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Reino animal de Jean-Baptiste Del Amo

Premio Livre Inter 2017

Reino animal reconstruye, a lo largo del siglo XX, la historia de una explotación familiar dedicada a la cría de cerdos. En este entorno dominado por la omnipresencia de los animales, cinco generaciones pasan por el cataclismo de la guerra, los desastres económicos y la aparición de la violencia industrial, reflejo de una violencia ancestral. ¿Podrán la infancia —refugio de la inocencia de los niños de la saga— y la incorrup-tible libertad de los animales formar un bastión contra la locura de los hombres?

Reino animal es una gran novela sobre la deriva de una humanidad empeñada en dominar la naturaleza, que, en este despiadado combate, revela toda su brutalidad y su miseria.

Jean-Baptiste Del Amo fue ganador del Premio Goncourt 2009 de primera no-vela por Una educación libertina (Cabaret Voltaire, 2011).

Novedadoctubre 2017

ISBN 978-84-947108-2-7PVP 23,95 euros

Prensa

«Reino animal es una novela de un naturalismo implacable. El talento de Del Amo es im-presionante, su escritura es a la vez abundante y explícita, sinuosa e incisiva, sensual y quirúrgi-ca, con una gran riqueza de vocabulario. Placer de contar, de informar, de contrariar, de indig-nar. Ambición conseguida, escribir un gran libro.» Bernard Pivot, Le Journal du Dimanche

«Jean-Baptiste Del Amo se compromete y explora con una fuerza singular la violencia infligida a los animales, se interroga sobre la transmisión de esta brutalidad de una genera-ción a otra. Esta cuarta novela es sin duda su mejor obra.» Michel Abescat, Télérama

«El autor relata la violencia ejercida sobre los animales, la bestialidad de los hombres, el silencio de las generaciones resignadas a continuar con una explotación ganadera. La carne de cerdo, atiborrada de antibióticos, no son más que unos “seres enormes y frágiles”. Del Amo apela a Georg Trakl y a Baudelaire, a su prosa feroz y ahíta de sangre. l’Humanité. Muriel Steinmetz

«El sol brilla de nuevo sobre la literatura francesa. Un tour de force de Del Amo: evocar un siglo de la historia de Francia a través del destino de una saga familiar ligada a una pequeña granja.» Éric Naulleau, Le Point

«En su cuarta novela Del Amo explora a fondo la mutación del universo rural, el hombre confrontado a los animales. J.-B. Del Amo se consolida como uno de los mejores escritores actuales.» Richard Blin, Le matricule des anges

El autorJean-Baptiste Del Amo (Toulouse, 1981) es un escritor francés de origen español, nieto

de emigrantes republicanos. En pocos años, la suya se ha convertido en una carrera prolífica y llena de éxitos. Su primer libro, el relato Ne rien faire (2006), ganó el Premio joven escritor en lengua francesa. En 2008 logró el reconocimiento unánime de la crítica con la novela Una educación libertina (Cabaret Voltaire, 2011), que obtuvo, entre otros, los premios Goncourt de primera novela, François Mauriac de la Académie française y Fénéon. En su segunda novela, La sal (Cabaret Voltaire, 2013), Del Amo narra la historia de una familia originaria de la pequeña ciudad costera de Sète. En 2015 Cabaret Voltaire editó Pornographia, Premio Sade, con las fotografías realizadas para la ocasión por Antoine D’Agata. Reino animal, su último libro, fue merecedor del Premio Livre Inter 2017. Actualmente reside en París.

Traductora Lydia Vázquez Jiménez.

La salISBN 978-84-938689-0-1

516 páginas

Una educación libertina

ISBN 978-84-938689-0-1

516 páginas

PornographiaISBN 978-84-938689-0-1

516 páginas

Date : 28 AOUT 16

Pays : FrancePériodicité : HebdomadaireOJD : 193448

Page de l'article : p.31Journaliste : Bernard Pivot

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GALLIMARD 2282588400504Tous droits réservés à l'éditeur

LIRE CULTURE

Que des têtesde cochon !

Bernard Pivotde l'académie ConcourtV (Sbernardpivotl

O n glisse, on patauge, ons'enfonce. Dans la boue,le lisier, le pissat, les

excréments, le fumier, le sang,les sanies, les déjections,les moisissures, la pourriture,la tripaille, la charogne,la merde. Du début à la fin deRègne animal, on ne quitte pas,sur quatre-vingt-dix ans dedistance, la soue des cochons.Au début du XXe siècle, cen'est qu'une ferme avec deuxporcs ; à la fin, un gros élevage.Même lieu : Puy-Larroque,dans le Gers. Même famillesur cinq générations. Mêmesodeurs. C'est le roman dela puanteur, de l'infection,du méphitique, de lapestilence. Les hommestravaillent comme des bêtes.Ils sentent labête, ils puent lasueur et lecochon. « II estde bon ton queles hommessentent et c'està leur odeur quese mesurentle mérite etla peine qu'ilsse donnent. »C'était autrefois. Aujourd'hui,on douche même les cochons.Mais l'odeur s'incruste dansl'air du pays et dans la peau

des hommes.Jean-Baptiste Del Amo

est impitoyable. Il ne passe passur l'innommable : il le nommeet le décrit. Il ne ferme pas lesyeux sur l'abjection : il ouvreles nôtres. Il tient pourévident que la porcherie estun lieu de barbarie et dehonte. Que notre indifférenceau sort cruel des animauxde boucherie est scandaleuse.Que ce que nous mangeonsest un concentré de peur, desouillure, de souffrance etd'antibiotiques. Règne animalest un roman à thèse d'unnaturalisme implacable.Zola peut aller se rhabiller !D'autant que le talent deDel Amo est impressionnant,son écriture à la foisfoisonnante et explicite,sinueuse et acérée, sensuelleet chirurgicale. Richessedu vocabulaire. Plaisirde raconter, d'informer, dechoquer, d'indigner. Ambitionréussie d'écrire un grand livre.L'écrivain toulousain avaitreçu le Goncourt du premierroman, en 2009, pour unefiction très prometteuse,Une éducation libertine.

Le libertinage, on en estbien loin. On est chez despaysans durs au travail, au malet à la famille. Del Amon'épargne personne, surtoutpas le lecteur. L'agoniedu père, tuberculeux, créateurde la ferme. Ses obsèquespendant lesquelles un crapauds'est posé sur le cercueil,

Date : 28 AOUT 16


Page de l'article : p.31Journaliste : Bernard Pivot

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« UN ROMANÀ THÈSE D'UNNATURALISMEIMPLACABLE.ZOLA PEUT ALLERSE RHABILLER! »

au fond du trou. On ne va pasl'enterrer avec cette sale bêtequi porte malheur. C'estEléonore, sa fille, qui descendau bout d'une corde pour lesaisir et le remonter. La peurdéclenche ses règles. Sa mère,dite « la génitrice », puis« la veuve », est une femmeterrible, bigote impérieuse,qui oblige Eléonore à seconfesser, non au curé, mais àelle. Quand Eléonore apprendla mort de Marcel, à la guerre,elle va dévaster l'église.Marcel est un jeune cousinvenu aider le père, puis leremplacer. Non, il n'est pasmort, il revient de l'enfer avecune orbite vide et une plaiequi lui mange la moitié duvisage. Elle se donne quandmême à lui, le taciturne, letaiseux, dans la soue. Ils sontles vrais fondateurs de lalignée de porchers - Del Amoemploie le mot porcatier - quiferont de la ferme une usine^^^—^^^— à cochons.

Eléonore vivraassez longtempspour assister,muette, à saruine.

La naturedans sadiversité, sescouleurs, sesbruits, estomniprésente.

Elle est l'écrin à l'intérieurduquel s'exerce la sauvageriedes hommes. Les animaux en

liberté forment une sorte dechœur écologique. Renards,couleuvres, lièvres, rats,chauves-souris, musaraignes,corbeaux, pies-grièches, etc.,sans oublier les minuscules :escargots, tiques, éphémères,cloportes, scolopendres, etc.

Une nuit, un verratgigantesque, surpuissant,s'échappe de la porcherie.On l'appelle la Bête. CommeHenri, le fils de Marcel etd'Éléonore, c'est un mâledominant. Aidé de ses deuxfils, d'une meute de braquesauxquels on jette les porceletsinfirmes ou déjà morts, il partà sa recherche. Nuit et jour,longtemps. La Bête estsa gloire et son obsession.Introuvable. À force de battrela campagne, Henri perdla raison. La Bête a conquissa liberté.

Règne animal est un romanmétaphorique sûrement troplong, trop plein, trop violent.Ames délicates, nez sensibles,s'abstenir. Les végétariensne consommeront pas ce grosmorceau de barbaque, maisse réjouiront de son existence.Qui, le livre refermé, oseramanger du porc dans les joursqui suivront? Car on sortde sa lecture sonné, choqué,révolté. Vite, une douche,je sens le cochon ! •

Règne animal,Jean-BaptisteDel Amo, Gallimard,424 p., 2l €.

Date : 29/30 OCT 16

Périodicité : QuotidienOJD : 88395

Page de l'article : p.44-45Journaliste : Claire Devarrieux

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Bruits ue boites dans ie purinune famille d'agriculteurs dansie monde clos d'une porcneriepar Jean-Baptiste Dei Amo

Par CLAIRE DEVAHRIEUX

lus question d'acheter lamoindre tranche de rôti deporc rose dans sa barquetteplastifiée après avoir refermé

Règne animal, le quatrième roman deJean-Baptiste Del Amo. «Car tout, dans lemonde clos et puant de la porcherie, n'estqu'une immense infection patiemmentcontenue et contrôlée par les hommes,jusqu'aux carcasses que l'abattoir régurgitedans les supermarchés», mais ce n'est pasl'eau de Javel sur lesdites carcasses quipeut nous rassurer, ni les effortsinlassables et quotidiens des fermierspour nettoyer les 2000 mètres carrés dubâtiment - de l'antre dantesque - où lesanimaux se vautrent. Le combat contre lelisier est vain. Toutes les cochonneries dumonde aboutissent aux petites barquettesde polystyrène blanc que vous avezbienen tête quand la phrase vous les met sousles yeux. Germes, traces de déjections sontinvisibles, mais ils sont là.

Bondes. La deuxième partie du livre estvouée à la description d'un monde agri-cole devenu fou. Sisyphe enfile sa blouseet ses bottes pour repousser le flot cau-chemardesque. «La voix d'Henri résonneà l'esprit de Joël: Ici, on fabrique de laviande, pas de la merde, et il brosse, ba-laie, récure, repousse la cascade fuligi-neuse dans les bondes d'évacuation, dé-verse les brouettes de fumier dans lafosseà purin, ventre jamais repu de laporche-rie qui attend, tranquille, la prochainepurge, tandis que de noirs continents, desnébuleuses fécales, dérivent lentement àsa surface insondable. C'est unejournéeordinaire.» Henri, né en 1921. est le pa-triarche, atteint d'un cancer mortel à quoi«l'utilisation des produits phytosanitai-res» n'est pas étrangère. Joël est son filscadet, homosexuel obligé de se cacher,qui fait de son mieux pour satisfaire sonpère, mais comment oublier qu'il est l'in-volontaire assassin de sa mère, morte encouches?Puisqu'on en est aux présentât! on s, ajou-tons Serge, fils aîné d'Henri, qui ne peutplus se passer d'alcool pour effectuer sontravail de capitaine dans l'armée d'évacua-tion des déchets. La femme de Serge estmaniaco-dépressive. Ce n'est pas contrele lisier qu'elle a lutté, mais contre la por-cherie elle-même, l'odeur, l'horreur. «Ellea vu les hommes mener des truies de ré-

fr'

formeversla plate-forme d'embarquement,certaines atteintes de prolapsus, tramantderrière elles un sac de viscères expulsé parl'anus à force de mises-bas, d'autres inca-pables d'avancer, paralysées par l'arthrose,l'immobilité eon train te, leur propre poidsque leurs membres ne peuvent plus suppor-ter.» Les truies sont battues. «Commentvous pouvez faire faire une chose pareille ?»demande la femme de Serge. Cependantque Joël tait ses doutes : «u. lui arrive de sedemander si la porcherie a enfanté leurmonstruosité, ou si ce sont eux qui ontdonné naissance à celle de la porcherie.»Nous ne sommes pas dans un feuilletondiffusé sur TFI, genre fe Vent des moissons,mais dans un grand roman apocalyptiqueoù l'échange entre les bêtes et les gens setrouve dévoyé.

se démanger si I?Dorcnerie a entanteleur monstruosité, oi1

si ce sont eux qui ontdonne naissance a

Le thème de l'osmose court d'un bout àl'autre de Règne animal, de 1898, date àla-quelle nous entrons dans cette ferme duGers, à!981, quand l'exploitation court leplus grand danger, débordée par des forcesque les éleveurs ont déchaînées et ne mai-

Date : 29/30 OCT 16


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trisent plus. Voici Eléonore, mère d'Henri,la première du roman à avoir un prénom,avec le chien Alphonse: «Elle frissonnecomme une petite proie.» Voici son père, quiest tuberculeux, qui se tue à la tâche. «Dansle même temps, le même lieu, hommes et bê-tes naissent, vivotent et disparaissent», lepère survit et son neveu, le beau Marcel, leremplace, puis le père meurt, et il puecomme une charogne. Enfin, voici «la géni-trice», bientôt «la veuve», méchante, bigote,avare de sentiments, acharnée au travail-mais comment faire autrement?-, qui«met bas, comme une chienne, comme unetruie», des enfants que le lecteur imaginemort-nés car ils sont jetés au cochon. En cetemps-là, le temps des sept hectares loués,c'est en effet un seul cochon, ou deux, qu'onengraisse, deux vaches qu'on traie.

Mais l'auteur n'entend pas célébrer unmonde rural enchanteur. Il n'existe aucunepréhistoire éden!que avant que le progrèsavance ses damnés pions. Le monde d'hierest sans doute régulé de manière plussaine, sans que le sort des paysans soit en-viable. Tel est le point de vue de la géni-trice : «Elle dit parfois qu'il ne restera bien-tôt qu'eux dans cette campagne hostile,irréductibles piochant une terre rétive quifinira bien par avoir leur peau.» C'est avecson argent, l'argent de la veuve, que les ter-res seront achetées par ceux qui l'exploi-tent. Plus tard, Eléonore devenue à sontour l'aïeule se rendra personnellementcoupable de ce que la ferme est devenue,de «la débâcle», de «cettefuneste récolte»,et, ma foi, on ne comprendra pas pourquoi.Il est vrai que Jean-Baptiste Del Amo n'aque faire de la psychologie.

Verrat. Il préfère peindre les femmes aulavoir: «Leurs joues sont rouges et lamousse dense et bientôt blanche fait àleurs poignets des amas spumeux, pareilsà ceux qu'accrochent aux herbes les larvesde cercopes.» Ou les paysages de guerre,les bouchers à l'œuvre pour fournir deuxmille kilos de viande aux soldats de 1914.Ou encore les saillies du verrat, le règnedes rats dans la porcherie, et le cadavre dela vieille jument, «la baudruche infecte quilaisse derrière elle une traînée de magmaputride et noir où convulsé la vermine». Ilaime l'adjectif rare et précis, «les matinstorpides», «lespruniers écuissés», «les in-sectes lucifuges». Et, par-dessus tout, ilaime vagabonder avec les enfants - Eléo-nore au début, ensuite Jérôme, «l'idiot»,son arrière-petit-fils-, lorsqu'ils jouentdans la chapelle abandonnée, guettent lesreptiles, et entretiennent un commerceplus ou moins morbide avec chatons etporcelets que les adultes rejettent.Même si on voit bien que l'âge d'or dumonde paysan est une lubie de citadin, ilexiste quand même la possibilité à'«unbonheur tranquille», quand la guerre n'estpas passée par là, quand Eléonore estamoureuse. Quand tout est équilibre, lesphrases de Del Amo ont pour sujet,indifféremment, le gibier, les oiseaux, lesplantes, les individus, et même lesmorts. -*•

JEAN-BAPTISTE DEL AMO RÈGNEANIMAL Gallimard, 422pp., 21€.

Date : 22 SEPT 16


Page de l'article : p.120-121Journaliste : Éric Naulleau

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LE PORTILLON

LITTÉRATURE

Le soleil brille à nouveausur la littérature française

PAR ÉRIC NAULLEAU

La France va mal, sans doute. Mais, pour le critique, il n'y a pas à désespérer de ses écrivains. Bien au contraire.

Q uoique Saint-Germain-des-Prés demeure au narcissismece que Las Vegas est aux jeux de hasard, les nuages ac-cumulés au-dessus de la France, entre décomposition

politique et attentats à répétition, ne laissent d'autre choixà la littérature française que d'enfin quitter des yeux sonnombril pour scruter un ciel toujours plus près de nous tom-ber sur la tête.

Pour développer la photographie d'identité d'un pays auxtraits durablement brouillés, Karine Tuiluse du même bain révélateur que dans sonprécédent roman (« L'invention de nos vies »,Gallimard, 2013), soit la rivalité mimétiqueentre communautés, entre Osman Diboulaet François Vély, entre un animateur socialdevenu conseiller de l'Elysée et un magnatdes télécommunications, entre Rama Yadeet Xavier Niel pour les plus évidents mo-dèles d'inspiration. Le premier apprendraau prix de sa carrière que les minorités nesauraient devenir trop visibles, le second auprix de sa vie que, à défaut de naître juif, onpeut le devenir dans les regards de faux amiset vrais ennemis confondus. Un texte en forme de fleur ja-ponaise, où l'auteur déplie jusque dans ses conséquences lesplus tragiques cette phrase d'Aimé Césaire placée en exergue :«Liberté, égalité, fraternité, prônez toutes ces valeurs, mais, tôtou tard, vous verrez apparaître leproblème de l'identité. »L'idylleentre l'épouse de Vély et un vétéran de la guerre en Afgha-nistan complique sans doute inutilement « L'insouciance »,mais il faut saluer la manière de prendre à bras le corpsl'époque quand tant d'autres persistent à nous conter leursémois, et moi et moi.

Passé quèlques jours d'incrédulité devant le spectacled'autoroutes désertes en plein mois d'août, il fallut se rendreà l'évidence: ii millions de vacanciers refusaient de rega-gner leurs résidences principales et leurs emplois. Ainsi

commence « La rentrée n'aura pas lieu », premier roman deStéphane Benhamou. Et notre pays ne tarde pas ase couperen deux, chiffre favori du loto national, partage entre les«rentrés» et les «aoûtiens». Ces derniers établissent leurcapitale à Moustiers, où un certain Gérard Fourcade, pro-priétaire de plusieurs campings pousses au bord de la fail-lite par les squatteurs, leur déclare la guerre au motif que«les aoûtiens ne valaient pas mieux que les Roms, les Africains

ou les Syriens qui se bousculaient aux fron-tières». A l'ennemi extérieur vient s'ajou-ter l'ennemi intérieur, non plus électrisépar l'idéologie islamiste, mais accablé d'unburn-out collectif, «manifestation contem-poraine du désespoir et de l'épuisement de ceuxqui avaient espéré s'épanouir aux heures de bu-reau». Lassitude de soi, fatigue des autres,rejet des valeurs du travail et de l'effort, ten-tative d'échapper aux mailles des réseauxsociaux comme aux fichiers du big data,tous signes d'une perte de vitalité de mau-vais augure quand menace par ailleurs unadversaire armé de la foi du bigot et de la

kalachnikov du djihadiste. Une fable en forme de miroir dé-formant où la France contemporaine n'aura pourtant aucunmal à se reconnaître.

Autre mur dressé entre nous et eux, celui qui sépare lesFrançais dits de souche et les immigrés, même grands amou- zreux de la langue, de l'histoire et de la géographie françaises, îtel Ali dans «Ce vain combat que tu livres au monde», de *.Fouad Laroui. Ecarté pour des raisons de sécurité d'un pro- gjet militaire, cet ingénieur marocain prête désormais une §oreille plus attentive aux verdicts de son cousin Brahim : « On gne sera jamais vraiment acceptés ici. (...) Toi, pour le moment, tu zperds sur les deux tableaux. Tu n'es ni ici ni là-bas. » Le proces- 5sus de radicalisation s'enclenche, Ali sombre dans le mau- uvais rêve du fanatisme, dont il se réveillera trop tard du côté ^

Le tour de force de Del Amo : évoquer presque un siècle d'his-toire de France à travers le destin d'une petite ferme du Gers.

Date : 22 SEPT 16


Page de l'article : p.120-121Journaliste : Éric Naulleau

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de Raqqa. Une lecture plus utile que bien des ouvrages sa-vants pour comprendre ce qui se j oue auj ourd'hui sur le frontfrançais de la guerre entre islamisme et reste du monde.

Les trois fictions dont il vient d'être question empruntentdes formes plutôt classiques pour cerner le cas français, cettefameuse exception qui provoque force grattements de têtedans le reste du monde. Trois autres livres s'en distinguentpar le choix de l'audace littéraire. Celui du pamphlet pourle regretté Pierre Drachline (disparu l'année dernière), dont« Eloge de l'imposture » s'apparente à un furieux règlementde comptes posthume avec l'humanité tout entière et doncavec son propre pays, gauche et droite renvoyées à leurconsensus : «N'importe quel tyranneau manifesteplus d'imagi-nation morbide que les guignols du suffrage universel, réduits àpeine élus à n'être que les fondés de pouvoir du capitalisme finan-cier. » Charge misanthrope menée plume au clair, merde aumonde, trophée haut brandi du meilleur buteur contre soncamp, rien de plus enragé ne nous était tombé sous l'œil de-puis Léon Bloy. Et au risque de passer les bornes, l'écrivainoppose que « les néga tivistes sont les grains de sable d'une sociétéoù tout est lisse, même les idées».

Celui du microcosme éditorial comme poste d'observa-tion de notre société pour Jean Le Gall. Lauréat par arrange-ment entre confrères du prix Goncourt (tant d'imaginationétonne), Jérôme Vatrigan s'est ensuite lancé dans l'éditionet n'entend publier que des ouvrages qui en valent la peine.Autant dire que la banqueroute guette, puisque « Ie problèmedes best-sellers, c'est qu'ils sont pensés dans les toilettes »,amoinsqu'un mystérieux inédit de Proust ne vienne lui sauver lamise. Une épouse italienne devenue madonne de la financeinternationale et un frère dans lequel on reconnaîtra

Avec vue sur la France• « L'insou

ciance »,de Karine Tuil

(Gallimard, 528p.,22 e).

• « La rentréen'aura pas lieu»,

de StéphaneBenhamou

(Don Quichotte,192 p., 16,90 e).

• « Ce vain cornbat que tu livres

au monde »,de Fouad Laroui

(Julliard,288p., lge).

• «Elogede l'imposture »,

de Pierre Drachline(Le Cherche Midi,

144 p., 14,50 e).

• « Les loisde l'apogée »,

de Jean Le Gall(Robert Laffont,

342p., 19 e).• «Règneanimal»,

de Jean BaptisteDel Amo

(Gallimard,432p., 2i e).

I Christine Ango! souffrait de n'avoir jamais reçui le Prix des auditeurs de Rire et Chansons.

aisément un double de Jérôme Cahuzac complètent la dis-tribution pour une féroce satire des élites françaises déployéede 198 8 à nos j ours. Non seulement l'invention romanesquese mêle ici avec bonheur à la chronique des trois dernièresdécennies, mais jamais « Les lois de l'apogée » ne déméritentd'un état de grâce stylistique qui en fait l'une des plus exal-tantes lectures de cette rentrée. Jean Le Gall maîtrise aussibien l'art de ne pas se faire des ami(e)s («Lesfemmes ont bou-sillé la littérature, les hommes l'ont oubliée. ») que celui de laquestion qui fâche : « C'est un fait: la Force falsificatrice ne ren-contre jamais de résistance. Avons-nous vu, par exemple, des as-sociations de consommateurs déposer plainte contre ChristineAngel et son éditeur ?»

Celui du tour de force pour Jean-Baptiste Del Amo: évo-quer presque un siècle d'histoire de France à travers le destind'une petite ferme du Gers transformée en élevage porcin in-dustriel, d'où quèlques pages cauchemardesques que l'on dé-conseillera aux âmes sensibles sur ce que l'auteur désignecomme un « univers concentrationnaire». C'est d'abord le tempsimmobile d'une exploitation familiale à la toute fin duXIXe siècle, trois existences rivées au seul labeur paysan, unpère sur le déclin, une marâtre et leur fille dont la sensibilitése nourrit de la moindre éclaircie dans la grisaille quotidienne,à commencer par l'arrivée d'un cousin plus âgé. Puis 14-18 pour un chapitre digne de toutes les anthologies textuellessur la Grande Guerre, et enfin 1981 pour un épilogue hallu-ciné où le dernier exploitant poursuit un verrat géant àla ma-nière dont le capitaine Achab traquait Moby Dick. Le villagede Puy-Larroque est à Jean-Baptiste Del Amo ce que le comtéde Yoknapatawpha est à Faulkner, un espace où infusent tousles enchantements et tous les maléfices, où un époustouflanttalent d'écriture se déploie dans tous les registres, où les ventsde l'imaginaire tournent autour du lieu le moins poétiquequi soit: «La porcherie comme berceau de leur barbarie et de celledu monde.» N'en déplaise à ceux qui lui préféreront des ro-mans solubles dans l'anecdote, « Règne animal » domine d'as-sez haut ses concurrents aux prix d'automne.

Une fois tracé le sixième et dernier côté de cet hexagonecritique, il est temps d'émettre notre bulletin météo : aprèsdissipation des brumes de l'autofiction, le soleil brille à nou-veau sur la littérature française en cette rentrée 2016 •

Date : 22 SEPT 16


Page de l'article : p.17Journaliste : Muriel Steinmetz

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Les animaux et leurs hommesdurant cent ans et plus

Jean-Baptiste Del Amo brosse une vaste fresque romanesque sur la paysannerie, de la fin du XIXe siècle jusqu'à nos jours,où l'on passe de la petite ferme familiale à l'élevage porcin de masse.

REGNE ANIMAL,dè Jean-Baptiste Del Amo.Éditions Gallimard, 432 pages 21 euros

Qui, sinon le paysan, partageau quotidien sa vie avec l'ani-mal? Quels rapports entre-tient-il avec ses bêtes ? Cetunivers rustique, rude,rythmé par les changementsde saisons, les vêlages et le

sacrifice animal, Jean-Baptiste Del Amole synthétise en une fresque dense, puis-samment charpentée. Ses phrases, mar-quées au coin d'un lyrisme sombre,épousent à ras la réalité crue. On iraitjusqu'à parler d'hyperréalisme, sans né-gliger par à-coups l'épithète naturaliste.Règne animal, c'est un roman qui court

du début à la fin du XXe siècle, impliquantcinq générations de gens de la terre du Gers.On y traverse, au pas de charge, les deuxgrandes boucheries d'hommes qui mirentl'Europe à feu et à sang. Cette saga d'en-vergure brasse donc avec un solide appétitle thème agraire, peu fréquent dans unelittérature d'aujourd'hui volontiers urbaine.En quelque 500 pages est exploré le rapportintime de l'homme à l'animal, puis au fait

usinier et industriel ; en apparence un pro-grès pour nourrir l'humanité à grandeéchelle, qui va s'avérer une preuved'inhumanité.

Hommes et bêtesà la même enseigneLe monde paysan est fait de privations,

de routine, de labeur, sans fin occupé detâches répétées : « Depuis des temps im-mémoriaux », le soin des animaux revientaux femmes et aux hommes la culture desterres et « la mise à mort du bétail ». Lapromiscuité entre l'homme et la bête étaitjadis extrême. « Dans le même temps, lemême lieu, hommes et bêtes naissent, vivotentet disparaissent. » L'animal est rare audébut du récit. Les personnages centrauxn'élèvent qu'un ou deux porcs. Le premierleur revient. L'autre est pour la vente.Hommes et bêtes sont à la même enseigne,en toute parenté pour ainsi dire. Les vachesdorment dans un espace ouvert sur la mai-son. Elles glissent la tête par une ouvertureet « leurs pupilles bleuâtres reflètent lespetites scènes » de l'intérieur domestique.

Date : 22 SEPT 16


Page de l'article : p.17Journaliste : Muriel Steinmetz

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DANS CE ROMAN, LA PORCHERIE SE MUE EN UN UNIVERS « CONCENTRATIONNAIRE » OÙ LES HOMMES PATAUGENT DANS LA MERDE. LES PORCS, BOURRÉSD'ANTIBIOTIQUES, NE SONT PLUS QUE DES « ÊTRES ÉNORMES ET FRAGILES ». PHOTO BENOIT FACCHI/BIOSPHOTO

L'animaln'est plus qu'unstrict objet deconsommationdupliquéà l'infini.

Quand s'ouvre le roman,nous sommes en 1898, lesgens sont taiseux. Il y a lamère, dite « la génitrice »,le père souffreteux, au pan-talon de charpentier nouéà l'aide d'une corde et lafille, Éléonore, née « la cordeau cou, bleue et aphone ».Des temps sans pitié. L'avor-ton d'une fausse couche finitdans la soue à cochons. Lestruies infanticides sont mises à l'engrais-sage. Le travail est un joug sans fin. Plustard, il faudra bien se plier aux normes,subir la dévaluation du blé et la crise agri-cole, lesquelles pousseront les générationssuivantes à choisir l'élevage plutôt quel'agriculture.Jean-Baptiste Del Amo décrit avec une

âpre tendresse l'existence d'hommes et

de femmes à peine arrachésà la boue matricielle. Ildonne à éprouver, à sentirmême, leur respiration in-time, et la vie sauvage dansles bois, la rudesse dechaque geste au jour le jour.Il médite sur les sédimentsde temps lisibles dans letronc d'un arbre coupé. Ilressuscite le fenil, décrit lachênaie, s'attache au menu

bétail, nous montre la jument assoupie« sur sa diagonale gauche ». Tout est ditdu corps au travail, jusqu'en ses mauxminuscules ou fatals ; une flatulence, unedent cariée, le cancer rongeur. Et par-dessus tout, il n'omet pas de donner àsentir au plus près le cycle immuable deslabours, des semailles, des moissons,jusqu'aux détails les plus infimes, tel ce

poussin déjà formé qui tombe « dans lapoêle àfrire ».Ce roman épais plonge radicalement le fer

dans le caractère le plus concret d'une sau-vagerie moderne en pleine expansion. Lesrejetons des aïeux devront choisir l'élevageporcin de masse. L'animal n'est plus qu'unstrict objet de consommation dupliqué àl'infini. La porcherie se mue en un univers« concentrationnaire » où les hommes pa-taugent dans la merde. Dans cet « anusmundi », la cruauté est monnaie courante.L'auteur se déchaîne pour relater la violenceexercée sur les bêtes, la bestialité deshommes, le silence des générations résignéesà continuer l'exploitation. Les porcs, bourrésd'antibiotiques, ne sont plus que des « êtresénormes et fragiles ». Del Amo se réclamede Georg Trakl et de Baudelaire, d'où saprose féroce et gorgée de sang. *

MURIEL STEINMETZ

Date : 15 SEPT 16

Pays : FrancePériodicité : Hebdomadaire

Page de l'article : p.5Journaliste : Patrick Grainville

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CRITIQUEhttera' - * - •

itteraire

Des cochons et des hommesJEAN-BAPTISTE DEL AMG Voyage au cœur d'une lignée d'éleveurs de porcs de 1898 à 1981. Macabre

REGNE ANIMALDe Jean-BaptisteDel AmoGallimard424 p 20 €

PAR PATRICK GRAINVILLE

DEL AMO, dont lenom a pourtant desconsonances de sé-rénade d'été, choisitde suivre une longue

lignée d'éleveurs de porcs de1898 a 1981 Et c'est noir ' Au de-part, la famille se limite a un peremoribond, une mere avare et bi-gote, une fille chetive, qui senourrissent péniblement de deuxvaches et de cochons

En comparaison, les paysansdes freres Le Nam sont guilleretset l'Enterrement a Ornans deCourbet paraît folâtre Car le ro-mancier affichera, d'un bout al'autre, le parti pris de la putré-faction La mere, avant d'avoirsa fillette, a avorte dans la por-cherie pendant qu'une truie dé-vorait ses petits Zola dans LaTerre n'a pas fait mieux La petiteEleonore a ses regles en descen-dant dans la tombe de son perepour en déloger un crapaud Ellese marie avec Marcel qui, pen-dant la guerre de 1914, a eu le vi-sage fracasse Oui, la vieille fata-lité zolienne va s'attacher auxgénérations qu'on retrouveapres un blanc d'une soixantained'années

La porcherie est passée a l'âgeindustriel sous la tutelle d'un pa-triarche, lui aussi moribond, se-conde par ses fils qui pataugentdans le purin Une lutte grotes-que contre un déluge de déjec-tions On châtre les porcelets, onensemence les truies en guidant ala mam le verrat, on les engrais-se, on les débite, on les assomme,on les etripe La batterie estmonstrueuse et tout le mondepue le porc Le roman lu, vousregarderez de travers le jambon '

« Iliade » du lisierNous avons donc perdu pour tou-jours les paysans de Breughel etceux de Giono ' Catherine, l'époused'un des fils, est maniaco-dépres-sive (il y a de quoi) et Jerôme, sonfils naturel, est un petit autiste, lé-gèrement incestueux C'est de luique viendra la lumiere Car il en-tretient avec l'animalité sauvageun lien sensitif de toute beauteSes extases bucoliques alternent

Date : 15 SEPT 16


Page de l'article : p.5Journaliste : Patrick Grainville

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Dans une languemagnifique, l'auteurd'Une éducationlibertine défendla dignité de l'animal.

avec l'évocation obsessionnelledes pestilences, cles purulences,dcs charretées de charognes.La Bête, un verrat allégorique,s'échappe et bat la campagne.L'apocalypse du cochon est pro-che. Une épidémie rétame lecheptel. Le meilleur du livre évo-que certaines réminiscences duBruit et la Fureur de Faulkner. Carcette Iliade du lisier, jusque dansses redondances macabres et sesconfins de folie, peut atteindre àune sombre beauté. Si on a le cœurbien accroché! Certes, il y a unmessage et on dit que les grandslivres n'en comportent pas.

En gros, la porcherie totalitaireest la marque de notre mode deproduction qui nous condamne àl'extinction. Le roman, de ce pointde vue, rejoint une large épopée lit-téraire qui, en défendant l'intégritéanimale, tente de nous sauver del'abject. La fuite du verrat libre dansles forêts et les plaines a des alluresde rédemption superbe. On a envie,couvert de soies, de galoper commelui, sous les étoiles, à la recherched'une princesse au groin rosé. •

Date : du 10 au 16 septembre 2016


Page de l'article : p.71Journaliste : Michel Abescat

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ROMAN I POÉSIE

RÈGNEANIMAL

ROMAN

JEAN-BAPTISTE DEL AMG

Une fresque puissante, où le sortd'une famille d'éleveurs reflètela violence qui imprègne nos vies.

mLe texte court au ras des corps, tra-gique et halluciné, âpre et lyrique toutà la fois, radical et violent jusqu'au ma-laise. Corps au travail, harassés, mal-menés, cabossés. Corps blessés, «suin-tant et dégorgeant le sang, le pus et laglaire». Corps jouissant, en quèlquesgestes heurtés, rapidement emportésen un dernier spasme «qui pourraitêtre celui d'une agonie». Organique,vibrant, Règne animal fouille les en-trailles d'une famille d'éleveurs duGers, minuscules paysans devenus en-trepreneurs, propriétaires d'un éle-vage industriel de porcs où les truiesallaitantes, entravées par des sangleset des barres de métal, survivent surdes plaques de fibrociment.

La fresque s'étend sur le XXe siècle,prend sa source dans la nuit d'une petiteexploitation familiale où les protago-nistes n'ont pas encore de nom, juste«le père» ou «la génitrice», victimes

d'un destin qu'ils n'ont pas choisi, col-lés au bétail et à la terre où s'infiltrent lesang des bêtes et la sueur des hommes.

A cette violence archaïque s'ajoutebientôt celle de la grande boucherie dela guerre de 14, avant que le récit nepasse brutalement à 1981, année denaissance de l'auteur, quand les porcssont devenus des machines high-tech,la ferme une usine à viande et leshommes des esclaves de la course aurendement. Le texte court, sans fléchirjamais, fascinant de noirceur, s'attacheaux détails, traque les gestes et les re-gards, précis jusqu'à l'hyperréalisme. Ildit les odeurs et les humeurs, les suintements, la sueur et le sang et le foutreet la merde, le martyre des animaux etla souffrance des hommes. Jean-Baptiste Del Amo, inspire et engagé, ex-plore avec une singulière puissance laviolence faite aux animaux, s'interrogesur la transmission de cette brutalitéd'une génération à l'autre, et pose infine la question de notre humanité. Cequatrième roman est sans doute sonmeilleur. -Michel AbescatI Ed. Gallimard, 432 p, 21 €.

Date : SEPT 16

Pays : FrancePériodicité : Mensuel

Page de l'article : p.27Journaliste : Richard Blin

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Prose noireAVEC UN QUATRIÈME ROMAN QUI EXPLORE, SUR FONDDE MUTATION DE L'UNIVERS RURAL, L'ÊTRE CONFRONTÉÀ SES PARENTÉS ANIMALES, JEAN-BAPTISTE DEL AMGS'AFFIRME COMME L'UN DE NOS MEILLEURS ECRIVAINS.

Elle a du corps la phrase deDel Amc, elle installe uneforme de presence ou semblese ramasser le cœur intimedes choses Comme si, auterme d'un savant — ou d'un

inné - partage entre le voir et le sentir, elleparvenait a saisir et a rendre ce qu il y a deplus que I apparence visible Et ce jusquedans I énonce des ventes les plus terriblesComme celles qu'imposé I histoire, icii acontee, d une petite exploitation familialevouée a devenir un élevage porcin Lnehistoire Courant du début a la fin du vmgtieme siecle impliquant cinq générationset dont l'une des premieres phrases donneIc ton « Quelle que soit la saison, il attend lanuit MI le banc de bon,, le même banc de bmssur lequel il a vu son pere prendre place av antlui, et dont les pieds moussus et rompus parles ans sont a present affaisses »

Un roman donc qu inaugure tres symboliqutmcnt I attente dc la montee dcsténèbres « il », celui qui « attend la nuit >,c'est le père, un petit paysan taiscitx etsouffreteux » qui se tue a la tache Auprèsde lui vivent sa fille Eleonore, et « la gtmtuee », qui se contente de transmettre a sa

fille « le savoir des taches quotidiennes quiincombent a leur sexe » Une \ie dcs plusrustiques ou les hommes s occupent de laculture des terres et de la mise a mort dubetail, tandis qu aux femmes revient lesoin des animaux Un univers de privalions et de labeur épuisant, rythme par lecycle immuable des saisons, la misère et lamaladie Un monde ou les entants < sem-blent ne rester des enfants que l'cspaie d'unbattement de paupières , ou les paysansaux corps souvent abîmes, « amputes parles lames, calcinés par le soleil » sont desvieillards a 40 ans

Dans le même temps, le même heuhommes et betes naissent, vnotent etdisparaissent «Ainsi au pere, a succède le jeunecousin Marcel Maîs tres vite, cest laguerre la mobilisation generale le betailréquisitionne, transporte, entasse dans desparcs, luste maintenu en vie avant d etresaigne, dépecé, decoupe pour servir denourriture aux régiments A son retourMarcel, dont la moitié du visage a ete emporte, épouse Eleonore C est leur filsHenri, qui va developper une porcherie alaquelle il associera ensuite ses deux filsObsèdes par la nécessite de produire tou-

jours plus, ces hommes vont viv re, et fairevivre a leur famille, un enfer qui estcomme la contrepartie de celui qu'ils fontvivre aux bêtes de leur élevage industrielou I animal est nie en tant que vivant , etrequi v oit sent, entend, et n a droit qu'à unesouffrance illimitée qui n'est pas sans effetsur les hommes

Repeter chaque joui les mêmes gestesau sem de ce monde clos et puant ou« tout n est qu'une immense infection » difficilement contenue a coups d'injectionsde vaccins ou d administration d antibiotiques, devient surhumain pour les filsL un ne supporte le travail qu enivre parl'alcool l'autre ne le fait que plonge dansune grande hébétude C est qu ils ont accepte le ]oug sous lequel le pere un misanthrope qui ne croît en rien « sirion enlui et en la valeur du travail » - les a placeset auquel ils se sont soumis pour se dereher a sa coleie et a son desaveu Des etouffes, des adeptes du consentir perpétuelélevés dans la religion du dressage, de lasoumission du sacrifice extatique

A cette fondamentale disharmonie, a ceclan ct a cette porcherie qui partent a vauI eau dans Ie bruit et la fureur, Del Amodonne vie et consistance Privilégiant lesensoriel son écriture saisit leur monde auplus pres du vécu, sonde les trous noirs ontologiques, descend dans les cœurs, les ven-tres ou les gouffres nauséabonds de soi ouse mêlent orgueil, complaisance et instinctsqui rendent I homme bestial Seul Jerome« le dernier de la harde >, un innocent retranche dans son « éternel sikme » un deces êtres avant renonce aux frontières entrele reve et la réalité, sait encore partager lemonde avec les betes A I image de ce que« la Bete », le fleuron des venais de I elevage un animal monstrueux, qui aura suguetter le momenl lui peimellanl de s enfuir dc faire ce dom les hommes se sonlmonlres incapables déborder les frontiercs imposées faire voler en éclats toutesles passivités el loules les obédiences

Monumcnl de négation I) rique ct pro-bante enlrepnse de demolition roma-nesque des lendemains qui chantentRègne animal, en nous montrant comment la vie peut etre volée a I individuavec son consentement, relevé de celle lllteralure qui a une fonction quasi ethiquede dévoilement

Richard Blin

Règne animal, de lean Baptiste Del AmoGallimard, 432 pages, 21 €

Date : 25 AOUT 16

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 92280

Journaliste : Antoine Perraud

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I ivresse idées

Odyssées animales

« Désormais, le langage restait auprès de moi et touchaitdes endroits endormis en moi.»

Le sang des bêtesDe 1898 à 1981, sur une

terre ingrate du pays d'Auch,cinq générations d'éleveursperdent le nordjusqu'àse transformeren tortionnaires porcins-

Règne animalde Jean-Baptiste Del AmoGallimard, 424p., 21 €

R écapituler la fin des pay-sans, des campagnes, desbêtes et des gens, d'un cer-

tain état d'esprit, voire de l'âmed'un pays durant la plus grandepartie du XXe siècle. En zoomantpuissamment et poétiquement,charnellement et spirituellement,sur une ferme isolée du Gers, oùles générations en sont venuesà vivre les unes sur les autres ;jusqu'à se lancer, pour échapperà l'aridité absolue et à la pénu-rie perpétuelle, dans un élevagede porcs industriel - on ne saitplus s'il faut accorder « indus-triel » avec élevage au singulierou porcs au pluriel à la lecture deces pages admirablement pesti-

lentielles, superbement fétides etpouacres à croquer ou à craquer,c'est selon...

La git le genie et la patte d en-fer de Jean-Baptiste Del Amo. Uneéducation libertine, son premierroman (La Croix du 4 septembre2008), qui s'était hissé jusqu'à l'ul-time sélection du Goncourt, envi-sageait le Paris bourbeux d'AncienRégime et tout ce qu'il charriait.Vint ensuite Le Sel (La Croix du7 octobre 2010), chronique d'unehumble famille sétoise baignantdans une névrose clanique ruisse-lant de père en fils. Son troisièmecoup de dé, en 2013, Pornogra-phia, pistait le désir, la souillureet les rêves d'un homosexuel dansles bas-fonds de La Havane.

Avec Règne animal, l'horreur etl'épure, le haut-le-cœur et l'am-pleur, la cruauté mêlée à la com-passion atteignent des sommetsstylistiques. Rare et précieuseémotion littéraire, qui semblerebondir avec une âpreté pleinede grâce sur les mots fameux deMusset (On ne badine pas avecl'amour) : « Le monde n'est qu'unégout sans fond où les phoques les

Date : 25 AOUT 16

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 92280

Journaliste : Antoine Perraud

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plus informes rampent et se tor-dent sur des montagnes de f ange;mais Hy a au monde une chosesainte et sublime, c'est l'union dedeux de ces êtres si imparfaits et siaffreux. »

Chez Del Amo cependant, il n'ya plus rien à espérer des humainstant qu'ils profiteront sans ver-gogne du silence des bêtes, tantqu'ils n'auront pas pris le partides animaux, tant qu'ils nierontl'éthique d'une zoopolitique es-quissée par le livre ultime et pos-thume du philosophe JacquesDerrida : L'Animal que donc je suis.

En attendant une telle épipha-nie, l'enfer sur terre est infligé à laproie qui devrait être partenaire.Et du berceau à la tombe, leshommes empoisonnent, brisentles os, étouffent, égorgent, évis-cèrent : « Ils ont regardé les pèreset les mères ôter la vie aux bêtes.Ils ont appris les gestes, ils les ontreproduits. Usant tué à leur tour lelièvre, le coq, la vache, le goret, lepigeon. Ils ont fait couler le sang,l'ont parfois bu. Ils en connaissent

l'odeur et le goût. »

L'horreur et l'épure,le haut-le-cœuret l'ampleur,la cruauté mêléeà la compassionatteignentdes sommetsstylistiques.

Sur cinq générations, une fa-mille devenue « harde » s'enprend aux cochons canton-nés, aux cochons claustrés,aux cochons concentrés avantque d'être exterminés à grandeéchelle. Les tortionnaires à la pe-tite semaine ne l'emporteront pasau paradis et « l'effondrement »qui clôt le livre, abîme wagnériende derrière les fagots, abomina-tion des chaumières, porte à uneincandescence stupéfiante ce ro-man vibrant, saisissant et ensor-celant, tel un brame sillonnantl'agonie.

Antoine Perraud

Date : SEPT 16

Pays : FrancePériodicité : MensuelOJD : 51688

Page de l'article : p.68-70Journaliste : Hubert Artus

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LES COUPSDE CŒUR

RENTREELITTERAIRE

DE LA RÉDACTIONNi têtes de gondole à gros tirage ni premiers romans tape-à-l'œil, cesouvrages mèritent pourtant de tirer leur épingle du jeu en cette riche rentrée.Chacun des membres de la rédaction vous livre SON coup de coeur.

Jean-Baptiste DEL AMCPAR HUBERT ARTUS

Porte par une plume baroque, le quatriémeroman de l'auteur explore les mutations du mondeagricole et la violence faite aux animaux.

CE QUI FRAPPE D'ABORD, DANS REÇUEtmi/iH, C'EST CETTE FAÇON DE RENDRECOMPTE DU TEMPS QUI PASSE A LA CAM-PAGNE, d'incarner littérairement ce mélangede cycles répétitifs, cette permanence deschoses qui s'arrange des coups du sortCe qui happe ensuite, c'est la langue tou-jours puissante, aussi soucieuse des grainsde la terre que du sang des bêtes et de lapetitesse des hommes Un style ultrarealiste,descriptif jusqu'à l'épure, qui sait aussi sefaire lyrique, intemporel, ou provoquant,avec des accents parfois pasolmiensRègne animal suit le destin d'une familled'éleveurs porcins a travers cinq généra-tions et deux époques 1898-1917 d'une

***Règne animalpar Jean-Baptiste

Del Amo,432 p Gallimard,

21 €

part, 1981 d'autre part ll y a l'âge des char-mes, ou « les soins aux animaux reviennenta la génitrice comme reviennent auxhommes depuis des temps immémoriauxla culture des terres et la mise a mort dubetail », celui ou vivent la « génitrice » donc,le « pere », et Eleonore, leur fille Dans cettepartie du roman, les personnages n'ont pastoujours de nom, ramenés alors a leur sim-ple fonction matriarcale, a leur statut d êtrevivant Et puis il y a le temps de la C E E ,de sa politique agricole commune et del'élevage intensif, ou les animaux sont plusmaltraites Celui de Joël, Serge, Julie-Marie,Gabrielle, ou Jerôme, le petit dernier Ondéroule la lignée familiale, on suit aussi

l'histoire du village On visite surtout un ter-ritoire humain peu a peu envahi par les ani-maux, dont l'omniprésence vient rappelerque l'homme ne peut plus espérer dominerla nature Roman sur la sauvagerie et la vio-lence immanentes, Règne animal ne de-signe portant aucun vainqueur hommeset animaux ne sont ni bons ni méchants

ll ne s'agit pas seulement d'un romansur les souffrances Tres engage dans ladénonciation des maltraitances animalespratiquées par de nombreux abattoirs,Del Amo cherche la source de cette vio-lence « Quel en est alors le point de bas-cule, l'origine ? ll faudrait remonter le fil duverbe, de la loi édictée par le pere, retrou-ver la parole premiere, oubliée, maîs dontl'écho resonne en eux sourdement »

Depuis Une education libertine, Del Amose range parmi les plumes qui nous cha-touillent I esprit, avec sa capacite a embras-ser les genres littéraires, les époques oules grandes questions philosophiques touten soulignant les preoccupations de notretemps Dans des romans qui portent sur lemal, le plaisir, la sexualité, les idees Surnos identités et notre grande histoire

Date : 16 SEPT 16


Page de l'article : p.3Journaliste : Bertrand Leclair

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Critiques LittératureL'histoire d'une famille et d'un siècle aboutità « la Bête », un verrat surpuissant, et à des vies enruine. C'est « Règne animal », de Jean-BaptisteDel Amo, une épopée, une parabole, un défi réussi

Enfants de cochons !BERTRAND LECLAIR

Cultivant les terres revê-ches du Gers, cinq géné-rations se succèdent de1898 à 1981 dans une ex-

ploitation familiale où hommeset bêtes ont longtemps cohabitéjusqu'à parfois se confondre,avant que les premiers ne voientplus que la viande à transformerdans l'animal. Mêlant les ressortstragiques d'un roman familial àrévolution brutale du rapport deshommes aux bêtes, le quatrièmeroman de Jean-Baptiste Del Amocouvre ainsi le XXe siècle, maisc'est pour accoucher d'un mons-tre furieusement moderne, quantà lui : un monstre de chair, un re-producteur porcin surpuissantissu de la sélection génétiquedans un élevage sous camisolechimique. Bientôt surnommé « laBête » pour la plus grande fiertéde l'éleveur, ce Frankenstein desporcheries, l'animal serait la pro-messe d'un avenir meilleur, s'il

II fallait oser décrirecette industrie de laviande dans la puanteurd'une lutte incessanteentre chimie etinfections

FABRICE PIC» RD/AGENCE VU

Date : 16 SEPT 16


Page de l'article : p.3Journaliste : Bertrand Leclair

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n'était une tigure d'apocalypsevenue renvoyer les hommes à lafolie qui l'a produit au nom de larationalité économique. L'effrois'empare alors du lecteur, mais ilest trop tard pour reculer ; voilàdeux cents pages qu'il est embar-qué au présent d'une narrationqui privilégie la matérialité desgestes et des attitudes pour dé-crire la métamorphose d'un rap-port à l'animal mêlant de tou-jours l'amour et la haine, au mi-roir de la sexualité.

Séduit par la richesse d'une écri-ture ample et puissante, parfoisrecherchée mais jamais apprêtée,le lecteur en serait pourtant pres-que venu, aux premières pages, àsoupçonner l'auteur d'Une éduca-tion libertine (Gallimard, 2009)

d'avoir voulu démontrersa capacité à produire unevaste fresque historiquerépondant aux canonssupposés des grands prixd'automne. Il lui faut peu àpeu convenir, d'une part,que, si l'objet était formaté,ce serait d'une main demaître et, d'autre part,qu'il relève dans sa se-conde moitié un défi a

priori intenable : il fallait oser en-fermer son lecteur deux cents pa-ges durant dans une porcherie ul-tramoderne, décrire cette indus-trie de la viande dans la puanteurd'une lutte incessante entre chi-mie et infections. La descriptionse fait alors implacable, aurythme du travail d'un père et deses fils n'échangeant que les motsindispensables, ce qui, paradoxa-lement, force l'empathie du lec-

teur, par-delà l'effroi et le dégoûtdont Jean-Baptiste Del Amc joueavec un sens aigu du soutenable.Se gardant de jamais juger ses per-sonnages, il évite l'écueil du ro-man militant - on met cependantau défi n'importe quel lecteurd'ouvrir sans haut-le-cœur un sa-chet de jambon sous vide entredeux paragraphes...

C'est que Règne animal, bienplus qu'une épopée aux accentslyriques, tient de la parabole, àtous les sens du terme. Chacun estlibre de dégager ou non le sens del'enseignement caché qui sous-tend le récit, de prêter ou non à cedernier une dimension allégori-que. Dans le même temps, enconsacrant la première moitié duroman au début du XXe sièclepour bondir aux années 1980 dèsle début de sa seconde moitié, leroman déploie une formidableellipse, comme un pont invisibleentre deux piliers massifs.

Ce qui s'est passé entre le retourde l'homme défiguré à l'issue dela boucherie de 14-18 et le tour-nant des années 1980, on le de-vine plus qu'on ne l'apprend, fortd'une mémoire familiale dont lesprincipaux personnages sont hé-las dépourvus. Le maître de l'éle-vage industriel ne sait pas que sagrand-mère se croyait damnée, àmultiplier les fausses couchesdans la porcherie sans en jamaisparler à personne ; il ne sait pasque, fille unique née chétive, samère Eléonore a survécu grâceaux mamelles d'une truie.

C'est elle, Eléonore, qui fait lelien entre les deux époques. Lafillette qui courait la campagne

dans la première partie du romanest devenue l'ancêtre dans la se-conde. «Vieillarde hagarde» ouCassandre ayant conscience de lacatastrophe en cours, elle vou-drait que soit épargne son arrière-petit-fils, Jérôme, un enfant ré-puté différent sinon débile, «ledemier de la harde, le bâtard muti-que, indomptable et crasseux».Mais c'est la Bête, évidemment,qui aura le dernier mot à l'issued'une course folle, réfugiée entreles murs d'une «fermette dont nesubsistent que les mines recouver-tes de ronces ligneuses. Par en-droits, le mur est effondré. Le ver-rat ouvre un accès en déga-geant les éboulis. (...) Il sentl'odeur des hommes, loin-taine et comme dissoute àtravers les ans, étrange-ment rassurante». Au loin, les si-rènes des pompiers résonnent,qui rejoignent l'élevage dévastéoù hurlent les truies entravées, af-famées et malades, abandonnéesdes hommes. •RÈGNE ANIMAL,de Jean-Baptiste Del Ania,Gallimard, 428 p., 21 €.

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