La justice aux ordres

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spécial ALL 7.40 € / BEL 6.80 € / ESP 6.90 € / ITA 6.90 € / GR 6.90 € / PORT CONT 6.90 € / LUX 6.80 € / CH 11.80 FS / MAR 65 DH / TUN 6.9 TND / CAN 9.95 $ CAN / DOM 6.90 € / MAY 8.20 € / TOM/A 1650 CFP / TOM/S 900 CFP spécial LA JUSTICE AUX ORDRES - DÉCOUVERTE : VICENCE, LE TRÉSOR DE LA VÉNÉTIE JANVIER-FÉVRIER 2012 – N° 3 – 5,90€ NUMÉRO 3 JANVIER-FÉVRIER 2012 Au tribunAl de l’histoire la justice aux ordres Jésus renié, les templiers dépossédés, Jeanne d’Arc sacrifiée, Galilée humilié, louis XVi désacralisé, dreyfus dégradé… 3:HIKSLI=XUZ^U[:?a@k@a@n@a; M 08183 - 3 - F: 5,90 E - RD

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Du procès de Jésus à celui de Riom, faisant comparaître sous Vichy, les dirigeants de la IIIe République, la Justice n'a pas toujours brillé, au Tribunal de l'Histoire, par son indépendance. Des principes à la réalité, un numéro éclairant d'Historia Spécial sur la Justice aux ordres.

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spécia

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ALL 7.40 € / BEL 6.80 € / ESP 6.90 € / ITA 6.90 € / GR 6.90 € / PORT CONT 6.90 € / LUX 6.80 € / CH 11.80 FS / MAR 65 DH / TUN 6.9 TND / CAN 9.95 $ CAN / DOM 6.90 € / MAY 8.20 € / TOM/A 1650 CFP / TOM/S 900 CFP

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numéro 3 janvier-février 2012 Au tribunAl de l’histoire

la justice aux ordresJésus renié, les templiers dépossédés, Jeanne d’Arc sacrifiée, Galilée humilié, louis XVi désacralisé, dreyfus dégradé… 3:H

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6 historia spécial janvier-février 2012

sommaire numéro 3 – janvier-février 2012

04 le saviez-vous ?08 la justice fait son cinéma10 les dates clés12 repérage

antiquité16 la justice s’en lave les mains

Sommé de juger Jésus, Ponce Pilate, procurateur de Judée, cède à la vindicte populaire. Manquant à son devoir de magistrat, par Catherine Salles

24 l’esprit critique mis à mort Socrate est le bouc émissaire idéal. Il meurt en vic-time d’un excès de démocratie et de la dictature de l’ignorance, par Anne Bernet

moyen âge28 l’église instruit à charge

« Ce fut un beau procès », se vantent les juges qui ont condamné Jeanne d’Arc. Pour autant, le tribunal ecclésiastique ne sauve pas les appa-rences, par Bruno Nardeux

36 une procédure sans foi ni loi Dans l’affaire des Templiers, partiale entre toutes, les motifs religieux apparaissent comme de fallacieux prétextes, par Ghislain Brunel

40 lèse-majesté bien ordonnée Jacques Cœur mène une trop brillante carrière. Sa réussite provoque sa perte. Arrêté en 1451 sur ordre de Charles VII, il passe aux faux aveux sous la torture, par Laurent Vissière

époque moderne44 l’inquisition persécute un génie

Pourfendeur du conformisme intellectuel imposé par les jésuites, l’astronome et physicien Galilée soutient opiniâtrement que la Terre n’est pas le centre de l’univers. Ce qui lui vaut les foudres du Saint-Office, par Pascal Marchetti-Leca

52 sacrifié pour l’exemple Nicolas Fouquet, ministre des Finances, est condamné pour détournement de deniers publics. Louis XIV alourdit la peine, par Joëlle Chevé

56 condamné à tort parce que protestant En 1762, Jean Calas est supplicié à Toulouse. Son crime ? Être huguenot dans une France catholique, par Dominique Inchauspé

62 le prétoire renverse le trône Accusé de trahison envers la nation, Louis XVI est traduit devant la Convention. Il est plus mal traité qu’un citoyen, par Jean-Christian Petitfils

68 collé d’office au peloton d’exécution La mise à mort du duc d’Enghien, dernier prince de Condé, en 1804, est une tache indélébile sur Bo-naparte à la veille de l’Empire, par Thierry Lentz

époque contemporaine72 l’affaire qui dégrade l’armée

Des points de vue militaire, policier et judiciaire, le cas Dreyfus restera dans les annales comme un déni absolu de l’État de droit, par Vincent Duclert

80 des juges au service de l’indignité nationale Le gouvernement de Vichy fait comparaître à Riom les dirigeants de la IIIe République et les accuse de la défaite de 1940, par Michèle Cointet

84 l’invité du spécial Benoît Garnot, historien du droit

86 allez voirLa sélection de Véronique Dumas

110 jeux

découverte92 vicence, trésor caché de la vénétie

par Victor Battaggion, Joëlle Chevé, Robert Kassous et Véronique Dumas

Page 3: La justice aux ordres

janvier-février 2012 historia spécial 7

92 HISTORIA SPÉCIAL JANVIER-FÉVRIER 2012 JANVIER-FÉVRIER 2012 HISTORIA SPÉCIAL 93

On aurait tort de réduire cette région de l’Italie à la seule ville phare de Venise. Son autre fleuron se distingue par son patrimoine classé à l’Unesco. L’œuvre d’une vie, celle d’un enfant du pays : l’architecte de génie Palladio.

DÉCOUVERTEVicence, trésor caché de la Vénétie

94 PANORAMA Le cœur de ville transfiguré

par ses palais et ses loggias Des villas-temples

à l’unisson de la nature

98 VISITE GUIDÉE Le théâtre Olympique

104 IMPRESSIONS DE VOYAGE Ils ont écrit, ils ont peint

106 LIRE Ouvrages d’art, essais,

romans, guides de voyage et culinaires…la sélection d’Historia

108 PARTIR Nos conseils pour préparer votre séjour

La ville, située à une trentaine de kilomètres de Padoue et à une centaine de Venise, s’étend au pied des Dolomites.

84 historia spécial janvier-février 2012 janvier-février 2012 historia spécial 85

Propos recueillis par Éric Pincas

historia – historiquement, quelle est la juste définition d’une justice aux ordres ?

Benoît Garnot – Les quelques affaires qui obéissent à cette logique ont en commun quatre caractéristiques : un État velléitaire, voire coercitif ; des magistrats sinon servi-les, du moins réceptifs à ce que souhaitent les autorités ; des accusés dont la culpabilité n’est pas forcément évidente ; des senten-ces qui se veulent exemplaires vis-à-vis de l’opinion. Mais il convient de relativiser ce constat car dans l’immense majorité des cas, le problème ne se pose pas. Prenez l’affaire Calas. Au milieu du XVIIIe siècle, condam-ner un huguenot n’est pas contraire à la loi. Une justice aux ordres peut donc être légale tout en heurtant la morale. Quant aux procé-dures illégales – avec dissimulation volon-taire de documents par exemple – elles sont beaucoup plus rares.

h. – Quelle est, selon vous, la plus grande parodie de justice en france ?

B. G. – Les procès de la Terreur. La procédure et la défense sont purement et simplement supprimées, aucune enquête n’est menée ; le seul choix est celui de l’ac-quittement ou de la guillotine. Des dizaines de milliers de personnes sont victimes de ce système. Je pense aussi aux Sections spécia-les mises en place sous Pétain. Elles agissent de façon rétroactive contre les communistes alors même que les personnes poursuivies avaient affiché leur appartenance politique avant la création de ces juridictions d’excep-tion. C’est contraire aux règles du droit.

h. – existe-t-il des affaires où les magis-trats sont rentrés en résistance face aux pres-sions du pouvoir ? avec quelles conséquences ?

B. G. – Après le put sch d’A l ger d’avril 1961 par exemple, les généraux félons sont jugés. De Gaulle ordonne au procureur général de la Cour de cassation, Antonin Bes-son, de demander la peine de mort. Mais en son âme et conscience, ce dernier considère que ce crime mérite une peine de prison, pas davantage. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le Parquet, dépendant directement du pouvoir politique, les réquisitions par écrit doivent correspondre à ce que le minis-tre a demandé. Sur ce principe, Besson a bel et bien requis la peine de mort. Mais oralement, au procès, il a retrouvé sa liberté en vertu d’un vieil adage toujours valable aujourd’hui : « La plume est serve mais la parole est libre ». Le procureur atténue donc la peine exigée par De Gaulle. La carrière de Besson s’est brisée net. Il a été mis en retraite d’office !

On a trop souvent tendance à dire que les juges sont à plat ventre devant le pouvoir… Certes, quand un État a besoin de juges pour une affaire précise, il les trouve toujours, ne serait-ce que pour des raisons de carrière. Mais il doit les choisir prudem-ment car tous ne sont pas inféodés. Toujours

est-il que depuis la Révolution, les carrières des magistrats sont dans les mains de la chancellerie et du pouvoir politique. C’est un problème. De plus, quelle que soit l’époque, il y a dans la magistrature une culture du conformisme. Les magistrats sont là pour appliquer la loi, même si celle-ci est inique.

h. – Quid de la séparation des pouvoirs ?B. G. – Montesquieu la développe dans

L’Esprit des lois. Il distingue le pouvoir exé-cutif, législatif et judiciaire, mais n’a jamais dit que ce dernier devait être l’égal des deux autres. Dans les faits, c’est la Révolution qui proclame l’application de cette séparation. Car auparavant, la justice était le premier pouvoir du roi. Les juges ne l’exerçaient que par délégation. En réalité, la France n’a jamais eu de séparation des pouvoirs. Dans les différentes Constitutions, ne figure jamais l’expression « pouvoir judiciaire » mais « autorité judiciaire ». Celle-ci est mise sous la domination du pouvoir exécutif.

h. – le nombre des « affaires » conforte l’idée que l’exécutif s’immisce dans le judiciaire.

B. G. – Jusqu’en 1970, un politique impli-qué dans une affaire de corruption n’avait rien à craindre. Puis sont arrivés des magis-trats qui ont connu Mai 68, issus de milieux moins élevés et qui sont entrés à l’École de la magistrature sur concours. Ils considèrent qu’un homme politique doit être traité comme n’importe quel justiciable. Mais une telle démarche a fait scandale. Certains magis-trats, comme le juge Halphen dans l’affaire des HLM de la ville de Paris, ont été dessaisis du dossier. On assiste à un contrôle accru du pouvoir politique depuis le début des années 2000. Il y a là un paradoxe : aujourd’hui, cela ne choque plus qu’un homme politique soit pour-suivi. Mais dans le même temps, le Parquet a été repris en main de façon évidente depuis une dizaine d’années. Les seuls aujourd’hui qui peuvent poursuivre un homme politique sont les juges d’instruction. Il était question il y a peu de les supprimer pour donner le monopole au Parquet. Ce n’est pas un hasard, car leurs investigations politico-financières devenaient gênantes. Le projet reste pour l’instant en sommeil. Jusqu’à quand ? LBenoît Garnot a publié “Histoire de la jus-tice. France XVIe-XXIe siècles” (Folio, 2009).

Professeur d’Histoire moderne à l’université de Bourgogne, cet éminent spécialiste de l’histoire de la justice dresse un constat implacable sur son indépendance… toute relative.

« La France  n’a jamais eu de vraie séparation des pouvoirs. La Constitution ne mentionne pas le pouvoir judiciaire.  

On lui préfère  la notion d’autorité judiciaire, dominée par l’exécutif. »

Benoît GarnotL’invité du Spécial

L’enquêteIl n’existe pas de police judiciaire à proprement parler. Louis XIV instaure la lieutenance générale de police, qui juge les contraventions et instruit les procès pour les infractions graves. Installée au Châtelet, elle agit sous l’autorité du Parlement de Paris, en lien avec les plus hautes autorités de l’État.

Le procèsLe juge lit son rapport, fait à partir des procès-verbaux. L’accusé subit son dernier interrogatoire, toujours sur la sellette. Éventuellement, il est autorisé à s’exprimer pour démontrer son innocence ou sa légitime défense.

L’enquêteConfiée à la police judiciaire, chargée de constater les infractions, de rassembler les preu-ves et d’en rechercher les auteurs. Des préro-gatives exercées dans un cadre juridique très strict et sous le contrôle du procureur de la République.

Le procèsLes contraventions sont jugées au tribunal de police, les délits, au tribu-nal correctionnel, et les crimes – ne pas confondre avec les meurtres – à la cour d’assises. Pour ces derniers, la procédure se déroule en public ou à huis clos, en fonction de la défense. La cour est composée de neuf jurés tirés au sort et de trois magistrats. Le procureur, ou avocat général, repré-sente le ministère public, la collectivité nationale.

La sentencePour rendre son verdict, la cour doit décider si l’accusé est coupable. Elle prend en considé-ration les circonstances du crime, le passé per-sonnel de l’accusé, sa responsabilité, le préju-dice sur la victime. Si le prévenu est déclaré non coupable, il bénéficie d’un acquittement.

La peineL’emprisonnement est la condamnation cou-rante. Mais la justice ne se contente pas de punir. Elle propose des mesures de médiation et condamne à des peines avec sursis ou mise à l’épreuve. Elle favorise la réinsertion, ou les peines alternatives qui n’excluent pas l’individu de la communauté.

L’instructionPhase pendant laquelle le juge d’instruction réunit tous les élé-ments nécessaires à la manifestation de la vérité (expertises, per-quisitions, auditions, confrontations) afin que le tribunal juge en connaissance de cause. Ce magistrat instruit à charge et à décharge, mais en aucun cas ne prononce de sentence.

La preuveLa présomption d’inno-cence pose le principe selon lequel c’est au demandeur d’apporter la preuve, donc à l’ac-cusation. Les preuves scientifiques (balistique, empreintes digitales et génétiques) prennent une place croissante dans l’investigation.

L’accuséIl a le droit de se défen-dre lui-même, de choisir son avocat, ou d’être assisté gratuitement par un avocat commis d’office. Dans la salle d’audience, il se tient dans un box sous la surveillance des gen-darmes. Il doit répondre aux questions de la cour, mais peut intervenir à tout moment.

La sentenceElle est prononcée par les juges eux-mêmes, mais la loi n’est pas précise. Il n’existe aucune classifi-cation des fautes, ce qui entraîne un flou juridique. Le droit est essentiel-lement pratique et la distinction que l’on fait aujourd’hui entre contra-vention, délit et crime n’existe pas alors.

La peineElle a pour seul objectif l’expiation du coupable par des châtiments corpo-rels. La prison pour peine est à l’époque quasiment inexistante.

L’instructionLe magistrat recueille les informations et confronte les témoins. Les conclusions sont consignées par écrit. Tout se passe dans le plus grand secret : les éléments circulent seulement entre le juge et le ministère public, c’est-à-dire les officiers responsables des intérêts de la société.

La preuveDans le système des “preuves légales” le juge ne doit pas se prononcer seulement en fonction de son intime conviction. Il a besoin de l’aveu de l’accusé. L’usage de la torture en est la conséquence.

L’accuséIl comparaît seul devant une juridiction siégeant à huis clos, sans l’assistance d’un défenseur. Même s’il n’avoue rien, il peut être condamné puisqu’il est présu-mé coupable. Son interrogatoire se passe sur la sellette, petit tabouret infamant.

AUDIENCE : séance d’une juridiction, en souvenir de l’époque où le roi donnait lui-même audience à ceux de ses sujets qui lui réclamaient justice.BARRE : ferme le quatrième côté du parquet. Là interviennent les témoins et les avocats.

BARREAU : ensemble des avocats, qui se tiennent derrière la barre. BÂTONNIER : chef de l’ordre des avocats, a le privilège conféré par le roi de porter le bâton, bannière de la confrérie de saint Nicolas à laquelle appartiennent les avocats.COUR : souvenir des premières cours royales, composées de conseillers du roi.GREFFIER : du grec graphein, “écrire”, officier ministériel qui “tenait la plume” à l’audience.HUISSIER : chargé de garder les portes de la

chambre du souverain, d’en ouvrir les battants ou d’en maintenir les “huis” clos. Il doit aussi contrôler l’accès au parquet de la cour, en priant ceux qui ne sont pas admis de demeurer sur le sol pavé de la salle, d’où l’expression “rester sur le carreau”.MAGISTRAT : émanation du pouvoir royal, revêt les insignes régaliens : il porte la robe de couleur pourpre et une coiffure appelée mortier, chapeau de velours rond qui rappelle la couronne, orné d’argent ou de rouge.

PALAIS : bâtiment judiciaire avec ses salles d’audience, appelées chambres, du nom de la chambre d’apparat du roi où les juges siègent au palais royal.PARQUET : lieu où se tiennent les magistrats, tout en bois et fermé sur trois côtés, dénommé au départ petit parc ; le terme a par la suite été utilisé pour désigner un plancher.

REPÉRAGEComment fonctionne la justice…

…sous la monarchie

Les mots pour comprendre

…sous la république

Au fil des siècles, cette institution s’est toujours adaptée aux évolutions de la société. Passant d’une justice d’origine divine, rendue ou déléguée par le roi, à une autorité exercée au nom du peuple français.

10 HISTORIA SPÉCIAL JANVIER-FÉVRIER 2012 JANVIER-FÉVRIER 2012 HISTORIA SPÉCIAL 11

LES DATES CLÉS 1804 Promulgation

du Code civil de Bonaparte.

Recueil de lois qui réglemente la vie civile des Français, de la naissance à la mort, il entérine les nombreux acquis de la Révolution, comme la liberté individuelle, l’égalité devant la loi, la laïcité de l’État. Il fonde les bases écrites de notre droit moderne en marquant la fin des législations particulières pour les régions du Nord et du Sud, la même loi s’appliquant à tous. Il inspire d’autres pays.

1867 Suite à l’Affaire du Courrier de Lyon où un

certain Lesurques (photo) futvictime d’une erreur judi-ciaire, la loi du 8 juin permet de réhabiliter un condamné, même mort, s’il est innocent.

1958 La nouvelle Constitution réforme

la justice : elle prévoit le sursis avec mise à l’épreuve, l’assistance judiciaire gratuite, la légalisation de la garde à vue avec garanties.

1981 La France, sous l’impulsion de Robert Badinter

alors Garde des Sceaux, abolitla peine capitale (9 octobre). Et par là même, le droit de grâce présidentiel qui lui était directement lié, disparaît.

1539L’ordonnance de Villers-Cotterêts

distingue deux phases dans un procès. Le juge d’instruction instruit sans prononcer de sentence, tandis que le procureur du roi requiert.

1670 Ordonnance de Saint-Germain-en-Laye. Les

magistrats entendent témoins et accusés secrètement. La “preuve légale” fait foi. Cette procédure restera en vigueur jusqu’à la Révolution.

1789 Abolition des privilèges (nuit du 4 août). Fin

de la justice seigneuriale et de la vénalité des offices. La justice repose sur la légalité des délits et des peines, et la présomption d’innocence.

1791Premier Code pénal. La peine corporelle est

remplacée par l’enfermement, désormais au centre du dispositif judiciaire ; la prison étant un lieu de punition et d’amendement du condamné par le travail et l’éducation. On conserve la peine de mort et les travaux forcés. Les jurés font appel à leur intime conviction, ce qui supprime l’ancien système des “preuves légales”, c’est-à-dire l’aveu extorqué sous la torture.

8 HISTORIA SPÉCIAL HISTORIA SPÉCIAL 9

1 TROP CLICHÉ La Jeanne d’Arc, de Victor Fleming (1948) est, certes, émouvante à souhait, mais Ingrid Bergman est trop belle et trop âgée pour le rôle. De surcroît, la dimension spirituelle de la vie de la Pucelle est écartée au profit des jolies images et des scènes d’action. Le climat de l’époque est cependant assez bien restitué et le procès finement reconstitué.

4 FAÇON CATCH La Passion du Christ, de Mel Gibson (2004) relatant les dernières heures de la vie du Nazaréen, est odieux et repoussant. Sous prétexte de réalisme, on exhibe un Jésus charcuté à plaisir par ses bourreaux. On ignorait qu’il avait une pareille carrure. Bel exemple de lourdeur pachydermique. Quant à l’Histoire…

2 SPECTACULAIRE Le premier épisode de la série télévisée Les Rois maudits de Josée Dayan (2005) montre avec force détails le jugement et le bûcher des Templiers. De grands acteurs, dont Jeanne Moreau en comtesse Mahaut et Depardieu en Grand Maître (ci-contre), et une très belle mise en scène.

3 POUR MÉMOIRE L’Affaire du courrier de Lyon, réalisé par Léon Poirier en 1923, a été éclipsé par la version de Maurice Lehman et Claude Autant-Lara (1937). Ce film muet, certes pas immortel, a eu au moins le mérite de faire connaître un fait divers survenu sous le Directoire, où le citoyen Lesurques fut victime d’une terrible erreur judiciaire.

5 IMPECCABLE L’Affaire Dreyfus se prête bien au cinéma. La mouture d’Yves Boisset, réalisée en 1995 sur un scénario de l’écrivain Jorge Semprun, raconte la prise de conscience progressive qui en-flamme les milieux intellectuels de l’épo-que. Ce film respecte la vérité historique au plus près. Un must.

6 MINUTIEUX La série de Laurent Heynemann, Le Roi, l’Écureuil et la Couleu-vre (2011), nous met au cœur de la rivalité qui oppose Fouquet (Loránt Deutsch) à Colbert (Thierry Fré-mont) pour gagner la faveur de Louis XIV (Davy Sardou). Le scé-nario est travaillé, les décors, les costumes et les maquillages sont irréprochables. La scène de l’arres-tation de Fouquet (ci-contre) est d’une fidélité exemplaire.

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LA JUSTICE FAIT SON CINÉMA

4 HISTORIA SPÉCIAL JANVIER-FÉVRIER 2012

LE SAVIEZ-VOUS ?

10. Le duc d’Enghien fait face au peloton d’exécution avec :

a. son chienb. son chatc. son cheval

9. Il est l’un des trois avocats de Louis XVI :

a. Tranchetb. Malherbec. de Sèze

8. Galilée se met à dos l’Église en affirmant que :

a. la Terre est rondeb. le Soleil est au centre de l’universc. Dieu n’existe pas

7. Quel pape poursuit les Templiers ?

a. Clément Vb. Benoît XIc. Jean XXII

6. Jacques Cœur, coupable de crime de lèse-majesté, occupe la fonction :

a. de grand argentier du roib. de chancelier de Francec. de premier chambellan

5. Sous l’Ancien Régime, lorsqu’il ne la délègue pas, le roi exerce la justice :

a. aveugleb. expéditivec. retenue

3. L’ordonnateur du procès de Jeanne d’Arc est :

a. Pierre Cauchonb. Pierre Ronchonc. Pierre Pochtron

2. Quel poison Socrate est-il condamné à boire ?

a. l’arsenicb. le cyanurec. la ciguë

1. Par quelle institution juive Jésus est-il jugé ?

a. le consistoireb. le sanhedrinc. le rabbinat

Réponses du quiz Borgia de novembre-décembre : 1b ; 2c ; 3b ; 4a ; 5c ; 6b ; 7c ; 8c ; 9b ; 10b.

Les réponses sont à découvrir dans le prochain numéro d’Historia spécial en kiosque début mars.

4. La Constitution de 1958 reconnaît :

a. le pouvoir judiciaireb. la puissance judiciairec. l’autorité judiciaire

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L’enquêteIl n’existe pas de police judiciaire à proprement parler. Louis XIV instaure la lieutenance générale de police, qui juge les contraventions et instruit les procès pour les infractions graves. Installée au Châtelet, elle agit sous l’autorité du Parlement de Paris, en lien avec les plus hautes autorités de l’État.

Le procèsLe juge lit son rapport, fait à partir des procès-verbaux. L’accusé subit son dernier interrogatoire, toujours sur la sellette. Éventuellement, il est autorisé à s’exprimer pour démontrer son innocence ou sa légitime défense.

La sentenceElle est prononcée par les juges eux-mêmes, mais la loi n’est pas précise. Il n’existe aucune classifi-cation des fautes, ce qui entraîne un flou juridique. Le droit est essentiel-lement pratique et la distinction que l’on fait aujourd’hui entre contra-vention, délit et crime n’existe pas alors.

La peineElle a pour seul objectif l’expiation du coupable par des châtiments corpo-rels. La prison pour peine est à l’époque quasiment inexistante.

L’instructionLe magistrat recueille les informations et confronte les témoins. Les conclusions sont consignées par écrit. Tout se passe dans le plus grand secret : les éléments circulent seulement entre le juge et le ministère public, c’est-à-dire les officiers responsables des intérêts de la société.

La preuveDans le système des “preuves légales” le juge ne doit pas se prononcer seulement en fonction de son intime conviction. Il a besoin de l’aveu de l’accusé. L’usage de la torture en est la conséquence.

L’accuséIl comparaît seul devant une juridiction siégeant à huis clos, sans l’assistance d’un défenseur. Même s’il n’avoue rien, il peut être condamné puisqu’il est présu-mé coupable. Son interrogatoire se passe sur la sellette, petit tabouret infamant.

AuDIEnCE : séance d’une juridiction, en souvenir de l’époque où le roi donnait lui-même audience à ceux de ses sujets qui lui réclamaient justice.BArrE : ferme le quatrième côté du parquet. Là interviennent les témoins et les avocats.

BArrEAu : ensemble des avocats, qui se tiennent derrière la barre. BâTonnIEr : chef de l’ordre des avocats, a le privilège conféré par le roi de porter le bâton, bannière de la confrérie de saint Nicolas à laquelle appartiennent les avocats.Cour : souvenir des premières cours royales, composées de conseillers du roi.GrEffIEr : du grec graphein, “écrire”, officier ministériel qui “tenait la plume” à l’audience.HuISSIEr : chargé de garder les portes de la

chambre du souverain, d’en ouvrir les battants ou d’en maintenir les “huis” clos. Il doit aussi contrôler l’accès au parquet de la cour, en priant ceux qui ne sont pas admis de demeurer sur le sol pavé de la salle, d’où l’expression “rester sur le carreau”.MAGISTrAT : émanation du pouvoir royal, revêt les insignes régaliens : il porte la robe de couleur pourpre et une coiffure appelée mortier, chapeau de velours rond qui rappelle la couronne, orné d’argent ou de rouge.

repérageComment fonctionne la justice…

…sous la monarchie

Les mots pour comprendre

Page 5: La justice aux ordres

L’enquêteConfiée à la police judiciaire, chargée de constater les infractions, de rassembler les preu-ves et d’en rechercher les auteurs. Des préro-gatives exercées dans un cadre juridique très strict et sous le contrôle du procureur de la République.

Le procèsLes contraventions sont jugées au tribunal de police, les délits, au tribu-nal correctionnel, et les crimes – ne pas confondre avec les meurtres – à la cour d’assises. Pour ces derniers, la procédure se déroule en public ou à huis clos, en fonction de la défense. La cour est composée de neuf jurés tirés au sort et de trois magistrats. Le procureur, ou avocat général, repré-sente le ministère public, la collectivité nationale.

La sentencePour rendre son verdict, la cour doit décider si l’accusé est coupable. Elle prend en considé-ration les circonstances du crime, le passé per-sonnel de l’accusé, sa responsabilité, le préju-dice sur la victime. Si le prévenu est déclaré non coupable, il bénéficie d’un acquittement.

La peineL’emprisonnement est la condamnation cou-rante. Mais la justice ne se contente pas de punir. Elle propose des mesures de médiation et condamne à des peines avec sursis ou mise à l’épreuve. Elle favorise la réinsertion, ou les peines alternatives qui n’excluent pas l’individu de la communauté.

L’instructionPhase pendant laquelle le juge d’instruction réunit tous les élé-ments nécessaires à la manifestation de la vérité (expertises, per-quisitions, auditions, confrontations) afin que le tribunal juge en connaissance de cause. Ce magistrat instruit à charge et à décharge, mais en aucun cas ne prononce de sentence.

La preuveLa présomption d’inno-cence pose le principe selon lequel c’est au demandeur d’apporter la preuve, donc à l’ac-cusation. Les preuves scientifiques (balistique, empreintes digitales et génétiques) prennent une place croissante dans l’investigation.

L’accuséIl a le droit de se défen-dre lui-même, de choisir son avocat, ou d’être assisté gratuitement par un avocat commis d’office. Dans la salle d’audience, il se tient dans un box sous la surveillance des gen-darmes. Il doit répondre aux questions de la cour, mais peut intervenir à tout moment.

PaLaIS : bâtiment judiciaire avec ses salles d’audience, appelées chambres, du nom de la chambre d’apparat du roi où les juges siègent au palais royal.PaRquEt : lieu où se tiennent les magistrats, tout en bois et fermé sur trois côtés, dénommé au départ petit parc ; le terme a par la suite été utilisé pour désigner un plancher. In

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…sous la république

Au fil des siècles, cette institution s’est toujours adaptée aux évolutions de la société. Passant d’une justice d’origine divine, rendue ou déléguée par le roi, à une autorité exercée au nom du peuple français.

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16 historia spécial janvier-février 2012

antiquité

par Catherine Salles

Ponce Pilate, le procurateur de Judée, n’est pas à la hauteur de la situation. Sommé de juger Jésus, malgré ses doutes, il cède à la vindicte populaire. Manquant ainsi à ses obligations de magistrat.

la justice s’en lave les mains

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janvier-février 2012 historia spécial 17

la justice s’en lave les mains

un geste qui fera date. Face au risque d’émeute, Pilate abandonne Jésus à la foule, puis déclare : “Je suis innocent du sang de ce juste. Vous, vous y aviserez.” Façon de dire qu’il se dégage de toute responsabilité. • Josef von Führich, 1880, Jesu Kirche, Weiler, Autriche.

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historia – historiquement, quelle est la juste définition d’une justice aux ordres ?

Benoît Garnot – Les quelques affaires qui obéissent à cette logique ont en commun quatre caractéristiques : un État velléitaire, voire coercitif ; des magistrats sinon servi-les, du moins réceptifs à ce que souhaitent les autorités ; des accusés dont la culpabilité n’est pas forcément évidente ; des senten-ces qui se veulent exemplaires vis-à-vis de l’opinion. Mais il convient de relativiser ce constat car dans l’immense majorité des cas, le problème ne se pose pas. Prenez l’affaire Calas. Au milieu du XVIIIe siècle, condam-ner un huguenot n’est pas contraire à la loi. Une justice aux ordres peut donc être légale tout en heurtant la morale. Quant aux procé-dures illégales – avec dissimulation volon-taire de documents par exemple – elles sont beaucoup plus rares.

h. – Quelle est, selon vous, la plus grande parodie de justice en france ?

B. G. – Les procès de la Terreur. La procédure et la défense sont purement et simplement supprimées, aucune enquête n’est menée ; le seul choix est celui de l’ac-quittement ou de la guillotine. Des dizaines de milliers de personnes sont victimes de ce système. Je pense aussi aux Sections spécia-les mises en place sous Pétain. Elles agissent de façon rétroactive contre les communistes alors même que les personnes poursuivies avaient affiché leur appartenance politique avant la création de ces juridictions d’excep-tion. C’est contraire aux règles du droit.

h. – existe-t-il des affaires où les magis-trats sont rentrés en résistance face aux pres-sions du pouvoir ? avec quelles conséquences ?

B. G. – Après le put sch d’A l ger d’avril 1961 par exemple, les généraux félons sont jugés. De Gaulle ordonne au procureur général de la Cour de cassation, Antonin Bes-son, de demander la peine de mort. Mais en son âme et conscience, ce dernier considère que ce crime mérite une peine de prison, pas davantage. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le Parquet, dépendant directement du pouvoir politique, les réquisitions par écrit doivent correspondre à ce que le minis-tre a demandé. Sur ce principe, Besson a bel et bien requis la peine de mort. Mais oralement, au procès, il a retrouvé sa liberté en vertu d’un vieil adage toujours valable aujourd’hui : « La plume est serve mais la parole est libre ». Le procureur atténue donc la peine exigée par De Gaulle. La carrière de Besson s’est brisée net. Il a été mis en retraite d’office !

On a trop souvent tendance à dire que les juges sont à plat ventre devant le pouvoir… Certes, quand un État a besoin de juges pour une affaire précise, il les trouve toujours, ne serait-ce que pour des raisons de carrière. Mais il doit les choisir prudem-ment car tous ne sont pas inféodés. Toujours

Professeur d’Histoire moderne à l’université de Bourgogne, cet éminent spécialiste de l’histoire de la justice dresse un constat implacable sur son indépendance… toute relative.

« La France  n’a jamais eu de vraie séparation des pouvoirs. La Constitution ne mentionne pas le pouvoir judiciaire.  

On lui préfère  la notion d’autorité judiciaire, dominée par l’exécutif. »

Benoît GarnotL’invité du Spécial

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Propos recueillis par Éric Pincas

est-il que depuis la Révolution, les carrières des magistrats sont dans les mains de la chancellerie et du pouvoir politique. C’est un problème. De plus, quelle que soit l’époque, il y a dans la magistrature une culture du conformisme. Les magistrats sont là pour appliquer la loi, même si celle-ci est inique.

h. – Quid de la séparation des pouvoirs ?B. G. – Montesquieu la développe dans

L’Esprit des lois. Il distingue le pouvoir exé-cutif, législatif et judiciaire, mais n’a jamais dit que ce dernier devait être l’égal des deux autres. Dans les faits, c’est la Révolution qui proclame l’application de cette séparation. Car auparavant, la justice était le premier pouvoir du roi. Les juges ne l’exerçaient que par délégation. En réalité, la France n’a jamais eu de séparation des pouvoirs. Dans les différentes Constitutions, ne figure jamais l’expression « pouvoir judiciaire » mais « autorité judiciaire ». Celle-ci est mise sous la domination du pouvoir exécutif.

h. – le nombre des « affaires » conforte l’idée que l’exécutif s’immisce dans le judiciaire.

B. G. – Jusqu’en 1970, un politique impli-qué dans une affaire de corruption n’avait rien à craindre. Puis sont arrivés des magis-trats qui ont connu Mai 68, issus de milieux moins élevés et qui sont entrés à l’École de la magistrature sur concours. Ils considèrent qu’un homme politique doit être traité comme n’importe quel justiciable. Mais une telle démarche a fait scandale. Certains magis-trats, comme le juge Halphen dans l’affaire des HLM de la ville de Paris, ont été dessaisis du dossier. On assiste à un contrôle accru du pouvoir politique depuis le début des années 2000. Il y a là un paradoxe : aujourd’hui, cela ne choque plus qu’un homme politique soit pour-suivi. Mais dans le même temps, le Parquet a été repris en main de façon évidente depuis une dizaine d’années. Les seuls aujourd’hui qui peuvent poursuivre un homme politique sont les juges d’instruction. Il était question il y a peu de les supprimer pour donner le monopole au Parquet. Ce n’est pas un hasard, car leurs investigations politico-financières devenaient gênantes. Le projet reste pour l’instant en sommeil. Jusqu’à quand ? LBenoît Garnot a publié “Histoire de la jus-tice. France XVIe-XXIe siècles” (Folio, 2009).

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Notre sélection des meilleurs rendez-vous afin de prolonger le plaisir de ce Spécial.

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Dans les petits papiers des avocatsPour la première fois, le grand public a accès à des fac-similés de documents tirés des archives du Barreau de Paris en lien avec dix-sept procès marquants : de l’affaire Calas à la défense du maréchal Pétain. Notes de plaidoiries, croquis d’audiences, cartes postales satiriques d’époque, lettres d’accusés, sont présentés dans des pochettes et s’ajoutent aux pièces illustrant le texte. L’auteur, Yves Ozanam, archiviste de l’ordre, replace chacune des affaires dans son contex-te historique. Ces documents révèlent le difficile travail des avocats et la façon dont ils élaborent une argumentation pour convaincre les juges, parfois au péril de leur vie comme Chauveau-Lagarde, l’avocat de Marie-Antoinette. L $ Les Grandes Plaidoiries. Archives et documents pour l’Histoire, d’Yves Ozanam. La Martinière, 172 p., 39 €.

Par Véronique Dumas

la parole est à la défense