Medievales - Nos 22-23-1992

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    VALES

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    histoire

    1

    JL-X

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    *

    4

    histoire

    POUR

    L'IMAGE

    §

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    MÉDIÉVALES

    Langue

    Textes

    Histoire

    NUMÉROS PARUS

    1 Mass-media

    et

    Moyen

    Age.

    1982).

    Épuisé

    2 Gautier

    de

    Coinci

    le

    textedu

    Miracle.

    1982).

    Épuisé

    3

    Trajectoire

    du sens.

    1983)

    4

    Ordres

    t désordres.

    tudes

    édiées

    Jacques

    e

    Goff.

    1983).

    Épuisé

    5 Nourritures.

    1983).

    Épuisé^

    6 Au paysd'Arthur.1984). Épuisé

    7

    MoyenAge,

    mode

    d'emploi.

    1984).

    Épuisé

    8 Le souci du

    corps.

    1985).

    Épuisé

    9

    Langues.

    1985).

    Épuisé

    10

    Moyen Age

    et

    histoire

    politique.

    Mots, modes,

    symboles,

    truc-

    tures.

    Avant-propos

    e

    Georges

    Duby.

    1986).

    Épuisé

    11 A

    l'école

    de

    la

    lettre.

    1986)

    12

    Tous les chemins

    mènent

    à

    Byzance.

    Études dédiées

    à Michel

    Mollat.

    1987)

    13

    Apprendre

    e

    Moyen Age

    aujourd'hui. Épuisé

    14 La

    culture

    ur le

    marché.

    1988)

    15 Le premierMoyenAge. 1988)

    16/17

    Plantes,

    mets t mots

    dialogues

    vec A.-G.

    Haudricourt.

    1989)

    18

    Espaces

    du

    MoyenAge.

    1990)

    19 Liens de

    famille.

    Vivre et

    choisir a

    parenté.

    1990)

    20

    Sagas

    et

    chroniques

    u Nord.

    1991)

    21 L'an mil

    Rythmes

    t

    acteursd'une

    croissance.

    1991)

    ©

    PUV,

    Saint-Denis,

    1992

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    MÉDIÉVALES

    Revue semestrielle

    ubliée

    par

    les Presses Universitaires

    de Vincennes-Paris

    III

    avec

    le

    concours

    du Centre National des Lettres

    Conseil

    -

    =

    imrrwTM^a

    Jérôme

    BASCHET

    .

    ±

    ~

    =

    imrrwTM^a

    ETI]

    J iE

    François

    BEAUSSARD

    '

    ^

    Mh1 » ¡Ž

    Christine

    LAPOSTOLLE

    .

    ^

    . H

    J |

    Danielle REGNIER-BOHLER

    iVtPff 11 I

    Bernard

    ROSENBERGER

    ļ

    ■■

    Elisabeth8 ADORA-RIO

    ļ'. -jļ/ ÍJ ļ

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    : :

    Simonne

    ABRAHAM-THISSE

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    Alain

    BOUREAU

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    Geneviève BÜHRER-THIERRY

    Vna

    IIvUBHHb^S

    François

    JACQUESSON

    MW 1. m

    Bruno LAURIOUX

    1B JIM

    flļM WB^gÊSÊÊ^

    Laurence MOULINIER

    LadT HORD

    YNSKY-C AILLAT

    '¿'

    l

    ;

    Les

    manuscrits,

    actylographiés

    ux normes

    habituelles,

    insi

    que

    les

    ouvrages pour

    comptes

    rendus,

    doivent être

    envoyés

    à :

    MÉDIÉVALES

    Presses Universitaires de Vincennes

    Université Paris

    VIII

    2,

    rue de la

    Liberté,

    93526 Saint-Denis Cedex

    02

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    SOMMAIRE N° 22-23 1992

    POUR L'IMAGE

    L'histoire

    par

    l'image

    Chiara FRUGONI

    5

    La parole incarnée voir la parole dans les images des XIIeet

    XIIIe

    iècles

    Isabelle

    TOINET

    13

    Images

    de la

    «

    merveille : la

    «

    Chambre

    de

    Beautés

    »

    Anne

    RABEYROUX

    31

    Texte et

    image

    dans les

    incunables

    français

    Danièle SANSY

    47

    Le

    pape,

    le

    duc

    et

    l'hôpital

    du

    Saint-Esprit

    e

    DijonChristianeRAYNAUD 71

    Démons et tambours au désert de

    Lop

    :

    Variations

    Orient-

    Occident

    Lucette BOULNOIS

    91

    ESSAIS

    ET

    RECHERCHES

    Les baleines

    d'Albert

    le

    Grand

    Laurence

    MOULINIER

    117

    Les

    valeurs

    métaphoriques

    de la

    peau

    dans le

    Roman

    de

    Renarî.

    Sens et fonctions

    Pierre BUREAU

    129

    Nithard et la Res

    Publica

    :

    un

    regard

    critique

    sur

    le

    règne

    de

    Louis le Pieux

    Philippe

    DEPREUX

    149

    Pouvoir

    libérateurdu vin

    et

    ivresse

    du

    texte

    Esther

    BENAÏM-OUAKNINE

    163

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    4

    Élisabeth,

    Ursule et les Onze mille

    Vierges

    un

    cas d'invention

    de

    reliques

    à

    Cologne

    au XIIe iècle

    Laurence MOULINIER

    173

    Le

    roi,

    le

    peuple

    et

    l'âge

    d'or : la

    figure

    de Bon

    Temps

    entre

    le

    théâtre,

    a fête et la

    politique (1450-1550)

    Jean-Louis ROCH

    187

    Culture et

    politique

    à Sienne au début du xiv«

    siècle le

    Statut

    en

    langue

    vulgaire

    de 1309-1310

    Laura NERI 207

    Notes de lecture

    223

    Aline

    Rousselle,

    Croire et

    guérir.

    La

    foi

    en Gaule

    dans

    l'Antiquité

    tardive

    (G. Bührer-Thierry)

    ;

    William

    D.

    Paden,

    The Voice

    of

    the

    Trobairitz.

    erspectives

    n

    the

    Women Troubadours

    M.

    Aurell)

    ;

    MyriamGreilsammer,

    L

    enversdu tableau.

    Mariage

    et

    maternité

    n

    Flandre médié-

    vale

    (D. Lett)

    ;

    Christiane

    Klapisch-Zuber,

    La

    maison et

    le

    nom,

    stratégies

    t rituelsdans

    l'Italie de la

    Renaissance

    (D. Lett) ; Iconographiemédiévale. mage, texte, ontexte,

    sous

    la dir. de G.

    Duchet-Suchaux

    (P. Faure)

    ;

    Michel

    Pastoureau et Jean-Claude

    Schmitt,

    Europe.

    Mémoire et

    emblèmes

    G. Bührer-Thierry)

    ;

    Jeffrey

    .

    Hamburger,

    The RothschildCanticles.Art and

    Mysticism

    n

    Flanders nd

    the Rhinelandcirca 1300

    (B. Buettner)

    ;

    Miri

    Rubin,

    Cor-

    pus

    Christi

    the Eucharist n

    Late Medieval Culture

    A.

    Bou-

    reau)

    ;

    Odile

    Redon,

    Françoise

    Sabban et Silvano Ser-

    venti,

    La Gastronomie au

    Moyen

    Age.

    150 recettes de

    France et d'Italie

    (H. Bresc)

    ;

    Danielle

    Jacquart

    et Fran-

    çoise Micheau,

    La médecine arabe et l'Occident

    médiéval

    (B. Laurioux) ; Courrier de I'Unesco, Il était une fois

    al-Andalus Cécile

    Morrisson,

    La

    Numismatique M.

    Bou-

    rin)

    ;

    Compagnie

    des

    Quatre

    Chemins,

    Le

    chariot

    L.

    Mou-

    LINIER).

    Livres

    reçus

    252

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    Médiévales

    2-23,

    rintemps

    992,

    p.

    5-12

    Chiara

    FRUGONI

    L HISTOIRE PAR L IMAGE

    Il

    y

    a différentes

    açons

    de faire revivre e

    temps passé.

    Méditer

    sur

    les sources

    écrites,

    nterroger

    es documents

    -

    chroniques,

    et-

    tres,

    ermons,

    poésies

    -

    toutes

    ces voix

    qui,

    accrochées

    à de

    fragiles

    feuilles,

    nt traversé es siècles

    pour parvenir usqu à

    nous. Mais on

    peut

    aussi chercher

    renforceru à créerdes

    liens

    avec

    d autres sour-

    ces ou d autres méthodes.

    L iconographie

    t

    l iconologie

    e

    proposent

    utiliser œuvre d art

    ou la

    simple image

    comme

    une source

    historique

    ui

    generis

    pour

    reconstruire

    e

    passé.

    La différence ntre

    iconographie

    t

    l iconolo-

    gie,

    selon

    la

    définition

    e

    Hoogerwerff,

    n

    1931,

    est semblable celle

    qui

    distingue

    a

    géographie

    de la

    géologie

    la

    première

    traite de

    l aspect

    extérieur

    un

    phénomène,

    a seconde examine sa

    structure

    interne,

    Un

    exemple

    reconnaître,

    ans une

    figure

    e femme

    ernéed une

    auréole et

    tenant

    dans ses

    bras un

    enfant,

    ui-même

    uréolé,

    a

    Vierge

    et

    l Enfant

    Jésus,

    est

    du

    ressort

    de

    l iconographie

    relever,

    dans

    le

    changement e positionde ces deux personnages un par rapportà

    l autre,

    l indice

    d une nouvelle attitude

    mentale et

    émotionnelle,

    symptôme

    un

    déplacement

    ans l histoirede la culture t

    des

    idées,

    est

    du ressort e

    l iconologie je pense plus particulièrement

    la

    repré-

    sentation

    de

    la

    Nativité.

    Tant

    que,

    en

    Occident,

    on a

    copié

    l icono-

    graphie

    byzantine ui présentait

    a

    Vierge

    couchée

    dans

    un

    lit,

    épui-

    sée,

    et l Enfant

    lavé

    par

    deux

    sages-femmes,

    attention

    tait

    portée

    sur

    une

    simple

    scène d accouchement

    il

    s agissait

    de raconterun

    événement.

    uand

    au

    contraire,

    urtout

    partir

    de la

    fin

    du

    XIVe

    iè-

    cle,

    à la suite des Révélations de sainte

    Brigitte, ui

    mit

    en

    forme

    dans ses écritsune attitudementaledéjà répandue,on commenceà

    représenter

    a

    Vierge

    t saint

    Joseph

    genoux,

    vec entre ux

    l Enfant

    couché sur

    la

    paille,

    ce sur

    quoi

    on veut

    attirer

    attention st une

    scène d adoration.Le

    protagoniste

    est

    plus

    la

    Vierge

    ouffrante,

    ais

    l Enfant Divin. Marie

    et

    Joseph

    ont le trait

    d union

    entre

    es fidèles

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    6

    et le

    Sauveur,

    et ils invitent

    observateur s identifier eux dans

    leur

    geste

    de

    pieux

    recueillement.

    arfois un

    sarcophage

    remplace

    a

    paille,

    allusion

    à la Passion

    et au Sacrifice

    qui

    attendent

    Enfant.

    Ce

    détail,

    qui

    suscite

    ou veut susciter

    un sentiment e

    gratitude

    t

    d émotion chez

    l observateur,

    nous

    explique

    et

    illustre,

    utant

    qu un

    texte,

    cette

    nouvelle

    attitude

    religieuse

    faite

    d adhésion sentimentale

    et

    d effusion,

    de sensibilité

    la vie

    humaine du

    Christ,

    qui

    est un

    des

    aspects

    caractéristiques

    e la

    prédication

    et de la

    thématique

    franciscaines.

    Dans cette

    discipline

    donc,

    la

    faveur rencontrée

    ar

    une

    image,

    indépendammentu succès artistique, onduit historien s intéres-

    ser à des

    produits

    ouvent

    humbles

    t

    à

    des œuvres

    généralement

    égli-

    gées,

    alors

    qu elles

    étaient

    expression

    de classes sociales très nom-

    breuses

    mais laissées

    à l écart

    de la

    production

    rtistique

    destinée

    la classe

    dominante.

    L historien

    peut par

    récupérer

    une énorme

    quantité

    de sources

    jusqu ici

    abandonnées

    au silence. Pensons

    par

    exemple

    à

    un

    genre

    qui

    commence se

    répandre

    la

    fin

    du

    Moyen

    Age,

    aux ex-voto.

    Convenablement

    nterrogés,

    es modestes

    petits

    tableaux

    nous

    livrent ne

    foule d informations

    ur les

    comportements

    religieux,

    ur

    la

    société

    maladies,

    métiers,

    bjets domestiques

    t ainsi

    de suite), le territoirele milieu rural ou citadin).

    La

    tendance si

    générale

    qu on

    avait au

    Moyen Age

    de donner

    à toute

    chose une

    interprétation

    t une valeur

    symboliques

    rend

    d autant

    plus

    importante

    a

    compréhension

    es

    images

    de

    cette

    épo-

    que.

    Pourtant

    image,

    comme

    le

    document,

    st un

    message

    ambigu

    et

    il

    convient

    l historien

    engager

    toute

    sa

    finesse,

    on

    expérience

    et son

    habileté

    pour

    l interpréter

    ans le déformer

    i le

    déguiser,

    n

    établissant

    vec

    l époque

    qui

    l a

    produit

    tout un réseau de relations

    et en

    invoquant

    des sources

    écrites,

    ndispensables

    our

    en confirmer

    et en

    approfondir

    a

    signification.

    Le chercheur

    n

    iconographie

    t en

    iconologie

    médiévales aura

    donc présent l esprit ussi bien le texteque l image, qu il associera

    dans

    une interaction

    ans

    préséance

    dissocier

    a

    parole

    de

    l image

    représenterait

    ne mutilation

    ans

    la reconstruction

    istorique

    d une

    réalitédans

    laquelle

    elles

    étaientnaturellement

    ondues,

    dans la cons-

    cience

    de ces

    hommes

    et dans

    le cours

    quotidien

    de ces vies

    que

    nous

    voudrions

    réveiller.

    Nous avons

    évoqué

    les

    images

    symboliques.Que

    représente, ar

    exemple,

    sur une

    carte médiévale

    du

    monde

    -

    la

    gigantesque

    arte

    d Ebstorf

    1240)

    -

    un

    pélican

    en train de

    se déchirer

    a

    poitrine

    Il est

    placé

    à

    l extrême

    droite de

    la

    carte,

    comme

    au sommet

    d une

    pyramide l intérieur e laquelle estempilé par compartimentsuper-

    posés,

    le

    catalogue

    sérié des créaturesfabuleuses qui habitaient,

    pensait-on,

    es

    régions

    lors

    inaccessibles.

    a

    légende

    précise

    n effet

    hic

    sunt desertae

    solitudines

    et

    inhumanae monstruosarum

    entium

    faciès

    (ici

    sont

    les solitudes

    désertes

    t

    la

    gent

    monstrueuse

    l aspect

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    13/260

    7

    inhumain).

    Pour le

    comprendre,

    nous devons d abord

    consulter e

    Physio ogus

    une sorte

    de livre

    d histoire

    naturelle ù

    chaque

    animal,

    vrai ou

    imaginaire,

    st décritdans ses

    habitudes,

    souvent assez fan-

    taisistes,

    t

    plié

    ensuite

    une

    interprétation

    orale,

    de

    manière

    aider

    la mémorisation

    e chaînes de versets

    bibliques.

    Le

    pélican qui

    se

    déchire

    a

    poitrinepour

    ressusciter

    e son

    sang

    ses

    petits

    qui

    étaient

    morts,

    st comme

    e Sauveur

    qui

    meurt

    our

    la

    rédemption

    e l huma-

    nité. L oiseau sur

    notre arte résout donc le

    problème

    de

    1 «

    impossi-

    ble salut

    »

    ;

    l œuvre

    d évangélisation

    st destinée à

    atteindremême

    les contrées es

    plus

    reculées et l oiseau

    posé

    au-dessus de ces

    pau-

    vres difformitésappelle,visuellement, universalité u sacrificedu

    Christ.

    Les

    images

    qui pouvaient

    orner une

    cathédrale taient e

    moyen

    essentiel

    de

    rapprocher

    es classes

    humbles

    des

    doctrines

    t du

    savoir

    de

    l Église

    et des classes dominantes.

    Au

    XIIe

    iècle,

    l émergence

    de

    la cathédrale comme centre ntellectuel u lieu des

    monastères,

    par

    son

    implantation

    n milieu

    urbain,

    par

    la

    diversité es

    fonctions

    u elle

    remplissait

    vec son

    chapitre pour

    l administration

    u

    diocèse,

    eut

    aussi

    pour conséquence

    une

    plus

    grande

    ouverture

    ers e monde

    laïc.

    Dans l Italie

    méridionale,

    e

    rapport

    de la cour

    normande

    point

    de

    rencontre e plusieurs utrescivilisations, recque,arabe, etc.) avec

    le monde

    ecclésiastique,dépasse largement

    es

    relations

    normalement

    nécessaires

    une chancellerie

    omplexe

    il

    assume

    une

    dimension

    oli-

    tique précise quand

    se réalise

    la

    latinisation

    rapide

    de

    l épiscopat,

    opposé

    à l influence e

    l empiregrec.

    La cour

    normande st en

    étroite

    relation

    vec le haut

    clergé,

    comme

    le

    montre

    introduction

    massive

    dans les

    églises

    d une

    thématique

    profane

    et

    plus

    précisément

    oliti-

    que.

    Une

    série

    de documents t

    d inscriptions

    hargés d implications

    anti-byzantines émoigne

    des

    rapports particulièrement

    endus

    avec

    l empire

    d Orient. Mais le

    dispositif

    st encore

    plus

    compliqué que

    ne

    le

    montrent

    es

    apparences.

    Et ce

    sont

    justement

    es

    images qui

    mettent n évidence t qui élucident e problème,une imageen parti-

    culier dont nous allons

    parler,

    et

    qui

    a eu une

    diffusion

    xtraordi-

    naire,

    mais concentrée

    dans les

    Pouilles

    normandes

    du XIIe

    iècle.

    Dans

    le

    reste

    de

    l Italie cette

    mage

    est

    inconnue,

    ou

    insérée

    dans des

    contextesnon

    significatifs.

    L image

    a

    pour sujet

    Alexandre

    le Grand

    qui

    monte au

    ciel.

    L histoire,

    tirée

    du

    Roman

    grec

    du

    Pseudo

    Callisthène,

    raconte

    que

    le

    grand

    Macédonien,

    ayant

    achevé ses

    conquêtes

    sur

    la

    terre,

    voulut

    s approprier

    ussi

    le

    ciel.

    Il

    attela

    deux

    griffons des

    animaux

    terri-

    bles d une

    grande

    férocité,

    moitié

    aigle

    et

    moitié

    ion)

    et il

    leur

    mon-

    trait deux lances sur lesquelleson avait embroché de la viande, enles tenant bien haut devant leur tête. Les

    griffons,

    élançant

    pour

    attraper

    a

    viande,

    portèrent

    Alexandre

    usqu au

    ciel.

    Cette

    égende

    e

    trouve

    dans

    la

    traductionatine

    du

    Roman

    effec-

    tuée

    au

    milieu du

    Xe

    iècle

    par

    un

    certain

    Archiprêtre

    éon,

    qui

    fut

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    14/260

    8

    le

    point

    de

    départ

    de

    l incroyable

    fortunede ce

    texte en

    Occident,

    car

    il

    fut traduit

    ensuite,

    si

    l on

    peut

    dire,

    dans toutes

    les

    langues.

    Dans le monde

    byzantin,

    idée de

    l Ascension au ciel

    est

    favorable-

    ment

    accueillie et

    interprétée

    c est tout le

    contraire

    dans le

    monde

    occidental.

    La

    prétention

    la

    domination

    universelle

    propre

    à

    l idéologie

    byzantine

    st indissolublement

    iée

    aux

    conquêtes

    extraordinaires u

    Macédonien

    l empereur yzantin,

    oi

    des

    Romains,

    se

    retrouve

    xpli-

    citement n celui

    qui

    avait

    dominé

    e

    monde

    entier,

    <

    e

    roi

    des Macé-

    donienset des Perses

    ».

    Dans les

    discours

    ncomiastiques

    dressés ux

    différentsmpereursa comparaisonavec Alexandredevient insi un

    topos

    littéraire

    on

    admire surtout

    es

    exceptionnelles

    ualités

    mora-

    les

    et ses

    prodigieuses onquêtes.

    Parce

    qu Alexandre

    est

    continuelle-

    ment

    proposé

    en

    modèle

    aux

    empereurs yzantins,

    l

    finit

    ar

    se

    trans-

    former ui-même

    n

    empereurbyzantin.

    L entreprise

    entée avec

    les

    griffons

    st donc choisie

    pour

    orner une

    couronne

    princière,

    est le

    thème

    principal

    d ornement une

    coupe

    destinée un

    prince

    t il

    est

    reproduit

    deux fois sur un

    grand

    vase de

    vermeil,

    dont

    le

    proprié-

    taire ne

    pouvait

    être ui

    aussi

    que

    riche et

    noble. Le

    même

    sujet

    sert

    aussi à décorerdifférents

    bjets

    destinés u

    Palais de

    Constantinople.

    Il fut un tempsoù, à Sainte-Sophie,a sculpture evait êtreenri-

    chie de

    perles

    et de

    pierresprécieuses,

    omme en

    témoignent

    riste-

    ment

    ujourd hui

    les

    chatons

    restésvides. Le lieu

    où sont

    placées

    les

    sculptures

    ans les

    églises

    montre lairement

    u on

    attribuait ux ima-

    ges

    une valeur

    prophylactique.

    Cette

    signification

    potropaïque

    des

    figures

    se

    trouve confirmée

    pour

    une autre

    catégorie

    d objets

    -

    bagues, pendentifs,

    hylactères quand

    on

    les

    rapproche

    d autres

    images

    dont

    l interprétationdentique

    ne fait

    aucun

    doute.

    Dans le monde

    occidental,

    absence même d un

    empire

    et un

    cours différent es événements

    rivent

    e son halo la

    figure

    u

    Macé-

    donien,

    et c est au contraire

    Église

    qui

    s empare

    de la

    légende

    d Alexandre et de ses griffonst en fait e symbolede l orgueilcou-

    pable.

    La

    conquête

    du ciel a

    toujours pour l Église

    une

    connotation

    démoniaque,

    c est

    toujours

    de toute

    façon

    un acte

    condamnable

    s il

    procède

    de l initiative

    umaine

    il

    suffira

    our

    s en convaincre e

    rap-

    peler

    ascension

    de Simon e

    Magicien

    dans les

    ÉvangilesApocryphes,

    la construction

    e la

    tour de Babel dans l Ancien

    Testament t sur-

    tout

    le vol

    suggéré

    u Christ

    par

    Satan,

    comme une

    dangereuse

    en-

    tation.

    En terre

    normande,

    ascension d Alexandre

    pparaît

    ou

    appa-

    raissait dans

    les

    pavements

    de

    mosaïques

    dans

    les

    églises importan-

    tes,

    elle

    était

    donc destinée

    être

    piétinée.

    Cette

    signification éga-

    tive de l ascension est éclairéeet renforcée ar la proximité ur lesmêmes

    mosaïques

    de la tour de Babel et du

    péché

    d Adam et Ève

    Otrante,

    Trani et

    Tárente).

    À

    Bitonto,

    où le

    même

    sujet

    est

    figuré

    sur

    un

    chapiteau,

    son

    interprétationégative

    st rendue

    plus

    évidente

    encore

    par

    la

    représentation

    u désastreux etour

    ur

    terre.

    Cinq

    fois

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    15/260

    9

    au moins

    ascension

    d Alexandre donc été choisieen terre ormande

    pour

    décorer

    un

    édifice

    sacré. Une

    telle

    prédilection

    évèle

    e

    carac-

    tère

    exemplaire

    ue

    confère

    Église

    à ce thème

    profane,pour

    le déve-

    lopper

    en un discours

    religieux

    estiné

    à

    illustrer

    e

    péché d orgueil,

    mais

    elle semble aussi

    suggérer

    ue

    la source

    inspiratrice

    st

    proche

    de

    milieux iés

    à la cour normande.

    La

    figure

    Alexandre,

    modèle constant es

    basileis

    sembleavoir

    attiré ur elle

    la

    perpétuelle

    ostilité es Normands envers es

    Byzan-

    tins,

    usqu à

    devenir

    e

    symbole

    du roi

    grec

    vaincu. Et de même

    que

    sur

    les

    mosaïques

    du

    pavement

    de la

    cathédrale

    de

    Brindisi,

    e

    choix

    de représentera luttede Roland et de ses compagnons ontre es Sar-

    rasins doit sans

    doute

    être

    mis

    en relation vec le rôle du

    port, point

    de

    départ

    des croisés

    qui

    embarquaient

    à

    pour

    aller

    combattre

    n

    Orient

    e même ennemi

    nfidèle,

    de même

    les

    représentations

    multi-

    ples

    de l ascension

    d Alexandre dans

    une

    région que

    revendiquaient

    encore es

    empereurs

    yzantins,

    emble confirmer

    ue,

    à la

    prédilec-

    tion

    pour

    un

    sujet

    bien

    adapté

    à une

    composition

    héraldique,

    s était

    surajoutée

    une raison

    politique

    bien

    précise, qui

    justifie

    non

    seule-

    ment

    e choix et la diffusion

    e ce

    thème,

    mais aussi

    l interprétation

    négative

    de l aventure.

    En effet à où

    manquait

    -

    comme

    nous

    l avons vu à Bitonto

    -

    un parallèle biblique susceptible éclairer sa

    signification,

    n a voulu

    représenter

    a

    pitoyable

    conclusion du vol.

    Dans

    la

    mosaïque

    d Otrante,

    ascension d Alexandre

    st

    placée

    à côté

    de la

    tour de Babel. Mais ce n est

    pas

    tout.

    Une des

    inscriptions

    ui

    perpétuent

    es noms

    des commanditaires t

    portent

    es années d exé-

    cution

    (1163-1165), désigne

    Guillaume

    er

    comme rex

    magnificus

    t

    triumphator.

    e

    dernier

    erme,

    bsent

    de la

    titulature es

    rois nor-

    mands dans

    leurs documents

    écrits,

    était au

    contraire ouramment

    employé,

    du

    moins

    usqu au

    VIIe

    iècle,

    dans la

    titulature es

    empe-

    reurs

    byzantins.

    Par sa raretéet

    par

    son insertion ans un

    contexte

    parfaitement

    lair,

    ce

    qualificatif

    e

    triumphatoraraît

    chargéd impli-

    cations anti-byzantines, autant plus que justementdans les années

    est

    réalisée a

    mosaïque,

    es

    rapports

    ntre

    Guillaume

    er

    et

    Manuel

    Comnène étaient rès

    perturbés.

    ascension

    d Alexandre donc

    pour

    fonction

    d exprimer

    t

    de

    diffuser ne

    idéologie politique

    complexe.

    Les Normands

    adoptent

    envers

    empire byzantin

    un

    comportement

    ambivalent,

    ait à la

    fois d hostilité t

    d attrait,

    puisque

    tout

    compte

    fait

    l

    est

    l unique empire

    uquel

    nul autre

    ne

    peut

    être

    comparé.

    De

    cet

    empire,

    es Normands veulent

    passer

    pour

    les

    «

    héritiers natu-

    rels,

    et ils imitent

    usqu à

    la formede

    vêtement

    es basileis Le

    pro-

    tagoniste

    e l aventure

    éleste st le

    plus

    grand

    roi

    grec

    de

    l Antiquité,

    il

    reste e modèle

    «

    actuel

    »

    pour

    les

    empereurs yzantins,

    mais

    il

    est

    vaincu dans un épisode qui illustrait a thématiquedu pouvoir.

    L intelligence

    de

    l image

    double

    donc

    sa beauté.

    Traduit

    de l italien

    par

    Lada

    Hordynsky-Caillat

    t

    Odile

    Redon

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    16/260

    10

    Orientation

    bibliographique

    L exemple

    de la carte

    médiévale t celui de

    l ascension d Alexan-

    dre,

    sont

    extraits

    e C.

    Frugoni,

    «

    La

    figurazione

    assomedioevale

    dell Imago

    Mundi

    »

    dans

    «

    Imago

    Mundi

    »,

    la

    conoscenza

    scientifica

    nel

    pensiero

    bassomedioevale

    Todi,

    Accademia

    Tudertina, 1983,

    pp.

    225-269 C.

    Settis-Frugoni,

    «

    HistoriaAlexandři

    levati

    per

    gri-

    phos

    ad

    aerem

    »,

    origine,

    conografia fortuna

    di un tema

    Rome,

    Istituto

    Storico

    Italiano

    per

    il Medio

    Evo,

    1973.

    Pour un

    aperçu

    clair du

    caractère t du

    développement

    es

    étu-

    des iconographiques, n peut consulter article« Iconografiae Ico-

    nologia

    »

    dans

    Enciclopedia

    Universale ell Arte édité

    par

    la Fonda-

    zione

    Cini di

    Venezia,

    Sansoni,

    Florence.

    Pour les

    dictionnaires

    pécialisés

    nous

    rappelons

    L.

    u,

    Ico-

    nographie

    de

    l art chrétien

    Paris, P.U.F., 1956-1959,

    3 tomes et

    6 volumes

    t.

    I,

    Introduction

    énérale

    t.

    II,

    Iconographie

    e la

    Bible

    vol.

    I,

    Ancien Testament

    vol.

    II,

    Nouveau Testament t.

    III,

    Icono-

    graphie

    des Saints

    vol.

    I-II,

    Saints

    vol.

    III,

    Répertoires,

    ables

    Voir

    aussi

    le

    Lexikon der

    christlichen

    konographiedirigépar

    E.

    Kirsch-

    baum et

    plusieurs

    ollaborateurs,

    n 3

    volumes,

    Rome-

    Vienne,

    1968

    les deux derniers olumessont consacrésà l iconographiedes saints,

    avec un

    index des

    attributs,

    es

    lieux et des artistes.

    Il y

    a en outre

    des

    renvois

    aux mots

    en

    anglais

    et en

    français.)

    À

    déconseiller,

    ar

    contre,

    st

    l ouvrage

    de O.

    Beigbeder,

    Lexique

    des

    Symboles

    Zodia-

    que,

    1969,

    dont

    il

    existe

    ussi

    une traduction n italien en l absence

    d une

    bibliographie

    ustificative,

    es

    articlesdonnentdes

    explications

    trop

    souvent

    antaisistes,

    ubstituant

    la

    méthode

    historique

    n

    ramas-

    sis

    d opinions

    t de

    mythologies

    es

    plus disparates,

    ans

    aucune valeur

    critique.

    Rappelons

    encore

    deux

    ouvrages

    qui,

    sans

    avoir la formed un

    dictionnaire,

    euvent

    y

    être assimilés

    par

    l étendue des

    sujets

    traités

    E. Mâle, L art religieux u XIIe iècle. Étude sur les originesde

    l iconographie

    du

    Moyen Age

    Paris,

    1922

    (nombreuses

    ééditions)

    L art

    religieux

    u

    xme

    siècle en

    France Étude

    sur

    l iconographie

    du

    Moyen

    Age

    et

    sur ses sources

    d inspiration

    première

    d.

    Paris,

    1898

    (8e

    éd.

    1948)

    L art

    religieux

    e la

    fin

    du

    Moyen Age

    Étude

    sur l ico-

    nographie

    u

    Moyen

    Age

    et

    sur ses sources

    d inspiration

    Paris,

    rééd.

    1931.

    R.

    Van

    Marle,

    Iconographie

    (ļe

    l art

    profane

    lre

    éd.

    1931

    rééd.

    New

    York,

    Hacher

    Art,

    1971.

    E. Mâle

    (1862-1954)

    a été

    parmi

    les

    premiers

    historiens

    utili-

    ser a méthode conographique ses œuvres, crites ans un style xtrê-mement lair et

    fluide,

    plein

    de chaleurhumaine et d une

    singulière

    modestie,

    où de

    lumineuses

    ntuitions

    ont

    exprimées

    n

    de

    brèves

    phrases

    presque

    hésitantes,

    ont

    fondamentales

    our

    l étude non seu-

    lement

    de

    la

    France,

    mais de

    toute

    l Europe

    médiévale.

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    17/260

    11

    On ne

    peut évoquer

    e nom de

    Mâle

    sans

    penser

    mmédiatement

    aux

    grands pionniers

    de la

    recherche

    conologique Aby

    Warburg,

    Fritz

    Saxl

    et

    Erwin

    Panofsky. Warburg

    (1866-1929)

    surtout tu-

    dié les influences t la

    persistance

    e la

    tradition

    lassique

    dans l art

    et dans la culture

    ccidentale.

    En

    1902,

    l

    fonda à

    Hambourg

    a

    War-

    burg

    Bibliothek,

    ui possède

    aussi une

    très

    mportante

    hotothèque,

    une des

    plus

    richesdu

    monde

    par

    sa

    collection de

    reproductions

    e

    monuments. lle se trouve

    aujourd hui

    à

    Londres,

    elle fut

    trans-

    férée

    à

    la suite de la

    persécution

    ntisémite t

    placée

    près

    du Cour-

    tauld Institute

    e

    l Université e

    Londres

    (auquel

    elle a

    été

    rattachée

    en 1944 en tantque Warburg nstitute). ne bellebiographie u cher-

    cheur a

    été

    publiée par

    E.H.

    Gombrich,

    Aby

    Warbyrg, Londres

    1970,

    trad. it.

    Milan,

    1983).

    Un recueil

    d écrits

    de

    Warburg

    a

    aussi

    été

    traduit n

    italien

    La rinascitadel

    paganesimo

    antico

    Contributi

    alla

    storia della cultura

    Florence,

    La

    Nuova

    Italia,

    1968

    (réimprimé

    ensuite)

    en

    français,

    crits

    florentins

    Paris,

    1990,

    ainsi

    que

    R. Ku-

    bánsky,

    E.

    Panofsky,

    F.

    Saxl,

    Saturne t

    la

    mélancolie

    Paris,

    Gal-

    limard,

    1989.

    Rappelons

    de Fritz

    Saxl,

    directeur

    endant

    de

    longues

    années du

    Warburg

    nstitute

    1890-1948),

    La storia

    delle

    immagini

    Bari,

    Laterza, 1965,

    réimprimé,

    t,

    plus

    récemment,

    a

    fede

    negli

    stri,

    dall antichitàal Rinascimento Turin, Boringhieri, 985.

    L édition

    française

    t italienne

    consacré un

    plus grand

    intérêt

    à

    l œuvre

    d Erwin

    Panofsky

    (1892-1968)

    citonsen

    français

    a

    pers-

    pective

    comme

    forme

    symbolique,

    rad,

    fr.,

    Paris,

    éd.

    Minuit,

    1975

    L œuvre

    d art et

    ses

    significations

    Essai

    sur les

    arts

    visuels

    trad,

    fr.,

    Paris,

    Gallimard,

    1969

    La

    Renaissance et

    ses

    avant-courriers

    ans

    l art

    occidental trad. fr.

    Paris,

    1990

    Essais

    d iconologie

    Les thè-

    mes humanistes ans

    l art de la

    Renaissance

    trad,

    fr.,

    Paris,

    Galli-

    mard,

    1967.

    Pour un

    panorama

    exhaustif

    es

    nouvelles

    orientations es

    étu-

    des

    iconologiques

    t

    pour

    un

    profil

    précis

    d un

    de

    ses

    plus

    prestigieux

    représentants, .H. Gombrich, nous renvoyons aux articles de

    C.

    Ginzburg,

    «

    Da A.

    Warburg

    a

    E.H.

    Gombrich

    Note

    su di un

    problema

    di

    metodo)

    »,

    Studi

    Medioevali

    s.

    III,

    vol.

    VII,

    2

    (1966),

    pp.

    1013-1065

    t S.

    Settis,

    «

    Warburg

    ontinuatus,

    escrizione i

    una

    biblioteca

    »,

    Quaderni

    storici

    XX,

    1

    (1985), pp.

    5-38.

    Outre

    les

    répertoires

    pécialisés,

    l

    existe,

    pour

    les

    études icono-

    logiques,

    des

    bibliothèques

    ù

    ces

    études sont

    grandement

    acilitées.

    Nous avons

    déjà

    mentionné a

    bibliothèque

    Warburg

    à

    Londres. À

    Poitiers,

    annexe

    du

    Centre des

    études

    supérieures

    e la

    civilisation

    médiévale briteune

    trèsbelle

    bibliothèque

    vec

    une

    photothèque

    ur-

    tout

    intéressante

    our

    l art

    médiéval

    français.Un outil indispensablepourtouttravail conographique stY ndex

    of

    ChristianArt un cata-

    logue

    comportant

    ous

    les

    monuments e

    l art

    paléochrétien

    usqu au

    XIVe

    iècle.

    Continuellement

    is à

    jour,

    il

    se

    trouve

    Princeton,

    mais

    heureusement

    eux

    copies

    tenues à

    jour

    sont

    déposées

    à la

    Bibliothè-

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    18/260

    12

    que

    Vaticane

    à Rome et à la

    bibliothèque

    ationaled Utrecht. l

    s agit

    en fait d un double

    catalogue,

    l un

    comportant

    n

    fichier t

    l autre

    des

    photographies.

    ans le

    premier

    es fiches

    ont classées

    par sujet

    on

    y

    trouve une brève

    description

    e

    l œuvre en

    question,

    la

    date,

    le lieu où elle se

    trouve,

    es matériaux

    ui

    la

    composent

    t une

    biblio-

    graphie

    concise un numéro renvoie au deuxième

    catalogue

    où l on

    trouve des

    photographies

    e l œuvre.

    la

    Bibliothèque

    Vaticane

    il

    n y

    a

    que

    la

    photocopie

    du

    catalogue

    photographique.)

    On

    peut

    aussi

    faireune demande

    de

    renseignements

    t de

    reproductions

    l Univer-

    sité

    de

    Princeton.

    Les principales evuesconsacrées ux études conologiquessont

    The

    Journal

    f

    the

    Warburg

    nstitute,

    ahiers

    Archéologiques,

    ahiers

    de Civilisation

    médiévale

    Pour les

    gestes

    et leur

    signification

    F.

    Garnier,

    Le

    langage

    de

    l image

    au

    Moyen Age. Signification

    t

    symbolique

    vol.

    I-II, Paris,

    Le

    Léopard

    d Or,

    1982-1989et Thesaurus

    conographique

    Système

    descriptif

    es

    représentations

    Paris,

    Le

    Léopard

    d Or,

    1984.

    L adaptation

    de

    la

    bibliographie

    n

    français

    a été

    réalisée

    par

    Jérôme

    Baschet.

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    19/260

    Médiévales

    2-23,

    rintemps

    992,

    p.

    13-30

    Isabelle

    TOINET

    LA PAROLE INCARNÉE :

    VOIR

    LA

    PAROLE

    DANS LES IMAGES

    DES

    XIIe ET XIIIe

    SIÈCLES

    Au

    Moyen

    Age,

    l'Incarnation

    du Verbe divin constitue

    pour

    de

    nombreux

    héologiens

    e

    point

    de

    départ

    de toute une

    réflexion ur

    la

    parole.

    Selon saint

    Augustin,

    et événement

    e

    l'histoire

    ermet

    e réha-

    biliter e langagehumain1.Dans la culturemédiévale,d'une manière

    plus générale,

    e

    corps

    est

    toujours

    très

    présent orsqu'il

    est

    question

    de

    la

    parole.

    Il

    peut

    faire

    'objet

    d'une véritablemise en scène

    pour quali-

    fier el ou

    tel

    type

    de

    propos

    : le

    blasphème,

    es

    paroles

    médisantes,

    ar

    exemple,

    viennent

    lutôt

    du

    ventre,

    es

    «

    régions

    asses

    »

    et

    cherchent

    à

    parvenir

    usqu'à

    la bouche2 tandis

    que

    la

    parole

    divine

    est directe-

    ment

    posée

    dans la bouche

    de celui

    qui

    est

    chargé

    de

    la transmettre3.

    1. Pour ette

    uestion,

    oir

    'ouvrage

    e M.L.

    Colish,

    A

    study

    n themedieval

    theoryfknowledge

    Newhavent

    Londres,968,

    t

    plus articulièrement

    e

    chapitre

    Saint

    Augustine

    the

    xpressionf

    the

    Word.

    2. Par xemplen xtraite a Règle u Maîtretexteédigéendantepremier

    quart

    u

    vie

    iècle

    ar

    un

    moine ont n

    gnore

    e

    nom,

    voque

    lairementn

    trajet

    desmauvaises

    aroles

    u bas vers e haut u

    corps

    «

    Quand

    n

    péché

    monte

    e la

    racine u cœur t

    qu'il perçoitue

    e mur xtérieure

    clôture,

    utrementit a

    bou-

    che t

    esdentsui nterdit

    e

    sortir,

    l

    devra

    etournererechefla

    racine u

    cœur,

    y périr

    ans avortement

    u lieu e naître

    ar

    a

    langue

    tde

    grandirusqu'au

    hâti-

    ment. La

    règle

    u Maître

    introd.,

    extet trad, e A.

    Vogüe,

    ources

    hrétiennes

    106,

    p.

    402-403.

    3.

    Dieu

    posa

    a

    parole

    ans a bouche e Balaam

    «

    Dominusutem

    osuit

    er-

    bum

    n ore

    uo

    (Nb.

    23,

    5).

    Dieu

    parlant

    Daviddans e désertui demande

    'ouvrira bouche

    «

    Dilata

    os tuum t

    mplebo

    llud

    (

    Ps

    81,

    11).

    Ce versetst llustréu folio 35du

    psautier

    e Saint-

    lban. ans

    a

    partie

    upé-

    rieureel'initiale,ieu epencheers avid tregardeans a direction.a maindroitestposée ur ne orte ebaguetteui part e sabouchetaboutitans elle

    du

    psalmiste.

    ette

    aguette

    st

    probablement

    e

    symbole

    e la

    parole

    ivine

    eçue

    directement

    ar

    e roiDavidde la bouche e celui

    ui

    a

    profère.

    ette

    arole,

    e

    message

    iennent

    'en

    haut ommee montrenta

    position

    e

    Dieu t e

    mouvement

    de son

    corps.

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    20/260

    14

    Mais

    puisqu'ici

    nous

    parlons d'images,

    l'incarnation 'est

    égale-

    mentun mode

    de

    présenceparticulier

    e

    la

    parole,

    un mode de

    pré-

    sence

    par

    lequel

    elle accède

    au

    visible.

    Que

    l'on

    pense

    à l'acte de

    parler

    ou à la

    formeoralisée

    de la

    pensée

    et des

    sentiments,

    a

    représenta-

    tion

    de la

    parole

    par l'image

    pose

    en effet

    problème

    cette dernière

    est

    fixeet

    muette.Dans les

    lignesqui

    suivent,

    l

    s'agit

    donc d'exami-

    ner,

    à

    partir

    de

    quelques

    exemples4,

    omment ux

    XIIe

    et

    xme

    siè-

    cles

    ce

    phénomène

    sonore

    prend corps

    dans les

    images.

    Le

    corps,

    c'est

    d'abord la bouche

    qui

    s'ouvre

    pour exprimer

    es

    pensées

    et les sentiments

    ous

    la forme de sons

    articulés. Dans les

    images, e rapport ntre es mouvements e la bouche et la naissance

    de

    la

    parole

    ne

    peut

    être

    pensé

    en ces termes

    le

    corps

    ne donne

    pas

    à

    entendre

    mais

    plutôt

    voir de

    la

    parole.

    En

    un

    premier emps,

    nous

    nous

    attachons

    à montrer

    a

    pertinence

    de cette

    notion

    du

    corps

    comme

    support

    visuel

    de

    la

    parole.

    D'une manière

    plus

    métaphorique,

    e

    corps

    de

    la

    parole

    dans

    l'image,

    ce sont

    aussi les

    mots

    qui,

    au sein de la

    représentation

    igu-

    rée

    ou en ses

    marges,

    aissent

    omme une

    trace du

    discours

    prononcé.

    En un second

    temps,

    nous

    posons

    donc

    la

    question

    du

    statut

    e l'écri-

    ture

    et de son

    rapport

    à la

    parole

    dans

    l'image.

    Cette enquête ne propose pas une étude chronologique u sens

    strict

    du

    terme,

    mais elle est attentive la manière dont le

    passage

    d'une

    «

    culture

    de

    mode oral

    »

    à une

    «

    culturede mode

    écrit

    qui

    s'opère

    peu

    à

    peu

    entre

    e

    XIIe

    et

    le

    xiiie

    siècle,

    a

    pu

    influencer

    es

    représentations

    igurées

    e la

    parole

    : le mot

    «

    corps

    »

    tel

    qu'il

    vient

    d'être

    successivement

    t brièvement

    éfini

    permet

    de rendre

    ompte

    de ces

    évolutions.

    Ouvrir

    a bouche

    L'image étantpar naturemuette, eules l'ouverture u la ferme-

    ture

    de la

    bouche

    peuvent

    a

    priori

    permettre

    e

    distinguer

    ntre e

    silence

    t la

    parole

    : la visibilité

    mmédiate

    u discours

    prononcé

    em-

    ble

    bien résider

    dans ce

    mouvement

    'ouverture.

    Pourtant,

    à

    regar-

    der

    les

    images

    de

    plus

    près,

    on réalise

    qu'il

    est loin d'en

    être tou-

    jours

    ainsi

    Différentes

    echerches,

    elles

    de l'abbé

    Garnier notam-

    4. Les

    llustrations

    etenues

    our

    'enquêteroviennent

    e

    manuscrits

    nglais.

    es

    derniers

    ffrent

    n

    effet e

    nombreuses

    eprésentations

    ntéressantes

    t

    originales

    e

    la

    parole.

    aut-il

    tablir

    n

    ien ntre

    et

    ntérêt

    our

    a

    figuration

    e la

    parole

    t

    la « situationinguistiqueparticulière

    e

    'Angleterreprès

    a

    conquête

    ormande

    la cohabitationvec 'anglaisomprisetous,t e atin,u« françaisnsulairedont

    on

    encourageait

    'utilisation

    ans

    esclasses

    ociales

    levées Nous

    nous ontentons

    ici

    de formuler

    ne

    ypothèse

    ont

    'exploitation

    ous

    ntraîneraitors es

    imites

    mpar-

    ties

    cet

    rticle.e

    dernier

    end

    ompte

    e 'état

    'une echerche

    ncours t ne

    pré-

    tend ucunement

    l'exhaustivité

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    21/260

    15

    ment sur

    le

    langage

    des

    gestes

    au

    Moyen Age5,

    ont bien mis

    en évi-

    dence

    le fait

    que

    la

    parole

    et

    la communication

    rale ne sont

    pas

    for-

    cément

    représentées

    ar

    une

    ouverture

    e la

    bouche mais

    plutôt par

    un

    geste

    de

    la main ou

    par

    un

    phylactère.

    our tenter

    de

    compren-

    dre

    ce

    qui

    se

    passe

    dans

    les

    images,

    il

    faut

    penser

    'ouverture

    t la

    fermeture

    e la

    bouche en fonction

    des lois

    qui

    leur

    sont

    propres,

    et des

    problèmes

    que pose

    une

    telle

    représentation.

    L'image

    n'est

    pas

    seulement

    muette,

    elle est

    également

    fixe.

    Il

    n'y

    a donc

    pas

    de

    distinction

    ossible

    entre

    'ouverture e la bouche

    et la bouche

    ouverte. Ouvrir

    a bouche

    suppose

    un mouvement

    ui

    modifie 'aspect de cettepartiedu corps : le passage de la bouche

    fermée

    on ne

    voit alors

    que

    les lèvres

    -

    à la

    bouche ouverte

    -

    bouche

    qui

    se

    présente

    lors

    comme une cavité.

    Représenter

    'ouver-

    ture

    de la

    bouche,

    c'est-à-dire

    a bouche

    qui

    s'ouvre,

    c'est

    forcément

    montrer

    a

    bouche

    ouverte.

    Or,

    pour

    des

    raisons aussi

    bien

    morales

    qu'«

    esthétiques

    ,

    il

    ne

    sied

    pas

    de

    représenter

    n

    corps

    ouvert,

    en

    quelque

    sorte

    inachevé.

    Ainsi,

    les

    personnages

    dont la bouche

    est

    ouverte

    ne sont-ils

    as

    forcément

    igurés

    n trainde

    parler

    cette

    posi-

    tion

    exprime

    ouvent

    un

    rang

    social

    inférieur,

    ne nature

    mauvaise

    ou méchante.

    Le contexte

    peut

    certes nous

    permettre

    'associer le

    mouvement 'ouverture u plus exactementa positionouverteà la

    prise

    de

    parole,

    mais

    l'artiste,

    pour

    évoquer

    l'action de

    parler,

    n'en

    condamne

    pas

    moins

    a bouche

    à demeurer

    erpétuellement

    uverte.

    La

    représentation

    e

    l'action se trouve donc elle aussi

    condamnée,

    avec

    l'image,

    à

    devenir

    eprésentation

    'un

    état6. L'idée d'une ouver-

    ture

    qui

    se

    prolonge

    au-delà du

    temps

    nécessaire

    la

    prise

    de

    parole

    doit être

    replacée

    dans

    le cadre

    plus

    général

    de cette

    onception

    médié-

    vale des mouvements

    u

    corps

    selon

    laquelle

    le beau

    geste,

    le bon

    geste

    doit

    correspondre

    ans sa

    configuration

    une fonction

    précise

    et rester n tout

    état de

    cause,

    modeste7.

    Au

    xiiic

    siècle

    par

    exem-

    ple,

    Barthélémy 'Anglais,

    reprenant

    dans le

    De

    Proprietatibus

    Rerum un passage de YHistoire des animaux d'Aristoteremarque

    qu'«

    à former a

    voix,

    il

    faut

    par

    nécessité

    uvrir t

    clore les lèvres...

    et

    que

    les lèvres des hommes sont

    molles et

    charnues et se

    séparent

    l'une

    de l'autre... afin de

    pouvoir

    se fermer

    la fin

    de la

    parole

    ».

    Barthélémy'Anglais

    ne

    pensait

    bien évidemment

    as

    aux

    images

    mais

    5. F.

    Garnier,

    e

    langage

    e

    l'image

    u

    Moyen

    ge.Signification

    t

    symboli-

    que

    t.

    1, 1982,

    p.

    135-136.

    6.

    Sur

    ette

    uestion,

    onsulter'articlee M.

    Schapiro,

    Theme f state

    nd

    themefaction

    ,

    Wordsnd

    ictures.

    n the

    iteral

    nd

    ymbolic

    n the

    llustration

    of

    a textLa

    Haye

    t

    Paris, 973,

    p.

    17-36.

    7. Pour neréflexionur esgestesuMoyen ge, oirJ.-Cl.chmitt,Ges-tus , « Gesticulatio. Contributionl'étudeuvocabulaireatinmédiévalesges-

    tes

    , Paris,

    981

    t

    du même

    uteur,

    a raison es

    gestes

    ans

    'Occident

    édiéval

    Paris,

    990.

    8.

    BarthélémyAnglais,

    e

    grand

    ropriétaire

    e touteshoses

    trad, e J.

    Cor-

    bichon, aris,

    556.

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    22/260

    16

    son

    observation

    st

    importante

    ar

    la

    préoccupation

    dont

    elle

    témoi-

    gne,

    d'établir une

    correspondance

    ntre

    un

    mouvement u

    corps

    et

    la

    fonction

    précise

    de ce

    mouvement.

    Une

    bouche

    ouverte

    n'est

    pas

    toujours,

    dans

    l'image,

    le

    signe

    d'une nature

    mauvaise ou

    d'intentions

    hostiles.

    Cette

    position

    peut

    être

    affectée u

    contraire

    'une

    valeur

    tout à

    fait

    opposée.

    Deux

    illus-

    trationsdu

    psautier

    de

    Saint-

    lban9,

    le

    montrent

    ien

    qui représen-

    tent

    e roi

    David

    adressantune

    louange

    à

    Dieu et

    dont

    la

    bouche

    est

    grande

    ouverte.

    Dans

    ces deux

    initiales

    historiées,

    e

    geste

    des

    mains

    est

    comparable

    celui de la

    bouche :

    elles sont

    ouvertes,

    endues

    vers

    Dieu, elles disent a mêmechose. Dans la première 'entreelles10,e

    psalmiste

    'adressedirectement

    Dieu

    debout en

    face

    de lui

    et le

    mou-

    vement

    de

    ses mains

    peut

    évoquer

    celui

    d'une

    personne

    cherchant

    persuader,

    convaincre. n

    revanche,

    ieu

    n'étant

    pas

    représenté

    ans

    la

    seconde11,

    e

    geste

    des

    mains et de

    la

    bouche

    dirigées

    vers e

    haut

    est

    davantage prière,

    nvocation.

    Alors

    qu'il

    invite

    tous les

    peuples

    à

    louer le

    Seigneur,

    eul

    David

    est

    peint

    la

    bouche

    ouverte,

    comme

    s'il

    s'agissait

    d'un

    signe qui

    en le

    distinguant

    es

    autres

    personnages,

    marquait

    sa

    supériorité...

    omme

    si,

    seul,

    il

    était

    habilité

    à

    acclamer

    Dieu

    par

    la

    parole,

    a

    louange

    des

    trois

    hommes n

    face

    de lui

    s'expri-

    mantuniquement ar le gestedes mains et de la tête evées. Le cœurdu

    psalmiste

    éborded'amour et de

    reconnaissance

    our

    Dieu

    et

    pour

    cette raison

    également,

    l

    ne

    peut

    garder

    a

    bouche

    fermée.

    Dans ces deux

    illustrations,

    'ouverture e

    la

    bouche

    paraît

    donc

    étroitement

    iée

    à la

    qualité

    extrême e

    la

    parole

    :

    si la

    communica-

    tion

    orale n'est

    pas

    forcément

    eprésentée

    ar

    une

    bouche

    ouverte

    t

    si,

    par

    conséquent,

    une bouche

    ferméene

    signifie

    pas

    toujours

    le

    silence,

    on doit bien

    admettre

    ue

    cette

    dernière

    position

    -

    la

    bou-

    che fermée

    -

    est finalement

    bâtarde dans

    l'image.

    Les

    artistes

    n'auraient-ils

    as

    insisté lors sur

    l'ouverture e la

    bouche

    pour

    signi-

    fier e

    caractère

    xceptionnel

    e

    ce

    qui

    la

    concerne

    une

    parole

    sainte

    mais aussi une certainequalité de silence?

    9. Ce manuscritu

    xne

    iècle ctuellementonservé

    Hildesheim

    probablement

    étéréalisé

    ar

    desmoines énédictins.e thèmee a

    parole ccupe

    ne

    place

    arti-

    culièrement

    mportante

    ans 'illustrationt notamment

    ans es

    nitiales

    istoriées.

    D'après

    .R. Dodwell

    ui

    a étudié

    iconographie

    u

    psautier,

    e

    contenue la

    règle

    bénédictine

    beaucoup

    nfluencée choix es

    mages

    saint enoît

    onsidéraita lan-

    gue, rgane

    ifficilementontrôlablet

    toujoursrêt provoquer

    a

    discorde,

    omme

    véritablement

    iabolique.

    our ette

    aison,

    e

    moine evait

    xprimer

    a

    soumission

    à Dieu

    par

    es œuvres

    lus ue par

    es

    paroles.

    Lepsautiere Saint-Albanst ifficile'accès,mais npeutonsultere fac-similépublié arO. Pacht,C.R.Dodwell t F. Wormald The aint lbans salterLon-

    dres,

    he

    Warburg

    nstitutef

    London,

    960.

    10. Fol.51b

    «

    Jeveux

    roclamer

    a

    Grandeur,

    eigneur(

    Ps

    29,

    2).

    11. Fol.

    55a

    «

    Tous es

    peuples,

    attez es

    mains,

    cclamez

    ieuen

    éclats e

    joie

    »

    (Ps.

    46,

    2).

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    23/260

    17

    Montrer a

    langue,

    tirer a

    langue

    Cette

    hypothèse

    emble se vérifier

    orsque

    Pon

    considère 'utili-

    sation d'un

    geste

    où la

    bouche

    s'impose

    davantage

    encore au

    regard,

    geste

    où le

    corps

    comme

    projeté

    à

    l'extérieur,

    e

    trouve en

    quelque

    sorte exhibé la

    langue

    tirée12.

    e

    geste

    est souvent

    figuré

    dans les

    images

    médiévales en

    signe

    de

    dérision,

    es

    juifs,

    es

    hérétiques

    irent

    la

    langue

    à un

    crucifix,

    oire à Dieu

    lui-même,

    otamment

    ans

    des

    scènes illustrant

    'Apocalypse13.

    l

    est

    plus surprenant

    e le

    retrou-

    ver

    dans

    un contexte ù il

    figure,

    u

    contraire,

    ne

    prière,

    ne

    louange

    adresséeà Dieu, comme au folio55 b du psautierde Saint-Albanpar

    exemple

    fig. 1).

    Cette

    image

    illustre e début

    du

    psaume

    44

    :

    «

    Je me

    sens bouillonnant

    'inspiration our

    e

    beau

    discours

    ue

    j'ai

    à faire

    je

    vais récitermon

    poème pour

    le roi.

    Je

    voudrais e faire

    avec

    autant d'art

    que

    le

    graveur uand

    il

    trace ses

    lettres

    (

    Ps

    44,

    3)

    Fig.

    1.

    Psautier

    e

    Saint-Alban

    xiic

    siècle,Hildesheim,

    fol.

    55B,

    Ps.

    44-2,

    nitiale .

    12. Sur ette

    uestion

    u

    corps

    ranchissant

    es

    propres

    imites,

    oir

    ouvrage

    e

    M.

    Bakthine,

    'œuvre e

    François

    abelais t a culture

    opulaire

    u

    Moyen

    ge

    et ous

    a Renaissance

    Paris,

    970

    ten

    particulier

    e

    chapitre

    'image

    rotesque

    u

    corps

    hez

    Rabelais

    t

    ses sources

    pp.

    319-336.

    13.Biblemoraliséee VienneVienne, s. 554, ol. 9,xme iècle « les rois

    et

    es

    princes

    i

    gabent

    or onfessors...t or

    fonta moe sont

    eprésentésar

    rois

    hommes

    ui

    tirenta

    langue

    deux

    eligieux.

    Biblemoralisée

    e

    Paris

    Paris, N,

    ms. lat.

    11560,

    ol.

    04,

    iiie

    iècle un

    uif

    tire a

    langue

    ans a direction'uncrucifix.

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    24/260

    18

    À

    l'intérieur e la lettre

    istoriée, avid,

    assis

    sur un

    trône,

    dési-

    gne

    d'une

    main

    sa

    langue

    tirée et tientde

    l'autre

    un

    stylet

    ans un

    geste ndiquant qu'il

    est

    prêt

    à écrire. Cette

    langue que

    le

    psalmiste

    ne

    peut

    contenir l'intérieur e sa bouche

    exprime

    a

    fébrilité,

    on

    enthousiasme

    elle a

    par conséquent

    une

    signification

    out

    à fait

    pro-

    che de la bouche

    grande

    ouverte

    dans les deux

    images

    déjà évoquées.

    Le

    sens

    du

    stylet

    enu

    dans

    la main

    est en

    revanche

    plus

    équivoque.

    Selon C.R.

    Dodwell,

    c'est

    en

    représentant

    u

    Christ

    que

    David

    dési-

    gne

    sa

    langue

    et

    en

    représentant

    es

    prophètes

    u'il

    tientun

    stylet14.

    Cette

    nterprétation

    st

    problable

    mais elle ne

    tient

    pas

    suffisamment

    comptedes problèmesde transposition u textebibliquedans le lan-

    gage figuré.

    n

    effet,

    e

    stylet voque-t-il

    niquement

    e

    geste

    de l'écri-

    ture en tant

    que

    tel ? N'est-il

    pas

    aussi la

    traduction n

    image

    du

    souhait

    de David de

    parler

    comme le

    graveur

    trace

    ses lettres La

    main

    qui désigne

    a

    langue

    tirée uraitdans ce

    cas

    pour

    fonction

    'éta-

    blir une sorte

    de lien entre a

    parole

    et l'écriture ce

    mouvement e

    l'index

    pointé

    sur

    la

    langue

    serait

    en

    quelque

    sorte e

    «

    comme

    »

    de

    la

    comparaison

    et

    tendrait

    faire de la

    parole

    un

    geste.

    La forme

    de

    la

    langue, organe

    de la

    parole,

    n'est

    d'ailleurs

    pas

    sans

    rappeler

    celle du

    stylet,

    nstrument

    e

    l'écriture. ans

    le

    cadre de

    cette

    nalyse,

    il importe galement e distinguerntre e geste qui est véritablement

    celui de tirer a

    langue

    et celui de montrer a

    langue

    tirée

    l'un,

    des-

    tiné à

    autrui,

    est

    agressif

    andis

    que

    l'autre,

    en

    quelque

    sorte inof-

    fensif,

    ttire

    u contraire 'attention ur celui

    qui l'accomplit.

    Et

    dans

    la

    figure

    1

    en

    effet,

    David commente ui-même a

    manière dont

    il

    s'adresse

    au

    Seigneur

    au

    moyen

    de sa

    main

    qui pointe

    sa

    langue

    et de celle

    qui

    tient e

    stylet,

    l montrecomment

    l

    parle

    à Dieu.

    Dans

    l'illustration

    'un

    passage

    du

    psaume

    68

    (fig. 2),

    le roi musi-

    cien

    est

    également

    eprésenté

    vec

    la

    langue qui

    sort de

    sa

    bouche

    :

    il

    implore

    e

    Seigneur

    plus qu'il

    ne lui

    adresse des

    louanges.

    «

    Réponds-moi,

    eigneur

    c'est

    Ta

    bonté

    qu'il

    me faut.

    Que

    Ton

    grandamourTe tourne vers moi. Ne Te détourneplus de moi, Ton

    serviteur15.

    14. C.R.

    Dodwell,

    op.

    cit.,

    p.

    234.

    15.Ps.

    68,

    17.

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    25/260

    19

    Fig.

    2. Psautier e Saint- lban XIIe iècle,Hildesheim,

    fol.

    61D,

    Ps.

    68-17,

    nitiale .

    Contrairement

    l'image précédente,

    e

    psalmiste

    ne montre

    pas

    sa

    langue

    tirée.

    Doit-on

    comprendre

    lors,

    qu'il

    tire

    a

    langue

    à Dieu ?

    Étant donné

    la nature

    du texte

    llustré,

    n ne saurait

    attribuer

    ne

    valeurnégative u comportement e David, mais isolé de son con-

    texte,

    l

    risquerait

    ortd'être mal

    interprété.

    ans

    cette

    mage,

    es

    dif-

    férentes

    rières

    dressées à

    Dieu

    sont

    autant de

    gestes accomplis

    en

    direction

    de Celui

    dont

    il

    souhaite être entendu. Le mouvement e

    la

    main droite

    qui

    cherche

    tourner a tête de Dieu dans sa direc-

    tion est

    l'expression orporelle

    de

    cet

    amour,

    de cette

    attention

    u'il

    lui demande.

    De

    même,

    'index

    pointé

    sur son

    oreille

    correspond

    u

    «

    réponds-moi

    du

    psaume,

    comme si du texte

    l'image,

    on

    passait

    de la

    parole

    à l'écoute.

    Et la

    parole

    de David

    elle-même,

    arce

    que

    prière,

    st

    représentée ar

    un

    geste

    la

    langue

    tirée.

    La

    mise en valeur

    visuelle

    de

    l'organe

    de la

    parole,

    autrement

    it

    la

    présence

    rès

    mar-

    quée du corpsdans l'image,veutprobablementraduire ci l'intensité

    de la

    requête

    et le désir

    d'être entendu.

    En

    ce

    sens,

    le

    geste

    du

    psal-

    miste

    ui

    cherche tourner

    a têtede Dieu dans sa direction it

    peut-

    être aussi

    :

    «

    Regarde

    la

    prière que je

    t'adresse.

    »

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    26/260

    20

    L'importance

    de relations omme

    «

    voir

    »,

    «

    regarder

    ,

    «

    indi-

    quer

    »

    pour

    la

    représentation

    e la

    parole

    se confirme

    ans

    d'autres

    images,

    en

    particulier

    ans les

    nombreuses

    llustrations

    u

    début du

    psaume

    38,

    Dixi custodiam Ce

    passage

    biblique présentait

    our

    les

    artistes

    eux

    difficultés

    mportantes

    t

    les solutions

    doptées permet-

    tent de

    mieux cernercertains

    problèmes

    propres

    à

    la

    figuration

    e

    la

    parole.

    D'une

    part,

    David affirme a volonté de

    garder

    e

    silence.

    La

    question

    se

    pose

    donc de

    «

    dire

    »

    un silence

    qui

    n'est

    pas

    une

    simple

    interruption

    e la

    parole

    mais une valeuren

    soi,

    alors

    même

    que

    dans

    l'image, la bouche ferméene correspondpas forcément u silence

    D'autre

    part, parole

    et

    silence sont intimement

    iés

    dans

    ce

    ver-

    set

    puisque

    David

    prend

    a

    parole

    «

    J'ai dit

    ») pour

    dire

    précisément

    qu'il

    veut

    garder

    e silence

    «

    je

    garderai

    ma

    route sans

    laisser ma

    langue s'égarer, e garderai

    à la bouche un

    bâillon

    »).

    Fig.

    3.

    Psautier

    e

    Saint-Alban

    XIIe

    iècle,

    Hildesheim,

    fol.

    53D,

    Ps.

    38-2,

    nitiale .

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    27/260

    21

    Dans

    l'initialehistoriée

    u

    psautier

    e Saint-Alban

    fig.

    3),

    David,

    assis

    sur son

    trône,

    montred'une

    main sa

    langue

    tirée

    à

    Dieu

    repré-

    senté

    dans

    la

    partie

    supérieure

    de

    l'image

    et,

    de

    l'autre,

    désigne

    le

    texte

    du début

    du

    psaume,

    celui

    précisément

    ui

    est illustré.

    l faut

    se

    demander

    i

    cette main

    qui

    pointe

    le texte n'a

    pas pour

    fonction

    de

    justifier,

    oire d'annuler

    a

    parole que

    pourrait voquer

    la

    langue

    tirée.

    La

    main montrerait

    a

    langue,

    la

    désignerait

    omme

    coupable

    à

    moins

    que

    cette dernière

    ne

    corresponde

    la

    premièrepartie

    du

    verset

    «

    j'ai

    dit

    »),

    et

    que

    la

    main

    désignant

    e début du

    psaume

    ne

    précise

    a nature

    des

    paroles

    prononcées.

    Mais l'index est

    dirigé

    vers

    le verbe « custodire (protéger/défendre/surveiller)t non vers le

    verbe

    dicere

    (dire/prononcer).

    ar

    ailleurs,

    es illustrations

    u Dixi

    custodiam

    David

    montre la fois sa

    langue

    et le

    texte,

    double

    geste

    qui

    le fait

    ci se contorsionner

    omme

    s'il était tiraillé ntre a

    parole

    et l'écriture

    ont,

    à notre

    connaissance,

    peu

    nombreuses.

    En

    ce

    sens,

    la valorisation

    visuelle

    de

    l'organe

    de

    la

    parole correspond

    plutôt

    à

    l'expression

    du silence16.

    a connotation

    positive

    de

    la

    bou-

    che

    ouverte

    dans

    l'image

    paraît

    même

    proportionnelle

    la mise en

    valeur du silence

    dans le texte

    le

    psalmiste

    ne souhaite

    pas

    seule-

    ment e

    taire en

    fermant a

    bouche,

    il

    veut

    garder

    «

    comme un bail-

    Ion sur la bouche ». L'image ne représente as ce bâillon auquel il

    est

    fait

    allusion,

    ni même une bouche

    fermée

    c'est

    bien une bouche

    ouverte

    t une

    langue

    tirée,

    endues

    ncore

    plus présentes ar

    un

    geste

    de

    désignation

    qui

    figurent

    e silence17

    Inscrire

    a

    parole

    dans

    l'image

    Mais le

    corps

    n'est

    pas toujours

    seul

    à

    montrer e

    la

    parole

    :

    dans certaines

    mages,

    l'écriture

    st

    également

    utilisée

    pour évoquer

    ce

    phénomène

    sonore.

    Au folio 51b du Psautier de Saint-Albanpar exemple fig. 4),

    le

    roi David

    représenté

    ux côtés

    d'un cerf

    à l'intérieur e la lettre

    «

    Q

    »,

    désigne

    d'une main cet animal et montrede l'autre le mot

    Quemadmodum

    qui reprend

    e

    début

    du texte

    llustré

    par

    l'initiale

    historiée18.

    16. Dans e Psautiere

    Stuttgart

    manuscritu

    xe

    iècle,

    n

    gestedentique

    st

    représenté

    our

    montrer

    e

    silence

    u

    psalmiste

    «

    Jen'ai

    pas

    encore

    rononcé

    n

    seulmot uetu saisdéjàtout e que e vaisdire (Ps 138, ) (fol. 53).17. Dans a plupartes llustrationsuDixiCustodiamleroiDavid ésignea

    boucheu sa

    langue

    irée.

    n

    revanche,

    es

    magesui

    e montrent

    achanta bouche

    de sa main ont elativement

    eu

    nombreuses.

    18.Ps.

    41,

    2 :

    «

    Comme

    anguit

    ne iche

    près

    es aux

    ives,

    insi

    anguit

    on

    âme vers

    oi,

    monDieu.

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    28/260

    22

    Fig.

    4.

    Psautier e Saint-Alban

    xiie

    siècle,Hildesheim,

    fol.

    154,

    Ps.

    41-2,

    nitiale

    .

    Formé de lettres

    lus petites ue

    celles

    de

    l'ensembledu

    psaume,

    ce mot est inscrit

    l'extérieur e

    l'espace

    de

    l'image

    et en retrait

    ar

    rapport

    au texte

    proprement

    dit.

    Cet

    emplacementquelque

    peu

    ambigu,

    entre

    exte t

    image,

    ces

    caractères ifférents

    ndiquent

    lai-

    rement e statutparticulier u motdésignépar David. Il ne constitue

    pas

    un des

    éléments

    u

    psaume

    figé

    sous la formede

    l'écriture

    mais

    en est

    plutôt

    'écho

    : le

    psaume

    est

    comme

    «

    visiblement

    prononcé

    sous nos

    yeux.

    Si

    la bouche de David est

    fermée,

    a

    tête

    tournée n

    direction

    e Dieu

    prouve qu'il

    s'adresse à lui. Et ce

    dernier 'entend

    bien,

    puisqu'il pose

    aussi Son

    regard

    ur Son serviteur. l

    se

    penche

    au-dessus

    de la lettre omme

    pour

    mieux le

    voir,

    c'est-à-dire

    pour

    mieux l'entendre.

    Quant

    au double

    geste

    de

    désignation

    u

    psalmiste,

    l

    montre

    ue

    le cerf

    représenté

    ans

    l'initiale

    n'est

    pas

    tant

    'expression

    du monde

    visible

    que

    celle

    du

    monde

    parlé19.

    Cet

    animal,

    en

    effet,

    n'a

    pas

    la

    mêmeréalité, a même qualité de présenceque le psalmiste il est

    19. Sur e contenuralde

    l'image

    u

    xiie

    iècle,

    oir

    'articlee M.

    Camille,

    «

    Seing

    nd

    reading.

    ome

    isual

    mplications

    fmedieval

    iteracy

    nd

    lliteracy

    ,

    Art

    History

    vol.

    ,

    1,

    mars

    985,

    p.

    26-49.

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    29/260

    23

    la

    transposition

    n

    figure, ransposition

    ittérale,

    'une

    partie

    de

    la

    prière

    dressée

    par

    David au

    Seigneur.

    l

    est

    le

    discours fait

    chair ou

    plus

    exactement,

    'est la

    parole qui,

    dans cette

    mage, prend

    corps.

    Il

    faut donc

    probablement

    raduire e

    geste

    du

    psalmiste

    par

    une

    phrase

    comme

    «

    Ce cerf

    que

    je

    montre,

    'est le cerf

    dont

    e parle,

    c'est

    le

    cerf dont ces mots

    parlent20.

    La

    parole peut

    être

    également représentée

    par

    des

    mots

    qui

    s'échappent

    d'une bouche

    ouverte.

    Il

    convient

    alors de

    s'interroger

    sur

    la fonctionde

    l'écriture sa

    présence

    au

    sein

    même de

    l'image

    est

    en effetrarement nodine.

    Dans une illustration e la vocation de Jérémie fig. 5), Dieu

    debout entre

    es

    deux

    branches

    de la

    lettre

    V

    »,

    bénit d'une main

    le

    prophète

    t

    tientde l'autre un

    phylactère

    ur

    lequel

    est

    inscrite

    a

    phrase Prophetam

    n

    gentibus

    dedi

    te. Cette

    phrase

    prononcée

    au

    moment ù Dieu choisit

    Jérémie

    omme

    prophète

    t

    il

    lui

    demande

    de

    répandre

    a

    parole

    à

    travers

    e

    monde,

    ui

    est en

    quelque

    sorte

    physi-

    quement

    dressée

    le

    phylactère,

    upport

    e la

    parole

    divine,

    n

    témoi-

    gne

    qui, depuis

    la main de

    Dieu,

    se déroule

    pour

    atteindre

    inalement

    le

    genou

    du

    prophète.

    l

    faut noter

    comment e

    phylactère

    asse

    sous

    l'initiale d'un mot

    signifiant

    ui-même

    paroles

    »

    (initiale

    «

    V

    »

    du

    mot Verba).Des relations omplexes 'établissent onc dans cetespace

    entre

    'écriture

    t

    les

    éléments

    figuratifs

    our

    montrer a

    parole.

    Jérémie e

    regardepas

    le

    phylactère

    il

    a la

    tête

    complètement

    renversée n arrière t

    ses

    yeux

    fixent

    ieu.

    Ses mains

    sont

    evées

    dans

    un

    geste

    à la fois

    d'adoration

    et

    d'imploration.

    Quant

    à sa

    bouche,

    elle

    est,

    comme ses

    yeux

    et

    ses

    mains,

    également

    dirigée

    vers

    e

    haut

    et

    surtout,

    rande

    uverte,

    lle

    laisse

    s'échapper

    rois

    A

    ».

    Au-dessus

    de la tête du

    prophète

    ont écrits

    es mots

    adressés

    à

    Dieu

    en

    guise

    de

    réponse

    Domine Deus

    21

    . On

    note

    aussi

    dans

    la

    partie

    supérieure

    de

    l'image, près

    de

    Dieu,

    un autre

    «

    A

    »

    surmontéd'un

    tilde.

    La manière ont

    sont

    nscrits es motset

    ces

    lettres

    articipe

    irec-

    tement la mise en scène de la parole. En effet, 'est par opposition

    au

    message

    divin

    transmis ous la forme

    du

    phylactère

    ue

    les

    mots

    sortant irectemente

    la bouche de

    Jérémie

    rennent

    ans cette

    mage

    toute eur

    valeur,

    et

    peuvent

    'entendre

    éritablement

    au

    sens

    pro-

    pre

    et

    figuré

    -

    comme

    paroles

    vives.

    Cette

    opposition

    phylac-

    tère/absence e

    phylactère

    ui

    signale

    deux

    types

    de

    parole

    est ren-

    20.

    S'inspirant

    robablement

    es

    Etymologies

    'Isidoree

    Seville,

    Jean

    e

    Salis-

    bury,

    ans e

    Metalogicus

    décrites

    ettres

    omme es

    formes

    ui

    représentent

    'une

    partavoix,td'autreart,esobjets u'ellesmènentlaconsciencear 'intermé-diaire esyeux. es ettresdisentsouventnsilenceediscourses bsentsLit-

    terae utemid est

    iguraerimo

    ocum

    ndices

    unt,

    einde

    erum

    quas

    nimae

    er

    oculorum

    enestras

    pponunt,

    t

    requenter

    bsentum

    icta ine

    oce

    oquuntur.

    Jean

    de

    Salisbury,

    etalogicus

    P.L.

    CXC1X,

    ol.

    840.)

    21.

    Jér.

    ,

    6.

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    30/260

    24

    Fig.

    5.

    Bible,

    xiie

    siècle,

    Cambridge, orpus

    Christi

    ollege,

    fol.

    196,

    nitiale .

    forcée

    par

    la différence

    'inscription

    u

    message

    divin

    t de la

    réponse

    du

    prophète.

    Bien

    qu'écrite

    verticalement,

    a

    parole

    adressée à

    Jéré-

    mie

    est

    plus

    facilement

    isible

    par

    un

    éventuel

    pectateur

    xtérieur

    la scèneque par son destinataire celui-ci stfiguré gauchede Dieu

    et du

    phylactère

    t les

    lettres

    e

    sont

    pas

    orientées

    ans sa

    direction

    mais vers a droite.Par

    ailleurs,

    a

    phraseProphetam

    n

    gentibus

    edi

    te

    se

    termine u niveau de la main de

    Dieu de telle

    sorte

    que

    les

    mots

  • 8/9/2019 Medievales - Nos 22-23-1992

    31/260

    25

    donnent

    'impression

    d'aller

    ou de retourner ers

    leur auteur

    plutôt

    que

    d'émaner

    de

    lui22.Cette

    phrase peut

    être

    appréhendée

    n un seul

    regard

    sans

    que

    l'œil ait à

    parcourir 'espace

    de

    l'image.

    Et si l'on

    dit

    parole,

    précisons

    lors

    qu'il s'agit

    d'une

    parole accomplie

    et non

    de son acte

    de naissance.

    Celles

    qui

    sont

    adresséesà

    Jérémie

    euvent

    certes,

    être

    datées

    avec

    précision23

    mais

    en même

    temps, parce

    qu'elles

    émanent

    de

    Dieu,

    elles

    ne

    prennent lace

    ni

    en un

    lieu,

    ni en

    un

    temps

    précis

    «

    Le verbe

    divin,

    ce n'est

    pas

    une

    suite

    de

    paroles

    où,

    l'une

    achevée,

    'autre ui

    succède,

    de

    façon

    qu'à

    la

    fin

    tout

    puisse

    être

    exprimé,

    mais tout

    est

    exprimé

    en même

    temps

    et

    éternellement24.La manièredont est inscrite a parole divine dans

    cette

    mage

    n'est

    pas

    sans

    rapport

    avec

    l'analyse

    de saint

    Augustin.

    Contrairement

    u

    message

    divin contenu et retenudans le

    plan

    du

    phylactère,

    a

    parole

    du

    prophète

    st en train de naître

    sous nos

    yeux

    elle évolue

    librement

    ans

    l'espace

    de

    l'image

    où elle

    semble

    flotter t avoir

    a

    légèreté

    'un

    souffle,

    insi

    la lettre

    A

    »

    qui, depuis

    la bouche

    de

    Jérémie,

    st

    parvenue usqu'à

    Dieu

    après

    avoir franchi

    l'obstacle

    de

    l'initiale

    « V

    ».

    L'idée d'acte

    de naissance

    de la

    parole

    est très

    mportante

    ans

    le début

    du

    livre de Jérémie.

    n

    effet,

    e dernier

    peur

    de la con-

    fianceque Dieu lui accorde et exprimesa crainte de ne pas savoir

    répandre

    a

    parole

    divine

    «

    Ah

    Seigneur

    Yahvé,

    je

    ne sais

    pas parler

    car

    je

    suis

    un enfant25.

    Dieu le

    rassure

    t lui

    répond

    «

    Ne

    dis

    pas,

    je

    suis

    un enfant ar vers tous

    ceux à

    qui je

    t'enverrai,

    u

    iras et tout

    ce

    que je

    commanderai,

    u le diras26. Il faut

    donc

    probablement

    considérer es

    «

    A

    »

    qui

    sortent e

    la

    bouche comme le

    démenti vi-

    dent et visible

    de la crainte du

    prophète

    et

    déjà,

    la

    preuve

    qu'au

    moment

    venu,

    comme Dieu

    le lui

    promet,

    l

    saura

    s'exprimer.

    Dans

    ce même ordre

    d'idée,

    on doit

    égalementpenser

    à

    la

    représentation

    d'une forme

    de balbutiement t

    d'apprentissage

    u

    langage.

    L'ouver