Las Leyes Fundamentales Del Reino de Francia

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Página 1 de 22 Louis XVI (1754-1793) (Joseph-Siffred Duplessis.1774)

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la constitución tradicional del Reino de Francia.

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    Louis

    XVI

    (1754-1793)

    (Joseph-Siffred

    Duplessis.1774)

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    Les lois fondamentales du Royaume

    de France

    GENSE DE LINSTITUTION ROYALE

    Ce cours dispens lUniversit de Rennes I retrace la gense de linstitution royale. Les

    constitutions modernes prsentent un aspect artificiel car elles sont promulgues a priori et

    souvent inspires par une idologie, autrement dit, par une tentative de soumettre le rel la

    volont de lhomme. loppos, la constitution de lancienne France apparat naturelle, elle

    stablit au gr des circonstances et de manire empirique : une difficult survient, la solution

    adopte devient une loi intangible qui oblige dsormais et le roi et son peuple. Nous livrons ce

    travail tel quil est paru dans La Gazette Royale.

    Table des matires

    Aux origines

    DU POUVOIR SACRAL AU POUVOIR HRDITAIRE

    Le sacre

    De l'lection l'hrdit

    LE PRINCIPE DE MASCULINIT

    L'exclusion des femmes

    L'exclusion des parents par les femmes

    Les arguments en faveur du principe de masculinit

    LA DISTINCTION DU ROI ET DE LA COURONNE

    L'indisponibilit de la Couronne

    L'inalinabilit du domaine de la Couronne

    LE PRINCIPE DE CATHOLICIT

    CONCLUSION

    Aux origines

    Lexistence mme dune royaut chrtienne en Gaule est un hritage des deux dynasties franques,

    rsultant du baptme de Clovis et du sacre de Ppin. Mais, devenue lective et confronte la

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    monte de la fodalit, linstitution royale subit un affaiblissement sous les derniers Carolingiens.

    Les Captiens, issus des Robertiens, comptiteurs des Carolingiens, vont lui redonner force.

    Avec cette troisime dynastie se mettront en place, de manire coutumire, des rgles de

    dvolution de la couronne, qui la doteront dun vritable statut.

    Lon parle leurs propos de lois fondamentales (depuis le XVIe sicle) ou lois du royaume (ce

    qui souligne leur caractre rigide, cest--dire limpossibilit de modification par la volont des

    hommes partir du moment o elles on t reconnues), par opposition aux lois du roi, lois

    ordinaires qui peuvent toujours tre modifies.

    Lon peut dduire de leur existence que, si lancienne France navait pas de constitution au sens

    formel (document crit contenant les rgles constitutionnelles), elle avait ds le Moyen-ge

    labor une constitution au sens matriel (organisation du pouvoir).

    Lon regroupera ltude des lois fondamentales autour de quatre thmes :

    lhrdit coutumire [1], impose par le biais du sacre, qui remplace llection,

    la masculinit,

    la distinction progressive du Roi et de ltat, qui se traduit par lindisponibilit de la couronne et

    son corollaire, linalinabilit du domaine, et enfin, consquence des troubles lis aux guerres de

    religion,

    la catholicit du Roi, affirme expressment partir du XVIe sicle.

    DU POUVOIR SACRAL AU POUVOIR HRDITAIRE

    Les Carolingiens ont solennis laccession au pouvoir des rois par le sacre [2].

    Le but de lintroduction de ce rite dans le royaume franc tait de lgitimer laccession au trne de

    Ppin et des Carolingiens [3].

    Il agira de mme pour faire admettre des rois nappartenant pas cette dynastie, et jouera donc

    un rle dans lavnement des Captiens et la renaissance de lhrdit, sous forme coutumire, au

    profit de cette famille

    Mme aprs que ce rsultat aura t dfinitivement atteint, il sera pratiqu jusqu la fin de la

    monarchie.

    Le sacre

    Il convient de prsenter le droulement du sacre et den indiquer les consquences.

    Droulement du sacre

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    Le sacre est une crmonie grandiose, qui a volu avec les sicles. Plusieurs villes lont accueilli,

    mais, depuis 1027 (sacre dHenri Ier), il se droule gnralement la cathdrale de Reims, lieu li

    aux origines de la monarchie puisquil est celui du baptme de Clovis [4].

    Le sacre va faire intervenir les plus puissants seigneurs du royaumes, les pairs. Au XIIIe sicle, la

    liste en est fixe douze, six ecclsiastiques et six laques [5]. Chacun a son rle au cours de la

    crmonie liturgique. En particulier, larchevque de Reims est le conscrateur.

    Trois phases peuvent tre distingues dans la crmonie du sacre :

    SERMENT [6] ET LECTION

    Le Roi promet de protger lglise et dassurer la paix et la justice au peuple chrtien. Il sy

    ajoutera lengagement de lutter contre lhrsie (XIIIe sicle) et celui de conserver les droits de la

    couronne (XVe sicle).

    lpoque moderne, il y aura dautres adjonctions (serments relatifs aux ordres royaux de

    chevalerie, serment de faire respecter ldit contre les duels).

    Puis, vestige de llection, le consentement des grands et de lassemble est alors demand. Mais

    ce nest plus quune formalit et un rite.

    ONCTIONS

    Dans la Bible, les rois juifs sont oints laide dhuile sainte. De mme, le Roi est marqu de neuf

    onctions [7] faites avec une huile sainte, le Saint-Chrme (qui sert aussi lors du baptme, de la

    confirmation et de lordination), laquelle est mle un peu dhuile de la sainte ampoule (il sagit

    dune petite fiole dhuile sainte qui aurait t apporte par une colombe lors du baptme de Clovis

    et qui aurait la proprit de se rgnrer aprs chaque sacre) [8].

    COURONNEMENT ET REMISE DES INSIGNES

    Le Roi reoit les insignes de son pouvoir : la couronne, le sceptre, la main de justice.

    En outre, on lui remet lpe, dite de Charlemagne, un anneau en signe de mariage avec le

    royaume et des perons.

    Il faut encore ajouter une agrafe qui sert maintenir le manteau royal.

    Enfin, le Roi, install sur le trne, reoit lhommage des pairs et le peuple entre dans la cathdrale

    pour lacclamer. Suivait une messe au cours de laquelle le Roi communiait sous les deux espces,

    comme un ecclsiastique.

    Consquences du sacre

    Crmonie religieuse, le sacre introduit linstitution royale dans un univers religieux chrtien. Mais

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    il a aussi des consquences thaumaturgiques et juridiques.

    LASPECT RELIGIEUX

    Le sacre ressemble un huitime sacrement .

    En 1143, le roi Louis VII disait :

    Seuls les rois et les vques sont consacrs par lonction du Saint-Chrme. Ils sont associs

    au-dessus de tous les autres par cette onction et mis la tte du peuple de Dieu pour le conduire.

    Lglise prend cependant soin doprer la distinction, afin dempcher le Roi de se prsenter

    comme un dignitaire ecclsiastique. Les thologiens ne verront plus dans le sacre un sacrement

    dinstitution divine, mais un sacramental dinstitution ecclsiastique, et considreront quil ne fait

    pas du roi un dignitaire ecclsiastique.

    La prsence du sacre au dbut de chaque rgne depuis 751, et lexistence dune promesse contre

    les hrsies depuis le XIIIe sicle, seront utilises, lpoque de la Rforme protestante, pour

    affirmer que le roi de France ne peut tre que catholique (cf. infra, le principe de catholicit).

    LE POUVOIR DE GURISON

    Par ailleurs, le sacre confre au Roi un pouvoir thaumaturgique, le pouvoir de gurir les crouelles

    (une maladie de peau). Le toucher des crouelles sera pratiqu jusquau dernier sacre, en 1825.

    LES CONSQUENCES JURIDIQUES

    Les serments du Roi envers le peuple promettent la paix et la justice. Les lgistes tireront de ces

    principes diverses applications favorables au renforcement de la souverainet royale.

    Le sacre est-il constitutif ou dclaratif ?

    Au Moyen-ge, le peuple pense que le sacre est constitutif, cest--dire quil fait le Roi.

    En revanche, ds cette poque, les juristes et les thologiens considrent que le sacre est

    seulement dclaratif, cest--dire quil fait connatre lavnement dj opr du Roi.

    Des ordonnances prises sous Charles VI, en 1403 et 1407, soucieuses dviter tout interrgne,

    avaient dj dcid que lhritier du trne devait tre tenu pour Roi ds la mort de son

    prdcesseur. Ce que rsumeront les phrases :

    Le Roi est mort, vive le Roi ! [9] et

    Le Roi ne meurt pas en France , qui nient lexistence dun interrgne.

    Mais, mme aprs ces dcisions, sainte Jeanne dArc persiste dans la position ancienne en

    qualifiant Charles VII, dont le pre est mort en 1422, de dauphin [10] jusqu ce quelle ait

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    russi lui ouvrir le chemin de la cathdrale de Reims en 1429.

    Quoique la conception des juristes, qui la emport, ait impliqu que le sacre ne soit plus que

    confirmatif, la crmonie nen subsistera pas moins, et presque tous les rois de France le

    recevront, jusqu Charles X en 1825 [11].

    De llection lhrdit

    Utilis pour renforcer laccession au trne des Carolingiens au dtriment des Mrovingiens, le

    sacre va ensuite permettre des non-Carolingiens lus de se maintenir au pouvoir, puis, par le

    biais de lassociation au trne, dobtenir une hrdit coutumire. Dsormais, le Roi sera dsign

    par la naissance, et pourra mme tre un enfant.

    Royaut lective et association au trne

    Du fait de la dcadence de la royaut, affaiblie par les partages et les invasions, notamment les

    incursions des Normands, llection du roi, qui se rduisait une formalit sous les premiers

    Carolingiens, est devenue une vritable dsignation [12] depuis 884, date laquelle les grands de

    la Francie occidentale cartent un prince trop jeune [13] au profit de son parent de la Francie

    orientale, lempereur Charles le Gros (qui reconstitue ainsi pour quelques annes lempire de

    Charlemagne), puis en 888, pour la premire fois, au profit dun non-Carolingien, Eudes, comte de

    Paris et fils du comte Robert le Fort.

    Par la suite, il va y avoir alternance au pouvoir entre les Carolingiens et les Robertiens [14].

    Quoique traduisant un affaiblissement de linstitution monarchique, lavnement dune royaut

    vritablement lective a eu, de facto, leffet bnfique daboutir la dsignation dun seul roi [15].

    En effet, cest au cours de la priode de la monarchie lective que la coutume des partages va

    disparatre.

    Le carolingien Lothaire (954-986) fit lire et sacrer son fils de son vivant. Le procd, dj utilis en

    884, tait bon, et sera repris par les Captiens.

    Mais le fils de Lothaire, Louis V (986-987), mourut accidentellement aprs un court rgne. Les

    grands cartrent alors Charles [16] de Basse-Lorraine, frre de Lothaire, et lurent un Robertien,

    Hugues Capet. Lvnement ne dut dailleurs pas paratre trs important aux contemporains.

    Lalternance avait jou de nouveau, et personne ne pouvait savoir que ctait pour la dernire fois.

    Pourtant, Hugues va fonder une vritable dynastie.

    Reprenant la mthode de Lothaire, Hugues russit faire lire et sacrer son fils Robert de son

    vivant. Ainsi, sa mort, ny a-t-il pas lieu une nouvelle dsignation, et Robert lui succde tout

    naturellement. Et, du XIe au XIIIe sicle, chaque roi captien va faire de mme, en associant au

    trne, de son vivant, un fils, pralablement lu et sacr. Llection ainsi canalise dure jusquau

    XIIIe sicle. cette poque, Philippe Auguste juge inutile de recourir llection et au sacre

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    anticip. De fait, lhrdit est passe en coutume et a dur autant que la royaut.

    Les consquences du retour lhrdit

    PRIMOGNITURE

    cause de lassociation au trne du fils an, la coutume des partages ne reparut pas avec les

    Captiens. La primogniture ou anesse est le principe en vertu duquel le plus g des enfants

    royaux a vocation ceindre seul la couronne [17]. Les cadets se verront seulement accorder un

    apanage.

    La rgle de primogniture sort renforce dune difficult qui se produit en 1027. Le fils an de

    Robert le Pieux meurt. La reine voudrait choisir, pour tre associ au trne, non lan des fils

    survivants, mais un cadet quelle prfre. Malgr cela, le roi, appuy par les vques, impose le

    sacre anticip de lan.

    Dsormais, la rgle ne sera plus discute.

    ENFANCE DU ROI ET RGENCE

    Au temps de la monarchie lective, la fin de lpoque carolingienne, des mineurs pouvaient tre

    carts de la couronne en raison de leur ge (cf. Charles III le Simple). En revanche, lhrdit

    coutumire permet dsormais un enfant dtre roi. Cette possibilit implique de fixer lge de la

    majorit royale et dorganiser la supplance de lexercice du pouvoir.

    Lge de la majorit royale :

    La majorit fodale tait habituellement de vingt et un ans.

    La majorit royale est fixe beaucoup plus tt, quatorze ans commencs, cest--dire treize ans

    et un jour (ordonnance de Charles V rendue Vincennes en 1374). Le but est de rduire la dure

    des minorits, qui sont toujours une priode de faiblesse dans les rgimes monarchiques.

    En ce qui concerne lexercice du pouvoir, le roi mineur est suppl par un rgent qui peut tre la

    reine-mre (Blanche de Castille, et plus tard Marie de Mdicis ou Anne dAutriche) ou le premier

    prince du sang (plus proche parent du roi, ex : Philippe, comte de Poitiers, et Philippe, comte de

    Valois, qui devinrent par la suite respectivement Philippe V et Philippe VI).

    En 1715, au temps du jeune Louis XV, le rgent fut Philippe dOrlans, fils du frre de Louis XIV, le

    plus proche parent du jeune roi, Philippe V dEspagne, se trouvant alors dans son propre royaume.

    Certains rois ont dsign le futur rgent (Louis VIII sa femme Blanche de Castille, Louis XI sa fille et

    son gendre).

    Louis XIII et Louis XIV essaieront daller plus loin en limitant les pouvoirs du futur rgent, mais

    leurs dispositions seront casses aprs leur mort.

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    La rgence est aussi un procd utilis en cas

    dabsence du roi (ex : croisade, captivit de Jean le Bon),

    dinterrgne (attente de laccouchement des reines veuves de Louis X et Charles IV) ou

    dincapacit du roi (folie de Charles VI).

    Jusquen 1403, le rgent agit en son nom personnel ; aprs cette date, il agit au nom du roi mineur

    (ce quexprime ladage : il ny a pas de rgence en France ).

    LE PRINCIPE DE MASCULINIT

    La question de lventuelle accession dune femme au trne ne stait pas pose au temps des

    deux premires dynasties, ni au cours de la priode de la monarchie lective. En outre, les

    premiers Captiens avaient eu la chance historique et biologique davoir toujours un fils pour leur

    succder.

    Tout au plus peut-on relever que Philippe III le Hardi a cart du trne une sur ane. Mais ce

    prcdent tait insuffisant pour trancher la question de savoir si les femmes pouvaient rgner en

    France.

    Entre 1316 et 1328, une srie de successions royales va amener trancher la difficult en cartant

    successivement les femmes et les parents par les femmes [18].

    Lexclusion des femmes

    Pendant trois sicles, les Captiens se sont succd de pre en fils.

    Mais, en 1316, quand meurt Louis X le Hutin, fils an de Philippe le Bel, la situation est totalement

    indite.

    Dune part, Louis laisse, de son premier mariage une fille, Jeanne, mais la lgitimit de cette enfant

    est conteste, sa mre, Marguerite de Bourgogne, ayant t accuse dadultre [19].

    Dautre part, la seconde pouse de Louis, la reine Clmence de Hongrie, est enceinte.

    Si lenfant natre est un garon, il sera roi. Mais si cest une fille, Jeanne, ou cette fille,

    pourra-t-elle rgner ? Jamais une femme navait port la couronne franaise, mais

    certaines femmes avaient possd et dirig de grands fiefs (Alinor dAquitaine, Mahaut

    dArtois,..)

    ou des royaumes trangers (la femme de Philippe IV le Bel tait comtesse de Champagne et reine

    de Navarre),

    voire exerc avec comptence la rgence du royaume de France (Blanche de Castille).

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    En attendant la naissance, le frre du roi dfunt, Philippe, comte de Poitiers, exerce de fait la

    rgence et acquiert ainsi les rnes du gouvernement. Il est convenu que,

    si lenfant natre est un garon, il sera roi sous la rgence de son oncle.

    En cas de nouvelle naissance fminine, la rgence de Philippe continuera et la dcision dfinitive

    sur la couronne sera ajourne jusqu la majorit de Jeanne.

    Le 14 novembre 1316, la reine accouche dun fils, Jean Ier. Mais cet enfant meurt quelques jours

    aprs, le 19 novembre. La situation cre par ce dcs ntant pas prvue, Philippe de Poitiers se

    fait sacrer Reims et devient Philippe V le Long. En 1317, lUniversit et une assemble de

    dignitaires ratifient cette dcision qui constitue le premier cas dexclusion des femmes de la

    succession royale.

    En 1322, Philippe V meurt son tour, sans laisser de fils survivant. Son frre, Charles, comte de la

    Marche, carte sans difficult les filles du dfunt et devient Charles IV. Dsormais, avec deux

    prcdents, une coutume sest forme, qui exclut les femmes de la succession la couronne.

    Lexclusion des parents par les femmes

    la mort de Charles IV, en 1328, la situation ressemblait celle qui existait la mort de Louis X.

    Comme son frre an, Charles laissait une fille en bas ge dont lexclusion, conforme aux

    prcdents de 1316 et 1322, ne faisait aucune difficult et une pouse enceinte, la reine Jeanne

    dvreux. Il fallait donc attendre la dlivrance de la reine pour trancher le sort de la couronne.

    La rgence fut dvolue Philippe, comte de Valois, fils du frre de Philippe le Bel (donc cousin

    germain par les mles de Louis X, Philippe V et Charles IV) qui acquit ainsi le pouvoir de fait.

    La reine accoucha dune fille, qui, pas plus que ses cousines ou sa sur ane, ne pouvait ceindre

    la couronne.

    Deux candidats la couronne taient alors envisageables :

    dune part, le rgent Philippe de Valois,

    dautre part, le roi dAngleterre douard III, fils dIsabelle, elle-mme fille de Philippe le Bel.

    Le choix se situait donc entre un parent proche, par les femmes, et un parent plus loign, par les

    mles. Les lgistes anglais soutenaient quune femme peut faire le pont et la planche , et

    quIsabelle, quoique exclue elle-mme, pouvait transmettre ses droits son fils [20].

    Une assemble de dignitaires ayant dclar quune femme et par consquent son fils ne peut

    par coutume succder au royaume de France , Philippe VI fut reconnu roi et sacr.

    douard, qui craignait la confiscation de ses fiefs franais, se soumit et prta hommage, non sans

    rticences. Mais il changea davis en 1337, et revendiqua la couronne de France. Cette

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    revendication ouvrit la guerre de Cent Ans, et les oprations militaires commencrent en 1340.

    Nanmoins, malgr ses victoires, douard ne russira pas reprendre la couronne de France, et y

    renoncera finalement au trait de Brtigny (1360).

    La loi de masculinit tait ainsi complte par lexclusion des descendants par les femmes.

    Les arguments en faveur du principe de masculinit Retour la table des matires

    Pour expliquer lavnement du principe de masculinit, il faut tout dabord tenir compte des

    circonstances.

    La candidature de Jeanne, fille de Louis X le Hutin, se heurtait la fois au soupon de btardise qui

    la frappait et au fait quelle tait encore enfant.

    En outre, le scandale qui avait rvl ladultre de sa mre, avait produit un climat antifministe

    .

    Par ailleurs, en 1316 comme en 1328, les princes qui carteront lun (Philippe V) une femme,

    lautre (Philippe VI) un descendant par les femmes, avaient lavantage, du fait de la rgence, de

    dtenir le pouvoir de fait face leurs comptiteurs.

    En outre, en 1328, il est peu probable que lentourage royal franais ait eu envie de cder la place

    ses homologues anglais.

    Au plan thorique, divers arguments ont t prsents en faveur de la masculinit. Outre la

    fragilit physique des femmes, le danger dun mariage tranger de la reine ou le caractre

    quasi-sacerdotal de la royaut sacre (une femme ne pouvant tre prtre), diverses justifications

    thologiques ou juridiques ont pu tre avances :

    La France est le royaume des fleurs de lys, qui figurent sur le blason royal. Or, dans l vangile de

    saint Matthieu se trouve le passage o le Christ dit que les lys ne travaillent ni ne filent (Mt, VI,

    28). Filer est le travail des femmes. Donc le royaume ne peut tomber en quenouille ,

    cest--dire choir une femme ( ceci prs que le texte vanglique cit na aucun rapport avec

    la question : la parole du Christ vise seulement inviter ses disciples mpriser les soucis

    matriels).

    En droit romain, les femmes sont exclues des offices publics ; or la royaut peut tre range parmi

    ceux-ci (mais le droit romain ntait pas applicable dans la France du XIVe sicle).

    Dans le droit des Francs Saliens, les femmes taient cartes de la succession la terre (mais elles

    recevaient des biens mobiliers). En 1358, le moine Richard Le Scot fit valoir cette explication, qui

    eut un grand succs, tel point que la loi de succession sera parfois dsigne sous le nom de loi

    salique . Lide est ingnieuse, et permet de rattacher la rgle aux origines de la monarchie (lon

    attribuera mme la rgle au roi Pharamond, anctre lgendaire de Clovis). Mais elle est trs

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    discutable : la loi des Francs saliens, qui avaient dailleurs fini par faire une part aux femmes, tait

    une loi de doit priv tombe en dsutude depuis plusieurs sicles, et, au XIVe sicle, la couronne

    tait dj une fonction publique.

    Quoi quil en soit, lautorit de la coutume, appuye sur plusieurs applications au cours du premier

    tiers du XIVe sicle, se suffit elle-mme, et il en rsulte que les rgles de dvolution de la

    couronne sont dsormais fixes : de mle en mle, par ordre de primogniture, et lexclusion des

    femmes et de leurs descendants.

    Reste prciser le rapport existant entre

    le Roi, tre de chair, et

    la couronne, tre moral.

    LA DISTINCTION DU ROI ET DE LA COURONNE

    Les rgles de la dvolution de la couronne proprement dites vont tre compltes par une thorie

    distinguant la personne du Roi et la couronne, le principe dindisponibilit.

    Cette diffrenciation de la personne royale et de linstitution renforce lide de ltat et met les

    biens de la couronne labri des dilapidations.

    Lindisponibilit de la Couronne Retour la table des matires

    Une thorie juridique va, loccasion dune nouvelle crise, mettre la couronne labri de toutes

    comptitions en dsignant le titulaire du pouvoir dune manire indiscutable.

    Par ailleurs, llaboration dun statut particulier de la couronne implique de rgler la question de la

    continuit entre les rgnes, cest--dire dattnuer autant que possible les consquences dun

    changement de monarque.

    La thorie statutaire

    Charles VI, roi de France, tant frapp de folie, les princes de la famille royale ne sentendent pas,

    ce qui entrane des intrigues, des assassinats et des guerres civiles.

    Lentourage royal, auquel se joint la reine Isabeau de Bavire, veut dcider le roi fou rejeter son

    fils, le dauphin Charles, et adopter son gendre, Henri V, roi dAngleterre.

    Alors que ce projet est sur le point daboutir ce sera, en 1420, le honteux trait de Troyes

    un juriste languedocien, Jean de Terre Vermeille (Johannes de Terra Rubea) labore en 1419

    des Tractatus (Traits) o il tudie la dvolution de la couronne, dans le but de dmontrer par

    avance la nullit de toute modification de lordre successoral exhrdant le dauphin. Il expose

    donc la thorie statutaire (= constitutionnelle) de la succession royale.

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    Terre Vermeille considre que le royaume est une chose publique, non un bien priv ; la royaut

    est une fonction, non un patrimoine.

    En consquence, le nouveau roi nhrite pas de son prdcesseur, il occupe sa place devenue

    libre. Cest un successeur.

    En consquence, il est permis de parler de succession quasi-hrditaire (et non simplement

    hrditaire).

    Consquence de cette doctrine,

    le roi nest pas tenu des obligations de son prdcesseur.

    Cest la coutume qui dtermine la personne du roi, et qui dfre la couronne au premier n mle,

    descendant en ligne direct du roi, et, dfaut, au plus proche collatral mle.

    Seul lan ceint la couronne ; les autres enfants royaux ne peuvent rclamer une part comme en

    droit priv. Mais la coutume permet de leur attribuer des terres quils tiennent en qualit de

    vassaux (apanages).

    La volont du roi ou de toute autre personne na aucune part dans la dvolution de la couronne.

    La coutume lemporte sur la volont du roi, qui ne peut tester pour transmettre le royaume ou

    instituer un hritier.

    De mme et cest l ce que veut dmontrer le juriste le roi na pas le pouvoir dter la

    succession la couronne son successeur normal, mme pour cause dingratitude.

    En rsum,

    le futur roi, dsign par la coutume, est un hritier ncessaire , un hritier qui ne peut tre

    priv de son droit par autrui, ni mme y renoncer lui-mme par une renonciation ou une

    abdication.

    De mme le roi na pas le pouvoir de sinventer des hritiers (comme on le verra, ces diverses

    hypothses se sont prsentes sous lAncien rgime, mais le principe dindisponibilit a fait

    obstacle ces vellits).

    Cette construction doctrinale reprsente le pendant juridique de loffensive militaire mene par

    Jeanne dArc pour faire triompher la cause de Charles VII. travers cette thorie, lide dtat ou

    de couronne, distingue de la personne royale progresse.

    Mais se pose la question de la continuit, si la succession est dsormais tenue pour hrditaire.

    La continuit du royaume

    Si lon admet la thorie statutaire, il y a lieu de sinterroger sur la survie des actes royaux aprs la

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    mort du monarque qui les a pris.

    Les juristes vont tenter dattnuer les consquences des changements de rgne, et finalement la

    continuit de ltat lemportera.

    Terre Vermeille considrait que le roi nhrite pas (droit priv), mais succde (droit public), et que,

    en consquence, il nest pas tenu des obligations de son prdcesseur.

    Dans les faits, cette rupture entre les rgnes successifs est peu pratique, et les juristes vont faire

    prvaloir la continuit. Trois questions doivent tre ici voques :

    les actes juridiques,

    les offices et

    les dettes laisses par le souverain dfunt.

    Les actes juridiques : les actes lgislatifs sont considrs comme ayant valeur permanente. Il y a

    cependant une hsitation en ce qui concerne les privilges, ce qui conduit leurs bnficiaires en

    demander la confirmation chaque nouveau rgne. Quant aux traits, ils restent en vigueur sils

    ont t approuvs par le Parlement de Paris ou les tats Gnraux.

    Les charges des officiers royaux : sont autant de mandats confrs par le roi. Elles cessent donc

    sa mort. partir de Charles VIII, les fonctions des officiers royaux sont tacitement confirmes en

    cas de changement de rgne, moyennant un droit de joyeux avnement. Ce droit sera supprim

    par Louis XVI.

    Les dettes du roi dfunt : le roi nest pas tenu des dettes personnelles de ses prdcesseurs, ni

    mme des arrrages des emprunts contracts par eux, sauf sil a expressment dclar les

    assumer ou sils ont tourn au profit du royaume. En consquence, le roi na gure de crdit, et il

    est oblig, pour emprunter, de recourir des intermdiaires, comme les villes. Lon en viendra

    cependant, tardivement il est vrai, considrer que ltat est engag.

    Les vicissitudes de lindisponibilit de la couronne sous Louis XIV

    plusieurs reprises, sous Louis XIV, le principe de lindisponibilit de la couronne a t malmen.

    Mais ces essais sont rests vains.

    LA SUCCESSION DESPAGNE

    En 1700, le roi dEspagne, Charles II, dont la sur, Marie-Thrse, a pous Louis XIV, meurt.

    Son testament appelle au trne de Madrid Philippe, duc dAnjou, le deuxime petit-fils de sa sur

    et de Louis XIV [21], ou, dfaut, un Habsbourg (ce qui se traduirait par lencerclement de la

    France comme sous Franois Ier).

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    Louis XIV accepte le testament, et son petit-fils devient Philippe V, roi dEspagne. Mais son aeul lui

    maintient expressment le droit de rgner en France [22].

    Diverses puissances dEurope, notamment la Grande-Bretagne, qui craignent la conjonction des

    puissances franaise et espagnole, voire leur union sur une mme tte, entrent en guerre.

    Lempereur, qui voit la couronne dEspagne sortir de la maison de Habsbourg fait de mme.

    La guerre de succession dEspagne est difficile. Finalement, les adversaires signent la paix en 1713

    au trait dUtrecht.

    Philippe V est oblig, sous la pression de lennemi, de renoncer ses droits la couronne de

    France, ce qui constitue une violation de lindisponibilit tenue pour nulle par les contemporains

    [23].

    Par la suite, le mariage de Louis XV et la naissance dun dauphin firent passer cette controverse au

    second plan des proccupations royales.

    La branche des descendants de Louis XV sest teinte dans les mles en 1883.

    La France tait alors en Rpublique, et la question de savoir si les descendants de Philippe V

    dEspagne restaient aptes accder la couronne de France avait de ce fait perdu son intrt

    pratique immdiat.

    On notera cependant que plusieurs descendants de Philippe V ont rappel la position dynastique

    des ans de la Maison de Bourbon, et ipso facto leurs droits ventuels [24].

    Mais, ds le dbut du XVIIIe sicle, un autre incident avait soulign la nullit de toute

    manipulation de la loi de succession.

    LAFFAIRE DES PRINCES LGITIMS

    En 1714-1715, de nombreux dcs se produisent dans la famille royale. Il reste seulement

    larrire-petit-fils du roi (futur Louis XV), son neveu dtest, le duc Philippe dOrlans (futur

    rgent) et des cousins, les Conds. Le roi songe alors ses fils illgitimes, le duc du Maine et le

    comte de Toulouse [25].

    Par un dit de juillet 1714, le roi lgitime ses deux fils illgitimes et les rend habiles succder la

    couronne. Cest une violation de lindisponibilit, ainsi dailleurs que de lexclusion des btards

    admise depuis les Carolingiens, en 817. Le texte est cependant enregistr.

    Mais, lorsque Louis XIV meurt, en 1715, se produit une raction aristocratique. En juillet 1717, les

    dispositions de Louis XIV sont rvoques. En cas dextinction de la race rgnante, il appartiendrait

    aux tats Gnraux de choisir un nouveau roi.

    La motivation de ldit, pris au nom du jeune Louis XV, est intressante. Le Roy y dclare quil est

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    dans l heureuse impuissance de disposer de la couronne. La raffirmation de ce principe en

    1717 montre bien la caducit des renonciations de Philippe V en 1713.

    De mme que la couronne a t dissocie de la personne royale, le domaine, patrimoine de la

    couronne, va chapper la volont royale.

    Linalinabilit du domaine de la Couronne Retour la table des matires

    Comme on la vu, la fin du Moyen-ge, les progrs de la rflexion juridique et politique amnent

    distinguer le Roi et la couronne : cest lindisponibilit.

    Paralllement, les biens rattachs ladite couronne sont progressivement protgs des

    dilapidations : cest lorigine du principe dinalinabilit.

    Les rsistances mdivales lgard des alinations

    La population est hostile aux alinations du domaine pour des raisons fiscales.

    Au Moyen-ge, lon considre que le roi doit vivre des ressources de son domaine (finances

    ordinaires), et ne recourir laide fodale, origine de limpt (finances extraordinaires), que dans

    des cas exceptionnels. Or, en diminuant son domaine, le roi sappauvrissait, et ses sujets

    risquaient den subir les consquences.

    Lorsquil acquiert un territoire, le roi promet de ne pas laliner sans le consentement des

    intresss, et la population tient au respect de cette promesse. En particulier, les fodaux

    rappellent le caractre libre et personnel de lhommage (ainsi, lors du trait de Brtigny, en 1360,

    certains barons du Sud-Ouest protestent en allguant quil nest pas possible de les forcer faire

    hommage au roi dAngleterre contre leur gr).

    Nanmoins, il nexiste pas de principe dinalinabilit cette poque. La preuve en est que

    Philippe V le Long, lorsquil rvoque les alinations antrieures en 1318, se fonde sur leur

    caractre dexcs ou de captation, cest--dire sur un vice de consentement de lalinateur,

    principe de droit priv, et non sur une rgle de droit public.

    Naissance du principe dinalinabilit du domaine

    Les lgistes se montrent dfavorables des alinations qui remettent en cause leur travail de

    renforcement de la puissance royale. Ils vont donc laborer le principe dinalinabilit.

    En 1329, Philippe VI convoque une assemble de notables. cette occasion, le lgiste Pierre de

    Cugnires dclare que le roi ne peut aliner les droits de la couronne, car ils ne sont pas sa

    proprit. Il en dduit que le souverain doit rvoquer les alinations faites au dtriment du

    domaine.

    En 1358, le dauphin Charles, futur Charles V, qui administre le royaume au nom de Jean le Bon,

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    captif en Angleterre, prend une ordonnance (confirme par son pre en 1360), aux termes de

    laquelle sont rvoques toutes les alinations faites depuis Philippe le Bel, sauf les donations aux

    glises. En outre, il est interdit aux agents royaux de tenir compte des alinations passes et

    futures.

    Devenu roi, Charles V veut renforcer linalinabilit de manire solennelle. Ainsi fait-il ajouter au

    serment du sacre un passage dans lequel le nouveau roi jure de conserver les droits de la

    couronne.

    Finalement, les juristes laborent la thorie du mariage mystique entre le Roi et la couronne.

    De mme quun mari ne peut pas disposer de la dot de sa femme, dont il est seulement

    ladministrateur, ou un usufruitier du bien dont il use et peroit les fruits,

    de mme le Roi ne peut disposer du domaine, qui constitue la dot de la couronne.

    Dsormais le principe dinalinabilit du domaine est un principe de droit public qui existe par

    lui-mme. Il sera raffirm solennellement par des dits au XVIe sicle.

    Confirmation de la rgle dinalinabilit

    La rgle dinalinabilit dgage la fin du Moyen-ge tait mal respecte, comme le prouve

    lexistence aux XVe-XVIe sicles, dune dizaine dordonnances rvoquant les alinations

    antrieures et prohibant den faire de nouvelles.

    En fvrier 1566 fut pris un dit de Moulins (confirm en 1579 par ldit de Blois) qui proclamait de

    manire irrvocable et absolue linalinabilit du domaine de la couronne [26].

    Cette inalinabilit sappliquait au domaine fixe, cest--dire aux dpendances du domaine

    appartenant la couronne lors de lavnement du roi.

    En revanche, le domaine casuel (acquisitions du roi rgnant) restait alinable (sauf incorporation

    expresse au domaine ou administration pendant dix ans par les officiers royaux) [27].

    Ldit maintenait cependant deux exceptions traditionnelles linalinabilit, les apanages et les

    engagements [28], qui ont subsist jusqu la Rvolution.

    Un APANAGE (ad panem) est un bien domanial remis un cadet de la famille royale pour assurer

    sa subsistance. Les apanages taient concds titre de fief tenu du Roi. Mais, quoique membres

    de la famille royale, leurs titulaires risquaient, au bout de quelques gnrations, de constituer une

    nouvelle fodalit (cf. par exemple les ducs de Bourgogne).

    Les premiers apanages taient modestes, mais, partir de Louis VIII, ils sont constitus par des

    provinces entires.

    Ds le XIIIe sicle, les lgistes font apporter diverses restrictions au statut des apanages :

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    dfaut d hoir de corps de lapanagiste, cest--dire dhritier en ligne directe, lapanage doit

    faire retour la couronne (principe de rversion, proclam en 1284).

    Lapanage des filles se fait de prfrence en deniers ; sil se compose nanmoins de terres, celles-ci

    sont cdes sous condition de rachat. Ds le XIVe sicle, les lgistes soutiennent que le domaine

    de la couronne est par nature incommunicable aux femmes, ce qui les empche dhriter des

    apanages (ex : en 1477, Louis XI sempare de la Bourgogne, apanage du duc Charles le Tmraire,

    celui-ci ne laissant quune fille).

    Lorsquun prince dune branche cadette accde la couronne, ses apanages sont runis au

    domaine. Lapplication des ces rgles a assur le retour de la plupart des apanages la couronne.

    Par ailleurs, le roi se rserve dsormais certains droits dans les apanages (monnaie, impts,

    justice... ).

    Un ENGAGEMENT est une alination domaniale rvocable consentie quelquun qui a prt de

    largent au roi. Linstitution, apparue la fin du Moyen-ge, sera rglemente par le premier dit

    de Moulins.

    Quatre conditions taient exiges pour quil y ait engagement :

    les besoins financiers du royaume pour ncessit de guerre (ou dabsolue ncessit),

    le paiement comptant,

    une facult perptuelle de rachat par le roi, et

    la passation de lacte par lettres patentes vrifies par le Chancelier et par la Cour du Parlement .

    LE PRINCIPE DE CATHOLICIT

    Selon le principe de catholicit, le Roi de France doit appartenir la religion catholique.

    Ce principe na pas t dgag expressment au Moyen-ge, mais il tait implicite. En effet,

    depuis le baptme de Clovis, tous les rois de France sont catholiques. Depuis 751, le sacre

    raffirme cette ralit solennellement. En outre le Roi promet, depuis le XIIIe sicle, de chasser

    (exterminare) les hrtiques de ses terres.

    Mais ce nest quau XVIe sicle, avec la Rforme, son expansion dans le royaume et la cration

    dun puissant parti protestant arm, que le principe de catholicit va tre solennellement

    proclam afin dcarter le risque de voir un prince protestant accder au trne [29].

    Le point de dpart est de nouveau une querelle dynastique.

    Henri III, roi depuis 1574, na pas denfant de son mariage. Depuis la mort de son frre cadet en

    1584, son hritier salique est son lointain cousin Henri de Navarre, chef de la branche des

    Bourbons et protestant. Les catholiques sorganisent alors en un puissant mouvement politique, la

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    Ligue, sous la direction dun prince lorrain, le duc de Guise [30].

    En juillet 1588, Henri III, pouss par la Ligue, proclame ldit dUnion aux termes duquel il exclut de

    la succession la couronne tout prince protestant.

    Mais les empitements du duc de Guise sur son pouvoir poussent Henri III faire tuer le chef

    catholique en dcembre de la mme anne.

    Quoique ayant renouvel son adhsion ldit dUnion, Henri III se heurte alors la rvolte des

    Ligueurs, qui le forcent se rapprocher dHenri de Navarre. Il meurt assassin le 2 aot 1589,

    aprs avoir reconnu Henri de Navarre comme son hritier et lavoir incit revenir au

    Catholicisme.

    Henri de Navarre, devenu Henri IV selon la loi de succession, mais rest protestant, narrive pas

    se faire reconnatre.

    La Ligue a proclam roi le cardinal de Bourbon, son oncle paternel (catholique, mais deuxime

    dans lordre de succession), sous le nom de Charles X , mais ce prlat g est prisonnier de son

    neveu, et il meurt de mort naturelle ds 1590.

    Par ailleurs, la Ligue a form un gouvernement insurrectionnel Paris et a confi la lieutenance du

    royaume au duc de Mayenne, frre du duc de Guise.

    La situation sera dailleurs parfois tendue entre les autorits parisiennes, exaltes et

    rvolutionnaires, et le duc soucieux de sa fortune politique et inquiet des tendances

    dmagogiques et pro-espagnoles de ses allis.

    Recherchant un nouveau roi pour succder Charles X , la Ligue convoque les tats Gnraux

    en 1593.

    Les ambitions sont nombreuses. Outre Mayenne lui-mme, lon peut mentionner son cousin le

    marquis de Pont, le duc Charles-Emmanuel de Savoie. Par ailleurs, le roi dEspagne, qui tait

    intervenu militairement en France, proposait de faire monter sur le trne sa fille, linfante

    Claire-Isabelle, petite-fille de Henri II par sa mre, ce qui constituait la fois une violation de la

    primogniture, de la masculinit et de lindisponibilit de la couronne.

    Face ces ambitions, le Parlement de Paris rend une dcision clbre, larrt Lemaistre ou arrt de

    la loi salique, le 28 juin 1593. Cette dcision, si elle maintenait le refus dun hrtique, coupait

    court aux intrigues en raffirmant lexistence des lois fondamentales et en dclarant que le trne

    ne pouvait tre occup par un tranger . Le sens du mot tranger a suscit des discussions.

    Plutt que les non-Franais, il semble que larrt ait vis les candidats qui nappartenaient pas au

    sang royal de France [31].

    Les principes taient rappels, mais limpasse politique subsistait : lon navait pu remettre en

    cause la loi de succession, mais son maintien laissait le trne vacant.

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    Cest Henri IV qui va permettre de dbloquer la situation en abjurant le Protestantisme en 1593.

    Sacr Chartres en 1594, il obtint enfin le pardon du Pape en 1595. Par ailleurs, il russit

    obtenir, par les armes ou par la ngociation, la fin de la guerre civile.

    Par la suite, et jusqu la Rvolution, les deux lois de catholicit et de succession nont plus jamais

    t dissocies.

    CONCLUSION

    Les lois fondamentales constituent un ensemble forg de manire empirique : chacune de ces

    normes a rpondu des circonstances historiques particulires. La rigidit de lensemble a permis

    de rsoudre toutes les contestations dynastiques jusqu la Rvolution (ce qui na pas t le cas

    dans dautres pays, comme lEspagne ou la Grande-Bretagne).

    Le couronne de France se transmettait donc de mle en mle par ordre de primogniture, et cet

    ordre de succession ne pouvait tre modifi.

    Comme lcrivait Torcy, Ministre de Louis XIV, dans un mmoire labor loccasion des

    ngociations de paix avec la Grande-Bretagne, la fin de la guerre de succession dEspagne (1712)

    :

    Suivant ces lois, le prince le plus proche de la couronne en est lhritier ncessaire. Cest un

    patrimoine quil ne reoit ni du roi son prdcesseur, ni du peuple, mais du bnfice de la loi, en

    sorte quun roi cessant de vivre, lautre lui succde aussitt sans attendre le consentement de qui

    que ce soit (... )

    Il nest redevable de sa couronne ni au testament de son prdcesseur, ni aucun dcret, ni enfin

    la libralit de personne, mais la loi.

    Cette loi est regarde comme louvrage de Celui qui a tabli toutes les monarchies, et nous

    sommes persuads en France, que Dieu seul la peut abolir. Nulle renonciation ne peut donc la

    dtruire.

    [1] En droit, une coutume est un usage tenu pour obligatoire par le corps social, comme sil

    rsultait dune loi. Elle se forme par laccumulation de prcdents ( une fois nest pas coutume

    ).

    [2] Ce rite est une reprise de la conscration des rois juifs dcrite par lAncien Testament.

    [3] Lexistence dun sacre lpoque mrovingienne nest pas prouve.

    [4] Cependant, en raison de la guerre civile, Henri IV sera sacr Chartres.

    [5] La Chanson de Roland, qui date des environs de 1100, parle de douze pairs. partir du XIIIe

    sicle, les pairs ecclsiastiques sont les archevques ou vques-ducs de Reims, Laon et Langres,

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    et les vques-comtes de Beauvais, Noyon et Chlons ; les pairs laques sont les ducs dAquitaine,

    de Bourgogne et de Normandie, et les comtes de Champagne, de Flandre et de Toulouse.

    Lorsquils sont absents ou lorsque leur pairie a t rattache au royaume, les pairs dorigine sont

    remplacs par des membres de la famille royale (et non par les nouveaux pairs).

    [6] Au Moyen-ge, lon distinguait entre la promesse, simple engagement verbal, et le serment,

    qui y ajoute un geste (par exemple sur des reliques ou sur lvangile). Initialement, le Roi faisait

    une simple promesse. Au XIIe sicle, la distinction sassouplit. En sens inverse, la solennit de

    lengagement royal saccrot (engagement sur lvangile). Lon parle dsormais du serment du

    sacre .

    [7] Front, poitrine, dos, deux paules, deux jointures du bras, paumes des mains.

    [8] Henri IV a t sacr avec une sainte ampoule lie saint Martin et provenant de labbaye de

    Marmoutiers, prs de Tours.

    [9] Ce cri a t pouss pour la premire fois par le hraut darmes lors des funrailles de Charles

    VIII, en 1498.

    [10] Lan des fils du Roi porte le titre de dauphin depuis lachat par le Roi, au XIVe sicle, du

    Dauphin de Viennois.

    [11] Seuls font exception Jean Ier, enfant-roi qui na vcu que quelques jours (1316), Louis XVII,

    captif de la Rvolution (1792-1795) et Louis XVIII.

    [12] Mme ainsi, il faut se garder dassimiler cette institution aux lections modernes. Il ne sagit

    pas de la recherche dune majorit numrique, mais plutt dun processus de ralliement au prince

    puissant du moment.

    [13] Ce prince, Charles, n en 879, sera encore cart en 888 et ne rgnera que quelques annes

    plus tard (Charles III le Simple).

    [14] Carolingiens : Charles III le Simple (898-dtrn 923), Louis IV dOutremer (936-954), Lothaire

    (954-986), Louis V (986-987). Robertiens : Eudes (887-898), Robert Ier (922-923). Outre ces deux

    princes, il faut citer Raoul (923-936), duc de Bourgogne et gendre de Robert Ier.

    Il convient de noter le prestige que conserve la famille carolingienne, plusieurs fois carte, mais

    aussi plusieurs fois restaure. Les Robertiens font un peu figure dintrimaires.

    [15] Llection pouvait pourtant aboutir la dsignation de plusieurs rois. Ainsi le dernier partage

    a-t-il eu lieu en 879 (Louis III et Carloman) et a-t-il dur jusquen 882.

    Il se peut que labandon des partages ait t aussi li une influence de la fodalit : au Xe sicle,

    les comts sont indivisibles et attribus celui des enfants qui est le plus tt apte prendre les

    armes.

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    [16] Ce prince avait dj t cart lors de laccession au trne de son frre, et avait mauvaise

    rputation.

    [17] La primogniture sera complte par la reprsentation (cas o un descendant, mme en bas

    ge, de lan prime un cadet de celui-ci, pourtant dans la force de lge).

    [18] Ces vnements ont inspir la clbre srie romanesque de Maurice Druon Les Rois maudits.

    Sa lecture peut tre rcrative et utile pour prendre contact avec le Moyen-ge. Cependant le

    lecteur ne doit pas oublier que le roman historique reste un roman et que le romancier est amen

    prendre des liberts avec lhistoire...

    [19] Une lgende popularise par la littrature romantique situe cet pisode la Tour de Nesle,

    Paris.

    [20] Ce point de vue se heurte au principe suivant lequel nul ne peut transmettre plus de droits

    quil nen a. En outre, mme si lon admet le principe, la revendication du trne par douard III

    tait discutable. En effet, Jeanne, fille de Louis X le Hutin, carte du trne en 1316, et qui venait

    avant sa tante Isabelle, avait elle aussi un fils, Charles le Mauvais, roi de Navarre.

    [21] Lan tant destin rgner en France.

    [22] Cette ventualit de laccession dun roi Bourbon dEspagne ou de lun de ses descendants

    la couronne de France, admise dans son principe par Louis XIV et ses contemporains, conforte

    linterprtation du mot tranger (= tranger au sang royal de France) propose lors de ltude

    de larrt Lemaistre (cf. infra, rgle de catholicit).

    [23] Ainsi, en 1719, clata en Bretagne la conjuration de Pontcallec favorable Philippe V

    dEspagne et hostile au Rgent.

    [24] Le comte de Clermont (actuel comte de Paris), alors fils an du chef de la branche dOrlans,

    a contest le droit de lan des Bourbons, le duc dAnjou, descendant de Philippe V, se titrer

    duc dAnjou et porter les pleines armes de France. Le 21 dcembre 1988, le Tribunal de Grande

    Instance de Paris, tout en sestimant incomptent pour trancher la querelle dynastique, a

    considr que lan tait en droit dutiliser le titre et les armes litigieux (cf. J.C.P. 1989, d. G, II, N

    21213, note Ourliac). Le jugement a t confirm par la Cour dAppel de Paris (22 novembre

    1989).

    [25] Ces fils sont ns dun double adultre, le roi et leur mre, Madame de Montespan, tant

    maris chacun de son ct lpoque de leur naissance.

    [26] Curieusement limprescriptibilit du domaine qui renforait linalinabilit fit lobjet

    dordonnances distinctes en 1539 et 1667.

    [27] II est intressant dobserver que l dit de Moulins garde une certaine importance dans les

    institutions actuelles. En effet, outre le fait que le domaine de ltat est toujours inalinable et

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    imprescriptible, nul particulier ne peut avoir de droits privatifs sur des dpendances prsumes

    domaniales quen vertu de titres antrieurs cette date et manant de lautorit souveraine

    dans lexercice de son pouvoir administratif (CE. 31 juillet 1908, Si. 18911, 3, 9 ; D. 1910, 3, 30 ;

    13 octobre 1967, sieur Cazeaux, Rec. p. 368 ; Socit civile du domaine de Surot, 10 juillet 1970,

    Rec. P. 481-489).

    [28] En outre, un second dit de Moulins, galement de fvrier 1566, autorisa cependant la

    cession des terres, prez, marais et palus vagues . Ces biens peu importants auxquels dautres

    vinrent sajouter sous lAncien Rgime constituaient les petits domaines alinables, par

    opposition au grand domaine , inalinable vis par le premier dit.

    [29] Au XVIIe sicle triomphera en Europe la maxime cujus regio, ejus religio suivant laquelle

    les sujets doivent suivre la religion du Prince.

    [30] Certains gnalogistes complaisants vont tenter daccrditer la lgende suivant laquelle ces

    princes lorrains descendraient par les mles de Charles de Basse-Lorraine, le carolingien qui

    Huges Capet a t prfr par les grands...

    [31] En faveur de notre interprtation, lon peut observer que les divers candidats vincs

    pouvaient soit se dire franais au plan de la nationalit , soit se rattacher la dynastie

    captienne, mais par les femmes seulement... Par ailleurs, cest tort que certains auteurs ont

    prtendu tirer de larrt Lemaistre une prtendue rgle de nationalit . En effet, personne,

    mme parmi ses adversaires na prtendu quHenri IV ne pouvait pas rgner au motif quil tait roi

    de Navarre, cest--dire souverain dun royaume tranger. De mme, si une rgle de nationalit

    excluant les Captiens trangers avait exist, il aurait t inutile dexiger de Philippe V des

    renonciations la fin de la guerre de succession dEspagne.