Les$cartes$mentales… · 2014. 10. 6. · +++++Jean&Yves+Bouton+ 4+...
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Les cartes mentales, un outil de connaissance des processus scriptu-‐raux à l’œuvre dans le cadre de l’écriture du commentaire littéraire Jean-‐Yves Bouton
Résumé Cet article dresse le bilan d’une expérimentation reposant sur l’introduction de cartes mentales numé-‐riques dans la didactique du commentaire littéraire en première technologique. Il s’appuie sur une réflexion sur l’écriture croisée avec les notions de brouillon, et, au-‐delà, d’artéfact : la carte mentale devient un outil de planification comportant les traces de l’activité de lecture pour rédiger un commentaire littéraire. Les élèves d’une classe de première technologique ont rédigé trois commentaires après avoir réalisé une carte mentale numérique. L’analyse porte sur l’aspect graphique et linguistique de dix-‐huit productions. Si l’analyse des données nous a permis de mesurer la distance entre les effets escomptés et les effets réels de l’introduction de cet artéfact, on peut se demander dans quelle mesure les cartes mentales ont aidé les élèves à améliorer leurs performances dans l’écriture du commentaire et quels éléments de connaissance, attendus ou inattendus, cette analyse a apportés.
Mots-‐clés cartes mentales, génétique textuelle, enseignement secondaire préuniversitaire, processus d’écriture, pla-‐nification ⇒ Titel, Lead und Schlüsselwörter auf Deutsch am Schluss des Artikels
Auteur Jean-‐Yves Bouton, Inspecteur d’académie, Inspecteur pédagogique régional, académie de Montpellier IUFM (ESPE) d’Aquitaine, Université Montesquieu Bordeaux 4, jean-‐yves.bouton@ac-‐montpellier.fr
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Les cartes mentales, un outil de connaissance des processus scriptu-‐raux à l’œuvre dans le cadre de l’écriture du commentaire littéraire Jean-‐Yves Bouton
Introduction « De même donc que la pédagogie fut inventée par les Grecs (paideia), au moment de l’invention et de la propagation de l’écriture, de même qu’elle se transforma quand émergea l’imprimerie, à la Renaissance, de Lire et écrire sont deux activités enlacées, en quelque sorte, difficiles à réaliser dans un même temps, mais le système scolaire français, à travers le commentaire littéraire, en fait une épreuve certificative du bacca-‐lauréat. Or, depuis près de deux décennies, les nouvelles technologies tendent à irriguer la didactique et la pédagogie dans le secondaire. Pour autant, le commentaire littéraire n’a pas fait l’objet d’un intérêt parti-‐culier de la part des concepteurs de ressources numériques, surtout en ce qui concerne son élaboration. C’est dans ce contexte un peu particulier que cette expérimentation a vu le jour, à la suite d’une recherche initiée par l’INRP sur la question des supports d’écriture. Nous nous sommes donc demandé si les logiciels de cartes mentales ou heuristiques pouvaient se révéler des outils intéressants dans la démarche du com-‐mentaire ; il fallait alors les tester pour voir s’ils pouvaient apporter une aide efficace dans la lecture du texte et l’écriture du commentaire littéraire.
La présente communication rendra compte, assez rapidement il est vrai, de quelques résultats significatifs de cette recherche. L’hypothèse qui la sous-‐tend est que par leur introduction dans le commentaire, comme formes de brouillons (Boré, 2000), ces cartes numériques encouragent la lecture interprétative des élèves et, comme artéfacts (Rabardel, 1995) susceptibles de favoriser la planification, elles améliorent leurs performances scripturales (Schneuwly, 2008). Dans cette contribution, nous procèderons en trois temps : dans un premier temps, nous présenterons le commentaire littéraire et les cartes mentales, en les mettant en perspective avec les éléments théoriques et scientifiques qui nous ont permis de réaliser et exploiter cette expérimentation. Dans un second temps, relativement bref, nous ferons un compte-‐rendu du proto-‐cole et de la méthodologie que nous avons arrêtés avant de révéler les aspects et les résultats les plus significatifs que nous avons tirés du corpus.
1. Ancrage théorique
1.1 Le commentaire littéraire dans l’enseignement secondaire français
Dans l’enseignement secondaire français, le commentaire littéraire est un exercice scolaire à l’occasion duquel un élève doit rendre compte dans un texte cohérent d’une lecture personnelle d’un texte littéraire issu d’un corpus, en relation avec un programme national. L’essai produit par l’élève doit être organisé selon des axes d’analyse qui permettent de répondre à une problématique, même si le texte officiel reste volontairement vague sur le sens à donner au mot organisation (DEGESCO, MEN, 2006). Des attentes for-‐melles conditionnent le commentaire littéraire : elles sont contraignantes et sources de difficultés pour bien des élèves : logique argumentative, citation du texte source, selon des conventions apprises en classe, justification de l’interprétation donnée étayée par des connaissances littéraires, stylistiques et grammati-‐cales. C’est donc un exercice polyphonique délicat, très formalisé, même si les instructions officielles res-‐tent évasives ? à cet égard. Le risque de paraphrase est important, et généralement sévèrement sanctionné par les enseignants dans le cadre des évaluations formatives et, sans doute, dans le cadre de l’examen terminal (Veck, 1988).
Dans ce contexte, le texte produit par l’élève et/ou candidat est en quelque sorte un compromis entre la réception d’un sujet-‐lecteur qui doit d’abord faire l’équilibre entre des connaissances et des normes ac-‐quises au cours de sa formation et une approche plus personnelle et subjective, immédiate et instantanée, peut-‐être moins scolaire, de sa lecture : on voit combien l’actualisation du texte par le lecteur risque d’être bridée. De plus, les contraintes formelles du texte à produire entrent nécessairement en tension avec la réception du texte source si bien que le vouloir-‐dire ne correspondra pas nécessairement à l’écrit produit par un sujet-‐scripteur aux prises avec des difficultés linguistiques parfois importantes, ce que les sujets
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verbalisent parfois par un « mais pour moi, ça veut dire… » qui révèle une difficulté à mettre en mots la pensée dans un exercice où ce sont précisément le langage et les discours qui nourrissent la pensée. L’activité d’actualisation du texte peut en outre se limiter à une forme de paraphrase dans laquelle l’élève se redit, en quelque sorte, le texte pour en vérifier la compréhension, la détextualisation (Daunay, 2004 a). Enfin, l’organisation même de la macrostructure de l’écrit est un écueil supplémentaire sur lequel butent les sujets dont les performances scripturales sont faibles.
Dans ces conditions, nous avons émis l’hypothèse que les cartes mentales numériques, outils communé-‐ment qualifiés de « remue-‐méninge » peuvent non seulement laisser une certaine liberté à la subjectivité des lecteurs mais aussi, par leur conception même, faciliter les interventions sur la macrostructure de l’écrit. Elles seraient à même d’améliorer les performances scripturales, voire de faciliter la réception litté-‐raire dans un espace de brouillonnage personnel, et de favoriser les opérations de planification selon les travaux de Hayes et Flower1 : d’une part en libérant partiellement le scripteur des contraintes formelles liées à l’exercice, d’autre part en jouant un rôle plus ou moins important dans le travail de la macrostruc-‐ture. Mais avant de revenir rapidement sur les notions de brouillon et de planification, qui permettront de mettre ces travaux en perspective, il convient de définir rapidement les cartes mentales numériques.
1.2 Les cartes mentales numériques
Les cartes mentales sont des outils combinant et mêlant graphisme et productions langagières dans une organisation spatiale qui échappe partiellement à la linéarisation du texte écrit. Elles permettent au sujet de créer des étiquettes ou bulles (appelées sujet, concept ou nœud selon les logiciels) contenant principale-‐ment des éléments de langage. On peut les relier entre elles par des traits ou flèches dans un système de relations qui est établi par le sujet.
Quatre adjectifs permettent généralement de caractériser ces outils : on parle de cartes mentales, cogni-‐tives, conceptuelles et heuristiques mais ces différents aspects sont poreux entre eux. Ces syntagmes sont des traductions du concept ou mind map ou sur lesquels il n’y a pas consensus (Brodin, 2006 A). Elisabeth Brodin rejette l’adjectif mental qui lui parait « introduire un amalgame trop rapide avec l’images mentales » et retient les termes cognitif et heuristique en référence à une démarche actionnelle du sujet. Malgré ces réserves, il nous a paru pertinent de privilégier l’expression carte mentale, dans le sens en référence à toutes sortes d’opérations mentales produites par un utilisateur dans un contexte numérique précis. Dans le domaine de l’écrit, cette auteure définit la carte cognitive comme un espace d’interaction « entre un lecteur et un texte-‐objet d’étude reconceptualisé par le biais d’une modélisation et d’une formalisation graphiques2. » Notre démarche a donc été d’introduire les cartes numériques dans la phase de planifica-‐tion d’un texte de commentaire.
Nous entendons planification comme la projection que se fait le scripteur d’une sorte d’image de ce que doit être le texte à produire, comprenant les contraintes d’écriture, la forme définitive que doit prendre l’écrit, le genre dans lequel il s’inscrit, le destinataire, les ressources dont il peut avoir besoin (méthodes et connaissances) au cours du processus etc. Elle ne fait pas forcément l’objet d’une trace écrite et peut inter-‐venir au cours de la mise en texte. (Reuter, 1996-‐2000)
Dans l’écriture du commentaire littéraire, les logiciels de cartes mentales devraient permettre précisément de donner un éclairage sur le texte à produire : en précédant l’écriture définitive du commentaire, les écrits ainsi produits sous forme de structure éclatée devraient conduire les élèves à prendre en compte les élé-‐ments de planification nécessaires : un écrit polyphonique faisant dialoguer le texte de l’auteur et le texte du lecteur ; un écrit structuré composé de parties distinctes ; un écrit rendant compte de méthodes et de ressources indispensables à l’analyse du texte source consistant en connaissances linguistiques et litté-‐raires ; un écrit produit sur un support informatique, à l’aide d’un logiciel d’utilisation simple. Les éléments langagiers ainsi produits devraient irriguer le texte définitif ou, plus précisément, une ébauche linéarisée du texte définitif. Nous pourrions alors identifier dans le commentaire, par comparaison, la trace de ces opéra-‐tions de planification. Nous avons donc formulé l’hypothèse que cet espace d’interactions entre le texte
1 Cité par Yves Reuter (Reuter, 1996-‐2000) 2 Op. cit.
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littéraire et le scripteur pourrait se substituer, dans l’écriture du commentaire, au brouillon, objet sur le-‐quel il faut désormais revenir.
1.3 Les cartes mentales comme formes de brouillon
Malgré les difficultés de l’exercice du commentaire littéraire, de nombreux élèves qui choisissent cet exer-‐cice en priorité lors des épreuves du bac3, tendent à se lancer dans une écriture « directe », en passant par un travail de brouillon insuffisant voire inexistant. Nous avons donc utilisé les cartes mentales comme formes de brouillon, à savoir comme des supports pouvant recevoir et mémoriser des traces de l’activité de lecture et d’écriture, de planification de l’écrit, comme un texte second produit par un sujet au sujet d’un texte littéraire (Boré, 2000) (Boré, 2004) et nous empruntons à Alcorta la distinction entre brouillon ins-‐trumental et brouillon linéaire (Alcorta, 1998), même si cette distinction semble liée autant à la nature de l’écrit à produire qu’aux traces de développement psychologique. La carte mentale est pensée, dans ce contexte, comme une sorte de brouillon outillant. Ces formes de brouillon comportant des traces de texte ou des éléments d’un texte second parcellaire et fragmentaire, il est possible de s’appuyer sur les travaux de la génétique du texte (Grésillon, 2006) de manière, d’une part, à mieux caractériser les modifications opérées entre la création de la carte mentale et la production définitive, d’autre part, d’observer les tra-‐vaux produits à la lumière de la classification en scripteur à processus et scripteur à programme. Les tra-‐vaux de la critique génétique ont permis de comprendre, à travers l’analyse des brouillons et manuscrits d’écrivain, les manières d’opérer dans l’écriture. Les scripteurs à programme et les scripteurs à processus désigneraient deux pôles dans ces manières de faire : les premiers préparent longuement l’écriture par des opérations de planification qui la précèdent tandis que les seconds tendent à mener dans le même temps planification et mise en texte, ces deux opérations se nourrissant l’une et l’autre. Pour Fabre-‐Cols, l’introduction de la critique génétique dans le champ de la didactique doit améliorer la connaissance des scripteurs novices (Fabre-‐Cols, 2004).
Ainsi, la mise sous forme linéaire d’éléments de texte apparaissant sous forme tabulaire éclatée, les ajouts et suppressions opérées, et le développement d’unités linguistiques isolées en paragraphes fortement marqués par la syntaxe ont fait l’objet d’une attention particulière dans l’analyse des données. Il était bien question d’introduire un avatar du brouillon, à travers la carte mentale, dans le processus d’écriture afin de modifier ou améliorer des stratégies d’écriture. Nous entendons stratégies comme des manières cons-‐cientes et intentionnelles d’opérer des choix dans le processus d’écriture. La question se pose de savoir comment les élèves opèrent quand ils s’approprient l’usage des cartes mentales. Nous nous sommes alors tourné vers les travaux de Rabardel sur l’outil (Rabardel, 1995), l’artéfact et l’instrument qui ont fourni une grille de lecture particulièrement efficace. Le brouillon, en effet, dans la genèse instrumentale, est un sup-‐port qui est transformé par l’action du sujet et qui modifie l’activité du sujet.
1.4 Les cartes mentales comme artéfacts
Le concept d’artéfact est emprunté directement aux travaux de Rabardel sur l’outil. La distinction qu’il opère entre outil, instrument et artéfact, d’une part, et instrumentation et instrumentalisation d’autre part (Rabardel, 1995), semble pertinente pour analyser les travaux réalisés par les élèves. L’artéfact s’entend ici comme un « objet numérique » réalisé par un concepteur pour répondre à certaines tâches. Dans ce con-‐texte, il apparait que les cartes mentales numériques sont des artéfacts numériques conçus pour remplir des tâches heuristiques de réflexion et d’organisation.
Le second point intéressant est celui de l’instrumentation et de l’instrumentalisation. La réalisation d’un artéfact suppose des manipulations dans des objectifs précis, selon des schèmes d’utilisation donnés : c’est l’instrumentation. Ensuite, les schèmes d’utilisation singuliers que le sujet met en œuvre pour utiliser l’artéfact sont définis par Rabardel comme « instrumentalisation ». L’instrumentalisation pertinente de l’artéfact en fait alors un instrument. En revanche, si l’utilisateur se sert de l’artéfact dans des schèmes différents de ceux de l’instrumentation, on parle alors de catachrèse. Ainsi, la question était de mesurer comment les élèves utilisaient l’artéfact numérique « carte mentale » pour réaliser leur tâche d’écriture. En d’autres termes, il s’agissait d’évaluer l’instrumentalisation qui était faite du logiciel.
3 Les deux tiers selon nos observations empiriques
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Ces questions sur l’outil et l’artéfact incitent à pousser plus loin la notion d’« artéfact ». Le commentaire littéraire est, en quelque sorte, un artéfact didactique établi par la tradition universitaire et scolaire pour rendre compte de la lecture d’un texte : les outils linguistiques et stylistiques qu’a utilisés l’auteur, plus ou moins consciemment, pour écrire un texte littéraire, seront les mêmes outils que le lecteur-‐élève ou étu-‐diant tentera d’identifier pour lire le texte « littérairement », c’est-‐à-‐dire, dans une perspective de compré-‐hension et d’interprétation. Il permet d’agir sur le texte source pour en transformer la réception en texte actualisé par le lecteur-‐scripteur, à des fins d’apprentissage. On parlera alors d’artéfact didactique. Certes, loin de nous la volonté de réduire à des outils, des artéfacts et des instruments la littérature, mais cette grille permet d’envisager la possibilité que l’échec des élèves provienne d’un conflit dans la genèse instru-‐mentale (Marquet, 2005) et non pas seulement et nécessairement d’un défaut de compréhension.
Maintenant que l’expérimentation est théoriquement située, en voici, brossée à traits rapides, la méthodo-‐logie.
2. Méthodologie et protocole L’expérimentation a été menée pendant une année scolaire, bien que plusieurs expériences l’aient précé-‐dée dans le cadre de la recherche de l’INRP. Ces dernières avaient un statut exploratoire. Elles ont ainsi permis d’affiner le protocole expérimental et de choisir les logiciels que nous nous proposons de présenter.
2.1 Choix des logiciels
Un grand nombre de logiciels est disponible sur le marché mais, le choix s’est porté sur deux programmes gratuits, Xmind et CMAP. Il s’agit de deux logiciels qui permettent d’effectuer des cartes de. Ils sont néan-‐moins très différents tant sur le plan technique que sur le plan conceptuel. Nous avons formulé l’hypothèse que ces logiciels offraient un espace d’analyse du texte littéraire stimulant, susceptible de recueillir un cer-‐tain nombre d’idées, des impressions sur le texte, qu’il était facile, par la suite, de reconfigurer, afin d’obtenir un texte second.
2.1.1 Xmind : un outil de développement centrifuge
Pour Xmind, le principe technique du logiciel est simple : au centre d’une page/bureau apparait un « sujet central » à partir et autour duquel vont se développer des étiquettes reliées par des flèches (carte 1). Chaque étiquette, selon son niveau, contient par défaut le texte « sujet central », « sujet principal n » ou « sous-‐sujet n » ; elle est numérotée (n) dans l’ordre de sa création. Par défaut, l’orientation de ces déve-‐loppements est latérale, de la gauche vers la droite, mais il est possible de paramétrer le logiciel pour modi-‐fier cette configuration. En conséquence, ce logiciel contraint l’utilisateur à produire des éléments de lan-‐gage (ou des éléments multimédias, des graphismes…) dans un mouvement centrifuge qui part du centre vers l’extérieur, plutôt vers la droite, selon une hiérarchie en deux dimensions : verticalité pour les relations « sœurs », horizontalité pour les relations de filiation4. Nous pouvons ainsi visuellement suivre un chemine-‐ment associatif de mise en relation de mots.
Carte 1
4 Notons qu’on peut créer un sujet « parent » au-‐dessus d’un sous-‐sujet déjà créé.
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2.1.2 CMAP : une modélisation très limitée
Le logiciel « CMAP » obéit à une tout autre logique. Contrairement au précédent, qui inscrit l’activité du sujet dans un processus structurant et modélisant, le libérant en même temps d’opérations cognitives qui peuvent se révéler couteuses, ce logiciel laisse davantage d’opérations à l’initiative de l’utilisateur. A l’ouverture du programme, le bureau, matérialisé par un espace blanc, est vide, à l’exception d’un message grisé invitant à créer un concept : « Double-‐cliquer pour créer un concept ». La première étiquette qui sera générée par le sujet se matérialisera, si l’on peut dire, à l’endroit précis du bureau où se situe le curseur de la souris, et non pas spécialement au milieu du bureau. Aucune règle logicielle ne régit leur place ou leur niveau hiérarchique (carte 2). Ainsi, l’utilisateur est libre de mettre ou non en relation les unes avec les autres ses étiquettes, de croiser les relations par la possibilité de multiplier les liens ou de faire apparaitre des flèches séparées des bulles ; il est libre aussi de les disposer à l’endroit qui lui convient, quitte à les dé-‐placer par la suite d’un simple mouvement de souris. En revanche, cette liberté peut devenir un obstacle dans la mesure où elle induit un plus grand nombre d’opérations cognitives dans l’activité du sujet5.
Carte 2
Notons enfin que les étiquettes des deux logiciels peuvent contenir différents médias : image, icône pour séquence audio, lien hypertexte vers des fichiers, vers d’autres cartes ou encore vers l’Internet. Nous re-‐viendrons plus en détail sur les aspects graphiques de ces deux logiciels dans la présentation des modifica-‐tions et des interactions réalisées sur les cartes par les élèves. Mais avant cette étape, il est nécessaire de présenter rapidement le protocole qui a guidé cette recherche.
2.2 Présentation du protocole et de la méthodologie
2.2.1 Temps et durée, lieu, matériels et supports
Le groupe qui a pris part à l’expérimentation est constitué de 29 élèves de première technologique6. Après une période d’appropriation des logiciels par différents types d’activités de classe (prise de notes par un secrétaire de séance pendant la lecture analytique, analyse de questions sur les textes visant à préparer la présentation orale des textes lors de l’examen7, organisation des idées recueillies sous forme de plan dé-‐ 5 Au terme de l’expérimentation, nous avons mené un sondage qui a révélé qu’une majorité des élèves avait préféré le logi-‐ciel Xmind qui leur semblait plus facile à utiliser pour organiser leur pensée. 6 Sciences et technologies industrielles du développement durable : cette série procède de la fusion de plusieurs sections industrielles (mécanique, génie électrique, génie électronique…). 7 L’épreuve de français du baccalauréat est constituée d’un écrit et d’un oral à l’occasion duquel les candidats doivent ré-‐pondre de manière argumentée à une question d’analyse posée sur un texte au programme.
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taillé), les élèves sont mis dans trois situations d’écriture différentes à partir d’un texte littéraire qui figure au programme d’étude élaboré par l’enseignant8 présent dans la salle ; les textes sont à la disposition des élèves sous format papier et format électronique, sur le réseau pédagogique. Chaque expérimentation dure deux heures ; elles ont lieuà quelques mois d’intervalle (décembre, février et mai). Chaque élève dis-‐pose d’un ordinateur de bureau sur lequel sont installés les logiciels. Il doit enregistrer ses travaux, une carte mentale et un commentaire au format électronique, à l’issue de chaque expérimentation, sur le ré-‐seau pédagogique. Présentons désormais le détail des trois situations, que nous synthétisons dans le ta-‐bleau 1.
Situation 1 : A partir d’une scène de Dom Juan, étudiée alors en œuvre intégrale, les élèves doivent produire une carte mentale dans laquelle ils développeront l’un des deux axes proposés. Cette scène n’a pas fait l’objet d’une analyse préalable en classe. La carte mentale électronique servira à l’écriture d’un commen-‐taire partiel. On cherche dans ce premier temps à voir comment le logiciel sera utilisé, notamment pour établir la macrostructure du commentaire. On comparera ensuite les éléments textuels de la carte avec les commentaires rédigés au format open office. On utilise le logiciel X mind qui a été souvent utilisé pour limi-‐ter la surcharge cognitive.
Situation 2 : les élèves procèdent à la rédaction du commentaire littéraire d’un extrait de la pièce d’Augusto Manet, Quand deux dictateurs se rencontrent. Ce travail sera évalué et noté, contrairement au précédent. Deux axes d’analyse sont proposés par l’enseignant ; la préparation peut se faire à l’aide d’un brouillon papier ou du logiciel Xmind dont la manipulation est désormais maitrisée. Au terme de l’expérimentation, les sujets doivent enregistrer sur le réseau le commentaire complet et, pour ceux qui en auront fait le choix, la carte mentale qui aura précédé la rédaction. On cherche à identifier les performances de lecture à travers la qualité de l’interprétation et la capacité à exploiter la carte mentale dans le texte linéaire. A ce moment, on a appris à transférer très simplement le contenu de la carte au format texte. Enfin, par l’introduction d’une dimension évaluative, on engage les élèves à choisir l’artéfact (brouillon papier, carte mentale) qui leur semble le plus pertinent pour la réussite de l’exercice.
Situation 3 : les élèves réalisent un commentaire du poème de Valéry Larbaud « l’ancienne gare de Ca-‐hors » ; ils doivent, pour ce faire, répondre à une question ; ils disposent du logiciel Cmap pour produire une carte mentale qu’ils doivent enregistrer sur le réseau, avec leur commentaire, en fin de séance. Nous cher-‐chons à voir comment les élèves construisent leur interprétation sans le recours à l’organisation automa-‐tique de X mind. La nécessité de devoir prendre plus d’initiative dans la construction de la carte nous a semblé plus pertinente en fin de protocole.
Tableau 1 : Tableau récapitulatif de la démarche de recherche
Situations d’écriture
Logiciels Productions at-‐tendues
Matériel Evaluations
Situation d’écriture 1
Carte mentale obligatoire Xmind
Axe de commen-‐taire rédigé à partir des indica-‐tions de la con-‐signe
Texte support : Molière, Dom Juan, IV, 3
Pas d’évaluation notée du commentaire
Situation d’écriture 2
Carte mentale facultative Xmind
Commentaire complet à partir de deux axes donnés
Texte support : Eduardo Manet, Quand deux dic-‐tateurs se rencon-‐trent
Evaluation notée du commentaire
8 Notre expérimentation s’inscrivant dans un contexte professionnalisant (Master recherche en didactique disciplinaire), nous étions à la fois enseignant et chercheur.
Jean-‐Yves Bouton 8
Situation d’écriture 3
Carte mentale obligatoire CMAP
Commentaire complet à partir d’une question
Texte support : Valéry Larbaud, « l’ancienne gare de Cahors »
Pas d’évaluation notée du commentaire
2.3 Analyse des données recueillies
2.3.1 Types de données recueillies
Les données recueillies tout au long de l’année, au-‐delà des trois situations d’écriture, sont hétérogènes : un test de lecture, différents travaux d’écriture, des questionnaires sur la lecture et l’écriture, conçus pour caractériser le rapport de ces élèves à la lecture et l’écriture (Barré De Miniac, 2000), des questionnaires sur les expérimentations et les logiciels utilisés, des entretiens réalisés au cours des expérimentations, des cartes mentales et des textes de commentaire. Ces différents éléments doivent permettre de dégager les caractéristiques générales du corpus, et, d’analyser plus finement, en second lieu, les productions d’un nombre restreint d’élèves.
2.3.2 Analyses envisagées
Nous ne rendons compte ici que de l’analyse des cartes mentales et des commentaires produits dans ces trois situations d’écriture. Le contexte exploratoire de cette expérimentation rend nécessaire de définir en amont des critères d’analyse pertinents. L’exploitation des cartes mentales comme artéfact offrant un espace de configuration spatiale d’un texte à produire a conduit à retenir trois critères : il s’agit de caracté-‐riser les aspects graphiques des cartes, la nature des éléments verbaux produits par les élèves dans la carte et le commentaire, et les éléments susceptibles de témoigner de la genèse expérimentale dans laquelle étaient engagés les sujets.
2.3.3Dimension graphique
Il s’agit de tous les aspects graphiques qui résultent des interventions des sujets : choix des couleurs, des icônes, modifications sur la charte graphique par défaut, utilisation d’artéfacts intermédiaires (flèches, accolades) permettant de transformer les cartes et de les personnaliser. Cette dimension affecte aussi la répartition des étiquettes dans l’espace de la carte mentale, surtout celles qui sont obtenues avec le logiciel CMAP qui laisse une grande liberté aux utilisateurs.
2.3.4 Dimension instrumentale
Elle concerne avant tout la capacité des élèves à instrumentaliser la carte dans le cadre de l’écriture d’un commentaire : il s’agit alors d’observer si les choix des élèves permettaient d’en faire un outil pertinent de planification ou si, au contraire, il forme un obstacle à la planification et à l’écriture du commentaire. On observe alors, par exemple, le nombre et la nature des étiquettes produites par les sujets, et les différences entre les trois expérimentations. La mise en relation de certains éléments linguistiques, comme la réparti-‐tion des unités de langage en niveaux plus ou moins profonds de macrostructure plus ou moins hiérarchi-‐sés tient à la fois des trois dimensions : graphique, instrumentale et linguistique.
2.3.5 Dimension: unités maximales et unités minimales
La dernière dimension qui a fait l’objet de l’analyse est mise en perspective par les précédentes. Il s’agit de la dimension linguistique. Comme il s’agissait d’une recherche expérimentale, et que les cartes mentales numériques incitent à produire des éléments langagiers contenus dans des espaces fermés, nous avons dû forger un outil de classification original. Notre choix méthodologique a été de distinguer le contenu des étiquettes en deux grands ensembles que nous définissons prudemment d’unités minimales et d’unités maximales en nous appuyant avant tout sur des caractéristiques descriptives. Nous n’entendons pas le terme d’unité comme un élément entrant dans la production du langage verbal (sème, graphème et mor-‐phème), mais comme des espaces délimités par un phylactère expansible. Il s’agit, pour être précis et simple à la fois, de déterminer le type de matériel linguistique qui est compris dans les unités fermées que
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sont les étiquettes ou bulles. Ce que nous désignons par unités maximales comprend des formes linguis-‐tiques marquées par la syntaxe, depuis des syntagmes nominaux pléthoriques obtenus, par exemple, par la succession d’expansions jusqu’aux phrases complètes. Les citations d’auteurs sont observées sous un autre angle puisqu’elles ne relèvent pas d’une production de l’élève. Les unités minimales comprennent au con-‐traire un à deux mots, généralement un nom qui renvoie à une idée ou à un élément de savoir présent dans la mémoire à long terme, bref à des éléments langagiers qui sont en lien avec la lecture de l’élève, et qui reflètent plutôt l’activité du sujet-‐lecteur que celle du sujet-‐scripteur : elles semblent jouer le rôle de la note mise en marge du texte au format papier. Nous avons émis l’hypothèse que le rapport entre unités maxi-‐males et unités minimales pouvait être le signe d’un état de conceptualisation du discours. En d’autres termes, il semblerait que la production d’unités minimales soit le fruit de procédures conduisant, par la nécessité de gagner du temps, à indexer par un mot un élément qui sera développé, au besoin, dans le travail d’écriture, et par voie de conséquence, à mener un travail plus important de conceptualisation : l’unité maximale renvoie davantage au concret d’une situation prise dans les textes alors que l’unité mini-‐male est très souvent la marque d’une idée abstraite.
Mais l’analyse ne se limite à ce seul aspect. Le logiciel MEDITE9 conçu par une équipe de l’ITEM10 permet de comparer la transformation linguistique opérée entre deux versions d’un texte: « Le logiciel que nous avons conçu, MEDITE, mime les opérations exécutées à la main par le philologue qui compare des textes. Autrement dit, il reconstitue automatiquement la séquence temporelle des corrections, adjonctions et ratures opérées par l’auteur sur son manuscrit à partir de la comparaison de deux états de ce même ma-‐nuscrit » (Fenoglio, Lebrave & Ganascia, 2007). Nous l’avons donc utilisé en considérant la carter et le commentaire comme deux versions d’un même texteafin d’identifier le matériau employé pour relier entre elles les différentes étiquettes, pour mettre en syntagmes des unités minimales, pour introduire les cita-‐tions des auteurs sélectionnés, pour comparer les choix et les transformations opérées sur la macrostruc-‐ture…
3. Quelques éléments d’analyse Le corpus a permis de croiser les données et d’isoler un panel de six élèves qui répondaient à des critères de classement précis (rapport à l’écriture et niveau de performance) et qui avaient suivi tout le processus expérimental.
3.1 Des traces d’instrumentalisation des artéfacts numériques
Les premiers constats que nous avons pu faire concernent avant tout la dimension graphique. Les sup-‐ports et les conditions matérielles de l’écriture tendent à influencer les choix opérés par les scripteurs, a fortiori, un artéfact numérique incite l’utilisateur à s’inscrire dans son instrumentation. Le logiciel Xmind, par exemple, influence et modélise l’activité des sujets. Pourtant, selon ce qu’ils jugent nécessaire pour préparer l’écriture du commentaire, il semblerait que les élèves montrent des capacités à agir sur l’utilisation courante des logiciels, soit en recourant, dans la genèse instrumentale, à des éléments secon-‐daires que l’on ne peut obtenir qu’à condition d’ouvrir un menu secondaire (icônes, flèches…), soit en agis-‐sant à rebours de la configuration spatiale induite par le logiciel. . Dans le cas d’Xmind, les choix sont avant tout ceux des couleurs et des icônes que les élèves rajoutent, mais le cas le plus frappant est celui d’un sujet (carte 3) qui modifie la force centrifuge du logiciel pour recentrer vers le noyau de la carte les éti-‐quettes qu’il a produites.
9 Logiciel de comparaison de versions développé dans le cadre du programme Société de l'Information par Irène Fenoglio et Jean-‐Gabriel Ganascia. 10 Institut des textes et des manuscrits modernes (http://www.item.ens.fr/)
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Carte 3
Il use alors de nouvelles flèches, qui ne sont pas des lignes de relation par défaut, mais des éléments que nous considérons comme artéfacts intermédiaires et qui sont disponibles via la barre de menu ou le menu intertextuel obtenu par le clic droit de la souris. Un autre exemple, tout aussi significatif, montre qu’un élève met en relation l’orientation de la carte Xmind avec sa façon d’envisager l’analyse de texte (figure 1) : il s’agit d’un mouvement en profondeur qui se traduit sur la carte par la modification de l’orientation des développements : on voit sur le document suivant que la disposition verticale entre en résonnance avec l’idée de creuser qui abonde son propos.
P. Pourquoi t’as changé la configuration ? K. Je trouve que c’est plus structuré / que c’est plus facile de reprendre les idées/ on voit différents stades// on descend en approfondissant. P. Tu fais un lien entre approfondir et descendre ? Dans ce cas/ oui / on approfondit au fur et à mesure. [K. fait le geste de creuser en même temps qu’il parle.]
Figure 1
Le fait que le sujet utilise le menu du logiciel pour modifier l’orientation de la carte n’est pas dû au hasard, mais est bien le produit d’un choix délibéré et conscient dans lequel l’artéfact s’adapte selon des schèmes d’utilisation personnels. Un autre cas intéressant d’utilisation de l’artéfact est celui d’un sujet qui classe ses étiquettes non pas comme on pourrait s’y attendre, en fonction de la macrostructure inférée par la produc-‐tion finale d’un commentaire, mais selon la nature des éléments qu’il retire du texte (carte 4) : la ponctua-‐tion lui paraissant indispensable à l’analyse de la force comique de la scène, il en fait un relevé systéma-‐tique, sans doute couteux en temps, mais qui lui semble pertinent à ce moment de son travail.
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Carte 4
Dans le cas du logiciel CMAP, les efforts d’instrumentalisation sont encore plus importants parce que les élèves ont obligation de disposer par eux-‐mêmes les étiquettes. Notons néanmoins que cette expérimenta-‐tion, la dernière de l’année, a lieu courant mai, un mois et demi avant l’examen. Certains ont trouvé une commande logicielle qui permettait d’agir sur l’organisation générale de la carte, mais pour la plupart, ils se sont contentés de disposer leurs étiquettes en fonction de leurs besoins, de la progression de leur lecture, des contraintes spatiales imposées par leur écran (il s’agissait de grands écrans de 21 pouces) qui peuvent agir plus ou moins sur le nombre et la longueur des étiquettes produites, par les limites de la lisibilité, enfin, imposée nécessairement par la multiplication des idées. Ce qui s’impose, c’est donc la diversité des formes que présentent les cartes, dont on peut dire que très peu se ressemblent : cartes robots, cartes nébuleuses, cartes encéphales, cartes poulpes qui rappellent que les premières expérimentations ont été faites avec xmind. En revanche, on note moins de modifications, dans le dernier corpus, sur les couleurs, moins d’ajouts d’icônes signifiantes ou hiérarchisantes. On peut faire l’hypothèse que la multiplication des con-‐traintes (texte commun, forme de discours, choix d’une problématique, choix d’un logiciel…) tend non pas à uniformiser les écrits mais, au contraire, à renforcer la singularité des sujets, en tout cas pour ce public d’élèves que les enseignants tendent à qualifier de « moins scolaires » à défaut de toute autre caractérisa-‐tion pertinente.
3.2 Un phénomène croissant de conceptualisation
Le deuxième résultat significatif tient dans l’observation d’un phénomène croissant de ce que l’on peut caractériser comme une progression dans les opérations de conceptualisation. La mise en relation du nombre d’unités maximales et d’unités minimales dans les cartes permet d’obtenir une moyenne pour chaque expérimentation ; de la même manière, nous avons mesuré la place et le rôle des citations. On re-‐marque plusieurs faits : d’abord, le nombre d’étiquettes augmente progressivement entre la première et la dernière expérimentation, comme le montre le tableau simplifié ci-‐dessous (tableau 2).
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Tableau 2
Etiquettes produites
Espaces flottants
Total des zones de textes
Unités maxi-‐males
Citations Unités mini-‐males
Situation 1 Xmind (22 cartes)
359
5 359 141 96 111
Moyenne => 16,2 0,2 16,3 6,7 4,4 5
Situation 3 Cmap (19 cartes)
279 57 335 41 132 136
Moyenne => 14,6 3,5 18,1 2,2 7,3 7,6
Ensuite, le recours aux unités maximales, couteuses en temps et en énergie, est limité, tandis que le re-‐cours aux unités minimales et aux citations du texte source augmente significativement. Etant donné que ce phénomène a été observé pendant l’analyse des données, nous n’avons aucun entretien qui puisse con-‐firmer ou infirmer nos interprétations. Cependant, il semble bien que les sujets aient une représentation plus précise du commentaire, et que les cartes témoignent de cette évolution à travers le recours plus important aux citations ; ensuite, la diminution radicale des unités maximales libère du temps et de l’attention pour approfondir la lecture du texte. Les unités minimales sont, en effet, pour les deux tiers, des idées sur le texte exprimées de manière synthétique, pour un tiers des éléments de discours disciplinaire sous la forme de métalangage, par exemple, dans la figure 2, description, hyperbole, ponctuation.
Figure 2
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Les écrits produits lors de la troisième expérimentation sont encore éloignés, pour la plupart, de la norme et des attentes des enseignants mais on observe une progression nette dans les résultats de l’ensemble du corpus. Enfin, l’amélioration de la carte sur ce plan signale une modification dans l’instrumentalisation de l’artéfact. L’utilisation qui en est faite, plus synthétique, plus abstraite, semble révéler que les élèves s’en servent comme une carte servant à indexer des notions qui seront éventuellement développées dans le commentaire ; les citations sont clairement identifiées, elles illustrent le propos de sorte que l’écrit inter-‐médiaire ainsi obtenu sera plus facile à utiliser dans la phase de mise en mots. En d’autres termes, il semble bien que les sujets aient procédé à une instrumentation de l’artéfact pour en faire un brouillon ou écrit intermédiaire outillant. Cet artéfact numérique reflète à son tour une meilleure appropriation de l’artéfact didactique, le commentaire, si bien qu’on peut considérer que l’instrumentation de la carte est partielle-‐ment réalisée : la carte, dans ce cas devient un outil qui permet au sujet d’étendre son action sur son envi-‐ronnement. Ce bilan global ne rend néanmoins pas compte des différences entre les sujets qui sont parfois considérables.
3.3 Une démarche favorisant les scripteurs à programme
Au cours des trois expérimentations, nous avons, cru pouvoir identifier des profils de scripteurs à pro-‐gramme et de scripteurs à processus. Ce sont souvent les entretiens que nous avons menés avec ces élèves qui ont révélé ces manières conscientes d’organiser le processus d’écriture. Il semble qu’il y ait une coïnci-‐dence partielle entre ces profils et les écarts que nous venons d’évoquer. Nous allons ce phénomène par quelques exemples représentant assez fidèlement les tendances observées. Les cartes mentales semblent faciliter certains profils de scripteur et, comme nous l’avons déjà suggéré, faire obstacle aux sujets dont le processus d’écriture mêle mise en mot et planification. Les entretiens confirment cette typologie de scrip-‐teur qui a été croisée avec des questionnaires sur le rapport à la lecture et le rapport à l’écriture. Pour commencer, il semble que les scripteurs à programmes, qui planifient avant la mise en mots, soient favori-‐sés par l’artéfact carte mentale. Le fait de dissocier les éléments de discours dans des bulles étanches semble permettre la réflexion sur le texte ainsi que l’organisation de la macrostructure de l’écrit. Le cas de Karl, que nous avons évoqué plus haut, est significatif : il fait partie des sujets qui n’ont pas rejeté la carte mentale lors de la seconde expérimentation, ce qui semble témoigner du fait qu’il considère la carte comme une aide. Dans la première expérimentation, la carte, qui est orientée selon un axe vertical, révèle qu’il a modifié les paramètres par défaut pour instrumentaliser l’artéfact à sa convenance. Il fait le geste de creuser au cours du premier entretien pour expliquer son activité commentative (carte 5).
Carte 5
Dans la dernière expérimentation, nous remarquons la même orientation de la carte, du haut vers le bas, dans un mouvement creusant. La comparaison avec le commentaire en cours de réalisation révèle qu’il a utilisé la carte comme un portulan pour écrire : la possibilité d’exporter le contenu des étiquettes du format CMAP au format d’un traitement de texte, lui a permis de gagner du temps et de parvenir à un commen-‐taire abouti. On suit facilement les étapes qui balisent le processus de mise en mot : notons que quelques étiquettes servent à deux reprises, ce qui signale sans doute que le scripteur continue à planifier au mo-‐ment de l’écriture, mais la clarté de sa carte le libère sans doute suffisamment pour qu’il consacre du temps à réviser et modifier au cours de l’écriture. Cependant, le cas de Karl (carte 6) est assez exceptionnel.
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Carte 6
L’utilisation du logiciel MEDITE a permis d’observer l’exploitation des éléments langagiers de la carte dans le commentaire. Nous voyons que pour un scripteur à programme la carte permet de bâtir une macrostruc-‐ture qui sera remplie, en quelque sorte, par grande partie, avec les étiquettes qui servent de base à l’écriture.
Il est intéressant de voir la correspondance entre la carte et les parties 1 et 3 du commentaire de Jérôme (figure 3). Le logiciel MEDITE repère beaucoup de suppressions entre la première carte et le premier com-‐mentaire. Or, comme le commentaire est inachevé, ces suppressions sont en réalité les indices d’une activi-‐té interrompue. Le scripteur a construit son commentaire en laissant des blancs entre les titres des trois parties de son développement. La copie de la partie gauche de la fenêtre du logiciel, où figure le contenu de la carte mentale, montre en orange les citations qui devaient être utilisées pour la partie « III/ Le com-‐portement de Dom Juan. »
Figure 3 (détail de l’interface du logiciel MEDITE)
Dans sa carte mentale (figure 4), ces citations apparaissent dans la troisième branche qui part à gauche du concept central :
Figure 4
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L’interruption du processus d’écriture fait apparaitre un scripteur à programme à l’œuvre. Après avoir construit une carte mentale qui lui sert de réservoir de citations, il construit l’ossature du commentaire en reproduisant les branches qu’il a créées, leur affecte un numéro en chiffre romain, et commence, en par-‐tant de la première partie, à écrire. Cette autre copie d’écran de MEDITE illustrera notre propos (figure 5).
Figure 5
A gauche, on observe les paragraphes de la carte qui comprennent une citation longue : on la retrouve à droite, dans le commentaire. Jérôme passe d’une unité minimale « ironie », qui consiste en un mot, à un syntagme complet qui introduit la citation choisie : « Molière utilise l’ironie comme dans [..//..] .»
Ainsi, il commence par agir sur la macrostructure du commentaire après et pendant l’analyse de l’extrait, puis développe son énoncé autour des citations et des étiquettes.
Ces deux exemples montrent que les scripteurs à programme trouvent dans les cartes numériques un arté-‐fact utile qu’ils adaptent assez facilement à leurs façons de faire, et qui leur permet d’accroitre la capacité d’indexation et de conceptualisation dans la mémoire de travail tout en sollicitant la mémoire à long terme. Nous allons voir maintenant quelques exemples de sujets gênés par l’artéfact numérique.
3.4 Difficultés pour les scripteurs à processus
Les scripteurs à processus, qui planifient pendant la mise en texte, semblent majoritaires dans ce groupe d’élèves. Les entretiens permettent d’en identifier certains sans équivoques : ils témoignent d’une difficulté à planifier autrement que pendant le processus de mise en texte, comme Jules qui estime que ses straté-‐gies d’écriture entrent en conflit avec les logiciels de cartes mentales, si bien qu’il se réfugie dans les schèmes accoutumés :
Jules (1) 220 : [..//..]Je sais que c'est pas conseillé mais moi en tout cas j’ai des idées au fur et à mesure que j'écris / en fait quand j'vais avoir une idée, je la note ainsi de suite. Comme ça j’ai juste le temps de la production mais= Pro 221 : Donc t'as l'impression que ça te contraint / que ça te force ? Jules (1) 222 : voilà/ c'est ça / ça met des barrières en fait j’ai l'impression Pro 223 : donc c'est pas quelque chose qui te convient. Jules (1) 224 : ouais voilà, pour moi ouais.
Ou encore Lucien qui peine à réaliser une carte dont il ne voit pas l’utilité :
Lucien (2) 68 :-‐-‐bah le problème c'est que j'arrive mieux à écrire le commentaire que faire la carte Pro 69 :-‐-‐qu'est-‐ce qui se passe quand tu écris le le la carte Lucien (2) 70 :-‐-‐béh j'sais pas Pro 71 :-‐-‐pour toi Lucien (2) 72 :-‐-‐béh je trouve mieux / euh : les trucs en écrivant
3.4.1 Conflit entre sujet lecteur et sujet scripteur
Malgré ces difficultés déclarées, les deux cartes de cet élève sont particulièrement intéressantes parce qu’elles révèlent, d’abord, malgré la différence des logiciels, des similitudes qui signalent une instrumenta-‐lisation singulière des outils et du commentaire, ensuite, la qualité de la lecture qui s’en dégage. Cepen-‐dant, elles semblent le mettre dans une situation de surcharge importante si bien que son travail reste ina-‐chevé. Il est possible que le conflit ne provienne pas tant de l’artéfact que des tensions entre sujet-‐lecteur et sujet-‐scripteur. Les cartes qu’il réalise (figure 6 et carte 8) font apparaitre une utilisation des étiquettes particulière et inattendue. Avec Xmind (figure 6), il délaisse la fonction automatique pour privilégier les sujets flottants, comme s’il avait du mal à relier ses idées à une seule source centrale. Il procède presque
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comme avec le logiciel CMAP (carte 7) dans lequel la création d’étiquettes ne dépend pas nécessairement d’une relation générée par une flèche. Or, le logiciel CMAP n’entrera en jeu que dans la dernière phase d’expérimentation, même s’il a été utilisé au premier trimestre, en classe entière, pendant la période d’acculturation à l’outil. Observons d’abord cette dernière production.
Carte 7
Après avoir commencé à rédiger le commentaire, il crée sa carte mentale dans laquelle il juxtapose des étiquettes de deux chaines différentes et change le sens des flèches ou relie des étiquettes secondaires vers l’étiquette de niveau supérieur, comme semble le signaler la typographie en caractères gras. Il rétablit ainsi le sens de la lecture qui part du texte pour aller vers une interprétation alors que le commentaire pré-‐sente un mouvement inverse, créé artificiellement, qui relève de la rhétorique. Quentin n’est pas dans un mouvement argumentatif d’authentification par la preuve mais dans une démarche déductive. Ce scripteur à processus est sujet-‐lecteur avant d’être sujet-‐scripteur, et c’est bien la lecture qui nourrit le processus d’écriture dans lequel la planification lui pose de nombreux problèmes au contraire de la mise en texte.
Lors de l’expérimentation précédente, avec Xmind (figure 6), on voit que les flèches en pointillé bleu sont réalisées après la création des étiquettes. Lucien rend compte dans sa carte de sa lecture du texte par deux étiquettes qui correspondent aux axes d’étude imposés : nous voyons l’une d’entre elles, en haut « satire du totalitarisme » ; il en dégage une première idée « caricature des dictateurs » qui est générée par la touche « tabulation » puis une seconde dans un sujet flottant (à moins que ce ne soit le contraire) qu’il relie ensuite par une flèche supplémentaire (en bleu) ; enfin, il semble poser trois citations significatives pour illustrer son propos, mais elles s’organisent en corole autour de l’étiquette « caricature des dictateurs » alors qu’il pouvait simplement les générer par la touche tabulation, comme nous avions l’habitude de le faire en classe. Ces traces d’activités sur le texte semblent en tout cas prendre plus de place dans l’activité de brouillonnage, et les schèmes d’utilisations retenus nécessitent davantage d’opérations que l’utilisation classique du logiciel. Enfin, cette utilisation, qui n’est pas une catachrèse dans le sens où ces opérations sont prévues par l’instrumentation des concepteurs, donne une apparence graphique singulière à sa carte mentale que l’on retrouve dans la dernière carte qui a été présentée auparavant.
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Figure 6
Un autre cas intéressant de rejet est celui de David qui, pour bien faire, réalise sa troisième carte après avoir écrit le commentaire…
Pro 147 : […] denis / denis / donc tu as fini ta carte // David 148 : huhum Pro 149 : alors c'était / par rapport à l'autre logiciel qu'est-‐ce que tu en penses David 150 : j’ai pas utilisé l'autre logiciel mais j’ai passé une demie heure à recopier ma carte que j'avais déjà fait(e) sur papier Pro 151 : là aujourd'hui tu as fait une carte sur papier ? David 152 : oui j'en ai une sur papier et je l'ai recopiée sur = Pro 153 : tu as recopié la carte que tu avais sur papier et tu l'as recopiée sur le logiciel ? David 154 : oui Pro 155 : bon, tu me laisseras ta carte sur papier cette fois / oublie pas / d'accord ? donc fina-‐lement le logiciel il te sert à rien / t'as le droit de le dire hein / David 156 : non/ non mais Pro 157 : donc pour toi c'est quoi / une aide ou un obstacle ? David 158 : le logiciel ? Pro 159 : oui David 160 : un obstacle Pro 161 : pourquoi ? David 162 :-‐-‐parce qu'on se débrouille tout aussi bien avec // un crayon à papier / voire mieux // là j’ai une carte qui ressemble à rien // alors que sur papier tout est rangé
De fait, la carte qu’il réalise (carte 8) porte des traces hétérogènes qui signalent une difficulté à entrer dans le processus demandé : elle présente à la fois les traces de planification en montrant l’image idéale très formatée, de ce que devrait être un commentaire et des éléments constitutifs du commentaire littéraire du texte donné en analyse. Elle ne peut pas lui être d’un grand secours lors de l’écriture qui, de toute façon, a précédé la réalisation de la carte.
Carte 8
Enfin, avant d’apporter nos conclusions, voici un cas assez spectaculaire de conflit instrumental.
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3.4.2 Conflit instrumental
Le sujet dont il est question a de graves difficultés en français et dans les autres disciplines, même dans les disciplines technologiques. Lors de la troisième expérimentation, il réalise une carte (carte 9) qui ne corres-‐pond à aucun critère attendu dans la démarche du commentaire : l’apparence singulière de sa production donne lieu à un échange un peu surréaliste avec le professeur :
Pro 91 : -‐-‐alors, tu tu as fait une carte Chris 92 :-‐-‐mouai: Pro 93 :-‐-‐qui ressemble= qui a une forme très particulière // est-‐ce que tu= est-‐ce que la forme est [incompréhensible]= Chris 94 :-‐-‐une forme de bête à cornes [..//..]( étonnement de l’enseignant et quiproquo sur le nom utilisé) Pro 101 :-‐-‐ah bon ça tu le travailles en quelle discipline ? Chris 102 :-‐-‐en technologie Pro 103 :-‐-‐technologie : d’accord / et donc tu es en train d'utiliser : cette méthode / est-‐ce qu'elle t'aide ? Chris 104 :-‐-‐euh / oui enfin : ça change pas des aut’ mais c'était juste pour avoir une meil-‐leure représentation Pro 105 :-‐-‐meilleure représentation d’accord Chris 106 :-‐-‐c'est ma carte mentale Pro 107 :-‐-‐alors / cette représentation de cette carte mentale / est-‐ce que est-‐ce que elle te donne une meilleure représentation de l'écrit que tu dois produire ou pas ? Chris 108 :-‐-‐euh:: ouais Pro 109 :-‐-‐du commentaire une fois qu'il sera rédigé // et comment tu la vois cette représen-‐tation du commentaire /// tu me dis / ça te donne une meilleure représentation de la carte / or l'objectif ce n'est pas de faire une carte Chris 110 :-‐-‐euh ouais mais comme ça je vais pouvoir prendre point par point de haut en bas de bas en haut
Carte 9
Le sujet ne semble pas avoir acquis la démarche du commentaire, et l’artéfact carte mentale le renvoie à une autre communauté discursive, à d’autres savoirs et disciplines de référence, à d’autres usages de
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l’artéfact numérique. Il pense bien faire en appliquant à la carte mentale un scénario pédagogique qu’il connait mais qui ne peut s’adapter à l’artéfact didactique « commentaire littéraire ». Il s’agit bien d’un con-‐flit dans la genèse instrumental qui révèle alors plus explicitement la nature des difficultés de ce jeune homme, auxquelles une mise en texte linéaire, dans un produit « commentaire littéraire » partiellement achevé, n’aurait jamais donné accès. L’usage qu’il fait de l’artéfact numérique traduit son échec à opérer les choix pertinents dans l’instrumentalisation de la carte. C’est bien parce que nous avons pu voir, au sens propre, à un moment donné, la projection graphique d’une représentation de son texte, que nous avons pu nous entretenir avec lui et mieux comprendre le problème qu’il rencontrait.
Perspective S’il est délicat de conclure sur l’efficacité des cartes mentales dans la cadre particulier de l’écriture d’un commentaire pour des élèves de première, cette expérimentation a permis cependant d’isoler quelques faits qui nous semblent dignes d’intérêt : d’abord, les cartes mentales nous révèlent, par les choix opérés, des informations sur les stratégies, autrement dit sur les manières d’opérer, conscientes et intentionnelles, que les scripteurs mettent en œuvre ; ensuite, elles semblent favoriser, en tant qu’outils de planification, les scripteurs à programme tandis qu’elles gênent les scripteurs à processus qui se voient contraints de suivre des stratégies d’écriture inaccoutumées ; enfin, si, elles gardent la trace des progrès réalisés par les élèves dans la maitrise du commentaire par une meilleure gestion de formes de conceptualisation qu’elles semblent encourager, elles mettent aussi en évidence des conflits d’artéfacts qui nous permettent de mieux comprendre les difficultés des élèves et, par là-‐même, de chercher des moyens de les aider, en agis-‐sant notamment sur l’acquisition et la conscientisation de procédures adaptées. Ce sont donc, plutôt que des aides, des outils de connaissances pour les enseignants et leur exploitation dans la didactique de l’écriture doit permettre, à long terme, d’outiller les élèves, notamment les scripteurs à processus. Il serait intéressant aussi de comparer l’apport des cartes mentales numériques avec leur équivalent papier. Nous n’avons pas pu établir, dans notre protocole, cette comparaison. En revanche, une autre équipe menant à la même époque, dans l’enseignement primaire, une expérimentation parallèle en introduisant, dans le processus d’écriture de textes narratifs, des cartes mentales manuscrites, nous avons pu croiser nos résul-‐tats. Il est intéressant de remarquer que nous relevons à peu près les mêmes difficultés en ce qui concerne les scripteurs à processus. Dans ces conditions, ce serait l’artéfact carte mentale (numérique ou manus-‐crite) qui, occasionnant une reconfiguration des stratégies d’écriture, mettrait en difficulté certains sujets. Enfin, il serait intéressant de poursuivre ces investigations en recueillant davantage de données. On pour-‐rait ainsi constituer des groupes-‐cibles significatifs en croisant performances scolaires et âges (de 14 et 18 ans) afin de mieux déterminer le rôle de l’artéfact dans les processus d’écriture, et notamment mettre en débat la question des marques croissantes de conceptualisation.
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Cet article a été publié dans le numéro 2/2014 de forumlecture.ch
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Mind Mapping, ein Instrument zum Visualisierung und Reflexion von Schreibprozessen beim Verfassen eines literarischen Kommentars Yves Bouton
Abstract Der Artikel bilanziert ein Experiment zum Einsatz verschiedener digitaler Mind Mapping-‐Werkzeuge beim Verfassen literarischer Kommentare im ersten Jahr des mathematisch-‐naturwissenschaftlichen Gymnasi-‐ums. Zunächst werden die Begriffe Schreiben, Entwurf und Artefakt geklärt und miteinander verknüpft. Vor diesem Hintergrund ist digitales Mind Mapping als Instrument für die Planung literarischer Kommenta-‐re und für die Dokumentation von Lektüreaktivitäten zu verstehen. Danach wird das Experiment erläutert. Die Schülerinnen und Schüler der untersuchten Klassen verfassten mit Hilfe unterschiedlicher digitaler Mind Mapping-‐Werkzeuge je drei literarische Kommentare. Die grafische und linguistische Analyse von insgesamt 18 Arbeiten hat deutliche Diskrepanzen zwischen erhofften und tatsächlichen Wirkung des digi-‐talen Mind Mappings ergeben. Abschliessend wird diskutiert, inwiefern das digitale Mind Mapping zur Ver-‐besserung der Schreibprodukte beigetragen hat, und welche erwarteten oder unerwarteten Erkenntnisse diese Analyse gebracht hat.
Schlüsselwörter Mind mapping, Textproduktion, Schreibprozesse, Planung, Schreibförderung, Sekundarstufe II