de téter. De
toutes
les sensibilités qui
en réalité
la
composent, elle
ne
manifeste que les plus organiques, les plus affectives, à
l'exclusion de celles
qui établissent
une
discrimination
entre
la
qualité
des
excitations et qui
sont davantage tournées
vers
la
connaissance
du monde
extérieur. La sensibilité à la piqûre, qui est de ces
dernières,
manque durant
les huit premiers jours. Les réactions
consécutives
à
un
contact ne sont pas
orientées,
elles se propagent de façon diffuse en
ébranlements
et
en
gestes
(i)
H.
VV.
Les sources et les
formes de
l'émotion,
Revue
des
Cours et
Conférences, 30
juin
1930, p.
549-560.
-
8/18/2019 Wallon-Cómo Se Desarrolla en El Niño La Noción de Cuerpo Propio
13/31
132
H. WALLON
sans objet
au lieu
de se localiser
et
de
s'ordonner en
réponse appropriée (Pr.)-
C'est
dans la vie
proprioceptive et
affective qu'elles ont
leur raison
d'être
et
non dans l'activité de
relation (1). Parfois
elles se produisent à
distance
et isolées :
à
l'attouchement
du
pied répond une contraction
du
visage.
Si l'excitation se fait insistante ou intense,
il
arrive qu'elle provoque le retrait
de la partie touchée, mais c'est habituellement avec torsion du tronc
et
soubresauts
généralisés
:
par
exemple
l'enfant
que
l'on
essaie
de
mouch er (Ch.
B.). En tout cas les
gestes
d'évitement
précèdent
ceux de défense
et les gestes de défense ceux
qui
s'orientent vers la source de l'excitation
et
s'adaptent à sa cause.
Avec
le deuxième mois
s'ouvre
une
période
où la motilité de type
affectif fait
progressivement place
à une actiyité d'aspect plus sensori-
moteur (2). En même temps que se constituent les synergies sensorielles
(disparition
du strabisme
intermittent), le
visage
prend les traits
de
l attention
et
de la
préparation
aux impressions extérieures :
tension
du front,
plus grande ouverture des yeux, pointe de la bouche,
avance
de la
langue
entre
les lèvres.
Mais
ces
efforts
sont
d'abord
de
courte
durée
;
tout
s'efface
brusquement
et,
après avoir
quelques instants fixé
un
objet
avec
intensité,
le regard
se
perd en
errances
et loucheries sans but.
Pourtant
l'attitude
devient beaucoup plus
discriminative vis-à-vis des
excitations extérieures. Les
yeux font
plusieurs
fois retour vers la même tache lumineuse, suivent
l'objet
en
mouvement. Au cinquante-septième
jour les paupières
battent
à
l'approche du père
(Pr.)
; de
la
septième à
la huitième
semaine
(Soltmann),
parfois seulement après le troisième
mois, elles
battent
alors
que
l'œil
n'est
que menacé d'un brusque
contact.
L'enfant commence à écouter,
mais
d'abord uniquement les sons qu'il émet lui-même (3) ;
parfois il
se met à
en répéter d'isolés. Il tâtonne
vers les
objets, sans
manifestement les
identifier
encore
comme
tels
(Ch. B.)
;
mais
il
les
touche
avec
ses mains, ses
lèvres,
sa
langue de
façon
vraiment active. Dès la naissance, une simple
excitation de la paume amenait la flexion des doigts ; entre le cinquantième
et le soixantième
jour la
main
peut parcourir
une
surface même
discontinue
sans
nécessairement se fermer ;
et le geste
de
saisir, quand il
se produit,
est
authentique, actif. Il peut résulter au
soixante-douzième jour (G.-C.
Myers)
d'un contact sur une partie
quelconque
de la main :
dos
ou doigts. C'est
le début
de la préhension
et
de l'activité manuelle,
qui est
de si grande
importance dans
le
développement
psychique. Toutes ces
réactions sont
orientées, cherchent à
s'adapter, deviennent positives et ne rétrogradent
vers
leur forme négative
ou organique du stade
précédent
que si
l'excitation
est
violente.
Mais
elles
restent
sans
cohésion
et
cantonnées
chacune dans
son
domaine sensoriel.
C'est
encore
le
stade
où
une difficulté d'équilibre abolit
la perception.
Avec
la fin
du
troisième
mois
commencent
à
se faire jour les associations
intersensorielles,
en même temps que
débute
la soudure myélinique
entre
les domaines intéro-
et proprioceptifs d'une part et le
domaine
extéroceptif
(1) H.
W. Revue des Cours
et
Conférences, 1930, p. 533-534,
703-707.
(2)
V.
dans
L'Enfant turbulent, la succession des stades émotif et
sensori-moteur,
P.
I,
ch.
I
et
II.
(3)
Sur
l'importance
des effets
sensoriels
produits par l'enfant
lui-même
pour
l'iridividualisation
de
ses
impressions
sensorielles,
v.
L'Enfant
turbulent,
P.
I,
ch.
II.
-
8/18/2019 Wallon-Cómo Se Desarrolla en El Niño La Noción de Cuerpo Propio
14/31
LA NOTION U CORPS
PROPRE
133
de l'autre.
C'est
aussi le moment
où l'enfant commence
à pouvoir
tenir sa
tête droite. Un
résultat
capital des
associations
intersensorielles
c'est
d individualiser les sources d'excitation
en
unifiant le champ de la
perception.
Chaque impression
est
dépassée
par
son
motif,
puisqu'il peut
donner
lieu à
d'autres impressions
encore. L enfant commence
à
chercher
des
yeux le verre
qui
a
tinté. Même quand l'excitation
a
cessé,
il
s inquiète de sa source. Il se
retourne
vers
l'objet
dont il
vient
de
s'éloigner. Il
réagit
à
un
effleurement,
à un
souffle par
des
gestes qui
semblent
en matérialiser la
cause
quelque
part
dans
l'espace. Petit
à
petit ses gestes de défense s'organisent
pour faire
exactement front
à
la menace.
L'orientation
de son
attention
devient plus
abstraite.
Il continue
de
regarder
dans
la direction où
a disparu
un
jouet
ou
une personne. Leur réapparition
lui
cause
un étonnement joyeux. Il cherche
du
regard
les personnes de son entourage ;
suit celle qui s'éloigne d'une
mine
réfléchie et interrogative.
Sa perception devient moins simple
et
moins
successive. A ce qu'elle
saisit actuellement et
immédiatement s'ajoute du
possible,
du
prévu,
de l'attendu. Sa mimique répond à ces progrès.
Il a
des
attitudes
d'étonnement,
la bouche et
les
yeux
ouverts,
le front rigide,
les
bras
étendus
latéralement
ou
le
buste
penché
vers
la
source
des
impressions
qui
l'occupent.
Par
une sorte
d'effet inverse et
complémentaire,
en
même
temps
qu'il
ramène
à
leur source commune ses impressions de même origine,
il
devient
plus
capable de s'en
détacher,
de distribuer ailleurs son intérêt. Se
familiarisant
avec ce
qui est en
expectative,
il est
plus apte à
délaisser ce qui est.
Passage
entre impressions de même source
et
passage
d'une
source à
l'autre
vont de pair. Au lieu
d'impressions isolées
qui l'accaparent chacune
totalement et dont la succession
ne
peut être qu'une sorte de
morcellement
psychique, s'opère, avec l'unification de son champ perceptif, celle de sa
continuité
mentale.
Pendant qu'il
tète, il
sait
regarder
une
personne
à
ses
côtés,
sourire
à
sa nourrice, s'interrompre un instant pour
s'intéresser à
une
excitation auditive
ou visuelle
de
faible
intensité. La possibilité de ces
progrès
est
évidemment liée à la maturation concomitante des centres
qui
gouvernent l'équilibre et les synergies
fonctionnelles.
C'est au début de
cette période (cent unième
jour)
qu'il arrive
à
l'enfant
de suivre de la tête
avec
une précision mécanique le va-et-vient d'un pendule.
Le rôle de la main,
dans
les
associations
intersensorielles,
prend
une
importance
croissante.
Elle
commence, vers la
seizième
semaine,
à
attirer le
regard quand elle
entre
en
contact avec
l'objet
; les
yeux la
guident
quand
elle
essaie de
l'atteindre
;
son geste
de
saisir
n'est plus
étroitement
subordonné à une impression
tactile,
il
se
porte
vers
des
objets
à
distance, qui
n'appartiennent qu'au champ visuel. Sa dextérité fait alors
des progrès
considérables tant
dans
ses
conditions
motrices que
sensorielles. A
la
fin du
troisième mois
les deux bras
s'agitent encore
simultanément
et
symétriquement
; les poings restent fermés ;
ils
se
rapprochent ou s'écartent
trop,
et
n'arrivent pas
à saisir
ou
à retenir l'objet (Ch. B.).
Mais bientôt l'enfant ne
se lasse plus de tâter, d'empoigner les objets à sa
portée,
de les heurter, de
les
frotter contre sa
langue,
ses
lèvres,
ses
bras,
ses
jambes, de les
agiter,
de
les attirer, de les
repousser,
de les
laisser tomber et comme
d'en éprouver
tous les effets possibles dans le champ de toutes ses
sensibilités.
Il apprend
à
saisir
son biberon
des
deux
mains
et
parvient
à
en
introduire
la
tétine
-
8/18/2019 Wallon-Cómo Se Desarrolla en El Niño La Noción de Cuerpo Propio
15/31
1-34
r
*
H.
WALLON
dans
sa
bouche. Dans
le cours du cinquième mois,
il
réussit
à
saisir avec
une
seule main,
c'est-à-dire par
flexion
bien adaptée des doigts. Il
ne
fait
encore qu'un
usage rudimentaire
des
objets
saisis. Il
se
plaît
à faire
du
bruit
en froissant le
papier
ou
à
le mettre en
morceaux.
La période qui
débute
avec la fin
du sixième
mois est
surtout
marquée
par les progrès de
l'aptitude à
anticiper sur la perception directe des choses
et
par
ceux
de
l'activité
instrumentale.
Au
moment
de
manger, d'être
tiré
de
son
lit, habillé, de
partir en
promenade,
la
simple attente de l'événement
met déjà
l'enfant
dans
un
état d'excitation joyeuse.
L'intérêt
qu'il prend aux
choses
n'est
plus seulement
consécutif
à l'impression qu'elles font sur lui.
Il
en regarde qui n'ont
rien de
particulier,
comme
s'il cherchait
à y découvrir
quelque
chose d'attrayant.
Il
prend les
devants sur l'excitation pour la
susciter.
Sans
doute
il ne
sait pas encore suffisamment pressentir un effet
rapide pour être capable d'en suivre le
cours. Dans
sa trentième semaine
il
laisse tomber les objets sans les
accompagner
du regard, bien qu'il ait pu
quelques jours plus
tôt
suivre
des
yeux le vol d'un
moineau
(Pr.).
Dans
sa
trente-quatrième
semaine
il lui
arrive,
mais
exceptionnellement, de
prêter
quelque attention
à
leur
chute. Deux
semaines
plus
tard
il
commence à- les
regarder, mais de
façon
intermittente
et
avec un air
d'intérêt
beaucoup
moins
soutenu
que pour
des
objets
à
déplacement lent comme la fumée.
A quarante-trois semaines, en même
temps
qu'il réussit
à les
suivre des yeux,
il a une mine étonnée. A quarante-sept semaines c'est le visage amusé et
très
attentif qu'il
les lâche
et
les
regarde
tomber,
répétant cet
exercice
jusqu'à
huit
fois
de suite.
Mais
si
l'action
se
complique,
aptitude
et
intérêt
déclinent ensemble
et c'est
seulement dans
sa cent
vingt-quatrième
semaine
qu'ayant
jeté
une
balle
il
arrive à la suivre des
yeux
avec précision.
Introduits dans le
circuit
de
l action, les
objets la font
se
diversifier
et
se
transformer.
De
simple
excitation
au
mouvement
ils peuvent devenir
instrument
ou but. Dès que
deux objets sont
capables
de l'occuper
simultanément,
l'enfant ne peut faire
autrement
que
de les combiner
d'une
façon quelconque et
d'en faire
un
tout
unique.
La
loi
de ces
assemblages
présente
des degrés. C'est
d'abord,
entre
sept et
huit mois, la simple
coalescence
ou juxtaposition et
son
contraire,
la dilacération. L enfant rapproche,
groupe
en
séries
plus ou moins informes ou comprime l'un contre l'autre les
objets qu'il
manipule.
Quelques semaines
plus
tard,
il
cherche
à
les
introduire
les uns dans les autres ; c'est le
stade
de l inclusion, auquel la boîte
pourrait servir
de
symbole. Puis
les
combinaisons
deviennent plus
spécifiques, sont
inspirées par la configuration des objets et par leurs
possibilités
d'agencement.
Et
enfin
elles
deviennent
capables
de
se
subordonner
et
de
s'ajuster
à
un résultat utile : un
objet
est employé
et,
au besoin, modifié
de manière à
servir d'instrument
pour
en atteindre
un
autre. C'est ce
que
K. Biihler
appelle
le stade chimpanzé, l'enfant, lorsqu'il y parvient, vers
un
an,
étant devenu capable de trouver
les
mêmes
solutions que les
chimpanzés
observés
par
Kôhler. C'est de cette aptitude encore rudimentaire
que
naîtront les
premières
techniques de l'homme.
Bien entendu, le simple rapprochement des
choses,
si évidente
que
puisse
paraître leur
convenance
mutuelle, ne
saurait
expliquer
automatiquement la
découverte
qu'en font
l homme, l'enfant
ou
l'animal.
C'est en eux
qu'il
faut mettre
le
pouvoir d'intuition
ou
d'imagination
qui
leur
font
réaliser
-
8/18/2019 Wallon-Cómo Se Desarrolla en El Niño La Noción de Cuerpo Propio
16/31
LA
NOTION
U
CORPS PROPRE 135
effectivement ou
mentalement
cette
convenance.
De même que l'assemblage
brut des données sensorielles
ne
suffit pas à rendre compte de l'objet, ni la
disposition
réciproque des objets de
l'espace où il
est possible de les
ordonner
entre eux.
Mais notre
pensée appliquant
nécessairement aux choses ses
plus
efficaces moyens d'intuition, de compréhension ou de connaissance,
qui sont
aussi les
plus évolués
et les plus récents, il est assez naturel que
nous
les
prenions
pour
un
point de
départ nécessaire,
pour
des principes
sans
histoire,
parce
que sans antécédents
imaginables. Et
le
psychologue qui
entreprend
d'en
connaître la
genèse, se
défend
mal
lui-même contre la
tentation de se
donner
co.mme déjà réalisé aux échelons inférieurs ce
qu'il est
parti
pour
expliquer, mais dont
il
se représente
trop
difficilement la
non-existence.
Voir
l'enfant tourné
vers une source
d'excitations, vers un motif
à
mouvements, et attaché
à
en
éprouver les diverses possibilités, fait aisément croire
qu'il leur reconnaît pour support
un
objet. Pourtant, dans les cas d'agnosie
ou
d'apraxie, les possibilités sensorielles, l'usage automatique des objets
sont conservés, bien que
ne puisse
plus
se
réaliser la notion de l'objet, dont
nous ferions
si volontiers dépendre la connaissance de ses
qualités
et de son
emploi.
Il
faut
donc
bien
que
le
système
des
données sensorielles ou
motrices
qui
répondent
à l'objet ne puissent le faire exister
comme objet
à moins
d'être
intégrées, sur un autre plan
de la
vie psychique,
à
un ordre différent
d'opérations,
où intervient l'activité symbolique.
À
plus forte raison, la
notion
d'espace ne saurait
être
considérée
comme une donnée
première.
Différents
cas
de
désorientation montrent qu'elle est en
réalité la
superposition de plusieurs espaces,
qui nous
servent
tour à tour pour ordonner
les choses
entre
elles,
nos actions parmi les choses, nos symboles ou nos
pensées, sans même que nous nous doutions du
moment
où nous
passons
de l'un à
l'autre.
Ainsi encore, la notion de corps propre
ne
saurait être le
résultat d'une combinaison automatique
entre
les
sensibilités diverses
que
nous
venons
d'envisager.
Sur
le
plan
sensori-moteur, les réactions de
l'enfant vis-à-vis
de son
propre
corps
présentent
des
étapes successives,
qui
coïncident avec
celles
de son développement
extéroceptif.
Il
ne
s'en produit pas
avant l'époque
où commence,
avec
la myélinisation
des
connexions intéro-proprioceptives
et
extéroceptives, l'établissement de
relations intersensorielles.
Dans une
première
période qui va de trois à six
mois,
l'entrée comme
fortuite
de ses
membres dans son
champ
perceptif
paraît
le
surprendre
et
suscite un
effort
visible
de
reconnaissance
et
de discrimination.
Dès la fin
de
la
douzième semaine,
selon Guillaume (1),
l'enfant
suivrait
des
yeux le
déplacement
de ses
mains,
et dans le courant de la dix-neuvième, il
s'intéresserait aux mouvements de
ses
pieds
et
de
ses orteils.
Ce décalement de
date
n'a, par lui-même,
rien de surprenant. Il
s'observe constamment entre
la main
et
le pied dans leurs rapports avec l'activité
psychique.
Ayant moins
souvent
l'occasion, même
chez
l'enfant, d'entrer
dans le champ visuel et
n'ayant pas avec le monde
extérieur
les contacts multipliés et
diversifiés
de
la
main, les
membres
inférieurs
ne peuvent
qu'appartenir de façon beau-
(i)
P.
Guillaume.
L'imitation
chez
l'enfant,
Paris,
Alcan,
1925.
-
8/18/2019 Wallon-Cómo Se Desarrolla en El Niño La Noción de Cuerpo Propio
17/31
136
H. WALLON
coup plus tardive
et
plus incomplète à la
sphère
de la vie psychique.
Cette
dénivellation fonctionnelle
a,
d'ailleurs, son équivalent
anatomique.
Au sujet
du
faisceau pyramidal, qui transmet aux neurones
périphériques
les
incitations de la motilité volontaire issues de l'écorce cérébrale, A. Tournay a
reconnu
que
sa
maturation fonctionnelle, c'est-à-dire le moment où ses
fibres
sont myélinisées, paraît,
pour
le pied, retarder d'environ trois semaines sur
la
main
(2).
Si
l'écart est
plus grand pour
les
réactions
combinées
que
signale Guillaume que
pour
les simples réflexes recherchés
par
Tournay,
c'est
sans doute qu'il s'exagère avec la
complexité
croissante
des connexions
nerveuses et
à
mesure qu'il s'agit
de fonctions plus élevées
où le
pied
est
de moins en moins
directement
intéressé.
A moins de
constater des marques
particulières
d'intérêt, rien
ne
permet
d'ailleurs d'affirmer qu'en suivant sa main des yeux,
l'enfant
fasse
autre
chose
qu'un
acte unisensoriel,
comme lorsqu il
suit
des
yeux
un corps
étranger.
Et
dans l'observation très minutieuse
de Tournay,
c'est en
fait à
une
date
sensiblement plus
tardive,
le cent-quinzième
jour,
c'est-à-dire dans
la
dix-septième
semaine,
qu'il
fait
véritablement
attention
à
sa
main
droite,
l'arrête
devant
ses yeux,
regarde
ses
doigts s'agiter
et
recommence plusieurs
fois par
jour
à la
fixer de façon relativement prolongée
et
soutenue. Pour
sa main gauche, elle continue
jusqu'au cent quarante
et
unième
jour
à
passer
dans son champ visuel sans susciter
à
aucun degré cette concentration
manifeste
d'intérêt. Soit
donc
un écart
de vingt-six jours, incontestablement
en
rapport
avec un retard
de
maturation
fonctionnelle entre les deux
moitiés
droite et
gauche du système
nerveux.
Un
fait
semblable à ceux de Tournay est d'ailleurs
noté
par Guillaume
à une
date
presque
identique.
A
la fin
du
quatrième mois, c'est-à-dire aux
alentours du cent-quinzième ou du cent-vingtième jour, l'enfant, au
moment
de
saisir
un
objet,
tombe en
arrêt
devant
sa
main,
la déplace
à
hauteur
de
ses yeux. Les actes plus précoces d'attention semblent beaucoup plus
contestables
et ne
sont
pas, en tout cas spontanés
:
quinzième
semaine, attention
portée par l'enfant
à
sa main, quand
on lui
fait
jouer
du
piano ;
dix-
septième semaine,
quand on
lui
coupe les ongles. Outre les sensations
dont
elle est
alors
le
siège,
elle est
un objet
d'attention pour
l'adulte,
ce qui
peut exercer une sorte
d'induction
sur l'attention de l'enfant.
Egalement concordantes
sont
les dates indiquées par Preyer. Dix-septième
semaine,
l'enfant
s'étant efforcé, non sans
maladresse, de saisir un
objet, le
contact attire son
attention
sur
l'objet,
mais davantage encore sur sa main,
qui
devient ainsi
une
sorte
d'objet
privilégié dans
le
dédoublement
qui
s'opère entre
elle
et
l'objet. Dix-huitième
semaine,
dans l'acte de préhension,
ce
sont
ses doigts exclusivement qu'il contemple, c'est-à-dire uniquement les
rapports
de ses sensations
proprioceptives
et visuelles qui l'accaparent.
Vingt-troisième
semaine,
s'il
lui
arrive,
au
cours de mouvements sans but,
de saisir l'une de ses
mains
avec
l'autre, il
regarde la
première
avec
surprise,
la
main inerte
retenant davantage son attention parce que,
sans
doute, la
suite
des sensations y
est moins
prévue
que dans la main active. Vingt-
quatrième semaine,
il
contemple alternativement pendant plusieurs minutes
(2)
A.
Tournay. L'asymétrie dans le développement sensitivo-moteur de l'enfant,
Journal
de
Psychologie,
1924,
XXI,
p.
136-144.
-
8/18/2019 Wallon-Cómo Se Desarrolla en El Niño La Noción de Cuerpo Propio
18/31
LA
NOTION U CORPS PROPRE 137
le
gant
qu'il
tient
et
les doigts
qui le
tiennent, indiquant
semble-t-il par
sa
perplexité
la
différenciation qui
se
fait entre
ce qui peut être siège de
sensations et ce
qui
ne
l'est
pas. Enfin, trente-quatrième semaine, avec l'écart
de
temps
qui est de
règle
entre
les membres supérieurs et inférieurs, se
trouvant étendu sur le dos, il
lui
arrive
souvent de
contempler ses
jambes
dressées verticalement, comme si c'étaient
des
objets étrangers.
Surpris ou, du moins, rendu
attentif
par
l apparition
et
les
déplacements
de
ses
membres dans
son
champ
visuel, l'enfant est donc,
durant
cette période,
incapable
de les prévoir. Non seulement
il
n'existe pas une
intuition
primitive et nécessaire
du corps propre
sous tous ses aspects et
dans son ensemble,
mais
c'est très partiellement d'abord
qu'il
se
forme des
associations entre
les différentes impressions qui
y
répondent.
Le
travail
d'ajustement
entre celles
qu'offre la perception externe et
la sensibilité
proprioceptive est,
chez un enfant de
cet âge,
d autant plus graduel
et
sporadique
que
son
état
persistant
d'asynergie
lui
interdit encore
de
rassembler
instantanément
en
un seul
et
même équilibre toutes
ses
attitudes
et
toutes
les
parties
de
son
corps.
Pourtant
ceux de
ses
membres
qui
entrent
dans son
champ
extéroceptif ne
sont
déjà plus
comme
un
objet
indifférent
et quelconque.
L'enfant sait se sentir
à la fois
présent dans l'impression
visuelle
et
dans le membre
en mouvement,
d'où la possibilité
et
le besoin
de déchiffrer
comment
les deux sensibilités se correspondent.
Il
sépare, en
les regardant, le
gant
insensible des
doigts qui le
tiennent,
il regarde ses
doigts agir. Pareil dédoublement peut être éprouvé même entre les domaines
dont l'unité pourrait sembler primitive
et
irréductible, comme
entre
les
sensibilités dont ses mains
sont
le siège.
Ce
qui le
surprend,
s'il
saisit
l'une
avec
l'autre,
ce
n'est
ni leur dualité ni
leur
similitude,
dont ses impressions
visuelles
ou
motrices lui donneraient
une
intuition
bien plus
décisive.
Ce
sont
les effets
du contact,
doublement et
différemment sentis dans
les
deux
mains,
et
ce sont les
correspondances qu'il
découvre entre
ces
effets.
La
période
qui suit
va de six
à
douze mois
et
même au-delà.
Vis-à-
vis
du
monde extérieur, c'est celle où
l'enfant
commence
à
lui reconnaître
assez
de
réalité
pour
en attendre certains effets et pour
y amorcer
son
activité
en
quelque sorte complémentaire,
dont
le
résultat est
de
l'individualiser
et d'y faire
prédominer
sur les sensibilités
organiques
et
subjectives
la
sensibilité
de relation.
Prenant
intérêt
à l'explorer, à le mettre,
de façon diverse
et répétée,
en contact
avec
lui-même, il
finit par
lui
faire produire avec des
gestes
prévus
des
impressions